Paris se démarque officiellement des déclarations de son ancien ambassadeur en Algérie, Bernard Bajolet, rendues publiques, vendredi dernier, dans une interview accordée au Figaro. La sortie médiatique de l’ex-patron de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) avait soulevé un tollé général en Algérie surtout qu’il affirme que le président Abdelaziz Bouteflika était maintenu «artificiellement en vie». Hier, Xavier Driencourt, l’actuel ambassadeur de France à Alger, a réagi, à propos de cette affaire, indiquant que «Bernard Bajolet s’exprime à titre personnel, à titre privé. Il n’engage en aucun cas, je dis bien en aucun cas, le gouvernement, le président et l’administration française. Il s’exprime en son nom personnel». Cette explication de texte à l’adresse de la presse nationale s’est faite en marge de l’installation du comité d’amitié algéro-française à l’APN. Xavier Driencourt a rappelé que Bernard Bajolet a occupé, «il y a plus de dix ans», le poste qui est le sien aujourd’hui, « il sait combien que ces fonctions sont importantes, délicates et compliquées». Il tiendra à rappeler le rôle d’un ambassadeur français à Alger qui «n’est pas de remettre de l’huile sur le feu, fût-ce de l’huile d’olive ! C’est au contraire de rapprocher, de raccommoder quand il le faut, de faire de la dentelle.
Et quand on fait de la dentelle parfois on se pique avec une épingle. Il faut éviter de se piquer avec une épingle, il faut éviter les piqûres d’épingles et je pense que nous sommes là, pas seulement moi, mais les parlementaires et moi, nous sommes là pour éviter les piqûres». Bernard Bajolet, l’ancien patron des services secrets français a publié, la semaine dernière à Paris ses mémoires : «Le soleil ne se lève plus à l’Est, mémoires d’Orient d’un ambassadeur peu diplomate» où il est revenu notamment sur son passage en Algérie dans les années 1970 et entre 2006 et 2008. Il a ouvertement critiqué la politique économique du gouvernement, a évoqué la corruption, a parlé de blocages liés à l’histoire entre l’Algérie et la France et a réclamé l’ouverture des archives du FLN. «La nomenklatura algérienne, issue ou héritière de la guerre d’Algérie, a toujours besoin de se légitimer en exploitant les sentiments à l’égard de l’ancienne puissance coloniale ( ) Le président Boutefkika, avec tout le respect que j’éprouve pour lui, est maintenu en vie artificiellement. Et rien ne changera dans cette période de transition», a-t-il déclaré au Figaro en évoquant «les relations difficiles» entre l’Algérie et la France.
Ce n’est pas la première fois où Bajolet dit tout le bien qu’il pense de l’Algérie si on croit les révélations de Wikileaks qui avait rapporté, en 2013, que le diplomate, alors en poste à Alger, avait dressé un portrait peu flatteur du pays lors d’un entretien qu’il a eu avec l’ambassadeur américain, le 23 janvier 2008. Des notes publiées par le quotidien espagnol El Pais où Bajolet estimait alors que l’Algérie se dirigeait droit vers l’instabilité. Pour lui, le gouvernement était incapable de prendre et d’assumer les décisions difficiles.
Il notait également que les partis politiques bénéficiaient de peu de liberté et d’espace d’expression et manquaient clairement de projet politique à long terme. Ce qui explique le désintérêt de la population pour la politique, boudant scrutin après scrutin. Bajolet avait expliqué que Bouteflika avait saisi l’enjeu de la modification de la Constitution et l’armée avait accepté cette révision pour lui offrir un nouveau mandat en 2009, et que les Algériens le consentaient car ils estimaient que ce serait sans doute le dernier. Economiquement, il avait souligné dans ses notes à quel point le climat des affaires est très compliqué et fermé aux investisseurs étrangers. La création d’emplois en Algérie est quasi-inexistante, précisait encore l’ex-ambassadeur. Une économie qui ne parvient pas à relever son niveau car elle est sans cesse plombée par la corruption qui interfère dans le développement économique, et semble ne pas vouloir se résorber, affirmait-il à l’époque.
Bernard Bajolet revient sur ses années algériennes
Bernard Bajolet, ancien ambassadeur de France en Algérie entre 2006 et 2008 et ancien patron de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), revient dans un nouveau livre, « Le soleil ne se lève plus à l’Est, mémoires d’Orient d’un ambassadeur peu diplomate », paru aux éditions Plon à Paris, sur son séjour en Algérie et sur ses relations avec les autorités algériennes.
Il écrit avoir établi « une relation chaleureuse » avec le président Abdelaziz Bouteflika qui le recevait « pendant de longues heures ».
« Lors de notre premier entretien, en décembre 2006, quelques jours après mon arrivée, je lui fis part du message « d’amitié, d’estime et d’affection » que le président Chirac m’avait chargé de lui transmettre. Cela ne lui suffisait manifestement pas : le président Chirac ne se cachait pas d’entretenir des relations quasiment familiales avec le roi du Maroc. « On nous a parlé de relations privilégiées avec l’Algérie, se plaignit Bouteflika. Mais en réalité, les privilèges ont été réservés au Maroc et à la Tunisie. L’Algérie, elle, n’a rien vu ». Le ton était donné », rapporte-t-il.
Bouteflika, selon l’ancien ambassadeur, confiait tant ses attentes que ses frustrations.
« Il se montrait en effet d’une extrême lucidité. De mon côté, n’ayant pas à forcer ma nature, j’étais tout aussi direct et avais le sentiment que cela lui plaisait », écrit-il saluant « la grande acuité » des analyses du chef d’État algérien.
« Je vous interdit de parler arabe »
Bajolet révèle que le président Jacques Chirac lui a ordonné, avant de le nommer ambassadeur à Alger, de ne pas parler arabe en Algérie.
« Vous m’avez bien entendu, hein? Vous êtes arabisant, et je ne sens pas cela à Alger. Vous allez les mettre mal à l’aise. D’ailleurs, j’ai hésité un moment avant de vous y nommer, pour cette raison. Donc, je vous interdis de parler arabe ». En me raccompagnant, il parut un peu se raviser : « Enfin, nuança-t-il, vous verrez bien sur place ». De fait, j’enfreignis à l’occasion la consigne présidentielle: pendant mon séjour à Alger, je fis plusieurs discours en arabe, notamment le jour de notre fête nationale. Non pas que les Algériens ne comprissent pas le français : bien au contraire, la plupart des dirigeants le maîtrisaient parfaitement. Mais s’adresser à eux en arabe classique était une façon de marquer du respect pour leur culture, que la France leur semblait avoir méprisée pendant les cent trente-deux ans de sa domination », écrit-il.
Il a rappelé avoir fait jouer « Qassaman », après la « Marseillaise », dans les jardins de la villa des Oliviers, résidence de l’ambassadeur de France à Alger (habitée par le général De Gaule en 1942), le 14 juillet 2007.
« Les invités algériens écoutèrent les deux hymnes les larmes aux yeux. C’était la première fois qu’on les entendait ensemble en ces lieux », rappelle-t-il. Il confie que sa décision n’était pas facile parce que « Qassaman » était « l’hymne du FLN (écrit FNL dans le livre) et contient des paroles hostiles à la France ».
« Mais, les paroles de l’hymne algérien, d’ailleurs bien moins sanglantes que celles de notre « Marseillaise », ne furent pas chantées ce jour là. Dans mon esprit, il s’agissait aussi de reconnaître la légitimité du combat des algériens pour leur dignité, même si ce combat avait été mené contre mon pays. Celui ci, oublieux de l’universalité des droits de l’homme dont il avait éclairé le monde, avait refusé d’appliquer aux algériens la devise qu’il inscrit au frontispice de ses immeubles : « liberté, égalité et fraternité ». Il n’avait pas voulu, ou pas su, les préparer à l’indépendance et à la démocratie. De Montesquieu il n’avait voulu reconnaître que la relativité de la valeur des systèmes politiques selon les latitudes », souligne-t-il.
« Le peuple est beaucoup plus francophile que les dirigeants »
Selon lui, admettre ces manquements n’est pas tomber dans la repentance, « mais seulement assumer sa propre Histoire, comme chaque peuple doit faire ».
Il estime qu’il ne faut pas retenir « les pages de gloire » et enfouir les pages « les plus sombres ».
« Ce travail de mémoire, qui au fond est la recherche de la justice historique », ne doit pas non plus conduire à ignorer les souffrances des pieds noirs, chassés de la terre qui les a vus naître, qu’ils aimaient et avaient fait fructifier », plaide-t-il.
Bajolet écrit que lors d’un entretien le 7 novembre 2006, le président Jacques Chirac lui a présenté un tableau peu encourageant des relations algéro-françaises : « Elles sont foiroteuses. Le peuple est beaucoup plus francophile que les dirigeants, qui sous-estiment ce sentiment. Je l’ai senti quand je suis allé en Algérie. Il y a des signes qui ne trompent pas ».
Pour Bajolet, Chirac avait raison. « Trente ans plutôt, lors de mon premier séjour en Algérie, j’avais déjà été frappé par le gentillesse des algériens, qui m’accueillaient chez eux en famille dans toutes les régions du pays. Certains d’entre eux avaient pris les armes contre la France entre 1954 et 1962. Ils avaient peut être tué des français, sans doute aussi perdu des proches. Ils avaient défendu leur liberté. Mais, ils n’en voulaient pas à la France et encore moins aux français. J’avais sillonné ce magnifique pays dans tous les sens. Jamais je ne vis de haine dans les regards ni entendis le moindre propos revanchard . Contraste saisissant avec les relations officielles qui, elles, étaient glaciales, voire inexistantes», témoigne-t-il.
Rencontre secrète à Paris
Il rappelle que le président Houari Boumediène n’a jamais reçu en audience l’ambassadeur Guy de Commines (en poste en 1975), préférant discuter avec Paul Balta, correspondant du quotidien Le Monde à Alger.
« Les lecteurs algériens surnommaient notre célèbre journal du soir, qu’ils trouvaient complaisant à l’égard du régime, « Le Moudjahid », par analogie avec le journal officieux local », écrit-il.
Il révèle aussi que Abdelaziz Bouteflika, alors ministère des Affaires étrangères, n’a jamais reçu Guy de Commines.
« Le malheureux Commines devait se rabattre sur les fonctionnaires du ministères », appuie-t-il. Il souligne que la raison de cette « froideur » n’était pas uniquement « le passé colonial », mais aussi le soutien du président français Giscard d’Estaing au Maroc dans le dossier du Sahara Occidental.
« En 1977 et en 1978, il enverrait même des Jaguar français attaquer les positions des Sahraouis en Mauritanie. Les Algériens firent alors a posteriori une lecture négative de la visite- la première d’un chef d’État français- que Valéry Giscard d’Estaing avait faite en Algérie en avril 1975. Ils se dirent blessés par les propos condescendants que celui-ci avait tenu en posant le pied sur le sol algérien : « La France historique salue l’Algérie indépendante », détaille-t-il.
Pour lui, il existe une lutte d’influence à propos du Sahara Occidental entre le Maroc, « défavorisé par le partage colonial du désert », et l’Algérie, « qui instrumentalise le Polisario de défendre le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui ».
Il révèle avoir rencontré secrètement, dans un hôtel parisien, des dirigeants du Polisario lorsqu’il était directeur-adjoint d’Afrique du nord et Moyen Orient au Quai d’Orsay, au début des années 1990, pour « sonder leurs dispositions à envisager un compromis ».
« Cette tentative n’avait pas abouti. En novembre 2006, je pris l’initiative d’aborder ce dossier avec Jacques Chirac. « On était près d’un accord, me révéla ce dernier. Mais les Marocains ont tout fait capoté », mentionne-t-il. Il note aussi que le Sahara Occidental était l’un des premiers sujets soulevés par le président Bouteflika avec l’ambassadeur Bajolet qui lui a dit que Paris a « toujours soutenu la position marocaine depuis l’époque du président Giscard d’Estaing ».
« La position de la France, lui expliquai-je, ne relève pas d’un quelconque parti pris. Mais, elle peut être influencée par le sentiment que cette affaire est vitale pour le Maroc, alors qu’elle ne l’est pas pour l’Algérie. Oui, c’est vrai, concéda Bouteflika. Elle n’est pas vitale pour nous. Mais sachez qu’il n’y aura pas de lune de miel avec le Maroc, pas de Maghreb arabe tant qu’une solution équitable ne sera pas trouvée », rapporte-t-il.
« L’État se résumait pratiquement à l’armée »
En juillet 2008, l’ambassadeur a abordé le sujet avec le président Bouteflika lors d’une audience d’adieu.
« Ce que je vais vous dire, monsieur le président, n’est pas politiquement correct. Je sais qu’à vos yeux, c’est le Polisario qui est partie au différend, non pas l’Algérie. Pourtant, je pense que celui-ci ne trouvera pas sa solution à New York, ni à Washington, ni à Paris. Mais seulement à travers un dialogue direct entre vous et le Maroc. Le principe de l’autodétermination doit être mis en œuvre, mais après une négociation entre les deux principaux pays concernés. ». Le président algérien avait esquivé, en passant à un autre sujet », écrit-il.
Revenant sur son retour en Algérie, en décembre 2006, en tant qu’ambassadeur, Bajolet confie que son premier séjour, entre 1975 et 1978, l’avait laissé sur sa faim.
« Je pensais qu’il fallait aborder ce pays d’une façon différente, en assumant le passé, mais en même temps sans complexe, sans condescendance et avec franchise, marque la plus accomplie du respect », souligne-t-il disant avoir eu un sentiment de « déjà vu » de retour à Alger.
« L’Algérie, au moment où je la retrouvais, venait à peine de se libérer de dix ans de terrorisme. Elle avait perdu beaucoup de temps, et l’administration qui la dirigeait n’était pas de nature à le lui faire rattraper : les ministères s’étaient vidés d’une grande partie de leurs cadres de qualité et, au fond, l’État se résumait pratiquement à l’armée, véritable ossature du pays, et à la Sonatrach. Le processus de décision paraissait grippé, le système de représentation en panne », détaille-t-il. D’après lui, l’Algérie n’a pas réussi la diversification économique et « la remise à niveau » des équipements publics (infrastructures structurantes) a eu un effet limité sur l’économie.
« Il aurait fallu pousser le secteur privé, seul moteur de croissance. Mais le pouvoir, de toute évidence, ne le voulait pas, comme s’il craignait l’émergence d’une classe d’entrepreneurs qui aurait pu un jour le contester et exiger un partage de la décision. Ainsi, je découvris un tissu, encore embryonnaire, de PME dynamiques. Mais le gouvernement ne l’aidait pas à se développer, et Bouteflika lui même m’avoua un jour qu’il n’y croyait pas. Il n’y avait pas non plus en Algérie de grands capitalistes prêts à investir massivement dans le pays. La demi douzaine d’hommes d’affaires que l’on présentait comme tels étaient plutôt des capitalistes d’État , voire des affairistes, liés aux « services » ou au pouvoir, qu’ils contribuaient à corrompre. Car, je fus pris de vertige par les sommets que la corruption avait atteints, touchant jusqu’à la famille du chef de l’État», mentionne-t-il dans son livre.
Saint Augustin est entré dans l’Histoire de l’Algérie à l’initiative de Bouteflika
Selon lui, la classe moyenne, qui existait à l’époque de Boumediène, a disparu. Il évoque « le niveau très honorable » de l’éducation avec un taux d’alphabétisation de 96 %.
« Mais les jeunes les mieux formés, quand ils en avaient la possibilité, allaient terminer les études à l’étranger, pour ne pas en revenir, le plus souvent », note-t-il.
La langue française garde, selon lui, une bonne place en Algérie. « Sans l’avouer, et alors que celle-ci (l’Algérie) n’était qu’observatrice au sein de l’OIF, (Organisation internationale de la francophonie), elle faisait-et fait toujours- pour la langue française beaucoup plus que bien des pays qui ne l’ont rejointe que pour des raisons politiques. Je remarquais également la difficulté que les algériens continuaient d’éprouver pour assumer un héritage autre celui lié à l’héritage arabo-islamique. Ainsi, ils n’avaient pratiquement pas touché aux sites antiques, où les fouilles avaient quasiment cessé. Saint Augustin venait seulement de faire son entrée dans l’histoire de l’Algérie, à l’initiative du président Bouteflika (que l’âge et la maladie feraient ensuite retomber dans une posture plus mystique et moins tolérante). Quant au patrimoine architectural de l’époque coloniale, remarquable dans toutes les villes du pays, les algériens commençaient seulement à se l’approprier », relève-t-il.
Dans cette optique, l’ambassadeur Bajolet avait proposé, en décembre 2007, lors de la visite du président Nicolas Sarkozy, à Constantine, l’organisation du déjeuner officiel à l’ancien hôtel de la ville, construit au début du XXème siècle.
« Alors que le protocole de l’Élysée vint reconnaître les lieux quelques semaines avant le déplacement présidentiel, les Algériens durent en enfoncer les portes, car personne ne savait où étaient les clefs. Le déjeuner, somptueux, y eut lieu, comme je l’avais souhaité. Mais le bâtiment n’avait pu être dératisé à temps. J’aperçus, courant sous les tables, un énorme rat, sans doute alléchée par la perspective d’un festin royal. Heureusement, je fus, semble-t-il, le seul à le remarquer », ironise-t-il.
Entre ces deux séjours à Alger (en 1975 et en 2006), il avait suivi les dossiers algériens au Quai d’Orsay mais également au CIR, Comité interministériel du Renseignement en tant que président du groupe « Maghreb ».
« Le CIR était la première tentative de coordonner le renseignement français. Le mérite en revenait à Michel Rocard (…) le groupe dont j’avais la responsabilité comprenait la DGSE, la DST, les RG et la DRM », précise-t-il.
Hypothèses autour du FIS
L’arrêt du processus électoral en 1992 en Algérie, après la victoire du FIS, avait été retenu comme « hypothèse » au sein du CIR parmi d’autres.
« Elles avaient suscité entre nous des opinions divergentes. Les uns considéraient que c’était l’option la plus raisonnable : si le FIS prenait le pouvoir en Algérie, il ne le rendrait pas; sa victoire risquerait de provoquer une émigration massive vers la France; elle pourrait faire tâche d’huile dans l’ensemble du monde musulman; elle remettrait en cause les acquis de la femme algérienne et la liberté de la presse. Les autres-dont j’étais à ce moment là- craignaient une guerre civile, voire une montée du terrorisme, si les islamistes étaient privés de leur victoire. Si au contraire on leur laissait, ils devraient se montrer pragmatiques et compter avec la France. Ils évolueraient vers plus de modération. Comme ils se disaient libéraux dans le domaine économique, ils s’attacheraient, peut être, à favoriser l’essor du secteur privé en Algérie(…) Le Président Mitterrand parut trancher dans le sens de la seconde école, celle dont je faisais partie : « il faut plutôt que les dirigeants algériens renouent le fil de la démocratisation », déclara-t-il le 14 janvier (1992), en marge d’un sommet européen à Luxembourg. Dans la logique de cette position, le gouvernement français afficha une prise de distance avec le pouvoir algérien », détaille-t-il.
Il dit avoir regretté, à posteriori, le fait de n’avoir pas « donné sa chance » à Mohamed Boudiaf, « figure emblématique de la révolution algérienne et homme intègre, que la junte militaire avait rappelé de son exil » (il n’écarte pas la thèse de son assassinat, en juin 1992, par le pouvoir).
Il révèle que la froideur des relations, n’a pas empêché Paris de fournir « en sous-main » une aide matérielle et financière au pouvoir algérien après la victoire de la droite française en mars 1993. Selon lui, l’Algérie est passée entre « les mailles du mouvement de 2011 dans le monde arabe » grâce « au printemps raté de 1980 », « la guerre civile de 1990 » et « l’habile gestion tactique » de Bouteflika (politique de réconciliation).
La visite du général Georgelin en Algérie
L’ancien ambassadeur rapporte que le président Jacques Chirac consultait régulièrement le chef d’état major des armées le général Georgelin, car il estimait que les militaires, « du fait de l’Histoire », avaient leur mot à dire.
« Jacques Chirac avait lui même servi comme sous-lieutenant en Algérie. Je pensais important pour ce travail à la fois de mémoire et normalisation que le général Georgelin se rendît en Algérie. Il serait le premier chef des armées françaises à le faire depuis l’indépendance, en octobre 2007. Très symboliquement, il y remit, comme il s’y était engagé auprès de moi, les plans de pose des mines que les sapeurs français avaient enfouis en 1957 et en 1959 le long des frontières avec la Tunisie et le Maroc. Cet événement inspira le talentueux caricaturiste Dilem, qui montra un Bouteflika en plein milieu d’un champs de mines, expliquant, désolé : « Oui, c’est pour ça qu’on n’a pas bougé depuis 1962 » », note-t-il.
Bajolet rappelle que le général Georgelin a reçu un accueil chaleureux de la part de ses pairs militaires algériens.
« Ils l’emmenèrent à Tamanrasset, dans le Grand Sud, où une fête touarègue avait été préparée à son honneur », dit-il. Sur place, l’officier supérieur français, après hésitation, a porté une tenue traditionnelle targuie.
Selon Bernard Bajolet, ancien ambassadeur de France en Algérie (2006-2008) et surtout ex-patron de la DGSE (2013-2017), le président Bouteflika serait «maintenu en vie artificiellement».
Il lance ainsi un pavé dans la mare, une semaine à peine après le début de ce qui paraissait une nouvelle lune de miel entre Paris et Alger suite à la décision du président Macron de reconnaître la «responsabilité de l’Etat français» dans la mort de Maurice Audin, et l’existence d’un «système» de torture «institué légalement» par l’armée coloniale pour terroriser les indépendantistes algériens.
A l’occasion de la sortie de son livre Le soleil ne se lève plus à l’est : Mémoires d’Orient d’un ambassadeur peu diplomate, l’ancien chef des services de renseignement et de contre-espionnage français a accordé un entretien au quotidien Le Figaro, paru hier sous le titre «Daech est en train de se réorganiser et reste dangereux». Il y livre notamment son analyse de la menace terroriste en France et à travers le monde. Mais pas que !
Actualité et sa longue carrière de «diplomate de guerre» obligent, il a été naturellement invité à exprimer sa vision par rapport à l’avenir des relations franco-algériennes, avec l’ouverture qui semble s’effectuer entre les deux pays depuis l’arrivée à l’Elysée d’Emmanuel Macron.
Se montrant sceptique, il a évoqué «une évolution par petits pas». Il n’hésita pas alors à accuser les autorités algériennes de bloquer toute avancée significative qui pourrait conduire vers une véritable réconciliation pour des raisons politiques. «La première, explique le diplomate à la retraite, tient à un problème de génération.
La nomenclature algérienne, issue ou héritière de la guerre d’Algérie, a toujours besoin de se légitimer en exploitant les sentiments à l’égard de l’ancienne puissance coloniale.» Et de poursuivre son raisonnement, sans mâcher ses mots ou avoir de l’égard à un quelconque devoir de réserve : «La seconde raison est la plus conjoncturelle : le président Bouteflika, avec tout le respect que j’éprouve pour lui, est maintenu en vie artificiellement. Et rien ne changera dans cette période de transition.»
C’est grosso modo le constat qu’il fait également dans son livre, paru jeudi dernier. Bernard Bajolet y décrit des relations constamment difficiles entre la France et l’Algérie à cause de la situation politique dans notre pays et les rebondissements périodiques dans les dossiers liés aux questions mémorielles.
Sur ce dernier point, il reconnaît à nos confrères du Figaro que des «avancées existent, souvent très discrètes : les pieds-noirs, et même les anciens appelés sont bien accueillis en Algérie. Quand j’étais ambassadeur, les Algériens nous ont sincèrement aidés à rechercher, en vain, les corps de soldats français torturés et tués par le FLN».
Cependant, Bajolet exige de l’Algérie de fournir plus d’efforts en cette matière. Il explique que pour avoir une réelle ouverture, «il faudrait aussi qu’elle soit réciproque avec, entre autres, l’ouverture des archives du FLN» et la levée du «blocage sur la question des harkis».
Cette sortie de Bernard Bajolet «peu diplomate», pour reprendre sa propre expression, laisse présager un refroidissement dans les relations entre Alger et Paris, en sachant que l’homme reste très proche de la présidence française et lui effectuerait même des missions «officieuses».
Et ce, en sachant que certaines sources médiatiques parlent déjà d’une crise diplomatique latente, remontant à la semaine dernière, après la décision du gouvernement français de ne plus assurer la protection policière de l’ambassade d’Algérie à Paris.
En application du «principe de réciprocité», les autorités algériennes auraient levé, depuis mercredi dernier, la protection policière sur tous les bâtiments diplomatiques français en Algérie. Enfin, ce qui ne devrait pas arranger les choses, dans un décret présidentiel du 20 septembre 2018, le président Macron a promu une vingtaine de harkis aux ordres de la Légion d’honneur et du Mérite.
A se poser la question de savoir si la France, qui s’apprête à célébrer la Journée nationale d’hommage aux harkis, ce 25 septembre, ne va pas demander officiellement un geste à l’Algérie envers ces anciens auxiliaires de l’armée coloniale !
Le Eric Zemmour a encore frappé. Sa langue fourchue a de nouveau dérapé en l'espace d'une poignée d'heures, créant une polémique stérile autour d'un buzz promotionnel. Après s'être attaqué à une chroniqueuse télé lui reprochant ouvertement un nom qui n'est pas français à ses oreilles en chou-fleur, il légitime le meurtre de Maurice Audin qui «aurait mérité 12 balles dans la peau». Sur sa lancée, le Zemmour, l'autre grand ami de notre race, justifie l'assassinat du mathématicien, militant de l'indépendance algérienne, en l'accusant d'être «un traître». Critiquant la décision de Macron de reconnaître «la responsabilité de l'État dans la disparition» d'Audin, l'Olive (traduction littérale de Zemmour en arabe) a déclaré que «ce type a pris les armes contre la France, c'était tout à fait normal qu'il fût exécuté». Et de faire l'apologie de la torture en affirmant qu'elle «a quand même permis d'arrêter les attentats». Dans son rôle de pitre malsain du PAF, Eric l'Olive accuse Audin et, partant, tous les Français qui ont milité aux côtés de la cause algérienne, d'être des traîtres à la patrie comme s'il oublie qu'en 39-44, il n'y avait pas que des résistants en France. «Ils commémorent au mois de juin un débarquement de Normandie; ils pensent au brave soldat ricain qu'est v'nu se faire tuer loin d'chez lui; ils oublient qu'à l'abri des bombes, les Français criaient «Vive Pétain» ; qu'ils étaient bien planqués à Londres, qu'y avait pas beaucoup d'Jean Moulin». (Renaud - Hexagone). Fallait-il alors assassiner tous les collabos de l'époque ? Difficile, ça aurait fichtrement dépeuplé la France. Enfin, ça ne nous regarde pas tout cela mais quand des gus comme cette tronche de pastèque s'en prennent impunément aux martyrs de l'Algérie, il y a de quoi décréter l'état d'urgence et de s'interroger sur la passivité complice des médias et du gouvernement français. Que ce soit Zemmour ou l'autre, le philosophe des lumières de néon, Fiel de crotte ou encore Glousse-man, les maîtres-penseurs de nos intellos en location, n'arrêtent pas de déverser leur fiel sur l'Algérie, répandant la haine tout autour de leurs cadavres en décomposition, prenant en otage la France qu'ils ont convertie à leur idéologie nauséabonde. Ces gardiens du Temple de Salomon, ces adorateurs du Veau d'or, légitimant le meurtre de milliers d'enfants palestiniens, s'arrogent en donneurs universels de leçons, en moralisateurs en mode harpie, distribuant les bons points aux arabes de service et dégainant leurs langues putrides lorsqu'il s'agit de défendre la maison-mère. Il est temps, maintenant, de tirer la chasse d'eau et essayer d'aider nos amis français à faire le ménage chez eux.
par Moncef Wafi
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5266554
Eric Zemmour est d'origine juive algérienne. Son nom en berbère "Zemmour" veut dire "olivier". Mais Eric n'est pas un prénom français, mais d'origine nordique, Et Zemmour n'a pas du tout une tête à porter le prénom d'Eric ! Quant à dire que l'Algérie est une invention de la France, qu'il nous dise comment et avec quoi la France a inventé l'Algérie ! L'Algérie existait bien avant la France même si c'était sous la dénomination de Régence d'Alger.
Non seulement La France n'a pas créé l'Algérie mais je dirai que l'Algérie a créé ZEMMOUR
La réincarnation de Satan sans aucun doute, Zemmour a aussi des chaussures orthopédiques pour cacher ses pieds fourchus, ses yeux rouges ne sont pas non plus dus a un flash d´appareil photo.
C’est un programme de guerre punitive contre la Turquie. BHL et les réseaux médiatiques français vont mâcher et recracher ce programme sans le digérer. Ils n’agissent pas pour les intérêts de l’État français, mais pour le compte de l’Empire
Aujourd’hui on entend Bernard Henry Lévy appeler à une levée de boucliers pour ne pas dire une levée d’armées contre la Turquie. Cet appel n’est ni anodin ni fortuit lorsqu’on suit l’actualité de la région avec ses guerres et ses remodelages géopolitiques, lorsqu’on étudie la mise en œuvre implacable et sans relâche de la stratégie islamophobe.
BHL, surnommé le « VRP DE LA GUERRE », chantre de la philosophie du sinistre et du cynique, intervient toujours pour annoncer et accompagner la communication de guerre ou l’information de subversion militaro-idéologique dans le monde musulman.
Le rôle célèbre qui reste en mémoire est celui d’agent communicant dans le démantèlement de la Libye et l’assassinat de Kadhafi. Cette célébrité fut possible car les élites musulmanes indigentes sur le plan politique et cynique sur le plan moral avaient non seulement soutenu lâchement l’agression d’un pays arabe et musulman par l’OTAN, mais l’avait réclamé pour se débarrasser d’un dictateur et le remplacer par une confrérie musulmane qui servait de cobaye à l’expérimentation politico-sociale et géopolitique dans la nouvelle gestion du monde arabo-musulman. Youssef Qaradhaoui et Tarik Ramadan ont joué le rôle de pygmalion narcissique et d’interlocuteur valide sur le plan idéologique pour diaboliser l’image de Kadhafi et de Bachar Al-Assad.
BHL le « VRP DE LA GUERRE » a eu d’autres rôles de subversion militaire dans le monde musulman. Le premier et grand rôle fut celui de fabriquer médiatiquement le commandant Messaoud et lui donner la réputation mondiale de héros de la lutte contre l’empire soviétique. Non seulement Qalb Edine Hikmathyar le véritable chef du « Jihad » fut dépossédé de son titre et de son influence dans la gestion politique et diplomatique de l’Afghanistan, mais les Pachtouns majoritaires furent exclus de la gestion de la paix et la gouvernance du pays. BHL avait réussi à mettre en place la communication subversive pour faire entrer l’Afghanistan dans une guerre civile, la montée en puissance des Talibans et l’invasion américaine. L’Afghanistan et sa région ne peuvent être gérés par la France alors se pose la question du rôle subalterne de BHL qui a agi donc pour le compte des Américains. Aujourd’hui encore on se pose la question sur l’intérêt de la France en Syrie et en Libye et les conséquences des flux migratoires qui déferlent sur l’Europe. On peut dire que la tête pensante est britannique, le corps est américain, le saltimbanque est français.
L’autre rôle maléfique sur le plan de la subversion est celui que le philosophe de la haine a joué en ex-Yougoslavie. La Yougoslavie était une mosaïque d’ethnies, de langues, de religions et de cultures adossée à l’Europe et proche de la Russie par sa composante slave et proche de la Turquie par sa composante musulmane. La Yougoslavie de Tito était presque un compromis de coexistence des grands empires européens avec l’empire ottoman. Cet ilot de pluralisme au sud-est de l’Europe ouvert à la Russie, à l’Italie et à la Turquie n’avait pas de chance de survie dans un monde dominé par la culture américaine monopoliste et hégémonique. Le démantèlement de la Yougoslavie et son atomisation puis l’intégration et la fusion de ses fragments dans l’Europe bureaucratique sous contrôle américain était donc programmé et son chemin passe par l’éclatement provoqué par une guerre civile, des nationalismes exacerbés et l’intervention de l’OTAN contre les Serbes. BHL s’est trouvé présent du côté musulman en Bosnie-Herzégovine. Il a donné une audience médiatique à Ali Izzat Begovic. On le voyait un peu partout dans les capitales européennes et on lui donnait la stature d’intellectuel puis celle d’homme politique et enfin celle de président intéressant.
Ce musulman mystique, pacifiste, philosophe, cultivé, artiste et multiculturel aimant l’Islam sans travers apologétique, respectueux du christianisme et de l’Europe, auteurs de plusieurs écrits dont notamment « L’Islam entre l’Orient et l’Occident » s’est transformé sous la houlette du philosophe agent de subversion idéologique en un partisan de la radicalisation musulmane et de l’autonomie que le wahhabisme saoudien revendiquait au Caucase (Tchétchénie) et dans d’autres parties du monde. Bien entendu les anciens conflits politiques des partisans de Izzat Begovic avec Belgrade ainsi que ses écrits de jeunesse sur l’État islamique à la lumière de l’expérience du Pakistan ont été instrumentalisés en vue de l’exacerbation du sentiment religieux et du nationalisme qui ont accompagné la volonté politique occidentale d’armer les Bosniaques puis de les présenter en victimes protégées de l’holocauste serbe sans véritable étatisation politique réelle. BHL ainsi qu’Alain Finkielkraut qui avait pris position pour les nationalistes Croates appelleront à une levée de l’embargo sur les armes en direction des mouvements séparatistes de l’ex-Yougoslavie.
BHL a joué un rôle de subalterne médiatique, mais le chef d’orchestre était Warren Zimmermann, l’ambassadeur des États-Unis en Yougoslavie. Il avait poussé Izzet Begovic à appeler à un référendum populaire sur l’indépendance et à la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine en tant qu’État indépendant. Les États-Unis et l’Europe avaient reconnu l’État bosniaque née du référendum. Malgré les appels de Begovic à un État multiethnique et multiconfessionnel, la guerre avec Belgrade était inévitable. Le monde musulman avait ensuite fourni l’argent, les armes et les combattants sous le contrôle de la CIA. C’est toujours le même scénario : Les intellectuels musulmans, à l’exception de Malek Bennabi, n’ont jamais pu voir et comprendre l’absurdité et la dangerosité de la revendication d’un État islamique et tout particulièrement de celui véhiculé par le Pakistan (l’État des purs). L’incapacité à lire la géopolitique provient de l’indigence culturelle et politique qu’exploitent les Britanniques, les Français et les États-Unis. Lorsque cette incapacité se combine avec l’incompétence de comprendre l’Islam libéré des mythes et des visées politiques alors l’intellectuel musulman, le gouvernant, le peuple se trouve en danger de mort. Malek Bennabi dans la lutte idéologique a montré comment les idéologues de la colonisation cherchent et construisent l’interlocuteur valide colonisé qui va être manipulé pour servir les desseins stratégiques du colonialisme. Izzat Begovic a été mis dans l’ambiance idéologique de l’audience médiatique qui formate les esprits et rend le formaté docile, indolent, incompétent à voir au-delà du spectacle qui cultive l’égo et nourrit les fantasmes. Il était devenu par les conditions géopolitiques et sociopolitiques un « interlocuteur valide » auprès duquel le philosophe de la mort distillait les conseils sages, avisés et bienveillants…
Après la fin de la guerre de Bosnie par l’accord de Dayton en novembre 1995, Izet Begovic est devenu membre de la présidence de la Bosnie-Herzégovine laquelle était subordonnée à un Haut représentant chargé de superviser les affaires de l’État nommé par la communauté internationale alors que la Serbie, la Slovénie, la Croatie et le Monténégro étaient devenus réellement indépendants avec une véritable présidence. Ce sont des centaines de milliers de morts et parfois des dizaines de milliers de morts issues des communautés musulmanes qui paient les déboires de leurs élites et réalisent l’ambition des communicants et des décideurs occidentaux. Izet Begovic a fini par démissionner écœuré de la supercherie.
Bien entendu on ne peut citer BHL sans citer le soutien inconditionnel qu’il avait apporté à la préparation de la guerre et à l’invasion de l’Irak par l’Amérique. Devant tant de zèle et de « réussites » de BHL on est en droit de s’interroger sur les pouvoirs de communication qu’il possède en France et sur les liens de renseignements et d’infiltration (avec les liens de logistique) qu’il possède dans les communautés musulmanes à travers le monde. Personne ne l’interpelle sur son silence au sujet du génocide des Rohingyas, des Yéménites, et des Gazaouis. Personne ne lui demande des comptes sur le terrorisme surnommé islamique que son intervention a fait générer à grande échelle dans le monde musulman et à petite échelle en Europe.
Bernard Henri Lévy avait également défendu la « révolution » orange en Ukraine et pris position contre la Russie. Il s’est aligné sur les directives atlantistes.
Anti arabes et anti musulmans notoires en France, BHL n’existe « philosophiquement » que par son apparition médiatique où il ne fait que valider les orientations et les politiques du sionisme et de l’impérialisme atlantistes. Si la proximité idéologique et financière de BHL avec les patrons médiatiques n’est plus à démontrer, reste alors posée la question du réseau qu’il réveille facilement et efficacement dans les pays subissant la subversion psychologique et la subversion militaire atlantiste.
Quel est le rôle assigné à Bernard Henry Levy pour saper le nationalisme et l’islamisme portés par la Turquie d’Erdogan ? La réponse est donnée par un article de BHL sur Wall Street Journal (proche de la droite ultra conservatrice américaine) du 13 août 2018 sous le titre de « NATO Should Give Turkey the Boot (L’OTAN devrait donner le coup d’envoi à la Turquie) – Ankara, helped by China and Russia, is vandalizing Western interests (Ankara, aidé par la Chine et la Russie, vandalisera les intérêts occidentaux).
Bernard Henry Lévy reprenait à son compte, avec un décalage de 10 jours, les thèses de l’américain Daniel Pipes.
Bernard Henry Lévy et Daniel Pipes à l’instar des diplomaties britanniques, américaines, françaises et israéliennes soutenaient sans retenue ni réserve Ankara participant à la guerre mondiale menée contre Damas. Ils soutenaient Erdogan présenté comme un démocrate musulman pouvant conduire la Turquie vers une intégration à la civilisation occidentale (économie du marché et de la globalisation). Il ne s’agissait pas en réalité d’un soutien, mais d’une stratégie de communication qui dévoilait son contenu et ses cibles selon les impératifs de pertinence géographique, d’opportunité temporelle et de cohérence géopolitique fixés par la gouvernance mondiale atlantisme.
Aujourd’hui et après les attaques de Trump, BHL décrit la Turquie comme pourvoyeur d’armes des groupes armées islamiques liés à Al Quaïda et DAECH, péril génocidaire contre les Kurdes… Elle ne devrait plus avoir sa place au sein de l’OTAN. Nous sommes en présence d’une communication orchestrée depuis les États-Unis. Le chef d’orchestre est Daniel Pipes.
J’ai écrit le livre « Islamophobia : Deus machina » et montré Daniel Pipes comme l’instigateur de l’Islamophobie véritable machine de guerre psychologique et militaire contre le monde musulman. J’ai notamment mis en exergue les points suivants de l’islamophobie :
Une haine ancienne et entretenue de l’Islam ;
Une mise en guerre des musulmans les uns contre les autres et les uns après les autres
Une connaissance de la mentalité des musulmans atomisés en fragments d’humanité errants sans orientation civilisationnelle vers l’avenir, sans culture géopolitique du présent, sans lecture lucide de leur passé
Une infiltration des mouvements islamiques qui demeurent infantiles et facilement manipulables du fait de la culture confrérique, du culte du chef, de l’absence de pratiques démocratiques transparentes, et de l’entêtement à refuser de tirer enseignement de leurs échecs politiques et de leurs limites intellectuelles
Une volonté de montrer le monde musulman et ses acteurs mis sous les feux de la rampe médiatique comme répulsifs afin de générer de la méfiance des non musulmans envers les musulmans et de la défiance des musulmans entre eux. C’est ce tableau psychologique qui permet aux armées occidentales d’ouvrir des fronts de combat contre un adversaire isolé, c’est ce même tableau qui permet de mener des combats terrifiants contre des populations civiles pour qui l’opinion occidentale ne va éprouver ni pitié ni respect ni ressentir une quelconque émotion.
Faire accepter l’idée du clash des civilisations entre l’Occident et l’Orient
Une audace de faire payer la facture de guerre et de subversion par les gouvernants musulmans eux-mêmes pour ne pas subir la « justice implacable » et conserver leur pouvoir oppressif sur les populations musulmanes.
Empêcher la jonction politique, économique et géostratégique entre la Russie, la Chine et le monde musulman pour que le monde demeure tel qu’il est : monopolaire sous l’hégémonie de l’oligarchie financière.
Réaliser les buts stratégiques : interdire toute idée d’indépendance, tuer dans l’œuf toute tentative de renaissance civilisationnelle, piller les ressources, détruire les mentalités collectives, disloquer les géographies, saper les embryons d’économie, intégrer les flux migratoires à la fois comme un procédé de guerre en vidant les pays de leur jeunesse laissant le pays sans bras armé pour la résistance (le cas syrien est le plus éloquent) et comme émergence d’un sous prolétariat en concurrence avec les prolétariats européens facilitant l’accumulation capitaliste des profits par la réduction du cout du travail.
L’accueil méprisant réservé à mon livre, l’acharnement et l’empressement des « indigènes » musulmans de France à vouloir montrer l’islamophobie soit comme une xénophobie envers les banlieues françaises soit comme une séquelle de la colonisation de l’Algérie m’a réconforté dans l’idée de l’indigence politique des musulmans, de leur quête de statut social d’intellectuel, de leur alignement idéologique qui leur permet de bénéficier d’une rente d’existence en devenant l’interlocuteur valide qui se focalise sur l’accessoire et qui évite le fondamental et les priorités.
Ceux qui veulent encadrer les populations musulmanes en Europe et aux USA ont certes des diplômes universitaires, mais il leur manque la culture politique et la vue lucide sans esprit partisan, sans démarche sectaire, et sans aliénation à la réussite mondaine. Ceux qui communiquent contre les musulmans disposent d’une culture islamophobe, d’un réseau d’informateurs et d’un savoir efficace sur le musulman africain, asiatique ou occidental. Ces communicants s’adressent aux populations occidentales non musulmanes pour les faire adhérer sinon les neutraliser dans leur combat idéologique et militaire contre les musulmans (islamistes, athées, laïques, arabes, berbères, persan, turcs et chrétiens ou juifs d’orient). La religion n’est pas le moteur, mais la civilisation qu’elle a portée ou qu’elle risque de porter. Le musulman qui entre dans le moule idéologique et qui se confine à prier, à faire le pèlerinage et à porter barbe et gandoura n’intéresse pas les laboratoires de la psychologie sociale et de la guerre subversive. Celui qui rêve ou qui porte un projet de réforme, d’éveil et de mise en travail des peuples est ciblé pour être mis en silence, mis à l’oubli ou mis à mort.
Daniel Pipes n’est pas un abruti, c’est un intellectuel hautement qualifié et très compétent qui apporte une efficacité sur le plan de la communication et des études orientalistes au service du sionisme et de l’Empire. Il est titulaire d’un doctorat en littérature à Harvard et d’une post graduation sur l’histoire médiévale de l’islam, il est également titulaire d’un doctorat en Charia islamique à l’université d’Al Azhar au Caire. Il parle anglais, français et arabe. Il enseigne dans plusieurs universités. Il collabore avec les Affaires étrangères et la défense des USA ; Il travaille avec les doctrinaires américains de la géopolitique tels que Robert Strausz-Hupé. A titre de comparaison, quelles sont les lettres de créances des conseillers des savantissimes religieux de l’Islam ? Quelles sont celles des musulmans militant en France ? Soient-ils ne parlent pas bien le français soient ils sont dans l’ignorance totale de l’histoire, de la culture, de la géographie, des mœurs, de la religion et de la sociologie de la société française. Pour la majorité d’entre eux la France est un terrain vague sur lequel ils pensent pouvoir faire paître tranquillement le troupeau qui les suit.
Daniel Pipes mobilise, préside et anime des cercles d’intellectuels, de journalistes et d’artistes au service du sionisme et de l’Empire américain. Il intervient quotidiennement sur les plus grands titres de la presse écrite, de la radio et de la télévision. Il est parrainé par les ultra conservateurs américains et israéliens à Washington et à Tel-Aviv. Comme Bernard Henry Lévy il est juif et tous les deux affichent leur judaïté, leur haine de l’Islam et leur mépris pour les Palestiniens et en particulier pour les mouvements indépendantistes palestiniens. Être Juif n’est ni une tare ni un châtiment divin, mais une garantie supplémentaire pour se protéger au nom de l’antisémitisme. On accuse facilement les Juifs de tous les maux de la planète, cela fait diversion et surtout cela cache l’oligarchie financière qui prend les décisions sérieuses. Les Chrétiens d’Orient et de Russie savent mieux que quiconque la puissance maléfique du Temple satanique et des évangélistes éradicateurs qui attendent l’Apocalypse et le retour de Jésus. Plus que le pouvoir de l’argent, il y a le pouvoir spirituel sur l’humanité avec à sa base l’usurpation et l’imposture du mythe rédempteur de Jésus Christ. Le général Greig, canadien, a écrit un livre, je crois qu’il s’appelle “l’échiquier” où il décrit la puissance et le maléfice de l’Église (ou de la Synagogue) satanique aux USA. L’idéologie satanique est la lutte contre l’humain dans ce qu’il a de plus noble et la promotion de ses vices les plus abjects. L’idéologie apocalyptique, d’inspiration biblique, vise à gommer toutes les différences et à domestiquer une humanité pour qu’elle soit assujettie aux ordres et au service d’une élite « supérieure » (les élus). C’est revisiter le fascisme qui se libère du credo nationaliste pour celui de l’universel et de la mondialisation. Vatican II allait dans ce sens aussi avec des objectifs moins radicaux : évangéliser toute la planète et tolérer l’Islam comme religion païenne asiatique dans le cadre du dialogue des civilisations. DAECH est de la même idéologie donc de même inspiration…
Une parenthèse mérite d’être ouverte sur l’islamophobie de Daniel Pipes, ce n’est pas une islamophobie primaire, c’est une islamophobie élaborée et efficace comme il dit lui-même :
« … l’islam radical est le problème et l’islam modéré, la solution. Mon point de vue présente, entre autres avantages, d’envisager une coopération avec les musulmans anti-islamistes ».
C’est le schéma directeur de la lutte antiterrorisme islamique : rendre les musulmans des collaborateurs et des délateurs. C’est ce canevas qui a laissé les Frères musulmans parvenir au pouvoir en Égypte et en Turquie ou jouer un rôle majeur en Syrie et au Yémen. C’est ainsi que Daniel Pipes publiait des articles prônant le soutien à l’Irak contre l’Iran. Ce n’est pas l’Iran et le chiisme qui posent problème, mais la révolution islamique et l’éviction du Shah d’Iran. C’est l’Amérique et ses idéologues qui décident qui est le bon et le mauvais musulman, qui est le modéré et l’extrémiste. Le musulman n’est pas autonome dans ses décisions ni libre dans son projet d’émancipation. Même l’athée et le laïciste du monde musulman ne doit voir que sous l’œil observateur et sous l’esprit inquisiteur de l’Amérique. C’est ce mode de pensée qui permet à l’intelligence américaine de trier entre la bonne gauche et la mauvaise, la bonne droite et la mauvaise. Tout est analysé du point de vue utilitaire et provisoire. C’est l’idolâtrie des temps post modernes… Cette idolâtrie est le creuset idéologique et spirituel de Daniel Pipes :
« L’ordre mondial qui se profile sera-t-il celui de l’empire universel américain ? … La mission du peuple américain consiste à enterrer les États-nations »
Toute la rhétorique de Bernard Henry Lévy est déjà conceptualisée et communiquée au préalable par Daniel Pipes qui a un réseau efficace en France pour mobiliser et communiquer sur tout projet de guerre impériale dans le monde musulman. C’est ce réseau qui a pris en charge Sarkozy pour la Libye, Hollande et Macron pour la Syrie et qui est en train de prendre la direction de la communication pour la Turquie. Ce n’est pas les propos de BHL qu’il faut suivre et analyser, mais bien ceux de Daniel Pipes. Le mieux serait de suivre et d’analyser les illuminés d’Amérique. Ils sont les concepteurs et les communicants des mots d’ordre ravageurs et des feuilles de routes opérationnelles sous-jacentes à leurs concepts : « islamophobie », « Nouvel antisémitisme », « Militants de l’islam », « la théorie moyen-orientale du complot ». Avant que la France ait eu l’idée de créer le CFCM et le concept d’Islam de France, Daniel Pipes avait déjà lancé l’idée de création d’un « Institut américain de l’Islam Progressiste » début des années 2000 . Daniel Pipes a construit un réseau dense et efficace de musulmans zélés, arabes et non arabes, par le forum du moyen Orient qui permet de fédérer les opposants à l’Islam et les sympathisants idéologiques de l’Amérique. Il est aussi très influent dans la sphère intellectuelle et médiatique en Allemagne, en France et en Angleterre.
Contentons-nous ici et maintenant de rapporter quelques analyses et quelques recommandations de Daniel Pipes pour rendre la Turquie obéissante et servile, et probablement faire partir Erdogan et changer de régime en redonnant à l’armée le pouvoir qu’elle a perdu sur injonction américaine qui avait besoin d’un allié conjoncturel sunnite pour mener sa guerre contre l’Iran, pour partitionner la Syrie en quatre ou 5 émirats et régler définitivement la question palestinienne. Voici ce que dit Daniel Pipes en substance après avoir posé la question essentielle : « L’affirmation selon laquelle la Turquie s’éloigne de l’Occident appelle plusieurs questions : au-delà des beaux discours, quelle est la réalité de l’alliance atlantique en 2018 ? La Turquie devrait-elle rester membre de l’OTAN ? L’OTAN a-t-elle encore une mission à l’ère post-soviétique ? Et si oui, laquelle ? » : Son diagnostic est le suivant
Les réponses les plus pertinentes consistaient à dire que l’OTAN devait certes, continuer à exister et à mobiliser ses moyens de défense contre la nouvelle grande menace totalitaire qu’était l’islamisme. Les fascistes, les communistes et les islamistes diffèrent sur bien des points mais ils ont en commun ce rêve d’une utopie radicale fabriquant un être humain supérieur dont l’existence a pour but de servir son gouvernement. Le nouvel ennemi islamiste a acquis une importance planétaire au moment même où l’ennemi initial (URSS) était vaincu…
La menace islamiste : Cette menace était alors surtout le fait de deux pays, l’Afghanistan et la Turquie, qui représentaient pour l’OTAN deux défis sans précédent, le premier externe et le second interne… Le programme nucléaire iranien, qui est désormais en marche pour la fabrication de bombes dans les dix prochaines années, constitue le problème le plus funeste particulièrement quand on prend en compte la présence à Téhéran d’un régime apocalyptique et la possibilité d’une attaque à impulsion électromagnétique… Le gouvernement turc menace de faire déferler sur l’Europe des vagues de réfugiés syriens. Il entrave les relations de l’OTAN avec des alliés proches comme l’Autriche, Chypre et Israël. Il a soutenu le retournement de l’opinion publique turque contre l’Occident, particulièrement contre les États-Unis et l’Allemagne. À titre personnel, il m’est devenu impossible (à l’instar d’autres analystes observateurs de la Turquie) de ne serait-ce que changer d’avion à Istanbul par crainte d’être arrêté et jeté en prison pour servir d’otage et de monnaie d’échange avec un criminel turc réel ou imaginaire se trouvant aux États-Unis. Rendez-vous compte : la Turquie, un soi-disant allié, est le seul pays au monde où je crains d’être arrêté à mon arrivée…
Erdoğan a pratiquement rejoint l’Organisation de Shanghai qui fait office de pendant russo-chinois de l’OTAN. Les troupes turques ont participé à des exercices communs avec les armées russe et chinoise. Plus significatif, les forces armées turques sont en train de déployer le système de missiles antiaériens russe S-400
La Turquie anti-OTAN, anti-occidentale et dictatoriale : Le pouvoir d’Erdoğan s’est construit sur la nature despotique de l’islamisme : trucage d’élections, arrestations de journalistes dissidents sur présomption de terrorisme, création d’une armée privée, SADAT, usage de la torture par la police et organisation d’un coup d’État.
Le gouvernement turc soutient Téhéran de plusieurs manières : aide au développement du programme nucléaire iranien, soutien à l’exploitation des champs de pétrole iraniens, aide au transfert d’armes iraniennes vers le Hezbollah et soutien conjoint au Hamas.
La Turquie dénature l’OTAN : Outre son hostilité, la présence turque à l’OTAN dénature l’Alliance. L’OTAN devrait lutter contre l’islamisme. Or, avec des islamistes présents dans la place, comment l’Alliance atlantique pourrait-elle agir de la sorte ?
Les préconisations de Daniel Pipes : L’OTAN se retrouve face à un dilemme qu’il faut trancher : soit exclure la Turquie, option que je préconise, soit la garder, option que l’OTAN privilégie instinctivement.
Exclure la Turquie : Mon argumentation repose sur le fait qu’Ankara pose des actes hostiles à l’OTAN, qu’elle n’est pas un allié et qu’elle empêche le nécessaire recentrage de l’action atlantique sur l’islamisme. En somme, la Turquie est le premier État membre à passer dans le camp ennemi où il se peut qu’elle demeure longtemps… il faut se demander pendant combien de temps la Turquie restera islamiste et dictatoriale, et s’apparentera à un État voyou. Au vu du sentiment anti-occidental qui règne largement en Turquie, je pense qu’il faut que l’OTAN soit libre d’être ce qu’elle doit être.
Sinon… il existe plusieurs mesures propres à diminuer les relations avec Ankara et à réduire le rôle de la Turquie dans l’OTAN.
Abandonner la base aérienne d’Incirlik… Il existe une foule d’autres sites, par exemple, en Roumanie et en Jordanie. Selon certaines sources, ce processus est déjà enclenché…
Ignorer l’article 5 et les autres demandes d’aide.
Garder l’OTAN à distance de l’armée turque.
Aider les opposants à la Turquie. Il faut soutenir les Kurdes de Syrie ainsi que le projet de plus en plus clair d’alliance entre la Grèce, Chypre et Israël. Il faut par ailleurs coopérer avec l’Autriche.
C’est un programme de guerre punitive contre la Turquie. BHL et les réseaux médiatiques français vont mâcher et recracher ce programme sans le digérer. Ils n’agissent pas pour les intérêts de l’État français, mais pour le compte de l’Empire. Ils ne connaissent pas la feuille de route à long terme, ils communiquent à court terme et font office de vassalité envers leur donneur d’ordre avec qui ils partagent la même haine, celle de l’Islam, et le même amour, celui d’Israël. Daniel Pipes ne communique pas du fait de la complaisance ou de la proximité des médias américains, il analyse et conseille l’établissement politique et militaire américain ainsi que l’état profond américain ultra conservateur et messianique. Son organisation se réunit avec l’administration de l’OTAN. Les extraits que nous venons de citer sont l’analyse qu’il a développé pour le compte de l’OTAN et de la Maison Blanche.
Erdogan prisonnier de son narcissisme et de l’entrisme opportuniste des Frères musulmans n’avait pas compris que les États-Unis n’ont pas d’alliés, mais des vassaux. Ces vassaux ne sont pas égaux sur le plan de la servitude, ils doivent être regroupés par zone et mis sous le commandement d’un chef de zone. Pour le Moyen-Orient il y a un adjudant-chef c’est Israël, le second exécutant est le sergent-chef alias Arabie saoudite. La Turquie devrait se contenter de la troisième place de caporal-chef. Il n’y a pas de place à l’ambition néo-ottomane. Il est extraordinaire de voir comment la gauche dans les pays musulmans, via le trotskisme et autres organisations pseudo progressistes s’est mobilisé pour dénoncer l’empire ottoman et mettre en exergue le despotisme ottoman sans jamais remettre en cause les errements d’Erdogan en Syrie ni faire une analyse objective de la Turquie sur la dernière décade (économie, monnaie, société) et encore moins admettre le rayonnement civilisationnel de la Turquie ottomane sur le reste du monde. Atatürk est l’idole des progressistes arabes qui n’ont jamais mis les pieds en Turquie et qui ne connaissent pas l’humiliation du peuple musulman turc obligé de vivre son islamité en clandestinité et de porter contre son gré les vêtements européens et d’écrire sa langue natale avec des caractères latins. Les Frères musulmans n’avaient pas compris et ne comprennent toujours pas comment ils sont utilisés comme pion sur l’échiquier mondial dans ce que les Américains appelle le chaos fécondateur ou la régression féconde pour remodeler les nations et les régions par les contradictions et les violences.
L’ambition d’Erdogan ne repose pas principalement sur l’islamisme, mais sur le nationalisme turc. Le nationalisme turc est chauvin, mais efficace car il repose sur une population laborieuse, fière de son passé et désireuse de s’imposer dans la région en tant que nation prospère et civilisée. Dans cette crise avec l’Amérique c’est le nationalisme et l’anti américanisme très vivace dans la Région qui sont les moteurs du gouvernement turc pour juguler la crise monétaire et la guerre économique. Erdogan est un animal politique suffisamment cultivé et fortement ambitieux capable donc de transformer son pays en bloc de résistance et de former des alliances stratégiques préservant les intérêts de la Turquie et la survie de son régime. Il faudrait d’abord qu’il prenne conscience des véritables enjeux économiques et de la nature de la crise de sa monnaie qui est d’ordre structurel par son alignement à l’économie mondiale avec ses spéculations boursières et l’usage exclusif du dollar. Il devrait le plus rapidement possible trouver des solutions sérieuses et durables avec la Syrie et avec les Kurdes et s’ouvrir comme partenaire fiable à la Russie, à l’Iran, au Pakistan, à la Chine, à l’Inde. C’est au Européens de prendre leur avenir en mains : se maintenir bienveillant en Turquie avec un marché de 100 millions d’habitants et s’ouvrir avec courage et détermination à l’Iran avec un marché de 80 millions d’habitants ou bien suivre aveuglement l’administration américaine et les relais médiatiques européens des think tanks apocalyptiques.
Notre lecture de l’actualité à travers le regard de Daniel Pipes nous invite à aborder deux aspects du problème posé à la Turquie. Le premier problème est celui de Donald Trump. Lorsqu’on l’examine sérieusement et avec beaucoup de recul, il ne s’agit pas d’un problème, mais d’une providence, d’une aubaine, d’une chance : l’Amérique se dévoile telle qu’elle est sans les lissages diplomatiques et avec la brutalité de Trump. Cette brutalité devrait inciter les gouvernants sensés et les peuples éveillés à chercher des alliances régionales, à donner plus de liberté et de confiance à leurs peuples et à créer toutes les conditions pour l’émergence d’un monde bipolaire ou multipolaire s’ils veulent garantir la paix et la sécurité. Le second problème est celui posé par Daniel Pipes : l’OTAN est l’arme de la civilisation occidentale dans sa forme capitaliste et post moderne. Le maintien de la Turquie pose un problème de conscience morale et civilisationnelle : comment admettre que la Turquie l’un des plus grands pays musulmans et de surcroît émergent en termes de développement social et économique puisse être la seconde armée la plus puissante de l’OTAN alors qu’elle devrait être, par les principes islamistes, au service des opprimés ou du moins un renfort ou une alliance pour les pays émergents de la Région. Il faut dire merci à Daniel Pipes de poser les problèmes d’une manière logique et merci à l’Europe de refuser l’intégration de la Turquie pour les mêmes motifs civilisationnels et idéologiques (religieux). Erdogan et les Frères musulmans dans tous les pays où ils sont fortement implantés ne veulent pas changer le monde, mais s’intégrer dans le monde du plus fort et servir la bourgeoisie d’affaires qui gravitent dans leur sillage confrérique et partisan. L’exemple le plus flagrant est celui des Frères musulmans en Algérie : un appétit mondain et un gout pour le pouvoir. Les États-Unis connaissent cet appétit et ce gout et sont disposés à jouer la carte de l’islamisme “modéré” qui facilite le jeu américain. Le jeu américain n’est pas subtile, il consiste à mettre en compétition le pouvoir en place et les Frères musulmans pour obtenir le maximum de concessions économique, politique et géostratégiques.
Ce qui se dit comme ce qui se passe est instructif et nous donne les repères pour voir l’évolution du monde musulman : libération ou aliénation.
Le jeu américain ne se limite pas aux Frères musulmans, il est ouvert aux libéraux et aux progressistes dont il connait le poids politique et l’influence sociale très limitée et à ce titre Daniel Pipes et les décideurs américains et leurs alliés européens ne leur suggèrent que des projets de socialité pour détruire la mentalité collective conservatrice : liberté sexuelle, homosexualité, théorie du genre, égalité des sexes, abolition du code de la famille. En direction de la gauche anglaise ils suggèrent le Brexit, la fermeture des frontières aux réfugiés et la tolérance zéro vis à vis des communautés musulmanes.
Il n’ y a pas de complotisme, mais une politique d’actions et d’influences sur l’environnement pour l’adapter à ses impératifs politiques, économiques, culturels, financiers, juridiques, diplomatiques et géopolitiques. Est-ce que les gouvernants et les opposants sont prêts à faire une lecture des enjeux et de réfléchir aux réponses les plus adaptés pour se protéger et résister?à
En solidarité avec la résistance afghane à l’occupation soviétique, une internationale islamiste voit le jour dans les années 80, sous les auspices d’un exilé palestinien et d’un milliardaire saoudien.
Cette journée d’août 1988, il y a exactement trente ans, n’a laissé aucune anecdote vérifiable, parole rapportée ou élément de décor précis pour lui écrire un scénario digne des événements fondateurs. Seulement trois personnages : l’instituteur palestinien Abdallah Azzam, le chirurgien égyptien Aymane al-Zawahiri et le milliardaire saoudien Oussama Ben Laden, et un lieu : quelque part dans la banlieue de la ville pakistanaise de Peshawar. La présence de Zawahiri n’est pas certaine, et selon certaines versions, l’assemblée était plus large que ces trois protagonistes, le jour où el-Qaëda, « la base », fut créée.
Quatre ans plus tôt, Azzam et Ben Laden avaient fondé le Bureau des services aux moujahidine (BSM), qui réceptionne les volontaires arabes au jihad afghan contre l’occupant soviétique. Le Bureau a aménagé une grande auberge où les recrues attendent leur tour d’aller au front. Car en cette année 1984, le jihad commence à souffrir de sureffectif. Les moyens distancent de plus en plus les besoins de la résistance afghane, quand deux ans plus tard, le retrait échelonné des troupes soviétiques devient irréversible. Alors, en patientant à l’arrière dans les pensions et les camps d’entraînement du BSM, les Algériens du maquis Bouyalis, les vétérans des prisons égyptiennes de Sadate ou de Moubarak, les compatriotes de Ben Laden, les Irakiens et les Jordaniens mijotent dans ce que le jihadiste Michari al-Dhaidi appellera plus tard « la cuisine de Peshawar ». « Dans les sociétés musulmanes, la religion a toujours servi à mobiliser contre une occupation étrangère. Le Front de libération national algérien, d’inspiration marxiste, appelait ses hommes les moujahidine. Mais ce phénomène n’a jamais pris autant d’ampleur qu’en Afghanistan », explique Lemine Ould Mohamed Salem, auteur d’une biographie du Mauritanien Abou Hafs, l’ancien mufti d’el-Qaëda, et de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar.
« Rejoins la caravane »
C’est Abdallah Azzam qui fait tourner le chaudron. Natif d’un village périphérique de Jénine en Cisjordanie, il est le personnage principal de la genèse d’el-Qaëda, celui à qui le mouvement doit sa doxa originelle. « Azzam est le premier à avoir donné une dimension internationale au jihad contemporain, remarque M. Salem. Il est un Palestinien : c’est un fait important. Avant l’Afghanistan, il navigue entre la Cisjordanie, la Jordanie après 1967, Damas, Le Caire, Jeddah. Ses voyages forgent son panislamisme. » Azzam a révolutionné le casus belli du jihad : alors que les Frères musulmans voulaient d’abord prendre la relève des gouvernements arabes, le clerc palestinien donne la priorité à la lutte contre les occupants étrangers, l’« alliance judéo-croisée » aux multiples occurrences dans les interventions ultérieures de Ben Laden. Il substitue à l’idée élitiste d’avant-garde, répandue dans l’école égyptienne, celle de « jihad populaire général ». « Quant à la poignée d’officiers qui pense pouvoir établir une société musulmane, écrit-il dans son manifeste Rejoins la caravane (1987), c’est une illusion et un leurre qui risque de répéter la tragédie que vécut le mouvement islamique sous Gamal Abdel Nasser. » Une référence au groupe al-Jihad, dont la stratégie, inspirée des écrits du frère musulman Sayyid Qutb, tablait sur le coup d’État d’un petit groupe de militants éclairés. « Ces hommes étaient très différents par leurs milieux sociaux. Mais ils avaient un socle commun : ils ont tous fréquenté une université wahhabite ou un univers proche du wahhabisme saoudien, ainsi que les Frères musulmans. Je ne sais pas si les Frères préparent le passage à l’acte radical. Mais pour beaucoup d’entre eux, la confrérie a été une instance de formation politique », observe M. Salem.
Le nerf de la guerre
Dans le domaine de la révolution idéologique, Ben Laden n’est donc qu’un disciple et continuateur de Abdallah Azzam. Mais le Saoudien va procurer à ces nouveaux préceptes le nerf indispensable, ce sans quoi el-Qaëda n’aurait pas donné au XXIe siècle sa borne historique inférieure : de l’argent, beaucoup d’argent. Des groupes à vocation jihadiste aux plumes non moins entraînantes que celle de Azzam ont précédé el-Qaëda, comme le Jihad islamique égyptien (JIE). L’écrasante hauteur financière du Saoudien les a condamnés à s’aligner ou mourir. L’argent aura une importance décisive dans le repositionnement idéologique de Zawahiri, futur successeur de Ben Laden, à l’époque encore émir du JIE. En 1998, ce cacique de l’opposition au régime de Hosni Moubarak s’associera au « Front islamique mondial pour la guerre sainte contre les juifs et les croisés », opérant ainsi un revirement de l’ennemi proche (Le Caire) à l’ennemi lointain (l’Occident judéo-chrétien). Les rangs du JIE étaient rendus exsangues par la campagne d’arrestations du Caire, et l’organisation bataillait sec pour obtenir des financements. Le parapluie financier du Saoudien se mérite à condition de souscription idéologique.
La base de ce parapluie est la fortune de feu son père Mohammad Ben Laden, le « Rockefeller du Moyen-Orient », cinq fois milliardaire. Il y a aussi les dons de ses admirateurs saoudiens et des cœurs conquis par Abdallah Azzam lorsque ce dernier s’en va battre le rappel à travers le monde. Et les dollars distribués de façon libérale par la CIA à la résistance afghane. L’objectif est d’épuiser l’Armée rouge en choyant le jihad. Cette stratégie est payante, les soviétiques se rapprochent de leurs limites. À Peshawar, le temps passe lentement. Le dernier soldat de l’Armée rouge part en février 1989, et avec lui le gros du contingent arabe de Ben Laden. Une voiture piégée tue Azzam la même année, sur le chemin de la mosquée où il devait prononcer le sermon du vendredi. Peu avant de mourir, il aurait eu ces mots : « J’ai l’impression d’avoir 9 ans : 7 ans et demi de jihad afghan et un an et demi de jihad palestinien. Le reste de ma vie ne compte pas. » Dans son Arabie saoudite natale où il est rentré, Ben Laden se morfond dans sa vie de planqué. Le zélote cherche alors une nouvelle cause pour mettre à profit ce réseau tissé en Afghanistan, cette base combattante, « el-Qaëda ».
États amis, États ennemis
Le régime « athée » à Bagdad l’obsède. Lorsque l’armée irakienne envahit le Koweït en 1990, Ben Laden prétend pouvoir aligner une « légion arabe » de 10 000 hommes. Riyad décline et préfère confier la libération du Koweït à une coalition d’armées occidentales sous patronage américain. L’émir d’el-Qaëda prend alors en grippe les Saoud, suppôts de l’« occupation du pays des deux sanctuaires ». Ben Laden tombe sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire, qu’il finit par braver en 1991, grâce aux interventions de membres puissants de sa famille. Il prétexte devoir régler une affaire au Pakistan et ne revient plus.
Du Pakistan, où il a eu vent d’un projet d’attentat contre lui, Oussama Ben Laden part pour le Soudan. Le pays est dirigé depuis le coup d’État de 1989 par le général Omar el-Bachir, mais l’éminence grise est Hassan al-Tourabi, patron des Frères musulmans. Ce dernier donne son feu vert pour que l’émir et sa « cour » débarquent à Khartoum en 1992. La capitale est un sanctuaire pour fugitifs en tout genre. Le JIE d’Aymane al-Zawahiri et le Groupe islamique combattant libyen (GICL) y coulent des jours heureux. Depuis sa villa de la rue el-Meshtal, en plein quartier résidentiel, l’émir d’el-Qaëda finance et dispense ses bons conseils aux jihadistes algériens, égyptiens ou yéménites, ainsi qu’au pouvoir en place à Khartoum dans sa guerre contre les chrétiens et animistes du Sud. Il ne se cache pas. Ceux qui le cherchent finissent par savoir. Il y fait brillamment des affaires : Ben Laden possède plusieurs entreprises de BTP, en vue sur les marchés publics.
Le borgne
C’est durant la période soudanaise qu’el-Qaëda émerge en tant que « marque ». Une marque qui assure aujourd’hui au groupe une survivance morale alors que son chef charismatique est mort. Le groupe met en orbite d’autres formations jihadistes dont les cadres ont fait leurs dents sur le front afghan. L’un d’eux est un Algérien, Mokhtar Belmokhtar. De son passage en Afghanistan, il garde une trace indélébile : un éclat d’obus lui a balafré l’œil droit. « Le borgne », c’est son surnom, rentre tardivement en Algérie, en 1992. Son pays s’est transformé en son absence. Un mouvement de libéralisation a permis au Front islamique du salut (FIS) de devenir la principale force politique au premier tour des élections législatives de décembre 1991, après plus de 20 ans de parti unique socialisant. Moins de quinze jours après les résultats, les blindés encerclent Alger. Cinq mois angoissants s’écoulent, durant lesquels le président démissionne et son remplaçant est assassiné. Finalement, en juillet, les principaux chefs du FIS sont jetés en prison. Leurs partisans prennent le maquis.
Dans son manifeste Cavaliers sous l’étendard du Prophète (2001), Zawahiri consacre quelques mots à l’épisode qui enclencha la guerre civile algérienne. Il « montra aux musulmans que l’Occident est non seulement impie, mais aussi menteur et hypocrite. Car le FIS s’était comporté selon sa doctrine : il voulut passer par les urnes pour pénétrer dans les palais présidentiels et les ministères mais, à leurs portes, l’attendaient des chars d’assaut, qui pointaient leurs canons bourrés de munitions françaises vers ceux qui avaient oublié les règles de la lutte entre le bien et le mal ». Pour Bernard Rougier, auteur de l’Oumma en fragments, « el-Qaëda se sert du coup d’État militaire en Algérie pour dénigrer la stratégie légaliste des Frères musulmans et recentrer la lutte sur l’Occident lointain. Cavaliers sous l’étendard du prophète est le texte qui accompagne le 11-Septembre ».
Belmokhtar a rejoint les maquisards et fonde la Brigade des martyrs, rattachée au Groupe islamique armé (GIA), nouvel avatar militaire du FIS. Ses faits d’armes acquièrent une petite notoriété. Mais le GIA est mal en point. Pour lui donner un nouveau souffle, le borgne veut placer l’organisation sous l’étendard d’el-Qaëda. Les premiers contacts auraient été noués en 1994. Ben Laden met la main au portefeuille, moyennant un « redressement salafiste ». Car le GIA plonge l’Algérie dans ses années noires, culminant avec l’intronisation de Antar Zouabri. Ce dernier promulgue en 1996 une fatwa qui apostasie tout individu se soustrayant au jihad. Des civils sont massacrés à ce titre. Ben Laden dépêche un émissaire qui arrive en Algérie au premier semestre de 1998, avec pour mission de mettre au pas le jihad local. La majorité des brigades affiliées au GIA de Zouabri font scission et fondent le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). El-Qaëda et les Algériens en restent là. On les retrouvera plus tard, au début de l’année 2007.
Coming out
1996, année moins 5 : Ben Laden et ses compagnons doivent reprendre la route. L’idylle avec Khartoum est finie. En février 1993, un camion piégé a explosé dans les sous-sols de la tour nord du World Trade Center. Le cerveau de l’attentat est un vétéran pakistanais d’Afghanistan, Khaled Cheikh Mohammed. Six mois après, le département d’État américain inscrit le Soudan sur la liste des États parrainant le terrorisme. Omar el-Bachir est contrarié. Sa carrière se portait bien. Sous la pression de Mouammar Kadhafi, le GICL doit plier bagage. Puis c’est tous les sbires libyens de Ben Laden qui sont déclarés persona non grata. La bande retourne donc à son premier amour, le Pakistan. C’est là, en 1996, que Cheikh Mohammed et Ben Laden se seraient rencontrés pour la première fois. Le Pakistanais est promu chef des opérations spéciales. Cheikh Mohammed insiste auprès de l’émir sceptique sur la faisabilité du 11-Septembre.
Pendant que le commando de pirates soigneusement sélectionnés par l’émir s’entraîne, le mouvement est en route vers son apogée opérationnelle. Jusqu’en 1998, el-Qaëda est une « base » au sens base de données combattantes, dans la droite ligne du BSM : l’organisation finance, supplée et « aimante » idéologiquement des groupes préexistants, mais ce sont ces derniers qui sévissent sur le terrain. C’est au tournant de 1998 qu’el-Qaëda acquiert pleinement son second sens, « la norme ». Les attentats perpétrés quasi simultanément contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar es-Salam le 7 août sont la seule volonté d’Oussama Ben Laden. Ils révèlent au monde son identité opérationnelle : son modus operandi, ses cibles, son mépris des vies civiles.
Retour aux sources
Cet âge d’or prend fin vers 2002. Deux mois après le nuage de fumée qui a embrumé les écrans de télévision du monde entier, un matin de septembre, une vaste coalition de plusieurs pays vient chasser les hôtes talibans d’el-Qaëda en Afghanistan. Ben Laden somme ses troupes d’évacuer les lieux. Certains fuient en Iran, dont le mufti Abou Hafs et une partie des quatre épouses et des dizaines d’enfants de Ben Laden. Ils y sont cordialement accueillis, hébergés, puis suivis, retenus et un jour jetés en prison. De la prison, ils passent en résidence surveillée. Une passoire. Une des filles de Ben Laden s’échappe lors d’une virée shopping surveillée dans un centre commercial de Téhéran. Abou Hafs l’imite et trouve refuge auprès de l’ambassade mauritanienne. Il passe aujourd’hui sa retraite dans un quartier résidentiel de Nouakchott peuplé de gens du cru. Ben Laden, lui, est abattu en 2011 dans sa villa à Abottabad (Pakistan). La ville abritait l’Académie militaire nationale. Ainsi donc, l’émir vivait entouré d’élèves officiers pakistanais.
La mort du Saoudien fait entrer el-Qaëda dans un nouveau cycle de vie : le corps de l’organisation « al-Qaëda maison mère » s’affaiblit avec le dronage de plusieurs de ses cadres, mais son esprit est amalgamé avec des « filiales ». C’est un retour aux sources de ce qu’était el-Qaëda pendant la décennie qui a suivi sa création. Caractériser cette évolution est une question de point de vue : affaiblissement ou résilience. Ce repli stratégique est consacré en janvier 2007 avec l’adoubement du GSPC de Belmokhtar, qui devient el-Qaëda au Maghreb islamique (AQMI), et la fusion deux ans plus tard entre les cellules jihadistes saoudiennes et yéménites au sein d’el-Qaëda dans la péninsule Arabique (AQPA). « Les franchises se sont autonomisées. Mais des sortes d’audits sont accomplis par le commandement général de Zawahiri. Un émissaire avait par exemple été envoyé auprès du Fateh el-Islam au Liban, et la consultation s’était mal passée, explique Bernard Rougier. Dans ses dernières lettres, Ben Laden insiste pour qu’el-Qaëda reste clandestin. Ces dernières volontés n’ont pas été respectées. Les franchises s’enracinent dans le tissu local, concluent des alliances matrimoniales avec les tribus sur place. Ces dernières font simplement des calculs d’intérêt. Si ces calculs se modifient, elles peuvent se retourner contre el-Qaëda. » En Syrie, qui était une terre de jihad prometteuse, les dernières ramifications du groupe ont été désavouées par la maison mère sur des divergences stratégiques. Elles comptent leurs jours, encerclées par le régime à Idleb. Mais comme à Tombouctou et à Gao au Mali ou Zinjibar au Yémen, le contrôle territorial n’est qu’une parenthèse de leur histoire.
De guerre des clans il n'y a point. Du clan des guerres, il est sur tous les fronts.
« L'apothicaire ne sent pas ses drogues. » Proverbe belge J'ajoute pour ma part : Le politicien est un homme homérique, héroïque : il ne lâche jamais sa lâcheté.
Régulièrement, la scène médiatique algérienne diffuse les mêmes scénarios politiques dans lesquels les grandes célébrités du pouvoir rejouent le même film d'empoignade au collet ou plutôt d' « empoignarde » dans le dos. Et chaque saison de rediffusion est marquée par l'annonce de grands orages dans le ciel du sommet du régime déclaré moribond. Le suspense est à son comble. Tout le monde tremble. La chancellerie algérienne chancelle.
Selon les experts de l'ombre, l'avenir de l'Algérie est sombre. L'Algérie dans le chaos sombre.
Sur fond d'arraisonnement d'un bateau encombré déraisonnablement de viandes sau-poudrées de blanches intentions, la scène politique algérienne s'agite. C'est une poudrière. D'aucuns dirigeants, blanchis sous le harnais gouvernemental, balancent des accusations de blanchiment. D'autres, en guise de blanchissement, rétorquent que c'est de la poudre aux yeux.
En tout cas, la scène politique algérienne s'agite. Au sommet du pouvoir ça swingue. Ça tangue. C'est la valse des ministres. Ce ballet ministériel ressemble à un coup de balai dans l'écurie présidentielle. A une volonté d'écurer l'écœurante confrérie politique gouvernementale.
Avec une tonitruante indélicatesse, le dernier feuilleton a tenu ses promesses. Dans une ambiance politique courroucée, des têtes couronnées sont tombées. Aussitôt remplacées par des sosies du régime. Des clones. Des clowns. À observer ce énième scénario, on découvre le même écran de fumée. Le même clan enfumer la scène politique par ses prétendues bisbilles.
À regarder la scène médiatique, le palais présidentiel serait en flamme. Les torchons brûlent entre les « servietteurs » de l'Etat jamais en état de marche. Et certains pompiers claniques pyromanes seraient à l'œuvre pour attiser le feu à l'aide de leurs manigances incendiaires.
Dans la débandade, dérobade, chacun tente de sauver son Riad. Sauver ses meubles, ses immeubles. Chacun tente de se meubler un avenir radieux toujours au sein de cet immeuble luxueux présidentiel.
Ainsi, selon nos fins connaisseurs critiques du cinéma politique algérien, le dernier film présidentiel met en scène des acteurs politiques engagés dans une impitoyable lutte clanique mortelle. L'épilogue risque d'être sanglant. Les rebondissements saignants. Les péripéties périlleuses. On nous dit que c'est digne du Clan des siciliens.
En vérité, au sommet de l'Etat, c'est le Clan des silences liens, masqués par de prétendues dissensions bruyantes. Les médias aboient que le clan présidentiel serait aux abois. Il broie du noir. Il boit la tasse. Il se noie. Il se murmure qu'il se meurt. Déjà on s'organise car il agonise. On se prépare au drame car il rendra l'âme. On creuse déjà la tombe pour enterrer ce régime qui tombe. C'est ce qui s'appelle nager dans les eaux troubles de l'actualité polluée par la désinformation. Cette presse nous inonde de nouvelles falsifiées, faisandées.
Elle nous fait croire que le pouvoir est déchiré par la lutte des clans. La guerre des clans est déclarée. Cette presse focalise sur la prétendue guerre des clans pour nous faire oublier le clan des guerres. En effet, l'Algérie ne souffre pas de la guerre des clans, mais du clan des guerres. Des guerres sociales menées contre tout le peuple algérien par le clan du pouvoir, représenté par tous les dirigeants de l'Etat.
La prétendue guerre des clans vise à camoufler le vrai clan des guerres. Des guerres sociales, économiques, politiques, culturelles, intellectuelles, existentielles que le Clan Uni du pouvoir mène contre le Peuple Divisé algérien.
En réalité le clan du pouvoir se porte à merveille. Et sur le peuple toujours il veille. Au moyen d'informations hypnogènes qu'il distille et surveille. Pour éviter que le peuple se réveille.
L'opacité du pouvoir ne triomphe que par l'aveuglement du peuple. De la capacité du peuple à ouvrir les yeux dépend le crépuscule de la rapacité de pouvoir de ce clan de l'horreur, et l'aurore du pouvoir du peuple de l'honneur dans la clarté.
L'Union fait la force, dit le proverbe. En Algérie, la farce fait l'union.
L’Onu “indignée” par le meurtre de Razan al-Najjar
New York (Nations unies) – L’Organisation des Nations unies s’est dit lundi “indignée” par le meurtre, vendredi par les forces israéliennes, d’une secouriste palestinienne qui prodiguait des soins à des Palestiniens blessés par les forces de l’occupation israéliennes.
Une vidéo montre que Razan, la jeune infirmière palestinienne, avait les bras levés quand elle a été tuée
Des milliers de Palestiniens de Gaza ont participé à l’enterrement de la jeune Razan Najjar, portée de son domicile à Khuza’a jusqu’au cimetière de Khan Yunes où elle a été enterrée. Une vidéo montre que cette secouriste de 21 ans a été assassinée alors qu’elle avançait près de la frontière, en blouse blanche, les bras levés pour bien montrer qu’elle allait soigner des blessés.
Les funérailles de Razan Al-Najjar ont attiré plusieurs milliers de personnes, samedi 2 juin.
Razan Al-Najjar était infirmière. Agée de 21 ans, elle faisait partie des volontaires qui, au péril de leur vie, interviennent dans la bordure frontalière, soit quelques centaines de mètres près de la clôture séparant la bande de Gaza d’Israël. C’est là qu’elle a été tuée, le 1er juin, par un sniper israélien, à l’est de Khan Younès. Une centaine d’autres personnes ont été blessées, lors de ce nouveau rassemblement de la « marche du grand retour », entamée le 30 mars, dont le bilan, en termes de victimes, s’élève à ce jour à près de 120 morts et plus de 3 500 blessés par balle.
Les funérailles de Razan Al-Najjar ont attiré plusieurs milliers de personnes, samedi 2 juin, dont de très nombreux collègues de la défunte. Sa veste de sauveteuse, imbibée de sang séché, a été mise en évidence. Des dessins, des montages photo, des extraits d’interviews avec elle ont été massivement diffusés sur les réseaux sociaux. L’armée israélienne a assuré une nouvelle fois qu’elle ferait la lumière sur les circonstances de sa mort. « Dans les cas où il existe des allégations qu’un civil a été tué par les tirs des forces armées, nous enquêtons de façon approfondie et c’est ce que nous ferons », a-t-il été précisé.
Depuis le début de la marche, à en croire les sources locales, 245 membres du personnel médical ont été blessés, dont une partie par balle. Les circonstances de la mort de Razan Al-Najjar ne sont pas encore élucidées, mais il ne fait guère de doute que par son statut même, elle ne pouvait représenter une menace ou une cible justifiée. Sur les réseaux sociaux, une vidéo qui aurait été tournée le même jour montre une scène habituelle depuis huit semaines : des infirmiers avancent dans la zone tampon, les bras levés, pour venir en aide à des blessés.« Les personnels médicaux ne sont pas une cible ! », a rappelé sur Twitter Nikolaï Mladenov, coordinateur spécial de l’ONU pour le processus de paix au Moyen-Orient.
Incidents répétés
« Les rapports indiquent que Razan portait assistance à des manifestants et portait l’habit des services de secours, permettant clairement de la distinguer même à distance comme un personnel médical », a souligné James Heenan, chef du bureau du haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés. Selon ce responsable, la jeune Palestinienne se trouvait à cent mètres de la clôture. « Selon le droit international en matière de droits de l’homme, qui s’applique dans ce contexte avec le droit humanitaire international, la force létale peut seulement être utilisée en dernier recours et lorsqu’il existe un danger imminent de mort ou de blessure sérieuse, ajoute James Heenan. Il est très difficile de voir en quoi Razan posait ce genre de danger à des forces israéliennes lourdement armées et bien protégées en position défensive de l’autre côté de la clôture. »
L’armée, elle, a souligné les incidents répétés à la frontière ces derniers jours, comme les tentatives d’infiltration ou la mise en place d’engins explosifs. Un cessez-le-feu très précaire est entré en vigueur après la montée de fièvre du 29 mai. Dans la nuit de samedi à dimanche, l’armée israélienne a visé 15 cibles attribuées au Hamas, en réponse à six tirs de roquettes, dont plusieurs ont été interceptées par le système de défense Dôme de fer. Parmi les cibles visées figuraient, selon l’armée, deux ateliers de fabrication et de stockage de munitions, appartenant au mouvement islamiste, et une base militaire.
Les anges ne meurent pas Repose en paix Razane Ziad Medoukh
Les haineux ont tiré sur ton cœur blanc Ils ont touché ton corps fragile Ils ont atteint ton visage enfantin Ta robe blanche devient rouge et ensanglante Toi l’infirmière ambulancière volontaire Toi qui soignait les blessés sur les frontières Toi, tu n’avais jamais peur de leurs balles réelles Toi la secouriste sans fatigue Toi, l’engagée pour ta cause juste Toi, la pacifiste sans haine Toi l’humaniste par excellence Toi, la voix des opprimés Toi, qui sauvait les vies bénévolement Toi, la lune de notre retour Toi, la force et le courage de la jeunesse déterminée Toi, la dignité de tout un peuple Aux larmes dans tes obsèques Ton enterrement est un honneur pour ton combat Un grand hommage pour ton soutien aux blessés Les ennemis de la vie ont abattu une ange sur terre Silence, on tue les infirmières à Gaza ! Silence, on assassine les innocents de Gaza ! L’injustice se poursuit ! Ton sourire est résistance Ton rêve inachevé est combat Ton courage est un défi du blocus immortel Tes mains douces sont révolution Ta patience est liberté Ta colère est droit Ton aide aux blessés est un cri légitime contre l’injustice Ton assassinat est une honte pour cette occupation aveugle Ta mort est une honte pour ces instances officielles Ta disparition est une honte pour ce monde qui se dit libre Ton départ est une perte pour Gaza et pour les braves solidaires Mais ces occupants aveugles n’apprennent rien de l’histoire : Ces criminels de guerre ne connaissent rien de cette réalité : On n’enterre pas la lumière éternelle Ils ont oublié que les anges ne meurent pas Repose en paix Razane Toi, force , ténacité , et espoir pour la Palestine ! Toi, la colombe de la paix palestinienne !
ZIAD MEDOUKH
Razane Al Najjar , infirmière palestinienne de 21 ans, lâchement exécutée le 1er Juin 2018 d'une balle dans le coeur par une tueuse sioniste, originaire de Boston, servant dans la force de défense israélienne (Fdi) ...!
Les derniers actes commis – le terme d’« événement » ne doit plus servir de camouflage pour masquer la réalité comme ce fut le cas dans notre propre histoire à propos de la guerre d’Algérie – par l’État d’Israël à l’encontre de populations civiles dans la bande de Gaza ces dernières semaines doivent être regardés avec lucidité. Il faut, en effet, en terminer avec l’impuissance de l’émotion face à des actes délibérés et parfaitement assumés par les autorités israéliennes. Nous avons tous échoué avec les accords d’Oslo devenus par une étrange captation non pas ceux de l’ONU mais ceux de Washington signés en septembre 1993 entre Messieurs Rabin, Arafat et Peres.
INFO PARTENAIRE
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Seul maître de son destin
Cet échec prévisible, déjà à l’époque par la clairvoyance d’Edward Said lequel avait relevé qu’Israël conservait la maîtrise de l’air et de l’eau sur ces territoires désormais déclarés palestiniens, suit la constante d’un vrai fil rouge tenu depuis l’origine par l’État d’Israël. Être et demeurer seul maître de son destin et de ses besoins territoriaux. Comme un État hors-sol c’est-à-dire hors le droit commun et international. Cette année 2018 correspond au 70e anniversaire de la création de l’État d’Israël ce qui oblige à convoquer les faits, à substituer à l’émotion la raison comme condition préalable à tout devoir de vérité. Le 29 novembre 1947 la résolution 181 de l’ONU recommandait un plan de partage de la Palestine, qui était alors sous mandat britannique, en deux États indépendants l’un « arabe » et l’autre « juif ». On doit à l’ouvrage de Sylvain Cypel les Emmures, la société israélienne dans l’impasse (Paris, la découverte, 2005) un précieux rappel des faits.
Dès le mois de juillet 1948 Israël s’est octroyé, au mépris de la lettre et de l’esprit de la résolution 181, des terres situées en dehors des limites onusiennes et correspondant déjà à 60 % de son propre territoire avant de procéder à l’expropriation de 82 % des Palestiniens qui y vivaient, terres dévolues par l’ONU à l’État arabe à naître. Aux actes d’expulsion s’ajouteront les destructions physiques de 400 des 500 villages palestiniens. Sylvain Cypel rappelle les propos tenus par Ben Gourion, fondateur de l’État d’Israël, dès 1948 : « (…) nous nous emparerons de la Galilée occidentale et des deux côtés de la route vers Jérusalem (allouées par le plan onusien du 47 à la future Palestine) et tout ça deviendra partie de notre État, si l’on en a la force. Alors pourquoi s’engager sur des frontières ? ». Les différentes cartes produites par l’auteur de cet ouvrage suffisent à démontrer la volonté originelle d’Israël à torpiller délibérément le droit au motif de justifier sa propre existence.
Israël, un État hors le droit
Comme le rappelait fort justement dans ces mêmes colonnes Marie Verdier le 26 décembre 2006, depuis la création de l’État d’Israël le conseil de sécurité de l’ONU a pris pas moins de 226 résolutions dont la plupart n’ont été suivies d’aucun effet de la part d’Israël. Tout le monde a en mémoire la plus déterminante d’entre elles dite résolution 242, consécutive à la guerre des six jours de juin 1967, qui faisait injonction à Israël de retirer ses forces armées des territoires occupés lors du récent conflit. Cette résolution sera suivie en Mai 68 de la résolution 252 laquelle rappelait que l’acquisition de territoires par la conquête militaire est inadmissible et considérait comme non valides au regard du droit international les mesures qu’Israël prenait savoir l’expropriation de terres et de biens immobiliers dans le but de modifier le statut juridique de Jérusalem.
On doit rappeler que le statut en question concernait le caractère international de la cité. Résolutions toujours en vigueur. Ces résolutions s’appuyant sur les différentes conventions de Genève qui prohibent notamment l’installation par un État d’une partie de sa propre population sur le territoire d’un autre État. C’est la raison pour laquelle dans le langage d’Israël n’apparaît plus le terme de « colonie » pour parler de cette occupation territoriale mais de simples implantations comme s’il s’agissait d’un mouvement naturel et spontané de civils israéliens hors de tout contrôle. Sans omettre la décision unilatérale du gouvernement israélien, toute récente, de déclarer Jérusalem désormais capitale de L’État.
La marche forcée et donc résolue d’Israël vers la multiplication des implantations et les décisions unilatérales illégales ne vise qu’à rendre irréversible un état de fait, contraire au droit international, et porte un coup d’arrêt aux accords de Washington de 1993 : il n’y aura pas deux États indépendants sur le territoire de l’ancienne Palestine.
La montée en puissance des groupes religieux au sein de la société politique israélienne est une trahison de l’esprit et de la volonté des initiateurs du projet de la création de cet État qui étaient au départ socialistes et laïques. En appeler aujourd’hui à une légitimité biblique pour justifier un droit d’antériorité sur la Palestine est une aberration historique ; antérieurement à la naissance du premier monothéisme, juif, ces territoires étaient bien occupés sans discrimination par une population de Palestiniens… habitants de la Palestine de l’époque.
La violence pour vivre
En se plaçant ainsi résolument hors le droit, l’État d’Israël a fait le choix de la violence comme moyen de « coexistence », si ceci n’est pas une perversion de l’esprit les mots n’ont plus de sens. À l’impuissance constatée des États à faire respecter le droit, on doit ajouter que les citoyens notamment français sont condamnés à assister impuissants à leur tour aux scènes de violence d’un État contre des populations civiles. En effet, depuis deux arrêts de 2015 et 2016 la Cour de cassation française a déclaré illégal le boycott des produits israéliens – instrument pacifique par excellence afin de contraindre un État à respecter le droit international – quand il est décidé par un groupe de citoyens. Sans les opérations de boycott à l’encontre de l’Afrique du Sud que serait-il advenu de Nelson Mandela ?
Cette position de la Cour de cassation viole l’autorité de la chose jugée de la Cour Internationale de Justice de La Haye qui, dans sa décision du 9 juillet 2004, a reconnu le caractère illégal de l’implantation du mur décidé par Israël puisque celle-ci empiétait sur le territoire palestinien. Israël est bien un État hors du droit. Alors quand des juges français viennent à considérer que la liberté d’expression et de protestation de citoyens doit céder le pas devant la liberté du commerce, c’est une nouvelle version des marchands du temple qui nous est servie. Aux citoyens ne reste plus dès lors que le silence comme une punition collective. Punition par essence injuste et injustifiable, n’en déplaise à certains juges.
Un pays nommé Palestine où nous aurions pu nous aimer en rêve un pays d'une beauté légendaire où coulait le miel du poème un pays qui chantait le jasmin et la fleur du citronnier un pays de bergers et de bédoins en pèlerinage vers la Jérusalem céleste Palestine terre féconde de l'olivier
La destruction de Gaza et l'extermination des palestiniens signe la mort des "démocraties occidentales" celle de la France surtout Pays des Droits Humains Symbole planétaire des luttes contre la féodalité et toutes les formes d'exploitation de l'homme par l'homme
Un mur de la Honte a été construit Mur de séparation nous explique-t-on par euphémisme pour ne pas nous effrayer mais le champs lexical est assez vaste pour justifier les génocides commis depuis la Nuit des Temps Qui pourrait nous interdire alors de chanter l'hymne à la Paix ?
Que diraient John Lennon Martin Luther King Nelson Mandela et tant d'autres amants de la vraie humanité s'ils revenaient parmi nous ? "Imagine j'ai fait un rêve un rêve d'amour en terre de Palestine mais maintenant je vois l'enfer l'enfer de Gaza l'enfer de Jéricho"
Des blindés comme des titans de métal écrasant vergers et maisons sur leur passage des nuées d'avion aux ailes assassines larguant le feu d'une divinité colérique sur les villes et les villages sans défense armements d'une technologie barbare pour mener une guerre spectaculaires holocauste - il faut dire les mots - se déroulant en direct comme une coupe du monde de la solution finale avec ses hooligans et ses robocops programmés
Nul besoin de boulets au pied les chaînes d'information se chargent de conduire les esclaves dans les cales de la pensée unique de l'universelle épopée c'est comme au supermarché vous payez quatre cent cadavres pour le prix d'un seul
Combien de tonnes de bombes larguées sur Gaza qui a été transformé en une tombe à ciel ouvert? Entendez-vous les cris les pleurs de damnation d'un des peuples les plus démuni de la planète?
Excusez-nous Messieurs les Présidents du Monde si nous pensons encore à la Vie si nous murmurons le doux nom de Varsovie Israël à beau jeu de répéter c'est de la faute aux victimes qui n'avaient pas à se trouver là Que n'ont-elles fuit auparavant !
Un pays nommé Israël Judée Samarie Canaan Galilée où un jeune rabbi vagabond du nom de Jésus Christ guérissait les aveugles en établissant la lumière parmi les ténèbres
Maintenant nous vous saluons femmes et hommes de bonne volonté nous vous saluons dans le sang et les larmes nous vous saluons dans la poussière des ruines Shalom sur toutes vos terres Halav hashalom sur tous les martyrs palestiniens
"Et de Jérusalem l’herbe cache les murs ! Sion, repaire affreux de reptiles impurs, Voit de son temple saint les pierres dispersées, Et du Dieu d’Israël les fêtes sont cessées !" (Jean Racine)
Shaima la miraculée n'a pas survécu plus de 6 jours après être sortie du ventre déjà froid de sa mère morte sous les décombres après un bombardement meurtrier qualifié cyniquement de "frappe ciblée" par les experts des assassinats de masse Mais Israël a tué un prophète Shalom sur toi Gaza Maintenant nous vous maudissons fous furieux qui usurpez la force Vous le peuple élu à qui nous les Gentils Vertueux "demandons compte de toutes vos fautes" envers les innocents sacrifiés à votre frénétique identité de gens à la veste pourpre. Souvenez-vous de l'Alliance et du voyage d'exil dans l'obscurité. Souvenez-vous des ghettos Yiddish et des galettes de pain au zaatar partagé avec les poètes palestiniens.
Shalom Salaam sur la Rose des Vents, de Babi-Yar à Odessa de Guernica à Deir Yassim de Saïgon à Phnom Penh de Chabra à Chatila de Wounded Knee jusqu'à aujourd'hui.
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*"My Palestine is that of poets. I have broken bread at a table with Mahmoud Darwich before his exile. I played in the yard of Emile Habibi and was nourished by the love of Toufik Zaiad. I have touched the face of Samih al-Qasem and have recited poetry with the living poets of the Galilee in the Galilee.
These are poets of Palestine. They are some of the most important poets of Palestine. In a normal world they would also be the poets of Israel, for they too are as I am Israeli. But for now they are my poets, they are the poets of the refugees, they are my story, and they are Palestine’s story." Simone Daud
ANDRE CHENET
Oeuvre Léon COGNIET (Paris, 1794 - Paris, 1880) Scène du massacre des Innocents
DOMINIQUE DE VILLEPIN - PROPOS SUR ISRAËL
Ayons le courage de dire une première vérité: il n'y a pas en droit international de droit à la sécurité qui implique en retour un droit à l'occupation et encore moins un droit au massacre. Il y a un droit à la paix qui est le même pour tous les peuples. La sécurité telle que la recherche aujourd'hui Israël se fait contre la paix et contre le peuple palestinien. En lieu et place de la recherche de la paix, il n'y a plus que l'engrenage de la force qui conduit à la guerre perpétuelle à plus ou moins basse intensité. L'État israélien se condamne à des opérations régulières à Gaza ou en Cisjordanie, cette stratégie terrifiante parce qu'elle condamne les Palestiniens au sous-développement et à la souffrance, terrifiante parce qu'elle condamne Israël peu à peu à devenir un État ségrégationniste, militariste et autoritaire. C'est la spirale de l'Afrique du Sud de l'apartheid avant Frederik De Klerk et Nelson Mandela, faite de répression violente, d'iniquité et de bantoustans humiliants. C'est la spirale de l'Algérie française entre putsch des généraux et OAS face au camp de la paix incarné par de Gaulle.
Lettre ouverte à M. le Président de la République française Emannuel MACRON
L’historien israélien Shlomo Sand interpelle Emmanuel Macron sur son discours, tenu en présence de Benjamin Netanyahou, pour la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv : « L’ancien étudiant en philosophie, l’assistant de Paul Ricœur a-t-il si peu lu de livres d’histoire, au point d’ignorer que nombre de juifs, ou de descendants de filiation juive se sont toujours opposés au sionisme sans, pour autant, être antisémites ? »
En commençant à lire votre discours sur la commémoration de la rafle du Vel’d’hiv, j’ai éprouvé de la reconnaissance envers vous. En effet, au regard d’une longue tradition de dirigeants politiques, de droite, comme de gauche, qui, au passé et au présent, se sont défaussés quant à la participation et à la responsabilité de la France dans la déportation des personnes d’origine juive vers les camps de la mort, vous avez pris une position claire et dénuée d’ambiguïté : oui la France est responsable de la déportation, oui il y a bien eu un antisémitisme, en France, avant et après la seconde guerre mondiale. Oui, il faut continuer à combattre toutes les formes de racisme. J’ai vu ces positions comme étant en continuité avec votre courageuse déclaration faite en Algérie, selon laquelle le colonialisme constitue un crime contre l’humanité.
Pour être tout à fait franc, j’ai été plutôt agacé par le fait que vous ayez invité Benjamin Netanyahou, qui est incontestablement à ranger dans la catégorie des oppresseurs, et ne saurait donc s’afficher en représentant des victimes d’hier. Certes, je connais depuis longtemps l’impossibilité de séparer la mémoire de la politique. Peut-être déployez-vous une stratégie sophistiquée, encore non révélée, visant à contribuer à la réalisation d’un compromis équitable, au Proche-Orient ?
J’ai cessé de vous comprendre lorsqu’au cours de votre discours, vous avez déclaré que :
« L’antisionisme… est la forme réinventée de l’antisémitisme ». Cette déclaration avait-elle pour but de complaire à votre invité, ou bien est-ce purement et simplement une marque d’inculture politique ? L’ancien étudiant en philosophie, l’assistant de Paul Ricœur a-t-il si peu lu de livres d’histoire, au point d’ignorer que nombre de juifs, ou de descendants de filiation juive se sont toujours opposés au sionisme sans, pour autant, être antisémites ? Je fais ici référence à presque tous les anciens grands rabbins, mais aussi, aux prises de position d’une partie du judaïsme orthodoxe contemporain. J’ai également en mémoire des personnalités telles Marek Edelman, l’un des dirigeants rescapé de l’insurrection du ghetto de Varsovie, ou encore les communistes d’origine juive, résistants du groupe Manouchian, qui ont péri. Je pense aussi à mon ami et professeur : Pierre Vidal-Naquet, et à d’autres grands historiens ou sociologues comme Eric Hobsbawm et Maxime Rodinson dont les écrits et le souvenir me sont chers, ou encore à Edgar Morin.
Enfin, je me demande si, sincèrement, vous attendez des Palestiniens qu’ils ne soient pas antisionistes !
Je suppose, toutefois, que vous n’appréciez pas particulièrement les gens de gauche, ni, peut-être, les Palestiniens ; aussi, sachant que vous avez travaillé à la banque Rothschild, je livre ici une citation de Nathan Rothschild, président de l’union des synagogues en Grande-Bretagne, et premier juif à avoir été nommé Lord au Royaume Uni, dont il devint également la gouverneur de la banque. Dans une lettre adressée, en 1903, à Théodore Herzl, le talentueux banquier écrit : « Je vous le dis en toute franchise : je tremble à l’idée de la fondation d’une colonie juive au plein sens du terme. Une telle colonie deviendrait un ghetto, avec tous les préjugés d’un ghetto. Un petit, tout petit, Etat juif, dévot et non libéral, qui rejettera le Chrétien et l’étranger. » Rothschild s’est, peut-être, trompé dans sa prophétie, mais une chose est sûre, cependant : il n’était pas antisémite !
Il y a eu, et il y a, bien sûr, des antisionistes qui sont aussi des antisémites, mais je suis également certain que l’on trouve des antisémites parmi les thuriféraires du sionisme. Je puis aussi vous assurer que nombre de sionistes sont des racistes dont la structure mentale ne diffère pas de celle de parfaits judéophobes : ils recherchent sans relâche un ADN juif (ce, jusqu’à l’université où j’enseigne).
Pour clarifier ce qu’est un point de vue antisioniste, il importe, cependant, de commencer par convenir de la définition, ou, à tout le moins, d’une série de caractéristiques du concept : « sionisme » ; ce à quoi, je vais m’employer le plus brièvement possible.
Tout d’abord, le sionisme n’est pas le judaïsme, contre lequel il constitue même une révolte radicale. Tout au long des siècles, les juifs pieux ont nourri une profonde ferveur envers leur terre sainte, plus particulièrement pour Jérusalem, mais ils s’en sont tenus au précepte talmudique qui leur intimait de ne pas y émigrer collectivement, avant la venue du Messie. En effet, la terre n’appartient pas aux juifs mais à Dieu. Dieu a donné et Dieu a repris, et lorsqu’il le voudra, il enverra le Messie pour restituer. Quand le sionisme est apparu, il a enlevé de son siège le « Tout Puissant », pour lui substituer le sujet humain actif.
Chacun de nous peut se prononcer sur le point de savoir si le projet de créer un Etat juif exclusif sur un morceau de territoire ultra-majoritairement peuplé d’Arabes, est une idée morale. En 1917, la Palestine comptait 700.000 musulmans et chrétiens arabes et environ 60.000 juifs dont la moitié étaient opposés au sionisme. Jusqu’alors, les masses du peuple yiddish, voulant fuir les pogroms de l’empire Russe, avaient préféré émigrer vers le continent américain, que deux millions atteignirent effectivement, échappant ainsi aux persécutions nazies (et à celles du régime de Vichy).
En 1948, il y avait en Palestine : 650 000 juifs et 1,3 million de musulmans et chrétiens arabes dont 700.000 devinrent des réfugiés : c’est sur ces bases démographiques qu’est né l’Etat d’Israël. Malgré cela, et dans le contexte de l’extermination des juifs d’Europe, nombre d’antisionistes sont parvenus à la conclusion que si l’on ne veut pas créer de nouvelles tragédies, il convient de considérer l’Etat d’Israël comme un fait accompli irréversible. Un enfant né d’un viol a bien le droit de vivre, mais que se passe-t-il si cet enfant marche sur les traces de son père ?
Et vint l’année 1967 : depuis lors Israël règne sur 5,5 millions de Palestiniens, privés de droits civiques, politiques et sociaux. Ils sont assujettis par Israël à un contrôle militaire : pour une partie d’entre eux, dans une sorte de « réserve d’Indiens » en Cisjordanie, tandis que d’autres sont enfermés dans un « réserve de barbelés » à Gaza (70% de ceux-ci sont des réfugiés ou des descendants de réfugiés). Israël, qui ne cesse de proclamer son désir de paix, considère les territoires conquis en 1967 comme faisant intégralement partie de « la terre d’Israël », et s’y comporte selon son bon vouloir : jusqu’à présent, 600 000 colons israéliens juifs y ont été installés….et cela n’est pas terminé !
Est-ce la le sionisme d’aujourd’hui ? Non ! Répondront mes amis de la gauche sioniste qui ne cesse de se rétrécir, et ils diront qu’il faut mettre fin à la dynamique de la colonisation sioniste, qu’un petit Etat palestinien étroit doit être constitué à côté de l’Etat d’Israël, que l’objectif du sionisme était de fonder un Etat où les juifs exerceront la souveraineté sur eux-mêmes, et non pas de conquérir dans sa totalité « l’antique patrie ». Et le plus dangereux dans tout cela, à leurs yeux : l’annexion des territoires occupé constitue une menace pour Israël en tant qu’Etat juif.
Voici précisément le moment de vous expliquer pourquoi je vous écris, et pourquoi, je me définis comme non-sioniste, ou antisioniste, sans pour autant devenir antijuif. Votre parti politique inscrit, dans son intitulé : « La République », c’est pourquoi je présume que vous êtes un fervent républicain. Et dussé-je vous étonner : c’est aussi mon cas. Donc, étant démocrate et républicain, je ne puis, comme le font sans exception tous les sionistes, de droite comme de gauche, soutenir un Etat juif. Le Ministère de l’Intérieur israélien recense 75% de ses citoyens comme juifs, 21% comme musulmans et chrétiens arabes et 4% comme « autres » (sic). Or, selon l’esprit de ses lois, Israël n’appartient pas à l’ensemble des Israéliens, mais aux juifs du monde entier qui n’ont pas l’intention de venir y vivre.
Ainsi, par exemple, Israël appartient beaucoup plus à Bernard Henry-Lévy et à Alain Finkielkraut qu’à mes étudiants palestino-israéliens qui s’expriment en hébreu, parfois mieux que moi-même ! Israël espère aussi qu’un jour viendra où tous les gens du CRIF, et leurs « supporters » y émigreront ! Je connais même des français antisémites que cette perspective enchante ! En revanche, on a pu entendre deux ministres israéliens, proches de Benjamin Nétanyahou, émettre l’idée selon laquelle il faut encourager le « transfert » des Israéliens arabes, sans que personne n’ait émis la demande qu’ils démissionnent de leurs fonctions.
Voilà pourquoi, Monsieur le Président, je ne peux pas être sioniste. Je suis un citoyen désireux que l’Etat dans lequel il vit soit une République israélienne, et non pas un Etat communautaire juif. Descendant de juifs qui ont tant souffert de discriminations, je ne veux pas vivre dans un Etat, qui, par son autodéfinition, fait de moi un citoyen doté de privilèges. A votre avis, Monsieur le Président : cela fait-il de moi un antisémite ?
Cinquante ans après, « le moment 68 » continue de provoquer interrogations et débats. Voici la préface de mon livre publié la semaine dernière aux Editions Stock, « 68, et après. Les héritages égarés » comme contribution à la compréhension de cette séquence qui a si fortement marqué l’imaginaire politique contemporain.
Cinquante ans après 1968 je vois la gauche classique, ancienne, se morceler, se diviser et presque disparaître. La vague de « La République en marche » (LREM) aux élections législatives de juin 2017 a mis en pièces la gauche traditionnelle française. Le Parti socialiste, à 7 % des voix, tombe à son plus bas niveau historique ; « La France insoumise » de Jean-Luc Mélenchon perd, avec 11 %, 8 points par rapport à son score de l’élection présidentielle, mais réussit à former un groupe parlementaire avec 17 députés ; les écologistes sont à 4 %, et plus un seul député ; les communistes à moins de 3 %, remonteront leur score au second tour des législatives pour former difficilement un groupe parlementaire. Toutes tendances confondues la « vieille gauche » arrive, tout juste, au chiffre de 70 députés face aux 360 députés du mouvement LREM/Modem, soutenant le nouveau chef d’Etat, Emmanuel Macron.
Je vois comme un retour en arrière de plus d’un demi-siècle, en coïncidence avec l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle, en 1958. J’ai le sentiment de découvrir le « remake » d’un vieux film avec les débuts de la Ve République, en pleine guerre d’Algérie, et le rouleau compresseur gaulliste pour retrouver une gauche traditionnelle si faible à l’Assemblée ; de revoir un Parti socialiste divisé et effondré après avoir exercé le pouvoir, notamment avec le couple Guy Mollet/François Mitterrand pendant la « bataille d’Alger » en 1957.
Est-ce bien ma « famille » qui se disloque ainsi, se disperse et risque de se trouver marginalisée pour de longues années ? Ou bien est-ce l’idée que je me faisais du PS, qui a été au centre de la gauche en France, du Congrès d’Epinay en 1971[1] à la débâcle des présidentielles de 2017 ? Les projets portées dans l’après-68 se sont ils évanouis ? Et, par qui réellement ces idées étaient-elles portées ? De ce constat de disparition d’un monde, et d’une interrogation sur mes engagements à gauche est né ce livre. Une réflexion sur cet effondrement à partir de ma propre expérience. Comment a-t-on pu atteindre un tel niveau de déliquescence, cinquante ans après, du « soleil » de 68, au crépuscule du PS ? Si j’évoque tant le Parti socialiste et sa crise profonde, c’est qu’il a occupé une grande partie de l’espace politique pendant plus de trente ans. Et, comme on le verra dans cet ouvrage, il s’est progressivement imposé dès la fin des années 1970 comme un héritier essentiel des bouleversements ouverts par « 68 ».
Sur le devant de la scène, on peut encore apercevoir certains des acteurs majeurs avec lesquels je partageais autrefois les mêmes espoirs et les mêmes combats. D’autres ont complètement disparu. Pendant près de quinze années, de 1976, (date de mon accession à la responsabilité du « travail jeune » de la principale formation trotskiste de l’époque, l’Organisation communiste internationaliste, OCI) à 1988, (moment de mon retrait de l’activité politique à la suite d’un drame familial), j’ai vu, côtoyé, et milité avec Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Luc Mélenchon, Julien Dray, Jean-Marie Le Guen, Manuel Valls, Patrick Menucci, Harlem Désir, ou d’autres encore. J’appartiens à cette génération particulière de l’après-68 qui, après s’être engagée à l’extrême-gauche, a dérivé vers le PS. Mais avec une différence : j’ai cessé d’être un « permanent » en 1982, pour entrer dans la vie professionnelle active, tout en continuant à m’intéresser à la vie politique.
Ce livre revisite l’histoire des années 1968 à nos jours. Que s’est-il donc passé ? Qu’avons-nous raté ? Je reprends le fil de mon propre parcours, de ma mémoire. Je m’interroge sur l’évolution des militants dans leur façon de penser l’Etat et la politique, sur leur cheminement passant de la révolution la plus radicale à la démocratie comme seul horizon, une démocratie vidée de contenu social. Bien souvent, ils n’ont pas voulu percevoir l’existence des « minorités non-visibles » bien présentes pourtant dans la société. L’opposition entre purisme révolutionnaire et réformisme agissant aurait pu ouvrir une brèche politique. Elle a trop vite été refermée, avant d’être véritablement creusée.
Je reviens ici sur les circonstances de mon engagement révolutionnaire à partir de mai 1968, en m’efforçant de quitter le temps de la rumination mémorielle pour passer à celui du temps historique, plus distancié ; mais encore chargé d’affects, non débarrassé tout à fait de l’émotion des engagements partisans. Ce récit débouche ensuite sur la rupture difficile avec l’activisme révolutionnaire des années 1980, sans volonté de reniement. Puis, il aborde le passage par le Parti socialiste. C’était l’année 1986, quand la gauche a quitté le pouvoir, et que s’est installée la « cohabitation » entre Jacques Chirac et François Mitterrand ; mais aussi année de la mort de Coluche, et des grandes manifestations de la jeunesse contre la « réforme Devaquet »[2].
On verra que ces grandes mobilisations m’ont donné le sentiment d’une suite de mes activités antérieures. C’était une illusion. Le parti dans lequel j’entrais n’avait plus que de lointains rapports avec l’image que nous en avions. J’avais en fait vécu une rupture avec le monde militant, bénévole, pour entrer dans celui des « experts » de l’appareil d’Etat et des notables, élus multipliant mandats et avantages. Pour certains, continuer à faire de la politique au Parti socialiste, c’était passer du rêve héroïsé du « révolutionnaire professionnel » au statut du « permanent à vie ». Comme le note justement l’éditorial de la revue Le Crieur en juin 2017: « Professionnelle, la politique de parti s’est laissée saisir par le pouvoir d’Etat, s’autonomisant de la société pour devenir une politique séparée, aujourd’hui discréditée et rejetée. »[3]
Mon récit se poursuit enfin sur les années 1990, 2000. L’effondrement de la perspective communiste, à partir de la chute du Mur de Berlin en 1989 a fait émerger une nouvelle façon d’agir et de penser, une sensibilité nouvelle à la politique, qui a compliqué le « sens de l’histoire ». Et j’ai pu mesurer que l’appartenance générationnelle était une autre illusion. Le moment fondateur de notre jeunesse, « 68 » et après, s’est progressivement fracturé. L’unité continuée d’une génération est une notion forgée à postériori. L’inflation du terme dans les années 1980 (popularisé par le succès du livre, Générations de Hervé Hamon et Patrick Rotman, publié en 1987) a semblé indiqué que le champ politique et culturel était occupé par des acteurs ayant conscience d’appartenir à une même génération. Mais on voit bien comment le « tout-générationnel » comme instrument privilégié d’une périodisation ne suffit pas. Les identités politiques dépassent la simple concordance chronologique.
La génération née dans le sillage de 68, soudée un moment dans la rupture politique et culturelle s’est vite dispersée. Les divergences d’analyses en terme de rapports de production et de propriété, l’émergence d’un retour-refuge à une vision religieuse de l’histoire, la conception d’un monde séparé en « communautés » ont désorienté, provoqué un retrait de l’activité politique organisée pour le plus grand nombre, ou la recherche de nouveaux moyens de pensée et d’action. Ajoutons que la gauche, prise en étau sur le plan idéologique entre un libéralisme débridé et un républicanisme outrancier, n’a pas su (ou pu) relever le défi des idées. La nostalgie, la « nost-68 », n’a pas suffit à souder ma génération, comme on le verra dans ce livre, dans la création d’un club de réflexions politique au début des années 2000. J’ai moi-même quitté la vie politique organisée après cette dernière expérience de débats politiques. Comme on le verra, la distance est surtout venue avec le spectacle des scandales liés à l’exercice du pouvoir, le trafic de la vérité, les arrangements, et les mensonges.
Il me faut revenir en arrière pour mesurer les espoirs abandonnés. Peut-être pour éviter de me trouver prisonnier d’un chagrin politique. 1968, année de mon engagement radical, semble déjà une séquence lointaine reculant sans cesse sous les coups de boutoirs de ceux qui ont toujours voulu la restauration d’une société autoritaire, conformiste, vivant dans les normes établies par les puissances de l’argent et de l’ordre moral. Dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2007, le candidat de la droite, Nicolas Sarkozy s’exprimait ainsi : « Regardez comment l’héritage de mai 68 affaiblit l’autorité de l’Etat ! Regardez comment les héritiers de ceux qui en mai 68 criaient « CRS=SS » prennent systématiquement le parti des voyous, des casseurs et des fraudeurs contre la police.(…) Ecoutez-les, les héritiers de mai 68 qui cultivent la repentance, qui font l’apologie du communautarisme, qui dénigrent l’identité nationale, qui attisent la haine de la famille, de la société, de l’Etat, de la nation, de la République.(…) Il s’agit de savoir si l’héritage de mai 68 doit être perpétué ou s’il doit être liquidé, une bonne fois pour toute. »[4] Nicolas Sarkozy, quelques jours plus tard, gagnera cette élection.
L’offensive idéologique contre les engagements de l’après-68 a commencé depuis bien longtemps, empruntant d’autres chemins, d’autres arguments, comme ceux du libéralisme politique pour parvenir à un nécessaire retour en arrière[5]. Sorti en 1985, le livre La pensée 68, de Luc Ferry et Alain Renaut, partait ainsi du postulat que les « égoïsmes et les narcissismes, via la gauche au pouvoir, est la continuité d’une « philosophie soixante-huitarde », qui aurait dénoué les liens sociaux, démobilisé les forces collectives, fait triompher le relativisme moral au dépend des principes éthiques des Lumières. Les deux auteurs ajoutaient que les éloges du « spontanéisme », ou les « idéologies du désir » auraient mené droit aux « apories de l’anti-humanisme »[6]. Il faudrait donc opposer à toute cette pensée issue de 68 un humanisme « de maitrise de soi et du monde », un humanisme à nouveau « légitime après sa déconstruction » (en référence aux travaux de Jacques Derrida). Apôtres de l’individualisme, ils se félicitaient « du retour du sujet », pouvant rendre possible l’action politique. Dans un article de réponse, Jean-François Lyotard et Jacob Rogozinski, cités dans l’ouvrage de François Cusset voyaient surtout dans ce livre « la morgue jalouse, l’esprit de ressentiment et le conservatisme à visée carriériste ».[7]
Il faudrait aussi s’interroger sur les trous de mémoires qui ont permis de telles dévalorisations de 68. Et, en particulier sur l’absence de transmissions mémorielles par ceux qui ont vécu ce moment. Quelques « grandes » figures ont perpétué 68, et l’on pense, inévitablement, à Daniel Cohn-Bendit. Mais ceux qui n’ont pas transmis cet événement se sont majoritairement retirés de toute vie politique ou associative, surtout après l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Les grandes mobilisations de la jeunesse en 1986 apparaissent, avec le recul, comme les dernières d’un engagement militant, collectif, politique. Cette année 1986, et ce n’est pas une simple coïncidence, est celle de notre rupture avec le trotskisme, et l’entrée au Parti socialiste. Si quelques-uns d’entre nous ont poursuivi une carrière dans l’appareil socialiste, la grande majorité militante a abandonné, tout au long des années 1990, un engagement politique collectif. Et n’ont donc pas transmis, aux générations suivantes leur expérience politique.
La mémoire d’engagement a pu être dévalorisée parce que non-assumée, non-portée. Cette non-transmission s’explique par l’entrée dans la vie active, la volonté de fonder une famille et de quitter une adolescence révolutionnaire. Mais d’autres explications sont possibles, en particulier la nature même de cet engagement. Dans les esprits se sont enracinées les visions d’une utopie folle, de retours à la campagne et des pratiques d’union libre. Il est vrai que « l’après-Mai 68 a libéré une omerta gigantesque dans toute la société et mille jaillissements jubilatoires surgissent de partout, dans le plus grand désordre mais à la façon d’une thérapie collective ».[8] Cet aspect libertaire est encore souvent convoqué dans la vision de 68 d’une large partie de la société. Il en est autrement pour les « avant-gardes » révolutionnaires. Car on ne veut toujours pas accepter que les années de l’après-68 aient aussi été celles de l’engagement de milliers de jeunes dans des organisations révolutionnaires d’un marxisme orthodoxe, pur et dur. Une sorte de petite armée en constitution, de dix à quinze mille membres, tous courants d’extrême-gauche confondus.
Avec l’engouement pour des pratiques politiques autoritaires, et une volonté, assumée, de diriger une société par le haut ; avec l’attrait pour le secret et le verticalisme d’organisation ; et avec le vertige éprouvé devant la séduction d’une violence extrême, possible. La tentation du passage au terrorisme a existé. L’enlèvement par des groupes maoistes au printemps 1972 de Robert Nogrette, un cadre des usines Renault de Boulogne-Billancourt, après que le militant Pierre Overnay eut été assassiné en plein jour devant les portes de la forteresse de l’île Seguin ; la tentative, violente, de prise d’assaut d’un meeting d’extrême-droite à la Mutualité par la Ligue communiste en 1973 ; l’exacerbation du virilisme machiste du service d’ordre de l’OCI… Tout ces aspects, sombres, ont fortement existé dans les années 1970. Et ont été gommés des récits de filiation avec cette période. Un sentiment de culpabilité, causé par ce comportement politique extrême, incompréhensible pour un jeune d’aujourd’hui, et par les actes terroristes de l’année 2015 contre Charlie-Hebdo, L’hypercacher, le Bartaclan, explique en partie le refoulement, la négation de ces représentations forcément négatives de l’après-Mai, et le manque de transmission.
Le plus important est quand même le fait que libéralisme économique et républicanisme idéologique se sont conjugués tout au long des années post-68 pour tenter de faire refluer les engagements nés de 68. La volonté de retour à l’ordre moral et politique combiné au respect de traditions anciennes (surtout dans le domaine des mœurs) ont aussi joué leur rôle dans ces tentatives de dénigrement. Je reviens également dans ce livre sur la montée en puissance de la discussion sur la question de l’immigration, et autour de la présence de l’islam en France. Une vague néo-nationaliste s’est structurée pour fabriquer un imaginaire de refus des étrangers, surtout d’origine musulmane, après la vague des attentats terroristes. Les idéaux de 68 qui s’exprimaient par une volonté d’abaissement des frontières nationales, ont aussi reflué pour cette raison.
Pourtant, dans le quotidien L’Opinion du 18 octobre 2017, on apprend que le Président Macron envisagerait, même si le flou demeure, d’organiser des commémorations officielles pour le 50e anniversaire de Mai 68. L’idée sous-jacente, selon les confidences glanées dans ce journal, serait de «sortir du « discours maussade » sur ces événements qui ont contribué à la modernisation de la société française, dans un sens plus libéral».L’Etat peut-il piloter cet anniversaire sans le trahir ? « Dans l’absolu, ce n’est sans doute pas à l’Etat de piloter la commémoration d’une rébellion venue de la société et à forte dimension libertaire » répond le philosophe Serge Audier[9].
Ces remarques et préoccupations venant « d’en haut » disent une lecture de 68 bien particulière. Celle d’une « modernisation libérale » d’un mouvement qui fut au contraire très collectif, animé d’idéaux sociaux généreux. Et qui jeta dans la rue, avant et après 68, des dizaines de milliers de jeunes contre la guerre du Vietnam principalement, donc contre la politique menée par « l’Occident » qui n’apparaissait nullement comme un modèle à suivre. Et il n’y avait pas dans ce mouvement le culte de la consommation, ou des louanges adressées aux entreprises. Je n’ai pas pour ambition de restituer tous les débats qui reviennent, anciens et nouveaux, autour de 68. Plus modestement, dans ce livre, qui se présente comme une suite de La dernière génération d’octobre, publié en 2003, je dis comment un jeune juif exilé d’Algérie dans le Paris des années 1970 à voulu, à la fois, bousculer l’ordre ancien avec beaucoup de rage ; et comment, dans ce mouvement, il a fini par trouver les voies d’une intégration dans cette même société, en restant fidèle à ses idéaux de jeunesse. Non sans éprouver quelques déceptions, regrets et mélancolies.
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[1] Le congrès d’Epinay de 1971 s’est tenu à Epinay-sur-Seine (en Seine Saint Denis), du 11 au 13 juin 1971, trois ans seulement après la grande grève générale de mai-juin 1968. Il fut celui « l’unité des socialistes », et permit à François Mitterrand de prendre la direction de la SFIO, baptisé ensuite Parti socialiste.
[2] Ce projet décidé par le gouvernement de Jacques Chirac en avril 1986, prévoyait notamment de sélectionner les étudiants à l’entrée des universités, et de mettre celles-ci en concurrence. Il fut très contesté par les étudiants en novembre-décembre 1986.
[4] Nicolas Sarkozy, discours du 1ier mai 2007, dans la campagne électorale présidentielle. Le même jour, le 1ier Mai 2007, Ségolène Royal, candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle (et elle sera battue à cette élection), évoque aussi mai 68…. comme un contre-modèle. Un événement à ne pas recommencer. Elle dit dans un meeting : « Moi, je ne souhaite pas que la France parvienne à cet état de blocage comme en 68, des révoltes, des revendications, des grèves qui ont tout bloqué. (….) Je veux au contraire qu’en anticipant, en créant tous ensemble du dialogue, de la démocratie, du débat, des compromis sociaux, des convergences intelligentes, la France puisse avancer sans perdre son temps. »
[5] Sur l’histoire de la longue offensive idéologique contre 68, voir le livre de Serge Audier, La pensée anti-68, Paris, Ed La Découverte, 2008.
[6] Luc Ferry et Alain Renaut, La Pensée 68. Essai sur l’anti-humanisme contemporain, Paris, Paris, Ed Gallimard, 1985.
[7] François Cusset, La Décennie.Le Grand cauchemar des années 80, Paris, Ed La Découverte, 2006, page 113
[8] Patrice van Ersel, L’aventure d’Actuel telle que je l’ai vécu, Paris Albin Michel, 2017, page 31.
[9] Serge Audier, « Mai 68 : mieux qu’une liquidation, une célébration officielle », in Libération, 6 novembre 2017.
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