. " Au printemps Tipaza est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l'odeur des absinthes, la mer cuirassée d'argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres... A peine au fond du paysage puis-je voir la masse noire du Chenoua qui prend racine dans les collines autour du village et s'ébranle d'un rythme sûr et pesant pour aller s'accroupir dans la mer", Albert Camus, "Noces à Tipaza". La visite des ruines de Tipaza est un pur moment de bonheur : les ruines qui se noient dans la mer, les vestiges de belles villas aux sols de marbre ou de mosaïques, des grands termes chauffés, du théâtre immense, des arènes quasiment intactes… On imagine quelle vie agréable les romains de Tipaza devaient avoir dans cette ville en bord de mer, avec un climat si clément… Tous les clichés remontent au galop : Les femmes à la démarche sensuelle et nonchalante, en tuniques légères, les hommes patriciens, nobles ou tribuns de la plèbe allongés dans la fraîcheur des villas à manger du raisin, les esclaves « tout imprégnés d’odeurs »… Aucun site archéologique ne donne tant cette impression baudelairienne que « Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté »… Les ruines qui tombent dans l’eau bleu turquoise, le petit port naturel, la rue pavée qui débouche sur la petite crique naturelle… et au loin, la montagne du Chenois qui se découpe sur l’horizon, semblable à un dos de dinosaure endormi… Le plaisir est d’autant plus grand que le site est à « l’état brut », pas dénaturé par des hordes de touristes qui débarquent en cars climatisés (le tourisme étant quasiment inexistant) … . . . Tipaza chaos .
Mais une ballade à Tipaza un vendredi après midi, c’est deux heures de pur plaisir historico-culturel pour 5 heures de chaos et d’anarchie algérienne… . Apres une belle après midi de plaisir esthétique, sportif et culinaire (visite des ruines, baignade dans des criques à l’eau translucide, méchoui dans un petit restaurant sous les ruines romaines), nous avons voulu tranquillement reprendre la route d’Alger vers 8-9 heures du soir… La circulation était très dense et on roulait au pas… Le trajet aurait été un peu long, mais supportable, si la majorité des voitures n’avaient pas essayé de doubler par la droite, sur le bas coté, et par la gauche… Ce manque de civisme de certains conducteurs passe encore quand il n’y en a qu’un ou deux qui doublent sur le coté, et se rabattent au dernier moment (avant le barrage de police), mais pas quand c’est 70% des voitures !!! On est arrivé a une situation quasi comique où, sur une étroite route à 2 voies, on avait parfois 5 files de voitures alignées (avec les voitures arrivant sens inverse, obligées de rouler sur le bas coté pour laisser la place à ceux qui doublaient…) qui essayaient à tout prix de passer… Evidement, toutes les voitures essayaient de se rabattre avant les barrages de police (tous les kilomètres) créant un goulot d’étranglement inextricable, bref, un bordel monstre… Les flics qui voyaient le manège de loin ne disaient absolument rien et laissaient faire… . Il y avait vraiment des scènes comiques: une famille "traditionnelle" et pratiquante, (père au volant, mère voilée, 3 enfant à l'arrière) qui écoute la prière à fond dans la voiture, toutes vitres baissées... le père qui hurle, insulte, et fait de grands gestes de la main, quand on refuse de le laisser s'insérer avant le barrage de police, après qu'il ait doublé 100 voitures...
Des automobilistes zélés qui décident de s'arreter en plein milieu de ce bordel, sur le bas coté, là où tout le monde double, sortent leur tapis, et font leur prière en plein chaos de klaxons et de poussière... Un bel exemple de ce que peut donner l’anarchie : de façon collective, on est tous conscients qu’au final, il est plus efficace et rapide de rouler l’un derrière l’autre pas, mais de manière individuelle, on essaye de gagner du temps personnellement en doublant les autres… En plus, quand on voit que « tout le monde fait pareil », on n’a pas envie d’être le seul couillon a se faire doubler par 500 voitures alors on s’y met, même si on sait que ça aggrave la situation…
Nous, on ne voulait pas doubler, mais on ne voulait pas non plus que les voitures se rabattent devant nous… Aigris et hargneux, on est nous aussi devenus des loups enragés, à coller la voiture devant nous, à donner des coups de volants contre les voitures qui tentaient de s'insérer… Au final, 3 heures de chaos, de stress, de klaxon, de forcing pour ne pas laisser passer les doubleurs... 3 heures.
.Tipaza ruines
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