Son dessèchement pour des terres nouvelles
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Lors du peuplement de l’ouest Mitidja, le problème du lac Halloula se posa immédiatement. La proximité du lac devait avoir une influence déterminante sur la mortalité. Celle-ci s’élèvera en moyenne à 95,2 pour mille à Marengo; 121,3 à Ameur et 92,9 à Bourkika; alors que dans les centres éloignés de la cuvette, elle est de 47,6 à la Chiffa, 47,6 à Mouzaïaville et 34,9 à Beni-Méred, pourtant près de Boufarik.
Dès 1850, plusieurs projets furent présentés à l’administration pour son dessèchement.
L’ingénieur des Ponts et Chaussées Rougemont proposa un canal de déversement de 7,6 km vers l’oued Djer, alimenté par quatre fossés creusés dans le lac. L’administration le différa en raison de son coût (650.000 francs).
De Malglaive présenta alors son premier projet. Il pensait que les alluvions apportées par l’oued Bourkika et l’Oued Djer étaient responsables des seuils de l’est et de l’ouest qui fermaient la cuvette. Il proposa donc de détourner ces deux oueds vers le point sud du lac. Les alluvions apportées combleraient la cuvette, les eaux étant dirigées vers le lit aval de l’Oued-Djer, affluent du Mazafran, lequel les déverserait à la mer. Le projet prévoyait une dépense de 300.000 francs, 185.000 en employant la main-d’œuvre militaire. L’administration ne retint pas ce projet et nomma une commission chargée d’étudier les différentes propositions, et de les soumettre à la Commission supérieure des Ponts et Chaussées.
Le Général Chabaud de la Tour proposa de creuser à travers les collines du Sahel un tunnel d’évacuation. Le projet fut jugé trop onéreux et rejeté. Pourtant, c’était le projet le plus intéressant, mais il ne devait être réalisé que près d’un siècle plus tard.
Les Ponts et Chaussées firent procéder dans la cuvette à des sondages, pensant qu’il serait peut-être possible d’évacuer les eaux à travers la couche imperméable qui les retenait : résultat négatif.
De Malglaive présenta un second projet : dans ce dernier, l’Oued-Djer ne serait pas détourné depuis le pied de l’Atlas, mais d’un point distant du lac de 2 km seulement, Les résultats étant jugés problématiques par la Commission, le projet fut rejeté.
L’ingénieur des Ponts et Chaussées Hardy reprit le projet Rougemont mettant le lac en communication avec l’O.-Djer inférieur. Il préconisait de réaliser les travaux en hiver pour éviter le paludisme, et de laisser un bouchon à la prise du canal. La poussée des eaux ferait sauter le bouchon, et leur force approfondirait le canal.
Ce projet fut accepté par la Commission supérieure des Ponts et C. qui demanda également qu’on favorise par des travaux le dérivation de l’O.-Djer dans l’O.-Bou-Roumi, Il fut également adopté par le Ministre (17.07.58) alors qu’il était déjà en train de se réaliser.
Des sociétés privées avaient entre temps demandé la concession de dessèchement du lac : Société Pinondel de la Bertoche, Girardin, Duval et Cie et Société Tascher de la Pagerie, Ces propositions n’eurent pas de suite.
Le territoire du lac passa â l’administration civile et les Ponts et Chaussées poursuivirent les travaux de dessèchement. Ils durèrent cinq ans et coûtèrent 134.000 francs. Un grand fossé rectiligne déversait les eaux dans l’0.-Djer. La surface inondée par les pluies d’hiver se trouvait réduite â 500 ha, ce qui était encore important.
D’avril à juin 1862, une enquête demandée pas le Préfet à l’ingénieur en chef, a pour but de préparer les bases sur lesquelles les terrains conquis sur le lac seront livrés à la colonisation.
Dans son rapport, l’ingénieur Aymard fixe la date de
formation du lac à un siècle environ. Il le décrit peuplé d’anguilles,
de poissons, carpes, tanches, "avec des sangsues dont nous avons vu en
certains points les eaux toutes noires". Il préconise :
d’attendre 2 à 3 ans d’insolation,
une plantation le long du grand canal sur 5 km,
pour
les concessions, la plantation le long des fossés en essences conseillé par les Eaux et Forêts,
la constitution d’un syndicat de dessèchement et d’irrigation,
la nécessité d’irriguer les futurs terrains, ceux-ci, semblables à ceux du Nil, sont très durs quand ils se dessèchent,
de laisser subsister un étang d’une cinquantaine d’ha pour maintenir le niveau hydrostatique.
L’ancien périmètre du lac desséché est remis par les Domaines à la colonisation.
Des demandes de concession sont présentées : Étienne Etourneau, homme de lettres à Alger demande 1000 ha au Haouch Sidi-Rached, à charge pour lui de la peupler d’immigrants européens en 25 lots de fermes de 25 à 100 ha, avec bâtiments d’habitations et d’exploitation. Pas de suite.
Rejetée aussi, une demande de Georges du Gabé, avocat à Toulouse.
Sera rejeté également en 1869 un projet présenté par sept habitants de Marengo pour la création d’un village à Sidi-Rached.
Précédemment, en 1864, la Commission avait enquêté sur les lieux et conclu à la création d’un village de 40 feux, ainsi qu’il a été dit plus haut. Plusieurs fermes s’établissent à proximité d’Attatba et autour des routes de Sidi-Rached, à Bourkika et Ameur-el-Aïn : la culture des céréales s’est substituée aux asphodèles et aux scilles.
Malheureusement, malgré les travaux constants de consolidation des canaux et d’aménagement, le lac se reformait à chaque période de grandes pluies. C’est ainsi qu’en avril 1870, les terres de culture seront inondées sur 400 à 500 hectares.
Pétitions et réclamations se succèdent. En 1886, le Gouvernement général prescrit une nouvelle étude. Un avant-projet, présenté en 1888 reprend l’idée de Chabaud de la Tour : un tunnel creusé dans les collines du Sahel : 3.220 m de long, 9 m2 de section, débit 37 m3/seconde. Avis défavorable du Conseil départemental de l’hygiène ( !).
Nouvelles inondations en 1899, nouvelle commission, nouveau projet qui reprend l’idée du tunnel : 2.275 m, coût prévu : un million. Trop cher, dit l’administration.
Les riverains, sur les conseils du G.G. créèrent un Syndicat. Les démarches ne furent pas couronnées de succès, car la dépense envisagée était trop importante. Pourtant, si le tunnel avait exécuté à cette époque, que de gaspillage on aurait évité.
Le projet de bétonnage du collecteur fut lui aussi abandonné. Les travaux d’entretien continuèrent à être assurés par les Ponts et Chaussées, au jour le jour.
Ce n’est que peu avant la dernière guerre que le percement du tunnel eut lieu. Mais sa section s’avère insuffisante pour évacuer les apports d’eau dans les périodes de fortes pluies et j’ai vu au cours d’un printemps très pluvieux la plaine inondée sur plusieurs centaines d’hectares, l’eau arrivant à plusieurs mètres au-dessus de la partie supérieure de la prise du tunnel.
Le problème du lac n’est pas encore à l’heure actuelle complètement résolu, et je pense qu’il n’est pas près de l’être.
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Travaux d'assainissement du lac Halloula
le tunnel se déverse dans la mer entre Tipasa et Bérard
au pied du tombeau de la Chrétienne
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