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«Les seuls traités qui compteraient sont ceux qui se concluraient entre les arrière-pensées.»
(Paul Valéry 1871-1945)
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Et maintenant que va-t-il se passer? Après que le président français Nicolas Sarkozy ait confirmé en Algérie, devant son peuple et ses plus hautes autorités, son entêtement à confondre, sciemment, l’histoire et la politique, le sionisme et l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie, l’argent et l’amitié...reste-t-il encore la possibilité aux jeunes générations des deux pays de bâtir un avenir heureux, tranquille, débarrassé des haines et calculs dont leurs aînés ne cessent de les abreuver? Il est vrai, M.Sarkozy, que les jeunes Français d’aujourd’hui ne sont pas responsables des crimes commis par leurs aïeuls colonisateurs. Comme les Allemands d’aujourd’hui ne sont pas responsables des crimes nazis de leurs grands-pères.
Ce qui, pourtant, n’a posé aucun problème pour l’Allemagne moderne d’aujourd’hui à faire acte de repentance, suivie d’ailleurs par la France et bien d’autres pays européens pour leur complicité dans les affres de la Shoah. Et c’est très bien ainsi, parce que c’est cela aussi le devoir de mémoire.
Pour que les hommes se rappellent combien ils peuvent être monstrueux envers leurs semblables lorsqu’ils oublient leur humanité. C’est pour dire que l’Algérie d’aujourd’hui n’a aucun grief ou un quelconque sentiment de revanche contre le peuple français d’aujourd’hui. Elle souhaite que soit rétablie la vérité sur les agressions et les violences que lui ont fait vivre la France et son armée coloniale d’autrefois. Comme toute victime face à son agresseur devant un tribunal, elle a droit de réparation. Ceci pour au moins une raison: pour que cesse la manipulation de cette histoire commune par les sorciers haineux des deux pays.
Je pense à ceux qui ont inventé, chez vous, cette absurdité qui va à l’encontre de l’entendement humain: la loi sur les bienfaits de la colonisation et sa glorification au moment où il était question d’un traité d’amitié entre les deux pays. Je pense à ceux qui, chez nous, dévoient l’Islam à des fins politiques et nourrissent un nationalisme dangereux et étroit au moment où les démocraties ouvrent les frontières entre leurs peuples.
En un mot, éviter l’affrontement des mémoires et l’exacerbation des nationalismes pervers. Aujourd’hui, en revendiquant la vérité historique sur la mission «civilisatrice» du colonialisme, le peuple algérien n’absout pas les pouvoirs politiques injustes qui se sont succédé depuis l’Indépen-dance à la tête du pays. La demande de pardon n’est pas une revendication politique ni une aliénation nationale. Elle est une nécessité pour la paix des coeurs et la voie vers un avenir lavé de tout soupçon.
Convenez-en, M. le président, que votre accueil au palais de l’Elysée des représentants des organisations de pieds-noires et de harkis et l’hommage solennel que vous leur témoignâtes quelques heures après votre discours à Constantine, en Algérie, n’est pas une coïncidence du calendrier de vos activités. C’est ainsi que vous concevez l’avenir de paix entre les deux pays, en réveillant sur le chaud de l’actualité les braises qui couvent sous cette mémoire commune. Pour les Algériens, les harkis sont un problème franco-français, puisque ils avaient choisi la France coloniale au détriment de leur peuple prêt au sacrifice pour la liberté. Ils ne leur en veulent pas.
Ils veulent seulement leur dire qu’ils ne sont pas la cause de leur amertume, leurs regrets et leur ségrégation en France. Quant aux pieds-noirs, les algériens savent qu’un très grand nombre d’entre eux avaient et ont encore l’Algérie dans leur coeur. Ils font une différence entre les simples travailleurs, ouvriers, instituteurs, infirmiers, intellectuels intègres...qui vivaient avec eux et les spoliateurs de leurs terres, les capitalistes et autres esclavagistes qui les opprimaient et les méprisaient.
A ce titre, l’intervention sur la première télé publique française du chanteur Enrico Macias, à l’issue de cette cérémonie d’hommages aux harkis, n’était pas la mieux indiquée, du moins sur le fond, pour aider à l’apaisement entre les deux peuples. La majorité des Algériens qui lui voue une grande sympathie, ne comprennent pas pourquoi il entre dans ce jeu de surenchères politiciennes entre les extrémistes des deux pays.
Au contraire d’une idée répandue, les Algériens n’ont rien contre les juifs. Ils dénoncent pour des raisons évidentes le sionisme. Ils ne peuvent être antisémites puisque ils le sont eux-mêmes.
Les Algériens attendaient de votre visite des paroles et des gestes de respect et pas uniquement des contrats d’affaires. Précisément, lorsque vous avez substitué au projet du traité d’amitié, un traité d’amitié simplifié, vous avez exprimé toute votre conception de l’amitié.
Pour vous, elle peut être simple et basée sur l’intérêt financier. Pour les Algériens, l’amitié ne peut être qu’entière et libre de considérations financières. Peut-être que les Algériens sont des rêveurs en ces moments de mondialisation, diriez-vous.
Oui, ils veulent rêver pour en finir avec le cauchemar de leur nuit coloniale. «Je vous imagine, ici, en Ben Hur», vous disait votre ministre des A.E., Bernard Kouchner, devant les caméras de télévisions alors que vous contempliez les ruines de Tipaza, la cité romaine. Mais Tipaza est en ruine et Ben Hur est une légende.
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M’hammedi BOUZINA
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