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Alain Gresh : ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique, fondateur des journaux en ligne Orient XXI et Afrique XXI, spécialiste du Proche-Orient. Rony Brauman : ancien président de Médecins Sans Frontières, enseigne au Humanitarian and Conflict Response Institute (HCRI), chroniqueur à Alternatives Economiques.
Rédigé le 17/05/2024 à 16:08 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
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Rédigé le 23/05/2024 à 10:52 dans Gaza, Chansons, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
La Norvège, l’Irlande et l’Espagne ont annoncé mercredi 22 mai la reconnaissance d’un État palestinien. Le Hamas et l’OLP se sont félicités de cette décision. Israël s’est insurgé contre ces décisions et a répliqué en rappelant ses ambassadeurs à Oslo et Dublin. Paris a estimé que le moment n’est pas encore venu.
Le premier ministre norvégien a annoncé mercredi 22 mai la décision de son pays de reconnaître l’existence d’un État palestinien à compter du 28 mai. L’Irlande, qui avait indiqué la semaine dernière qu’elle allait « certainement » reconnaître un État palestinien avant la fin du mois de mai, a également fait part de sa décision de franchir le pas.
L’Espagne a ensuite annoncé à son tour la reconnaissance d’un État palestinien pour le 28 mai. Devant les députés espagnols, Pedro Sánchez a également accusé son homologue israélien Benyamin Netanyahou de mettre « en danger » la solution à deux États avec sa politique de « douleur et de destruction » dans la bande de Gaza.
La reconnaissance d’un Etat de Palestine « n’est pas un tabou pour la France » mais le gouvernement estime que les conditions ne sont pas réunies « à ce jour pour que cette décision ait un impact réel » sur le processus visant la solution à deux Etats, a commenté Stéphane Séjourné, le ministre des affaires étrangères.
« Cette décision doit être utile, c’est-à-dire permettre une avancée décisive sur le plan politique », a souligné le chef de la diplomatie dans une réaction écrite., « dans cette perspective, elle doit intervenir au bon moment pour qu’il y ait un avant et un après », a-t-il ajouté.
Stéphane Séjourné estime qu’«il ne s’agit pas seulement d’une question symbolique ou d’un enjeu de positionnement politique, mais d’un outil diplomatique au service de la solution à deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité».
Israël a fustigé la décision des trois pays européens jugeant qu’elle envoie « un message aux Palestiniens et au monde entier : le terrorisme paie », a dénoncé le chef de la diplomatie israélienne, Israël Katz.
« Après que l’organisation terroriste Hamas a perpétré le plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah, après avoir commis les crimes sexuels les plus horribles que le monde ait connus, ces pays ont choisi de récompenser le Hamas et l’Iran et de reconnaître un Etat palestinien », a-t-il ajouté.
La reconnaissance de l’État de Palestine par trois pays de l’Union européenne constitue un moment « historique », s’est félicitée l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), y voyant « la voie de la stabilité, de la sécurité et de la paix dans la région ».
Il s’agit de « moments historiques dans lesquels le monde libre triomphe (…) après de longues décennies de lutte nationale palestinienne, de souffrance, de douleur, de racisme, de meurtre, d’oppression, d’abus et de destruction auxquels le peuple de Palestine a été soumis », a déclaré Hussein al-Sheikh, secrétaire général du comité exécutif de l’OLP.
Le Hamas, de son côté, a assuré que c’est la « résistance palestinienne » qui a permis cette reconnaissance de l’État de Palestine par trois pays supplémentaires. « Nous considérons cela comme une étape importante vers l’affirmation de notre droit à la terre et à l’établissement d’un État palestinien avec Jérusalem pour capitale », a déclaré le Hamas, appelant « les pays à travers le monde à reconnaître (leurs) droits nationaux légitimes ».
Le ministre israélien des affaires étrangères a exhorté mardi soir la France à dénoncer la demande du procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) de mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien et son ministre de la défense.
« Je me tourne vers mon ami le ministre français des affaires étrangères. Face à cette proposition du procureur général honteuse et scandaleuse, votre soutien et celui du gouvernement français sont essentiels », a déclaré Israël Katz, lors d’un événement à Paris à l’occasion des 75 ans des relations diplomatiques entre les deux pays et les 76 ans de l’État d’Israël.
Sous la pression de la Maison-Blanche, Israël est revenu sur sa décision d’interrompre la retransmission par l’agence américaine AP de sa vidéo en direct de la bande de Gaza.
« Étant donné que le ministère de la défense souhaite examiner la question des diffusions et le risque pour nos forces, j’ai ordonné d’annuler l’opération et de rendre l’équipement à l’agence AP » jusqu’à ce que le ministère de la défense se prononce, a indiqué le ministre israélien des communications Shlomo Karhi.
Cette décision a été annoncée après que le gouvernement américain a indiqué être « en contact direct » avec le gouvernement israélien et lui avoir demandé de rétablir le direct.
Associated Press avait annoncé plus tôt dans la journée que son direct vidéo sur le Territoire palestinien avait été coupé par Israël, qui accuse l’agence de presse de violer une loi ayant permis aux autorités israéliennes d’interdire la chaîne qatarienne Al-Jazira sur leur territoire.
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Rédigé le 22/05/2024 à 07:45 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
La guerre contre Gaza, les nouvelles tensions entre Israël et l’Iran et le risque d’une extension du conflit mettent en difficulté la relation entre Moscou et Tel-Aviv, déjà ébranlée depuis 2021. Mais les deux parties tentent de ne pas dépasser les lignes rouges.
Le 1er avril 2024, Israël réalisait sa trentième frappe aérienne en Syrie depuis le début de l’année contre un bâtiment appartenant au consulat de la République islamique d’Iran à Damas. Parmi les cibles de ce raid figurait Mohamed Reza Zahedi, un brigadier-général de la force Al-Qods, l’unité spéciale des Gardiens de la révolution iraniens. Cette frappe constitue la plus importante opération d’élimination contre ce corps d’élite depuis celle réalisée par les États-Unis en Irak en janvier 2020 contre le chef des forces spéciales d’Al-Qods, Ghassem Soleimani. Mohamed Reza Zahedi est le dix-huitième haut gradé iranien éliminé en Syrie par Israël depuis décembre 2023, selon la presse israélienne. Dans la nuit du 13 au 14 avril, l’Iran répliquait en tirant contre le territoire israélien 320 drones et missiles, dont l’immense majorité était interceptée par Israël et ses alliés. Quelles peuvent-être les conséquences de cette nouvelle phase de tensions au Proche-Orient pour la relation russo-israélienne, déjà malmenée depuis 2022 ?
Si le déclenchement par Moscou de son « opération spéciale » en Ukraine en février 2022 a terni les relations russo-israéliennes, elle ne les a pas pour autant compromises. Le conflit en Ukraine et la sympathie généralement témoignée par l’opinion publique en Israël à l’égard des Ukrainiens ont mis fin à une période qui a vu la relation bilatérale atteindre au cours des années 2010 son plus haut niveau. Alors que le retour de Benyamin Nétanyahou au poste de premier ministre fin 2022 n’a pas permis de ramener les liens bilatéraux au niveau de qualité qu’ils avaient connu jusqu’à l’alternance survenue à Tel-Aviv en juin 2021, l’attaque du 7 octobre est venue jeter une ombre supplémentaire au tableau.
L’apparent manque de compassion exprimée par les responsables russes à l’égard d’Israël, leurs prises de position qualifiées par les Israéliens de « pro-Hamas » ainsi que la visite de responsables de ce mouvement islamique dans la capitale russe contribuent à la crispation des relations. Autre symptôme du malaise : la convocation en février de la nouvelle ambassadrice d’Israël en Russie au ministère russe des affaires étrangères suite à ses propos tenus dans un entretien accordé au quotidien Kommersant du 4 février 2024. La diplomate s’y étonnait de l’absence du Hamas dans la liste russe des groupes considérés comme terroristes. Les observateurs israéliens relèvent en outre le ton particulièrement dur adopté par les médias russes à l’égard d’Israël dans les semaines qui suivent le déclenchement de l’opération israélienne à Gaza.
Pour Moscou, l’adoption d’une position critique et de fermeté à l’égard de Tel-Aviv, sans pour autant en venir à la rupture, permet d’entrer en résonance avec les opinions publiques proche-orientales. Ce positionnement permet ainsi, pour un coût politique maîtrisé, d’accroître la popularité de la Russie dans une région où l’on s’attendait à une stagnation, voire un décrochage localisé de l’influence russe, en raison du conflit en Ukraine. Les échanges qui ont eu lieu lors du forum « Russie–Moyen-Orient » qui s’est tenu sous les auspices de l’Académie des sciences de Russie et du centre Primakov, à Saint-Pétersbourg fin septembre — soit quelques jours avant les attaques du 7 octobre —, étaient caractérisés par des notes de pessimisme quant à l’avenir du rôle joué par Moscou dans la région. Le Kremlin, accaparé par le champ de bataille ukrainien, disposait-il des ressources économiques pour déployer son agenda en Afrique du Nord et au Proche-Orient ? Si son potentiel économique est mis en doute, le poids politique de Moscou a été en revanche reconnu par les participants au forum. Certains d’entre eux reprochent néanmoins à la Russie son refus de prendre parti sur des questions aussi polarisantes que le Sahara occidental ou les contentieux frontaliers maritimes dans le Golfe. Autrement dit, son positionnement affirmé sur la crise à Gaza permet certainement à la Russie d’atténuer cette perception auprès de certains pays de la région, sans pour autant la faire disparaître.
Alliant le geste à la parole, Moscou a ainsi soumis au vote du Conseil de sécurité des Nations unies le 3 avril une déclaration condamnant Israël pour son raid contre le consulat d’Iran à Damas. Le texte a été rejeté suite à l’opposition des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France. Moscou a par ailleurs refusé de condamner l’attaque massive iranienne contre Israël dix jours plus tard, au motif qu’Israël n’a jamais condamné les frappes de drones effectuées par Kiev en Russie. Enfin, la contre-attaque attribuée à Israël visant une base aérienne iranienne près d’Ispahan dans la nuit du 18 au 19 avril a suscité un appel à la retenue de la part du Kremlin. Toutefois, la « mouvance Z »1 a eu tendance à mettre l’accent sur les similitudes du mode opératoire de ce raid — l’emploi de drones contre la base manifestement depuis le territoire iranien — avec celui supposément utilisé par les Ukrainiens contre des sites en Russie. En dépit de ces difficultés, ni Moscou ni Tel-Aviv n’en viennent à la rupture. Les autorités russes n’ont pas classé Israël dans la liste des pays dits « inamicaux », et Israël n’a pas adopté le régime de sanctions occidentales contre Moscou.
Les Israéliens sont conscients que, malgré ces prises de position qu’ils désapprouvent, les leviers de Moscou sur la crise de Gaza restent très limités. La Russie n’a pas non plus intérêt à une escalade du conflit qui risquerait de fragiliser ses positions en Syrie notamment. Alors qu’une réponse israélienne au raid punitif iranien se faisait attendre, Vladimir Poutine, l’ancien secrétaire-général du Conseil de sécurité de la Fédération Nikolaï Patrouchev et le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov ont pris leur téléphone les 15 et 16 avril pour appeler respectivement le président iranien, le ministre iranien des affaires étrangères2 et le chef du Conseil de sécurité nationale israélien. La Russie n’a rien à gagner à un embrasement de la région.
La police militaire russe a créé un nouveau poste d’observation début avril sur le plateau du Golan, à proximité de la ligne Bravo3, en réponse au raid israélien contre le consulat iranien à Damas. Mesure symbolique, mais il s’agit toutefois du troisième poste que les Russes construisent à proximité de cette zone tampon depuis le début de l’année 2024. À ce jour, ils disposent donc désormais de 12 postes d’observation dans la zone. Depuis janvier 2024, l’aviation russe a également repris ses patrouilles le long de cette même ligne Bravo. Ces mesures visent aussi, du point de vue de Moscou, à « hisser le drapeau » et à prévenir, par la simple présence de ses unités sur terre et dans les airs, toute escalade autour du plateau du Golan. Si ces mesures ne dissuadent évidemment pas les Israéliens de poursuivre leurs frappes, elles entravent en revanche le déploiement par l’Iran ou ses alliés d’un dispositif militaire dans ce secteur.
Par ailleurs, les canaux entre Moscou et Washington restent ouverts sur le dossier syrien. De bonne source, lors d’une rencontre discrète qui s’est tenue début 2024, Russes et Américains ont réaffirmé qu’ils ne souhaitaient pas voir l’Iran profiter du contexte ukrainien pour s’étendre davantage en Syrie. Il s’agit là d’un (rare) point de convergence russo-américain également partagé par Israël. Mais si le partenariat russo-israélien traverse une crise, celui entre la Russie et l’Iran monte en puissance depuis le 24 février 2022, notamment sur le plan militaro-technique. Tout porte d’ailleurs à croire que l’annonce du transfert d’un lot de Su-354 à Téhéran reste suspendue à la signature du nouveau traité de partenariat stratégique global entre Moscou et Téhéran, le précédent texte étant arrivé à échéance en 2021. Les négociations traînent depuis en longueur, mais le document pourrait être paraphé dans les prochains mois. Si ces appareils rejoignent la flotte iranienne, il s’agira certainement d’un défi supplémentaire pour la relation russo-israélienne.
Les filets de sécurité dans la relation bilatérale sont peu nombreux. Le plus puissant demeure le facteur humain. En dépit de cette séquence difficile, les liens humains restent denses entre Israël et la Russie. L’an dernier, 35 000 « rapatriés » russes sont venus grossir les rangs des 1,5 million de russophones installés en Israël ; ils étaient 45 000 en 2022. Israël estime qu’entre 50 et 60 000 ressortissants russes peuvent à ce jour prétendre au programme de rapatriement promu par ses services diplomatiques en Russie. En outre, profitant des liaisons aériennes directes qui existent entre les deux pays, 158 000 touristes russes ont séjourné en Israël en 2023, ce qui a fait d’eux le quatrième contingent de visiteurs étrangers (après les Américains, les Français et les Britanniques).
Bien que le facteur linguistique rapproche les deux sociétés, les perceptions croisées traduisent cependant une forme de distance. On l’a dit, la société israélienne, d’une manière générale, a exprimé sa sympathie à l’égard de l’Ukraine dans son conflit avec la Russie. En Russie, les enquêtes d’opinion révèlent que deux tiers des personnes interrogées ne veulent pas prendre parti dans le conflit en cours à Gaza. Toutefois, 20 % des Russes témoignent spontanément de la sympathie à l’égard des Palestiniens (46 % pour les Russes de confession musulmane), tandis que 6 % l’expriment en faveur des Israéliens. À cet égard, les actes anti-israéliens intervenus à Makhatchkala au Daghestan le 29 octobre 20235 ne semblent pas tant avoir pour terreau la religion — aucun acte similaire n’a été constaté ni au Tatarstan, ni au Bachkortostan, pourtant deux sujets musulmans de la Fédération —, mais plutôt la réalité socio-économique déprimée des républiques musulmanes du Caucase du Nord. Les récentes enquêtes d’opinion réalisées par le Centre Levada (14 mai 2024), reconnu comme agent de l’étranger en Russie, corroborent d’ailleurs cette hypothèse dans la mesure où elles ne mettent pas en évidence un sursaut d’antisémitisme dans la société russe
Le commerce entre les deux pays, convalescent, peut difficilement faire office de filet de sécurité. Selon les statistiques onusiennes, le commerce russo-israélien a été multiplié par 2,5 en 2023 avec 2,6 milliards de dollars d’échanges, après une année 2022 qui avait vu les flux commerciaux s’effondrer en s’établissant à un peu plus de 1 milliard de dollars. Il s’agissait d’un niveau historiquement bas jamais atteint depuis un quart de siècle dans les échanges entre les deux pays. Autrement dit, en 2023, le commerce russo-israélien est revenu au niveau qu’il connaissait en 2018 (2,7 milliards de dollars) avant le décrochage enregistré en 2019 et la séquence noire inaugurée par le Covid puis l’éclatement du conflit en Ukraine. Ceci dit, ce rebond conjoncturel ne doit pas masquer une tendance structurelle au tassement des échanges économiques au cours des 15 dernières années.
Rappelons en outre qu’en 2008, Moscou n’avait pas tenu rigueur à Tel-Aviv de la fourniture de drones et d’autres matériels militaires à la Géorgie dans les mois qui ont précédé la guerre russo-géorgienne des cinq jours. Non seulement Russes et Israéliens instauraient un régime sans visa dès 2009, mais ces derniers consentaient à vendre à la Russie un lot de drones quelques mois seulement après la fin du conflit dans le Caucase. Autrement dit, cet épisode met en lumière le pragmatisme et la résilience qui peuvent caractériser les liens entre les deux pays, y compris dans les moments les plus difficiles.
Enfin, la relation personnelle entre Vladimir Poutine et Benyamin Nétanyahou, qualifiée de bonne, constitue certainement le canal le plus efficace pour arrondir les angles entre les deux pays. Les deux hommes ne se sont toutefois parlé que deux fois depuis le 7 octobre. À titre de comparaison, ils se sont vus ou entretenus par téléphone onze fois en 2020, c’est-à-dire presque une fois par mois.
Jusqu’à présent, le calcul israélien consiste à préserver des relations fonctionnelles avec la Russie en dépit des prises de position de Moscou sur la crise de Gaza. Côté russe, on ne souhaite pas non plus hypothéquer les liens avec Tel-Aviv. Dans la relation bilatérale, le pragmatisme et les intérêts continuent de l’emporter sur les émotions négatives au demeurant palpables. Il s’agit peut-être bien, avec le facteur humain, des principaux garde-fous auxquels peuvent se fier les deux pays, en attendant le retour de jours meilleurs pour leur relation.
IGOR DELANOË
https://orientxxi.info/magazine/russie-israel-en-attendant-des-jours-meilleurs,7350
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Rédigé le 21/05/2024 à 07:34 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine, Russie-Ukraine | Lien permanent | Commentaires (0)
Mise à jour. Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a émis lundi 20 mai des demandes de mandat d’arrêt international contre le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et son ministre de la défense Yoav Gallant pour responsabilité pénale de crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
L’émission de mandats d’arrêts contre les dirigeants israéliens par la CPI aurait des conséquences importantes, tant symboliques que pratiques. Mais la nouvelle relative à ces mandats, émanant de sources israéliennes, pourrait aussi bien participer d’une stratégie visant à remobiliser les alliés d’un État ayant perdu, au moins partiellement, la « bataille de l’opinion », voire d’une stratégie visant à intimider la juridiction pénale internationale.
Interdit d’entrée en France alors qu’il devait participer à un colloque organisé le 4 mai par la sénatrice Raymonde Poncet Monge, le docteur Ghassan Abu Sittah a affirmé que les autorités allemandes, à l’origine de cette interdiction1, cherchaient à l’empêcher de témoigner devant la Cour pénale internationale (CPI). Sa rétention à l’aéroport Charles de Gaulle intervenait alors que nous parvenait la nouvelle du décès, possiblement sous la torture, d’un autre médecin palestinien, Adnan Albursh, arrêté à Gaza par les forces israéliennes puis détenu en Israël. Par ailleurs, après le retrait des forces israéliennes de l’hôpital Al-Shifa et de l’hôpital Nasser, plusieurs charniers ont été découverts, témoignant apparemment d’exécutions sommaires en masse de patients et de soignants par les forces israéliennes. Cette découverte a suscité de vives réactions et, peut-être, accéléré une enquête de la CPI. Ces exécutions sommaires, ne sont toutefois qu’un aspect de la guerre au soin conduite par Israël à Gaza. Et, au-delà des mandats qui viseraient le premier ministre Benjamin Nétanyahou, le ministre de la défense Yoav Galant et le chef d’état-major Herzi Halevi, les enquêteurs de la cour semblent bien travailler sur la situation des hôpitaux de Gaza.
Dans le dernier rapport de la rapporteuse spéciale de l’ONU Francesca Albanese, il est rappelé que les hôpitaux et autres lieux de soins font l’objet d’une protection spéciale dans le droit des conflits armés. Attaquer un hôpital constitue un crime de guerre, et ceci dans tout type de conflit. A fortiori, le saccage et la destruction de ces infrastructures essentielles relève aussi de ce type de prohibition. L’assassinat ou les mauvais traitements infligés à des soignants ou à des personnes blessées, qu’elles soient civiles ou militaires, est également un crime de guerre.
Mais l’attaque contre les hôpitaux ou les personnes s’y trouvant peut aussi relever du crime contre l’humanité. La jurisprudence internationale fournit un précédent à cet égard : celui de l’affaire dite de l’hôpital de Vukovar, dans laquelle les forces serbes avaient, à l’issue du siège de la ville en novembre 1991, arrêté à l’hôpital puis exécuté en dehors de celui-ci près de deux cents combattants croates. Dans cette affaire jugée par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie en 2009, la qualification de crime contre l’humanité avait été discutée dès lors que l’exécution de ces combattants s’inscrivait dans une attaque plus large contre la population civile2. À Gaza, l’attaque contre les hôpitaux peut être considérée comme systématique et doit être mise en lien avec le siège interdisant la délivrance de médicaments et de matériels essentiels. Il a par exemple été souvent rapporté que les médecins devaient pratiquer des amputations sans anesthésie, y compris sur des enfants.
S’agissant de Gaza, la qualification de génocide peut également être sérieusement envisagée au regard, notamment, de la systématicité des attaques, de leur sens, et de leur inscription dans une offensive plus large contre la population civile. Pendant ces longs mois, les morts civiles liées aux bombardements de zones d’habitations se sont accompagnées d’atteintes corporelles très lourdes. Le choix, inédit, de cibler particulièrement les hôpitaux, par-delà le fait qu’ils représentent des lieux organisés de la vie civile palestinienne et des lieux de refuge depuis le début de l’offensive israélienne, témoigne d’une volonté d’interdire le soin. Cette interdiction face à des blessures lourdes, condamne les blessés à la mort ou à un handicap permanent. Il pourrait donc s’agir de soumettre une partie du peuple palestinien à « des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » ou de lui infliger des « atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale » (article II de la Convention sur le génocide) dans l’intention de la détruire.
Cette guerre au soin semble donc être sous enquête devant la CPI. Celle-ci pourrait sans difficulté conduire à l’arrestation des dirigeants israéliens ayant ordonné les attaques contre les hôpitaux, les soignants, les patients, les familles réfugiées dans leur enceinte. C’est l’hypothèse la plus probable étant donné le niveau d’organisation de l’armée israélienne, qui se trouve sous le contrôle du pouvoir politique. L’arrestation de soignants, dont le docteur Adnan Albursh, et leur détention en Israël en est aussi un signe clair. Ce ne sont pas des éléments indisciplinés ou des bataillons agissant spontanément qui conduisent cette guerre au soin : il s’agit d’une politique délibérée. La responsabilité pénale des dirigeants pourrait encore être engagée sur la base de leur position de commandement, ce commandement pouvant être militaire ou civil. Le défaut de prévention ou de punition des crimes est alors suffisant pour retenir leur responsabilité.
Au regard de la réticence de la CPI à enquêter sur le comportement d’Israël depuis 2009, l’annonce de mandats visant d’importants responsables israéliens a été accueillie avec scepticisme par les observateurs3. Elle a été clairement mise en scène par le premier ministre Nétanyahou, puis accompagnée de menaces contre la CPI et l’Autorité palestinienne de la part d’Israël. Les États-Unis ont suivi ce mouvement. Ils ont d’abord affirmé l’incompétence de la cour, un discours juridiquement bien peu convaincant dès lors qu’ils acceptent cette compétence s’agissant de la Russie, un État qui n’est pas plus partie au Statut de Rome instituant la CPI que l’État d’Israël. Puis, certains élus états-uniens ont menacé de faire adopter des sanctions contre la CPI. Les précédentes, adoptées sous l’administration de Donald Trump, réagissaient à l’enquête sur le comportement de l’armée américaine en Afghanistan mais aussi au regard porté par la cour sur la Palestine. Ces sanctions avaient été levées sous la présidence de Joe Biden, tandis que Washington commençait à apporter son concours à l’enquête sur la Russie, sans devenir partie au Statut de Rome.
Cette intense agitation autour de potentiels mandats a donné lieu, le 3 mai 2024, à une déclaration du bureau du procureur dénonçant les menaces et intimidations pesant sur la cour et son personnel. Plusieurs rapporteurs spéciaux du conseil des droits de l’Homme de l’ONU ont également exprimé leur « consternation » face aux déclarations des responsables israéliens et états-uniens4. Il demeure néanmoins difficile de savoir si nous sommes en présence d’une rumeur construite ou si la cour est véritablement en train d’enquêter sur les dirigeants israéliens. La cour peut, il est vrai, maintenir secret des mandats d’arrêts ; en 2023, elle avait toutefois décidé de rendre publics ceux qui visaient de hauts responsables russes, « dans l’intérêt de la justice », afin de « prévenir de nouveaux crimes »5. Mais, par ailleurs, le Statut de Rome permet à l’État dont les agents sont visés par une enquête d’entrer en relation avec le bureau du procureur. En effet, le principe dit de « complémentarité » reconnu par le Statut de Rome permet à tout État, même non partie au Statut, d’éviter la juridiction de la cour dès lors que cet État entend enquêter et connaître lui-même des crimes identifiés. Si l’on considère l’existence de ces probables échanges entre Israël et le procureur de la cour, ainsi que la passivité antérieure de la cour concernant les agissements d’Israël, on peut penser que l’émission de mandats contre les dirigeants israéliens demeure très incertaine.
Dès lors que la cour émettrait ces mandats, ils auraient un impact juridique et symbolique important. D’une part, tous les États parties au Statut de Rome, parmi lesquels de nombreux États européens soutenant Israël, seraient tenus d’arrêter les personnes visées présentes sur leur territoire. S’agissant du cas particulier du premier ministre israélien, qui jouit en droit international d’une inviolabilité rendant complexe son arrestation, les États parties au Statut de la cour pourraient se trouver en conflit d’obligations, l’obligation d’arrêter selon le mandat entrant en conflit avec la règle internationale d’inviolabilité. Le risque d’arrestation existerait néanmoins. D’autre part, l’identification des responsables israéliens comme suspects de crimes internationaux aurait un effet politique majeur.
Mais la rumeur relative aux mandats pourrait également s’inscrire dans la propagande israélienne , qui vise les juridictions internationales6. L’importante ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ) du 26 janvier 2024, exigeant d’Israël l’adoption de mesures conservatoires au vu du risque de génocide à Gaza, a ainsi été décrite comme émanant d’un « tribunal antisémite » par le ministre israélien Itamar Ben Gvir7. L’ordonnance a aussi été immédiatement invisibilisée par les accusations spectaculaires portées par Israël contre l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Une fois ces fausses informations démenties –- et alors que l’accusation se retournait puisque l’UNRWA révélait que ses personnels avaient été détenus et soumis à la torture par Israël - la portée de l’ordonnance de la CIJ a resurgi.
C’est à ce moment qu’un élément inédit a été avancé en faveur d’Israël : une interview de l’ancienne présidente de la Cour internationale de justice, Joan Donoghue, affirmant que la juridiction n’aurait pas reconnu une affaire plausible de génocide (a « plausible case of genocide »). Rappelons ici que, dans son ordonnance du 26 janvier 2024, la cour affirme que le droit des Palestiniens d’être protégés contre les actes de génocide est plausible (§§ 36, 54), et qu’il existe une urgence, c’est à dire un « risque réel et imminent » de préjudice irréparable causé aux droits revendiqués (§ 61, 74). Il s’agit bien d’un risque de génocide, même si la cour n’emploie pas la formule « affaire plausible de génocide ». Les médias se sont précipités sur les propos ambigus de Joan Donoghue pour minimiser le sens de l’ordonnance et réfuter l’emploi du terme génocide.
Cet incident renvoie au désaveu public, en 2011, de l’important rapport de la mission d’enquête sur Gaza par son propre président, le juriste Richard Goldstone8. Les positions publiques de Joan Donoghue, tout comme celles de Richard Goldstone, suggèrent l’existence de fortes pressions exercées par Israël et ses alliés.
Plus largement, des formes d’intimidation et de censure relatives à l’analyse juridique sont perceptibles dans les pays occidentaux. Ainsi, en France, employer le mot de génocide serait un « cri de ralliement pour stigmatiser les juifs »9 ce qui renvoie à l’infraction « d’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination ». Analyser la notion de terrorisme, de légitime défense, présenter le droit international des conflits armés qui traite de la condition des mouvements de libération nationale, s’interroger sur le statut des combattants palestiniens, est aussi susceptible de relever des tribunaux sous la qualification « d’apologie du terrorisme » si l’on en croit la circulaire du ministre français de la Justice du 10 octobre 2023. Dès le 9 octobre 2023, la ministre de l’Enseignement supérieur, donnant une lecture politique des événements, se référait d’ailleurs à ces infractions en invitant les présidents d’Université à réagir à toute « action ou propos » relevant de « l’apologie du terrorisme, de l’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination », par le moyen de procédures disciplinaires ou de signalements au procureur de la République.
La compréhension de la situation à Gaza s’est tout de même imposée, mais accompagnée d’une répression des étudiants protestant contre la politique de leurs États ou de leurs universités, aux États-Unis comme en Europe. C’est pourquoi la rapporteuse spéciale du Conseil de droits de l’homme de l’ONU, Irène Khan, a récemment estimé que la situation à Gaza donnait lieu à une crise globale de la liberté d’expression. Signalant un biais médiatique contre les manifestants pro-palestiniens, elle rappelait aussi qu’au regard du droit international relatif à la liberté d’expression, la critique des politiques conduites par Israël est parfaitement légitime10
https://orientxxi.info/magazine/l-ombre-de-la-cour-penale-internationale-plane-sur-les-dirigeants-israeliens,7339
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Rédigé le 20/05/2024 à 10:07 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
La judéophobie représente une menace pour tous les juifs qu’ils soient sionistes ou non.
L’islamophobie représente une menace pour tous les musulmans qu’ils soient islamistes ou non.
Pour l’exprimer plus simplement, on va dire que ce sont les extrémistes des deux camps qui suscitent cette peur en deux temps : Aucun des deux n’a peur… les deux font peur.
Mais plus maintenant, heureusement ou malheureusement pour tous les innocents.
Il y a eu un sacré renversement au cœur de l‘Occident depuis le 7 octobre.
Un regain d’amour pour les juifs et des relents de haine pour les musulmans…
Le contexte a fourni le prétexte pour bénir le sionisme et maudire l’islamisme.
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Rédigé le 18/05/2024 à 17:26 dans Gaza, Islam, Islamophobie, Israël, Lejournal Depersonne, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi, sous la pression de l’armée israélienne. Réfugié depuis à Rafah, Rami voit désormais cette ville se vider à son tour et les déplacés reprendre la route de leur exil interne, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié depuis le 28 février 2024.
Cette image satellite montre l’agrandissement des tentes et des abris pour les Palestiniens déplacés de Rafah vers Al-Mawassi.
Jeudi 16 mai 2024.
La ville de Rafah est presque devenue une ville fantôme. Cette ville où il y avait à peu près 1,5 million de personnes entassées les unes sur les autres, des tentes partout, sur les trottoirs, dans les écoles, dans les rues, au bord de la mer, dans les zones où il y a du sable, du désert, à côté de la frontière égyptienne, cette ville est maintenant presque vide. Le grand marché du rond-point Nejma, où les grossistes vendaient toutes sortes de produits dans des cartons, est vide, alors qu’il n’a pas été désigné comme zone d’évacuation par les Israéliens. Pareil pour le rond-point Awda — « retour » en arabe, ce qui est assez ironique – qui était plein de déplacés, à tel point qu’on ne pouvait pas marcher sur la route, et qu’il fallait une heure pour passer en voiture. Aujourd’hui, cela prend cinq minutes à pied. L’UNRWA dit que plus de 450 000 personnes ont évacué Rafah.
Personnellement, je crois qu’ils sont plus nombreux. Qu’il s’agit de la majorité de ceux qui étaient ici, qui sont de nouveau déplacés. Pour certains, c’est la cinquième, voire la sixième fois. Même des habitants de Rafah, des « locaux », sont en train de partir. Ils quittent même les endroits qui ne sont pas des « zones rouges » marquées sur les tracts lancés par Israël. La majorité des maisons ici sont des résidences familiales. Dans les immeubles habitent le père et ses enfants avec leurs familles, avec un étage par famille.
Les gens se sont partagé la tâche : sur une fratrie de six, trois partent avec leurs enfants pour Al-Mawassi, au bord de la mer, ou ailleurs, afin de réserver un morceau de terrain en cas de départ.
Trouver un emplacement n’est pas évident. La bande de Gaza est déjà trop petite. Et la cage dans laquelle les Israéliens nous demandent d’aller l’est encore plus. Ceux qui ont la chance d’avoir une tente la montent sur ce morceau de terrain, les autres mettent des bouts de bois et de plastique pour marquer l’endroit de leur abri de fortune. Si l’évacuation est ordonnée, le reste de la famille les rejoindra. Ils ont appris la leçon, maintenant. Les commerçants font de même et évacuent leurs magasins ou leurs étals, parce qu’ils savent que les Israéliens détruisent toutes les marchandises.
Ceux qui sont partis ont emporté tout ce qu’ils avaient. Ceux qui restent pourront partir sans rien, plus rapidement. On trouve encore des magasins ouverts mais avec peu de marchandise, souvent à même le sol. Les grossistes qui font de l’importation peuvent passer par le terminal de Kerem Shalom qui a rouvert depuis deux jours, qui donne directement sur Israël. La majorité de cette marchandise est partie vers Deir El-Balah, où de nombreux camps de fortune se sont installés. Ceux qui sont restés à Rafah cherchent à rester proches des ONG et de l’Unrwa, car même ceux qui étaient riches dépendent maintenant à 100 % de l’aide alimentaire.
Ma belle-famille, les frères et les sœurs de Sabah, ne voulaient pas partir, parce que moi j’ai décidé de rester tant qu’un tract ne me demande pas d’évacuer. Comme d’habitude, ils me considèrent comme l’homme qui sait tout.
Une journée de plus, c’est une journée gagné sur l’humiliation de devoir vivre sous la tente. Mais finalement, mardi, ils ont décidé de partir, parce que tous ceux qui étaient avec eux au rond-point Al-Alam, à l’ouest de Rafah, du côté de la mer, étaient partis. Ils ont alors commencé à avoir vraiment peur, parce que l’endroit était désert et ils entendaient le bruit des F-16 et surtout celui des quadcopters. Il faut parler de cette nouvelle arme.
Quand nous avons été chassés de chez nous à Gaza-ville, ces engins étaient là. C’est comme un jouet de PlayStation, avec quelqu’un derrière l’écran en train de surveiller tout le monde grâce à son drone. Mais ce drone-là sert plutôt à tirer sur les gens, ou à lancer des ordres via son haut-parleur, comme ils l’ont fait pour l’évacuation de l’hôpital Nasser.
Et il sert aussi à faire peur. Pendant la nuit, ces appareils émettent des sons destinés à effrayer les gens : le bruit d’un bébé qui pleure toute la nuit, d’une femme qui appelle au secours, de chiens qui aboient. Les Israéliens les utilisent aussi pour faire la coordination avec les camions. C’est un quadcopter qui contrôle les chauffeurs. Il se positionne au-dessus du camion et on entend : « Attendez une heure » ou « Passez maintenant, prenez telle route ». Dans notre quartier, à Tell Al-Soltan, ils diffusent des bruits de tirs alors qu’il n’y a pas de combats.
Ma belle-famille ne savait pas si ces quadcopters n’avaient pas arrêté de tirer toute la nuit, ou s’ils émettaient seulement des bruits de tirs. Toujours est-il qu’elle a fini par quitter le rond-point. Ses membres vont tenter de trouver un terrain pour rester tous ensemble, car ils considèrent cela comme une sorte de protection. Pas seulement en restant en famille, mais aussi parmi les gens de leur quartier, des gens qu’ils connaissent. La famille de Sabah est de Chajaya, elle va donc chercher à s’installer avec des gens de la même zone.
C’est la version 2024 de 1948. Les camps de réfugiés portaient le nom des villages d’origine dont ils avaient été chassés. Par exemple, le camp de réfugiés de Yibna regroupait des habitants chassés de ce village, même chose pour le camp de Falloujah. C’est une forme de protection parce que tout le monde se connait, donc si les hommes partent, ils peuvent confier la protection de leur famille à un voisin.
Nous sommes allés dire au revoir aux frères et sœurs de Sabah. Ce fut un moment de tristesse parce qu’ils se sont déjà déplacés plusieurs fois, mais cette fois le pilier de cette famille, Souleiman, mon beau-père, n’était pas là. Ils l’ont laissé à Rafah, enterré aux côtés d’autres martyrs. Les sœurs de Sabah n’ont pas arrêté de pleurer. Elles disaient : « Même s’il était décédé, il était toujours avec nous. On se sentait bien parce qu’on n’était pas loin de lui. »
Je ne sais pas si je peux expliquer ce que l’on ressent quand on doit quitter l’endroit où ses parents sont enterrés. Même si on ne va pas très loin, et qu’on reste dans la bande de Gaza. Les Israéliens ont tellement réussi à rétrécir notre espace géographique, que ce déplacement équivaut à quitter un pays pour un autre, alors qu’on bouge seulement de quelques kilomètres. Ma belle-famille m’a demandé conseil mais ça a été difficile pour moi de les conseiller, parce qu’ils voulaient rester à Rafah, comme moi. Mais je leur ai dit :
Vous avez des tentes, vous avez des bâches, vous avez beaucoup de choses à emporter. Moi je n’ai que deux sacs et une petite tente, je peux partir à la dernière minute. Vous êtes nombreux, il vous faut un camion, et le jour J, vous n’en trouverez pas. Vous êtes une cinquantaine de personnes alors que nous sommes seulement six, et nous pourrons nous contenter d’une charrette.
Finalement ils ont convenu que c’était la meilleure solution. Ils ne seront pas loin, on pourra aller les voir. Mais Sabah, pour la première fois, a commencé à avoir peur. Elle m’a demandé :
Pourquoi on ne fait pas la même chose ? Pourquoi on partirait à la dernière minute, au risque de revivre ce qu’on a connu quand on a fui Gaza sous les bombes et les balles des snipers ?
Ma réponse a été simple : « Un jour de plus, c’est un jour gagné sur l’humiliation. » Mais on ne va pas faire la même erreur qu’à Gaza. À l’époque, le porte-parole de l’armée disait à toute la population de Gaza-ville et du nord de partir vers le sud. Et c’est pour cela que je voulais rester jusqu’à la dernière minute. À l’époque, je préférais même mourir que de me déplacer, parce que je sais très bien ce que c’est de partir de chez soi pour aller vivre dans une tente.
Je veux épargner ça à ma famille. J’ai dit : « On vit dans un hôtel cinq étoiles par rapport aux autres, à ceux qui vivent sous les tentes. » La petite tente Décathlon qu’un ami m’a envoyée, c’est une tente de camping, pour passer un bon moment de vacances. J’ai essayé avec mes contacts, mais je n’ai pas réussi à obtenir une vraie tente, un peu plus grande et qui protège de la chaleur et du froid. On va dormir les uns sur les l’autres, mais ce n’est pas grave.
Cette guerre ce n’est pas seulement des bombardements, c’est aussi une guerre psychologique et émotionnelle. On perd des gens, on les enterre, on s’en éloigne. Les émotions de tristesse, de peur, d’angoisse et d’inquiétude se bousculent en moi. Jusqu’à présent on n’a ressenti que des émotions négatives. Ni la tranquillité, ni l’espoir, ne sont là. Et quand je regarde les gens quitter Rafah, je vois cette ville comme quelqu’un qui attend la mort dans un bloc opératoire, où le calme total règne. On entend juste le bruit de cette machine branchée sur son cœur. Mais cet appareil-là au moins peut sauver des vies. Rafah c’est le patient, mais les seuls appareils qu’on a ici c’est les drones et leur bruit qu’on entend 24 heures sur 24. Au lieu de sauver le patient, la machine lui insuffle la peur, pour le garder entre la vie et la mort.
RAMI ABOU JAMOUS
https://orientxxi.info/dossiers-et-series/j-ai-decide-de-rester-tant-qu-un-tract-ne-me-demande-pas-d-evacuer,7348
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Rédigé le 17/05/2024 à 16:44 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
Dans son dernier ouvrage Solitude d’Israël comme dans les interventions médiatiques qui s’en sont suivies, BHL conteste la qualification d’Israël de « fait colonial », opérée en juin 1967 par l’orientaliste Maxime Rodinson dans un texte au titre éponyme. Les arguments farfelus et fallacieux que le philosophe mobilise à cet effet ne sont jamais contestés par ses interviewers. Mise au point.
Orient XX
Le dernier opus de Bernard-Henri Lévy mérite-t-il ces quelques lignes et le temps gaspillé à sa lecture ? Les interviews complaisantes que l’auteur multiplie lui permettent de dérouler, la plupart du temps sans contradicteur – l’ignorance de ses interviewers est souvent abyssale -, sa routinière défense d’Israël, de ses crimes de guerre, de son armée ô combien morale. Tout en déplorant la solitude d’un État qui dispose — excusez du peu — d’un soutien robuste des États-Unis et de la plupart des pays occidentaux, dont la conscience est à peine ébréchée par les quelque 35 000 morts, en majorité civils, dénombrés à Gaza. Rien de bien nouveau dans le monde selon BHL.
Nous aurions donc pu dédaigner ce pamphlet, triste ramassis des éléments de langage du discours politique et médiatique dominant, qui se drape dans les habits de la dissidence. Pourtant, l’ouvrage vaut pour un seul point : il fait remonter à la surface un texte oublié de l’orientaliste Maxime Rodinson, paru dans la revue de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, Les Temps modernes à la veille de la guerre de juin 1967, et intitulé « Israël, fait colonial ? ». BHL en cite la conclusion :
Je crois avoir démontré, dans les lignes qui précèdent, que la formation de l’État d’Israël sur la terre palestinienne est l’aboutissement d’un processus qui s’insère parfaitement dans le grand mouvement d’expansion européo-américain des XIXe et XXe siècles pour peupler ou dominer les autres terres.
Une phrase qui ne peut que susciter l’indignation de ce « Jean-Paul Sartre dévalué » que moquait Renaud dans sa chanson « L’Entarté ».
Les migrants sionistes n’étaient-ils pas animés par des idéaux de la révolution d’Octobre ? Ne brandissaient-ils pas le drapeau rouge ? N’entonnaient-ils pas des chants spartakistes ? Ne se réclamaient-ils pas pour certains du marxisme-léninisme ? Dans une lettre à son ministre des affaires étrangères datée du 29 novembre 1924, le consul de France à Jérusalem notait :
Dans les colonies coopératives tout est indivis, le sol, les instruments de travail, les bénéfices, le plus souvent les repas se prennent en commun, tous les enfants sont rassemblés dans une nursery où l’une des femmes s’occupe d’eux. Ce système a, sous le rapport de la culture, des inconvénients graves qu’il est superflu de signaler, mais les chefs sionistes s’y résignent parce qu’il satisfait cette espèce de curiosité, d’inquiétude des formules sociales nouvelles qui tourmente l’âme de la plupart de leurs recrues. (…) Le sionisme, ne vivant que d’un appel aux forces morales, aux traditions nationales, doit utiliser tout ce qu’il fermente de vieilles passions communistes au cœur d’Israël.
Les dirigeants sionistes surent, comme l’a démontré l’historien israélien Zeev Sternhell1, manipuler ces « vieilles passions communistes » pour créer des kibboutz très militarisés – « une main sur la charrue, l’autre sur le glaive » – dont l’objectif réel était le maillage du territoire palestinien, premier pas vers sa conquête.
Marx écrivait qu’on ne juge pas un individu sur l’idée qu’il se fait de lui-même. On ne peut évaluer non plus un mouvement sur l’idée qu’il se fait de lui-même. Il ne s’agit pas de nier la sincérité de cette « passion communiste » qui animait (certains) émigrants juifs, mais d’analyser leur pratique politique réelle, nombre de massacres et de crimes se sont fait au nom du Bien et de « la civilisation ». Rodinson a bien mis en lumière le point aveugle de ces colons :
La suprématie européenne avait implanté, jusque dans la conscience des plus défavorisés de ceux qui y participaient [à l’émigration en Palestine], l’idée que, en dehors de l’Europe, tout territoire était susceptible d’être occupé par un élément européen. Le cas de l’utopie sioniste n’était pas, de ce point de vue, différent de celui des utopies socialistes du type de l’Icarie de Cabet2. Il s’agit de trouver un territoire vide, vide non pas forcément par l’absence réelle d’habitants, mais une sorte de vide culturel. En dehors des frontières de la civilisation (…), on pouvait librement insérer, au milieu de populations plus ou moins arriérées et non contre elles, des « colonies » européennes qui ne pouvaient être, pour employer anachroniquement un terme récent, que des pôles de développement.
Ce sentiment de supériorité n’était pas propre au seul mouvement sioniste, on le retrouve dans le mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle et au cours du XXe siècle. Ainsi, les communards en Algérie qui se réclamaient de la Commune de Paris de 1871, saluaient la répression de l’insurrection des indigènes, qui embrasait alors le pays3. Les fédérations algériennes de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) votèrent massivement l’adhésion à l’Internationale communiste au congrès de Tours en 1920, tout en dénonçant le nationalisme indigène « rétrograde » et en prônant l’assimilation. Tous ces socialistes chantaient pourtant « L’Internationale », se réclamaient de « la dictature du prolétariat », appelaient au soulèvement des « damnés de la Terre » réduits aux seuls ouvriers européens. Il fallut la création de l’Internationale communiste pour que s’impose, non sans obstacles, le mot d’ordre « prolétaires de tous les pays et peuples opprimés unissez-vous », et pour rompre en paroles et parfois en actes avec les vieilles tendances coloniales de la social-démocratie.
Pour contester le caractère colonial de l’entreprise sioniste, BHL rabâche plusieurs thèses auxquelles le long texte de Rodinson dans Les Temps Modernes avait répondu par avance, mais qu’il ne s’est pas donné la peine de relire, ne serait-ce que pour les contester.
« Il y a toujours eu des Juifs sur la terre de ce qu’est aujourd’hui l’État d’Israël », écrit-il, depuis des milliers d’années, avant et après la destruction du Temple en l’an 70. Certes, ils n’étaient pas constitués en nation, concède BHL, mais « les autochtones arabes ne l’étaient pas davantage ». Ils n’acquirent ce statut, selon lui, que dans les années 1940, en même temps que les Juifs, ce qui permet, par un tour de passe-passe, d’apposer un signe d’égalité entre les aspirations des Palestiniens et celles des Juifs en Palestine. Cette logique amènerait à prétendre que les peuples autochtones amérindiens ou africains, qui n’étaient pas des communautés nationales, n’ont donc pas subi le colonialisme.
Et quelle est la légitimité d’une revendication juive sur la Palestine ? Rappelons que Theodor Herzl, le fondateur du sionisme politique, avait envisagé une installation des juifs en Argentine ou au Congo. BHL invoque la Bible désignée comme le « Malet et Isaac des sionistes », pour justifier cette prétention. Rappelons que Malet et Isaac est la collection de manuels d’histoire conçue par la République au début du XIXe siècle, et qui a inventé plusieurs thèmes de la mythologie nationale, dont « nos ancêtres les Gaulois ». S’il relève plus de l’idéologie que de l’Histoire, il a quand même quelques rapports avec cette dernière, ce qui n’est pas le cas de la Bible, même s’il reste un texte majeur pour l’humanité. Et qui peut considérer, sauf quelques illuminés, l’Ancien Testament comme un titre de propriété ?
Évoquant les droits historiques des juifs sur la Palestine, Maxime Rodinson ironise : « Je ne ferai pas à mes lecteurs l’affront de les croire séduits par cet argument », ou alors — c’est nous qui complétons — on ouvrirait les portes à une guerre de mille ans, notamment en Europe, avec les revendications « historiques » de la Russie sur l’Ukraine, de la Serbie sur le Kosovo, voire de la France sur la partie francophone de la Belgique.
Dans sa préface à un livre que j’avais écrit sur l’histoire de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Rodinson avait illustré l’absurdité d’une revendication reposant sur les mythes développés par les mouvements nationalistes :
Qu’on cherche à s’imaginer les Tsiganes – peuple persécuté depuis des siècles et exterminé en masse par les hitlériens – réclamer un État dans le département des Bouches-du-Rhône où se situe un sanctuaire qu’ils révèrent, celui des Saintes-Maries-de-la-Mer, réaliser leur projet grâce à l’appui des États-Unis et de l’Union soviétique, après s’être constitué une base territoriale en achetant systématiquement des terres, après avoir vaincu militairement les forces françaises s’efforçant de résister. Qu’on pense à la réaction des habitants placés dans une position subordonnée, forcés d’apprendre le tsigane pour avoir une place dans l’État tsigane, poussés autrement à aller s’établir ailleurs (la France est grande, il y a 95 autres départements diraient les apologistes de l’État tsigane).4
« Il y a un point, un au moins, sur lequel tous s’accordent, argumente ensuite BHL, la colonisation, c’est le vol. Or il n’y eut ni vol ni dol. Les terres acquises par les migrants non moins que par les autochtones juifs ne furent, sauf exception, pas ravies mais achetées. (…) Il n’est pas vrai que les terres constitutives du futur Israël aient été prises par la force ou au mépris de la loi. » Là encore, BHL n’a pas lu Rodinson qui explique comment en Afrique noire comme en Tunisie, l’acquisition des terres par les colons s’opéra le plus souvent légalement. À la veille du plan de partage de la Palestine voté par l’Assemblée générale de l’ONU le 29 novembre 1947, le pourcentage des terres cultivables de Palestine possédées par des Juifs ne représentait que 9 % à 12 % des terres cultivables ; il fallut la création de l’État d’Israël, « le vol et dol » des terres des réfugiés palestiniens, la « judaïsation » des propriétés des Palestiniens citoyens d’Israël pour bouleverser le cadastre. Résultat : à la veille de la guerre de 1967, 72 % des terres aux mains de Juifs israéliens avaient appartenu à des Palestiniens avant 19475.
Ultime pierre du raisonnement de notre philosophe, « qui dit colonialisme dit métropole coloniale. Or la réalité c’est que la métropole, c’est-à-dire, en la circonstance, la Grande-Bretagne, s’opposa de toutes ses forces, ici comme ailleurs, à la dislocation de son empire. … [La naissance d’Israël] est un moment de l’histoire, non des empires, mais de leur dissolution ; et le sionisme n’est pas un impérialisme, mais un anti-impérialisme. » Ce raccourci qui trouverait sa place dans un Mallet et Isaac israélien occulte le rôle central de Londres. À partir de 1922, date du début de leur mandat sur la Palestine, les Britanniques ont encouragé non seulement une émigration massive juive, mais ont aidé le Yichouv — la communauté juive en Palestine — à se constituer en corps séparé, avec ses institutions politiques, sa vie économique reposant sur « le travail juif » et la séparation d’avec les Arabes, et bientôt ses milices armées par les Britanniques. Le Royaume-Uni ne le fit pas par « amour des juifs », nombre de défenseurs du projet sioniste, Lord Balfour en tête, étaient antisémites, mais parce que Londres voyait ces colons européens comme « un poste avancé de la civilisation » et un point d’appui pour la défense de ses intérêts dans la région.
Cette approche se modifia durant la Seconde guerre mondiale, quand le Royaume-Uni dut prendre en compte les demandes de ses commensaux arabes sur lesquels il régnait (Égypte, Transjordanie, Irak). L’utilisation du terrorisme par les groupes sionistes contre des intérêts et des soldats britanniques – qui soulevèrent une véritable indignation dans l’opinion publique du royaume - et la volonté du sionisme de s’appuyer sur les États-Unis élargirent le fossé entre les alliés d’hier. Peut-on parler pour autant d’une guerre de libération sioniste contre l’empire ? Il faudrait alors considérer comme un soulèvement anticolonial la révolte des pieds-noirs d’Algérie contre Paris en 1960-1962, et l’Organisation armée secrète (OAS) comme un mouvement anti-impérialiste. Ou saluer la sécession des Blancs de Rhodésie en 1965 de la tutelle britannique comme un coup porté à l’empire de Sa Majesté. L’engagement d’Israël contre tous les mouvements d’émancipation des peuples du tiers-monde, du Vietnam aux colonies portugaises en passant par l’Amérique latine, a confirmé l’inscription durable de ce pays dans « le camp impérialiste ». Comme l’illustre l’alliance stratégique tissée avec l’Afrique du Sud de l’apartheid à partir de 1948, que poursuivirent tous les gouvernements israéliens de « gauche » comme de droite, allant jusqu’à aider Pretoria dans son programme nucléaire militaire.
On ne conseillera pas à BHL de relire Maxime Rodinson dont le texte dense — même s’il est parfois un peu daté - fait voler en éclat ses piètres démonstrations. En revanche, les lecteurs y trouveront de quoi nourrir leur réflexion à un moment où le caractère colonial du projet sioniste apparaît dans toute son horreur à Gaza.
ALAIN GRESH
Spécialiste du Proche-Orient, il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont De quoi la Palestine est-elle le nom ?
https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/israel-fait-colonial-maxime-rodinson-met-ko-bernard-henri-levy,7337
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Rédigé le 17/05/2024 à 08:41 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
Le nouveau président Javier Milei est un allié à Buenos Aires de partis de tradition antisémite, tout en affichant un soutien bruyant à Israël, comme l’essentiel de l’extrême droite au niveau mondial. Il envisage également de se convertir à la religion juive, en épousant la cause d’une de ses branches les plus pro-colonies. On ne se refait pas...
Jérusalem, 6 février 2024. Le président argentin Javier Milei (à droite) pleure avec le rabbin Shimon Axel Wahnish lors d’une visite au mur des Lamentations
Parmi les nombreuses excentricités de Javier Milei mises en scène et très fortement médiatisées, son rapport assez curieux avec le judaïsme n’est pas la moindre. Ainsi, lors de son premier voyage officiel comme président début février 2024, il s’est rendu en Israël où, outre l’annonce du déplacement de l’ambassade d’Argentine à Jérusalem, il s’est longuement fait photographier et filmer, le visage inondé de larmes, devant le mur des Lamentations.
Le sionisme de Javier Milei et son alignement sans le moindre recul ni critique sur les positions de Benyamin Nétanyahou ne peut guère surprendre. Globalement, Milei est proche de toutes les extrêmes droites du monde occidental. Cette posture idéologique vaut tant pour sa politique intérieure qu’internationale. Elle participe d’une stratégie pour la droite globale qui a été élaborée par l’un des plus influents conseillers de Javier Milei, Agustín Laje. Celui-ci vise, malgré les nombreuses contradictions entre les extrêmes droites argentines (étatiques contre libertariennes, entre autres), à coordonner les forces de droite. Le jeune auteur à succès dans l’ensemble du monde hispanophone d’extrême droite est aussi un « anti-woke » fanatique. Il résume ainsi son propos :
Une Nouvelle Droite pourrait se former dans l’articulation de libertaires non progressistes, de conservateurs non immobilistes, de patriotes non étatistes et de traditionalistes non intégristes. Le résultat serait une force résolue dans l’incorrection politique qui pourrait se traduire dans une opposition radicale à la caste politique nationale et internationale1.
Dès lors, rien de plus cohérent pour le très idéologique Milei que de chercher des alliances avec les dirigeants de toutes les formes d’extrême droite à travers le monde seulement « occidental ». Milei a par ailleurs un prisme anticommuniste directement hérité de la guerre froide et totalement étanche aux 35 années qui nous séparent de la chute du Mur de Berlin. Sa ferveur est telle que son administration a fragilisé les relations diplomatiques avec la Chine malgré des accords commerciaux essentiels pour l’Argentine avec la grande puissance asiatique. Ainsi, et quitte à froisser l’administration Biden, il a tenu à embrasser le candidat Donald Trump lors d’une assemblée du conservatisme nord-américain où il s’est rendu le 24 février 2024, dans l’État du Maryland2.
Dans ces conditions, rien de plus naturel pour Milei que de s’aligner sur Nétanyahou, voire sur les alliés les plus ultras de la coalition du premier ministre israélien. Notons au passage que l’annonce d’un transfert de l’ambassade argentine de Tel-Aviv à Jérusalem n’est qu’un effet de manche. La présidence argentine n’a pas le pouvoir d’organiser ce déplacement qui ne peut se faire que si les députés argentins y sont majoritairement favorables. Or, le parti de Milei est fortement minoritaire à l’Assemblée.
Le sionisme de Milei s’inscrit dans une idéologie d’extrême droite et il ne fait aucun doute qu’il est disposé à applaudir aux déclarations les plus extrêmes de dirigeants israéliens. Pour lui, même dans le contexte d’un massacre sans précédent à Gaza, la question palestinienne n’existe pas… puisqu’elle n’apparaît pas dans l’Ancien Testament.
Venons-en à l’autre aspect — bien plus bizarre — du dirigeant argentin : la volonté de ce catholique de se convertir à la religion juive. Bien avant son élection, le candidat se revendiquait de courants jusqu’à récemment très marginaux en Argentine, comme l’ultralibéralisme, le libertarianisme ou l’« anarcho-capitalisme ». Néanmoins, ses alliances ne laissaient aucun doute sur son orientation très droitière. En particulier, il s’est rapidement lié à Victoria Villaruel (aujourd’hui sa vice-présidente), issue d’une famille militaire très ancrée dans l’extrême droite traditionnelle.
Or en Argentine, celle-ci se caractérise par un nationalisme identifiant l’identité nationale à un catholicisme traditionaliste, et donc excluant toutes les autres religions. En clair, il ne peut y avoir de vrais Argentins que catholiques pour ce nationalisme qui a toujours été fortement antisémite. D’ailleurs, au-delà de l’extrême droite, la nation argentine s’est longtemps définie par son catholicisme, si bien que jusqu’à la réforme constitutionnelle de 1994, son président devait être catholique.
Dans ces conditions, la volonté affichée de Milei de se convertir au judaïsme peut apparaître comme une manière de couper court à toute dénonciation d’antisémitisme. Plus encore, cette conversion permet de fusionner diverses tendances de l’extrême droite, comme le soulignent Martín Vicente et Matías Grinchpun dans une enquête croisée sur le syncrétisme religieux et politique de la Libertad Avanza, le parti présidentiel3. Ainsi, outre Victoria Villaruel, le nouveau gouvernement argentin compte au moins un ancien néonazi en la personne de Rodolfo Barra, procureur général, qui est l’équivalent du ministre de la justice en France.
En réalité, Milei semble davantage intéressé par différents mysticismes dans un mélange plutôt new age que spécifiquement juif. Il a ainsi notamment fait un appel à une médium capable de communiquer par télépathie avec des animaux, y compris morts, ce qui permettrait à l’actuel dirigeant argentin de poursuivre un dialogue avec son chien décédé en 20174. C’est d’ailleurs depuis cette même période mystique que l’homme s’est rapproché de la religion juive.
Un peu comme l’économiste Milei, le « juif en devenir » Milei affirme son identité à travers d’obscurs (du moins pour les profanes) auteurs et citations censés expliquer ses positions. Quand il est question d’économie, dans ses très nombreuses interviews, Milei cite presque immanquablement un livre ou un article inconnu du grand public afin de soutenir l’une de ses positions, souvent considérées comme dangereuses et problématiques par la plupart des économistes. De même, il déstabilise souvent le public peu averti par des citations du Livre des Macchabées, soit pour expliquer une mesure, soit pour affirmer une religiosité judaïque dont il serait un bon connaisseur. Malgré les évidences qui le désignent comme un cancre, Milei tient toujours à se présenter comme un bon élève qui aurait bien révisé ses classiques avant l’examen. En économie comme en religion.
Il a ainsi affiché sa proximité idéologique avec la plus virulente branche du hassidisme contemporain5 : la communauté fondée par la dynastie Habad-Loubavitch. Ainsi, en novembre 2023, récemment élu (et pas encore investi), Milei s’est rendu à New York où il est allé se recueillir sur la tombe du dernier de la lignée des Loubavitch, Menachem Mandel Schneerson.
La secte loubavitch est, parmi les orthodoxes, probablement la plus favorable au colonialisme israélien. Considérant la Torah comme un cadastre, il s’agit de trouver les frontières d’un royaume étendu dont les contours seraient définis par les livres sacrés qui feraient office d’actes de propriété. La boucle est bouclée pour Milei, à la fois sioniste forcené et futur converti à un judaïsme fanatique. Le colonialisme messianique de la secte ne peut guère rebuter le président ultralibéral argentin pour qui la propriété privée est le droit le plus sacré, mais qui n’a jamais considéré la spoliation des peuples originaires du continent américain comme un crime.
JÉRÉMY RUBENSTEIN
Journaliste et historien de la contre-insurrection et de la violence politique. Auteur de Terreur et séduction. Une histoire de la… (suite)
https://orientxxi.info/magazine/argentine-du-sionisme-au-judaisme-les-errements-pro-israeliens-du-president,7323
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Rédigé le 16/05/2024 à 13:20 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
Rafah, 12 mai 2024. Des enfants jouant avec la carcasse d’une camionnette.
Samedi 11 mai 2024.
On est en mai 2024 et la ville de Rafah ressemble un peu à ce qui s’est passé en mai 1940 en France, surtout dans le nord et à Paris, où des centaines de milliers de personnes ont pris la fuite les sous les bombes et sous ce que l’on appelait à l’époque « les trompettes de Jéricho »1.
Rafah devient presque une ville fantôme, surtout à l’Est. Et la peur s’implante dans le cœur des gens, surtout chez les enfants et les femmes. Tout le monde est prêt à se déplacer, tout le monde est en train de partir, surtout les gens qui ont déjà été déplacés du nord de la bande de Gaza. Pour ma part, j’ai décidé de rester dans la pièce que nous occupons jusqu’à ce que les Israéliens lancent des tracts ordonnant aux habitants de ma zone de s’en aller. Les sacs et la tente sont prêts. Mais nous voulons repousser le plus longtemps possible cette nouvelle humiliation, d’avoir à vivre sous la tente.
Partir, mais pour aller où ? Tout le monde pose la question : où est-ce qu’on va s’installer ? Ils se demandent aussi quelle sera la prochaine étape. Au début de la guerre, l’armée a dit qu’il fallait évacuer le nord de la bande de Gaza pour aller à Gaza-ville. Les gens s’y sont donc déplacés. Ensuite, l’armée leur a demandé de quitter la ville de Gaza pour aller plus au Sud. Après, les Israéliens leur ont demandé d’aller à Khan Younès. Les gens se sont dirigés vers cette ville. Et quand l’armée leur a dit de partir vers Rafah, près de la frontière égyptienne, 1,5 million de personnes environ se sont réfugiées là.
Maintenant, les Israéliens disent à ces mêmes gens d’aller ailleurs. Et après ? je crains que cela ne finisse par un transfert de population. L’armée dit de partir vers « l’extension » de la zone d’Al-Mawassi. C’est une zone bordée par la mer qui commence à l’est de la route côtière, de Rafah jusqu’au nord de la ville de Khan Younès, jusqu’à Nusseirat. Sur l’axe horizontal, elle s’arrête un peu avant l’avenue Salaheddine, la route principale qui traverse la bande de Gaza du nord au sud.
Cette zone serait une « zone humanitaire » selon Israël, alors qu’elle n’est ni humanitaire ni sécurisée. Elle est constamment bombardée. Samedi, ils ont visé une tente qui se trouvait au milieu de centaines d’autres tentes faites de bâches. Il y a eu beaucoup de victimes. Ce n’est pas la première fois, et ce ne sera sûrement pas la dernière.
Il n’y a plus d’endroit sûr. Et de toute façon, dans cette zone d’Al-Mawassi, il n’y a plus de place. Les gens s’entassent les uns sur les autres. Tous mes amis qui sont partis de Rafah n’ont pas d’endroit où se poser. Ceux qui ont la chance d’en trouver restent pour le moment dans leur voiture, en attendant de trouver un lieu où construire une tente avec des bâches. Mais pour construire ces tentes de fortune, il faut du bois et du plastique. Leur prix atteint vingt à trente fois le prix « normal », c’est-à-dire celui qui était déjà dix fois plus cher qu’avant la guerre, quand les déplacés étaient encore à Rafah. Et bien sûr, avec la fermeture des terminaux de Rafah et de Kerem Shalom, il n’y a plus de nourriture. Les gens demandent d’abord la sécurité, avant de penser à boire ou à manger. Mais si on ne meurt pas sous les bombes, on mourra de faim et de soif.
Reste la question « et après » ? Nétanyahou va entrer à Rafah pour « éradiquer le Hamas ». Bien sûr, il ne va jamais l’éradiquer, le Hamas est toujours là. J’ai toujours dit que la solution militaire ne réussira jamais à venir à bout du Hamas. Quant à nous, nous serons près de 1,2 million de personnes qui vont être parquées dans ce rectangle, encerclé au Nord par la route de Netzarim, l’ancienne route des colons reconstruite par les Israéliens, qui coupe Gaza en deux d’Est en Ouest. Au Sud, ça va être la même chose quand ils vont occuper toute la ville de Rafah. Pareil à l’Est, où ils se trouvent déjà, et ils occupent toute la route de Salaheddine.
Avant, on appelait Gaza « une prison à ciel ouvert ». Maintenant, on est dans une cage à ciel ouvert avec 1,5 million de personnes qui manquent de tout, d’espace, de nourriture et surtout d’eau. L’été est déjà là, il fait très chaud, les besoins en eau augmentent, pour boire ou d’autres besoins. Malheureusement, dans la zone d’Al-Mawassi, il n’y a pas d’eau, il n’y a pas d’infrastructures pour les besoins essentiels. Les Gazaouis sont emprisonnés à droite, à gauche, au Nord, au Sud et à l’Ouest, du côté de la mer, par la marine israélienne.
Les Israéliens ont-ils changé de stratégie parce qu’ils ont vu que l’Égypte s’opposait au transfert des Palestiniens dans le désert du Sinaï ? Est-ce qu’ils pensent plutôt maintenant à la mer, avec le nouveau port flottant qui est en train de se construire à la hauteur de la ville de Gaza ? Est-ce que le transfert par la mer va commencer, comme d’habitude pour des raisons « humanitaires » ? Parce qu’on va encore beaucoup l’entendre ce mot. La question palestinienne s’est transformée en « question humanitaire » alors que c’est une question politique, une question de territoire, une question des gens qui habitent ici depuis longtemps et dont un occupant continue à prendre la terre, que ce soit en Cisjordanie où à Gaza.
Tous les jours, des terres sont annexées en Cisjordanie, tous les jours on y construit des milliers d’unités d’habitations. Ce que veulent les Israéliens, c’est la terre. Au lieu de faire la paix et avoir deux États, ils vont tuer le plus grand nombre de gens possible à Gaza, et pousser dehors ceux qui resteront, dans une nouvelle version de la Nakba de 1948. Sauf qu’à l’époque c’était des milices, et qu’aujourd’hui c’est une armée officielle qui fait le travail.
Je le répète : on va où maintenant ? La population est étranglée, elle vit dans des conditions qui ne sont pas humaines. À la fin, les gens vont être bel et bien obligés de partir. Et comme d’habitude, on dira que ce seront des « départ volontaires », toujours « pour des raisons humanitaires ». On en tue le maximum, on détruit toutes les infrastructures, on élimine tous les piliers de la vie, l’industrie, le système sanitaire, le système de santé, l’eau, tout. Et après on dit : si vous voulez partir, c’est votre choix, on ne vous y force pas. Et les Occidentaux approuveront.
Les Israéliens ont pris toute la bande de Gaza et personne n’a dit mot. Les Américains ont commencé par dire « Israël a le droit de se défendre », mais quand il s’agit de Rafah, ils parlent de « crise humanitaire ». C’est clair que ça passe mieux que « génocide » ou « nettoyage ethnique ». Biden n’a commencé à bouger que quand les Israéliens ont annoncé leur intention d’entrer à Rafah, comme si la guerre avait commencé à Rafah, et la raison de ce changement d’attitude est uniquement électorale, à cause de la grande mobilisation de la jeunesse américaine. Il a annoncé la suspension de la livraison de certaines armes, mais pas de tout l’arsenal, comme un père qui punit en public un enfant gâté mais qui lui dit en privé : « Je suis fier de toi, vas-y, il faut continuer jusqu’au bout. »
Quant aux Européens, ils ne disent malheureusement rien du tout. Pour eux, il faut arrêter ce génocide, rouvrir les terminaux, laisser entrer le carburant, indispensable entre autres pour les rares hôpitaux qui fonctionnent encore et pour les stations de désalinisation et d’épuration d’eau, il faut parachuter les aides. Tout ça dans une petite cage. Et pour des raisons humanitaires. Peut-être aussi que « pour des raisons humanitaires », des pays européens vont accepter chacun 200 000 personnes, et comme ça les 2 millions de Gazaouis vont être « distribués » entre six ou sept pays. Pourtant, la solution est très simple. Il faut cesser l’occupation et il faut un État palestinien. Mais les Israéliens veulent achever ce qu’ils ont commencé en 1948. Maintenant ils veulent régler le problème, éliminer les Palestiniens ou les faire fuir ailleurs.
Le problème c’est que si ça marche à Gaza, ce sera beaucoup plus facile en Cisjordanie. Il y a une relation étroite entre la Cisjordanie et la Jordanie. La majorité des Cisjordaniens ont le passeport jordanien. Ils ont de la famille en Jordanie. Je sais qu’en ce moment beaucoup de gens en Cisjordanie se préparent pour partir s’installer en Jordanie, parce qu’ils savent que chez eux, le deuxième round a déjà commencé.
On parle peu de l’annexion des territoires, le terrorisme des colons contre les Palestiniens qui vivent à côté des colonies ou même plus loin, parce que tous les regards se portent sur Gaza depuis plusieurs mois. Je connais des gens qui se préparent, qui planifient pour transférer leur emploi ou leur business en Jordanie, ou y cherchent un appartement pour s’installer. Si la machine de guerre se met en marche en Cisjordanie, la majorité des gens vont partir. Le nettoyage ethnique que font les Israéliens, c’est pour prendre la terre par la force, tuer les habitants ou les faire fuir partout ailleurs.
Quand on parle de Rafah, les Israéliens parlent d’une « opération limitée », mais avec 400 chars et le transfert forcé des habitants, la fermeture des terminaux, peut-on dire qu’elle soit vraiment « limitée » ? On parle de 300 000 personnes qui sont parties, mais je pense que le nombre est beaucoup plus élevé. Quelle est donc la différence avec une « grande opération » ? Ils sont juste en train de faire les choses d’une manière soft. Et ça se passe sous les yeux du monde, sous les yeux de ceux qui peuvent faire quelque chose, qui peuvent arrêter Nétanyahou mais ne le font pas. Et à la fin ce seront les Palestiniens qui se feront avoir.
Revenons à cette cage où tout le monde va être entassé. Qu’est-ce qu’ils veulent, les Israéliens ? Ils vont dire, comme ils l’ont fait jusque-là, que les combattants du Hamas se sont réfugiés dans la cage en question, qu’ils y cachent leur arsenal et des otages dans les tunnels. Ce jeu du chat et de la souris va continuer, et à la fin nous allons tous être chassés de toute la bande de Gaza et la laisser aux Israéliens. Le problème c’est que non seulement les gens vivent dans la peur et l’angoisse, mais qu’ils en ont aussi assez. On lit la fatigue dans leurs yeux, fatigue de se déplacer sans cesse, de chercher des solutions pour mettre leur famille à l’abri, de toujours se demander où aller. Il n’y a pas d’avenir.
Est-ce qu’on va mourir ? Les gens n’ont plus peur de la mort, parce qu’ils considèrent que se déplacer encore et encore, c’est une forme de mort. Mais ils ont peur de l’avenir. Nétanyahou va occuper toute la bande de Gaza du Nord au Sud, mais il sait très bien que les otages ne seront pas libérés. Son véritable objectif c’est de ravager toute la bande de Gaza et de la rendre invivable. Et pour cela, il lui faut éliminer les otages. Parce qu’un otage vivant, ça coûte beaucoup plus cher qu’un otage mort. Et c’est pour ça que la population israélienne est en train de faire pression sur Nétanyahou. Mais ce dernier continue jusqu’au bout parce qu’il sait que la fin de cette guerre, c’est la fin de sa vie politique.
La reconstruction après la fin de la guerre ? C’est une carte dans le jeu des Israéliens. Mais elle prendrait des années. Il n’y a plus d’universités, plus d’écoles, plus d’infrastructures, plus d’eau, plus d’électricité. Nétanyahou a gagné cette guerre en laissant Gaza invivable pour de bon. Et dans cette cage, on attend ce port flottant construit par les États-Unis, pour « apporter l’aide humanitaire ». Désormais tout sera « humanitaire » ; la politique sera transformée en humanitaire, et l’injustice aussi.
Rédigé le 14/05/2024 à 15:59 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
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Rédigé le 13/05/2024 à 21:51 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
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