Un soldat irradié lors des essais au sahara gagne le droit à l’indemnisation
La victoire de ce militaire, 46 ans après les faits, ne manquera pas de susciter des réactions de ce côté-ci de la Méditerranée où les victimes des 17 essais nucléaires, effectués dans la région de Reggane et In Ekker, sont estimées, selon des chiffres officieux, à 30 000.
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Voilà qui devrait sans doute relancer la polémique sur le contentieux historique entre Alger et Paris : un ancien militaire français, irradié en 1962 lors d’un essai nucléaire souterrain dans le Sahara algérien, vient de gagner une bataille judiciaire contre l’État français.
Selon
l’Agence France Presse (AFP) qui rapporte l’information, la Cour
régionale des pensions militaires de Nancy a condamné, jeudi en appel,
l’État à payer une pension pour invalidité à André Geneix, ancien
soldat, aujourd’hui âgé de 72 ans. Les “affections dermatologiques” et
le “syndrome anxio-dépressif” dont souffre M. Geneix sont “imputables à
une irradiation survenue le 1er mai 1962, alors que l’intéressé se
trouvait en service”, selon la cour.
Cette condamnation de l’État
français par la justice vient mettre un terme, du moins de façon
provisoire — il n’est pas exclu que l’État fasse appel — à des
démarches entamées par l’intéressé en 2000. En 2005, une demande
d’André Geneix avait été rejetée par le tribunal des pensions de
Meurthe-et-Moselle.
Il avait fait appel. Opérateur radio au centre
de tir souterrain d’In Ekker, aujourd’hui village fantôme dans le
désert, André Geneix assiste le 1er mai 1962 à Béryl, à un tir “plus
puissant que prévu”, provoquant “un mouvement de terrain” et une
“fissuration de la montagne” avec “émission d’un nuage radioactif” qui
a “contaminé la région”, selon l’arrêt. Interrogé par l’AFP, l’ancien
sergent a fait des témoignages qui donnent froid dans le dos. “Le bruit
était épouvantable. La montagne a grondé. Un nuage blanc de poussière
s’en est éloigné. Presque aussitôt, un autre nuage noir, puissant,
radioactif, est apparu. Je suis resté trois quarts d’heure dessous en
chemisette et en short”, a-t-il raconté. Irradié à un niveau trois fois
supérieur à celui toléré pour une population pour un an, André Geneix
est atteint du cancer de la lèvre.
Il a mal au dos et a une jambe déformée. “Je suis content. C’est une satisfaction morale, on avait remis en question mon statut d’irradié. Cela m’avait beaucoup touché”, a-t-il dit à l’issue du prononcé de l’arrêt. Cette victoire de ce militaire, 46 ans après les faits, et qui s’ajoute à celle d’une quinzaine d’autres militaires et/ou civils, ne manquera pas de susciter des réactions de ce côté-ci de la Méditerranée où les victimes des 17 essais nucléaires, effectués dans la région de Reggane et In Ekker, sont estimées, selon des chiffres officieux, à 30 000.
La France fera-t-elle le geste nécessaire ? Fin décembre 2007, l’ancien ambassadeur à Alger, Bernard Bajolet, aujourd’hui coordinateur des services de renseignement à l’Élysée, n’avait pas exclu l’éventualité d’une contribution matérielle, par la France, pour le “traitement des effets des essais nucléaires effectués durant l’époque coloniale en Algérie”. En février dernier, certaines sources avaient rapporté que le gouvernement français avait informé même l’Algérie de l’étendue de la pollution provoquée par les essais nucléaires réalisés dans le Sahara.
Hasard du calendrier ou concours de circonstance, à la même période, un colloque, sous le haut patronage du président Bouteflika, se tenait à Alger pour demander “réparation à la partie française de toutes les séquelles causées par ses essais au Sahara algérien”. Cette requête bute, cependant, sur un écueil qu’il n’est pas facile de lever de sitôt. Et qui constitue un casse-tête même pour les autorités algériennes. 11 des 17 essais se sont déroulés après… l’indépendance du pays, soit entre 1962 et 1966. Ils entraient dans le cadre de ce qui est désigné “d’annexes secrètes”, contenues dans les accords d’Évian.
Toutefois, après la remise à l’Algérie de la carte des mines posées aux frontières tunisiennes et marocaines, et la restitution à l’Algérie d’archives audiovisuelles de l’INA de la période 1940-1962, il n’est pas exclu que Paris et Alger trouvent un compromis de nature à solder un passif lourd à supporter pour des milliers de personnes.
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Karim Kebir
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