Alain Gresh : ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique, fondateur des journaux en ligne Orient XXI et Afrique XXI, spécialiste du Proche-Orient. Rony Brauman : ancien président de Médecins Sans Frontières, enseigne au Humanitarian and Conflict Response Institute (HCRI), chroniqueur à Alternatives Economiques.
Pour se défaire du Nazisme le monde a offert la Palestine à Israël Pour parfaire le sionisme le monde permet à Israël de s’offrir Gaza En reconnaissant de facto que la distinction de l’un ne peut avoir lieu sans l’extinction de l’autre Pauvre Palestine !
À mesure que les Israéliens basculent à droite, les Juifs américains s’ancrent à gauche. Résultat : le lobby pro-israélien aux États-Unis s’appuie désormais davantage sur les chrétiens fondamentalistes que sur les juifs. Mais la guerre de Gaza a également percuté l’université américaine quand certains de ses bailleurs de fonds ont décidé de sanctionner les établissements trop critiques du gouvernement israélien.
Cinq semaines après l’attaque meurtrière du Hamas, le 7 octobre 2023, une foule d’environ 290 000 personnes, Juifs américains pour la plupart, se rassemblait à Washington pour réaffirmer son soutien à Israël, exiger la libération des otages retenus à Gaza et dénoncer l’antisémitisme. Ce fut sans doute la manifestation pro-israélienne la plus massive de l’histoire des États-Unis. D’un point de vue strictement politique, ce fut aussi la moins nécessaire, le gouvernement de M. Joseph Biden ayant déjà, sans la moindre ambiguïté possible, fait sienne chacune de ces trois positions.
Cette mobilisation jurait avec les quelque deux mille manifestants réunis « en solidarité avec le peuple juif » au début de la guerre précédente entre Israël et le Hamas, en mai 2021. Il y a trois ans, la plupart des organisations juives progressistes et « pro-paix » avaient boycotté l’initiative, reprochant à ses organisateurs d’assimiler toute critique du sionisme à de l’antisémitisme. Le 14 novembre dernier, elles sont venues en masse, après avoir toutefois appelé M. Biden à faire pression sur le gouvernement de M. Benyamin Netanyahou pour que cessent les massacres de civils palestiniens. Les dirigeants des deux partis représentés au Congrès étaient également présents, le soutien à Israël ayant cette capacité miraculeuse à fédérer partisans de M. Biden et supporteurs de M. Donald Trump.
Parmi les Juifs présents ce jour-là, nombreux s’émurent sans doute de voir le prédicateur évangélique John Hagee parader au milieu des invités. Chef du groupe Christians United for Israel (« Chrétiens unis pour Israël »), M. Hagee considère par exemple que le « chasseur » Adolf Hitler a été envoyé par Dieu afin de punir les Juifs pour leur refus de se plier aux promesses du « livre de la Révélation », et que leur retour en Terre sainte doit servir à déclencher l’Apocalypse. Œcuménique, la bannière pro-israélienne s’étend ainsi jusqu’aux antisémites les plus fanatiques (1).
Lorsque Anthony Jones (« Van Jones »), le commentateur noir et « progressiste » de Cable News Network (CNN), tente à la tribune un exercice d’équilibre — « Je prie pour la paix. Qu’il n’y ait plus de roquettes depuis Gaza. Et plus de bombes non plus sur la population de Gaza » —, il reçoit en retour une volée de « bouh » et de « pas de cessez-le-feu ! ». Pendant ce temps, des petites contre-manifestations se forment en marge de l’événement, sous l’égide des groupes juifs « dissidents » Jewish Voice for Peace (« La Voix juive pour la paix ») et IfNotNow (« Si ce n’est maintenant »). Lesquels s’étaient massivement mobilisés au cours des semaines précédentes contre les bombardements sur l’enclave palestinienne. Aux côtés d’autres collectifs, palestiniens ou non, ils avaient manifesté à maintes reprises, paralysé la circulation et occupé des gares dans plusieurs grandes villes du pays — et même le Capitole —, en réclamant la fin des livraisons d’armes à Israël et en sommant M. Biden d’user de son pouvoir pour faire immédiatement cesser le massacre.
Moins nombreux que les manifestants pro-israéliens du 14 novembre, les contre-manifestants n’en étaient pas moins de meilleurs représentants de la population américaine dans son ensemble, majoritairement opposée à la guerre contre Gaza. Selon un sondage réalisé avant même que le bilan des victimes palestiniennes ne perce le seuil des dix mille, 66 % des électeurs américains disaient approuver « totalement » ou « à peu près » la proposition d’un cessez-le-feu immédiat. Un nombre significatif de Juifs y étaient également favorables, surtout parmi les moins de 24 ans, de plus en plus sensibles au sort et aux droits des Palestiniens, alors qu’en Israël la même tranche d’âge a basculé très largement dans le sens inverse.
À chacun des cinq derniers scrutins nationaux, les électeurs israéliens n’ont eu de cesse d’embrasser l’autoritarisme, la théocratie et l’annexion rampante de la Cisjordanie. Dans le même temps, les dirigeants d’extrême droite s’affranchissaient un à un de tous les liens, politiques et psychologiques, qui les reliaient aux Juifs américains, en courtisant désormais ouvertement les sionistes évangéliques, qui déterminent les positions du Parti républicain sur ces questions. Selon Gary Rosenblatt, ancien rédacteur en chef du New York Jewish Week, M. Netanyahou admet en privé que « tant qu’il a le soutien en Amérique des chrétiens évangéliques, qui excèdent largement en nombre les juifs, et plus encore les juifs orthodoxes, tout va bien pour lui ». L’apparatchik néoconservateur Elliott Abrams (2) le rappelle, « les évangéliques dans ce pays sont vingt à trente fois plus nombreux que les juifs ». Le groupe de lobbying American Israel Public Affairs Committee (Aipac) est donc devenu plus droitier à mesure qu’il devenait moins « juif ».
Si l’attaque du Hamas et la réaction israélienne n’ont pas substantiellement modifié les positions politiques des Juifs américains, elles ont en revanche exacerbé leurs divergences. Dans une lettre ouverte demandant au président Biden de soutenir un cessez-le-feu immédiat, plus de cinq cents employés de quelque cent quarante organisations juives américaines ont notamment déclaré : « Nous savons qu’il n’y a pas de solution militaire à cette crise. Nous savons qu’Israéliens et Palestiniens sont là pour rester, et que ni la sécurité des Juifs ni la libération des Palestiniens ne peuvent se réaliser si l’on oppose l’une à l’autre (3). » Onze sénateurs démocrates ont par ailleurs signé une lettre exhortant M. Biden à admettre que « la souffrance croissante et prolongée à Gaza est non seulement intolérable pour les civils palestiniens, mais dommageable aussi à la sécurité des civils israéliens par l’aggravation des tensions existantes et l’affaiblissement des alliances régionales (4) ». Ils enjoignent à la Maison Blanche en outre d’intervenir auprès d’Israël pour lui arracher des concessions, une demande qui aurait été inimaginable dans la vie politique américaine dix ans plus tôt.
Orchestrer une seconde « nakba »
De son côté, sans toutefois appeler à un cessez-le-feu, M. Bernie Sanders, n’a pas ménagé ses attaques contre le « gouvernement d’extrême droite de Netanyahou », jugeant que sa « guerre presque totale contre le peuple palestinien [était] moralement inacceptable et en violation des lois internationales ». Et il a réclamé que l’aide américaine à Israël (3,8 milliards de dollars par an) soit dorénavant conditionnée au droit des Gazaouis à retourner dans leurs foyers, à la fin des violences perpétrées par les colons de Cisjordanie, au gel de la politique d’expansion des colonies et à une reprise des discussions de paix en vue d’une solution à deux États (5).
Paradoxalement, plus on compte d’élus démocrates qui relaient les positions propalestiniennes de leurs électeurs, plus M. Biden s’acharne à faire cause commune avec le premier ministre israélien. En dehors de quelques groupes marginaux, qui qualifient de « propagande sioniste » les crimes perpétrés le 7 octobre par le Hamas, personne aux États-Unis ne conteste le droit d’Israël à y riposter militairement. Même si le ciblage de la population civile de Gaza et la destruction quasi totale de ses infrastructures laissent présager des formes de résistance plus radicales et déterminées encore dans les années qui viennent.
Le président américain paraît cependant surestimer l’influence qu’il peut exercer sur M. Netanyahou, qui confiait en 2001 à un groupe de colons de Cisjordanie : « L’Amérique est une chose qu’on peut facilement faire bouger dans la bonne direction… Ils ne nous embêteront pas (6). » Avec le soutien de ses ministres les plus extrémistes et de ses supporteurs chauffés à blanc, le chef du gouvernement israélien a infligé camouflet sur camouflet à son allié américain, sans faire aucunement mystère de son intention d’orchestrer une seconde nakba, consistant à forcer les Palestiniens de Gaza à émigrer en Égypte et ailleurs. Il prévoit de conditionner l’arrêt des combats à la réalisation de trois objectifs : « Détruire le Hamas, démilitariser Gaza et déradicaliser la société palestinienne. »
M. Biden, en faisant cavalier seul, fragilise par ailleurs ses chances de réélection en novembre prochain. Si la politique pro-israélienne du président mécontente la plupart des sympathisants démocrates, c’est surtout chez les plus jeunes que la désaffection gagne du terrain : 70 % des électeurs âgés de moins de 24 ans seraient opposés à l’alliance Biden-Netanyahou. Nombre d’Américains d’origine arabe ont également annoncé qu’ils s’abstiendraient de voter pour M. Biden cette fois-ci, sans ignorer pour autant que les républicains embrassent la cause israélienne avec plus de passion encore que les démocrates.
Plusieurs motifs expliquent que M. Biden ait pris un risque politique aussi lourd. Son amour d’Israël et du récit sioniste n’est plus à démontrer. Au cours de sa campagne présidentielle de 2020, lorsque ses rivaux de gauche, M. Sanders et Mme Elizabeth Warren, refusèrent d’apparaître devant l’Aipac et appelèrent à une mise sous conditions des aides à Israël — une position soutenue à l’époque par une majorité de Juifs américains —, M. Biden pourfendit une prise de position « absolument scandaleuse ». Comme vice-président de M. Barack Obama, il se vanta un jour devant un public juif : « J’ai reçu plus d’argent de l’Aipac que certains d’entre vous. »
Le président américain estime qu’entre États-Unis et Israël la soudure ne doit pas laisser passer la lumière du jour. À plusieurs reprises il est intervenu dans la politique étrangère du président Obama pour adoucir les frictions causées par la répugnance d’Israël à tout effort de paix avec les Palestiniens (7). Il pense qu’il peut ainsi contenir les élans les plus agressifs de M. Netanyahou : plan d’annexion de la Cisjordanie, tentation d’attaquer le Hezbollah au Liban.
Il tient également compte du pouvoir indéniable qu’exercent les organisations juives conservatrices américaines, qui s’emploient à sanctionner tout élu tenté de s’écarter des exigences de l’orthodoxie pro-israélienne. En 2009, aux débuts de sa présidence, lorsque M. Obama, encore très populaire, voulut relancer les discussions de paix en demandant à Israël de geler l’expansion de ses colonies en Cisjordanie, l’Aipac riposta par une lettre signée par 329 membres de la Chambre des représentants (sur 435) qui sommait le président de présenter sa requête aux Israéliens « en privé »… M. Obama avoue avoir rapidement compris que la moindre brouille avec Israël « se payait d’un prix politique dans [son] pays sans équivalent lorsqu’[il] avait affaire au Royaume-Uni, à l’Allemagne, à la France, au Japon, au Canada ou à aucun autre de [ses] plus proches alliés ».
Aujourd’hui, en déconnexion complète avec l’orientation démocrate de 70 % des Juifs américains, les organisations pro-israéliennes lèvent des millions de dollars auprès de donateurs conservateurs afin de soutenir des candidats qui marchent dans les clous de M. Trump lors des primaires républicaines et de battre les candidats progressistes jugés insuffisamment loyaux à la cause israélienne lors des primaires démocrates. Le comité d’action électoral de l’Aipac, l’United Democracy Project, a ainsi dépensé près de 36 millions de dollars en 2022 pour faire mordre la poussière aux quatre élues nationales les plus connues de l’aile gauche du Parti démocrate et sensibles à la cause palestinienne, Mmes Rashida Tlaib, Ilhan Omar, Alexandria Ocasio-Cortez et Ayanna Pressley. En vain, mais la tentative sera répétée cette année. Il est également question d’une levée de fonds de 100 millions de dollars afin que les démocrates ne dévient pas de leur soutien sans faille à Israël et au Likoud, le parti de M. Netanyahou. En l’absence d’un candidat acceptable, l’Aipac le recrute lui-même. Deux habitants de l’agglomération de Detroit ont ainsi raconté avoir reçu une offre de 20 millions de dollars en échange de leur candidature contre Mme Tlaib, seule élue palestino-américaine du Congrès, exclue de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants par ses collègues pour avoir défendu les droits des Palestiniens (8).
Le débat sur les relations israélo-américaines est par ailleurs indissociable de ce qui apparaît comme une hausse alarmante de l’antisémitisme et de la volonté de certains groupes juifs, emmenés par la Ligue anti-diffamation (ADL), d’y assimiler l’anti- sionisme, y compris quand des Juifs eux-mêmes s’en réclament. Or presque toutes les violences antisémites recensées aux États-Unis émanent de l’extrême droite. Les données recueillies par l’ADL elle-même indiquent qu’en 2022 chaque meurtre commis par haine des Juifs avait eu pour auteur un extrémiste de droite (9). Ceux qui scandaient à Charlottesville en 2017 « les Juifs ne nous remplaceront pas » étaient des néonazis, et l’auteur de la tuerie à la synagogue Tree of Life de Pittsburgh, en Pennsylvanie (onze morts), était un suprémaciste blanc. Le jour même de la condamnation en justice du tireur de Pittsburgh, un autre extrémiste de droite était arrêté pour avoir planifié une attaque contre une synagogue dans le Michigan. Mais, pour combattre un nationalisme blanc en plein essor, la gauche est divisée — non pas tant sur le soutien aux Palestiniens, devenu un principe largement acquis, que sur la manière de l’affirmer.
L’attaque meurtrière du Hamas a exacerbé ces désaccords et rendu plus coûteuses les prises de position hostiles à Israël. À Hollywood, des acteurs propalestiniens ont perdu leurs agents, et des agents propalestiniens ont perdu leurs clients. À New York, le propriétaire du magazine d’art Artforum, M. Jay Penske, héritier milliardaire d’une société de transport routier, a congédié son rédacteur en chef après que celui-ci eut diffusé une lettre ouverte « en solidarité avec le peuple palestinien ». Toujours à New York, l’équipe chargée du département de littérature au centre culturel 92nd Street Y — une institution qui se définit elle-même comme sioniste — a démissionné en bloc pour protester contre les pressions internes visant à faire annuler une conférence du romancier d’origine vietnamienne Viet Thanh Nguyen, coupable d’avoir signé un texte dans la London Review of Books accusant Israël d’avoir « délibérément tué des civils » et appelant à un cessez-le-feu immédiat (10).
Les campus, cibles des censeurs
Toutefois les batailles les plus intenses relatives à Israël — aussi bien avant qu’après le 7 octobre — se concentrent dans les universités les mieux cotées du pays. M. Natan Sharansky, un ancien dissident soviétique devenu une figure politique israélienne très marquée à droite, n’a suscité aucun tollé dans les grands médias américains lorsqu’il a déclaré : « Il y a un autre front dans cette guerre qui ne se situe pas dans les tunnels de Gaza ou sur les collines de Galilée, mais à Harvard, Yale, Penn et Columbia. » Il est vrai que les journalistes des médias dominants sont eux-mêmes aux petits soins pour ces établissements prestigieux dont ils sont souvent issus et où la communauté juive est notoirement surreprésentée.
Au cœur de la controverse, il y a le fait qu’à l’heure actuelle les universités américaines — souvent influencées par le livre d’Edward W. Saïd intitulé L’Orientalisme — enseignent une histoire d’Israël moins manichéenne que celle délivrée par le passé, au risque de heurter certains étudiants, et plus encore leurs parents. C’est pourquoi les campus de l’élite sont scrutés comme le lait sur le feu par ceux des Juifs qui s’inquiètent du changement de perception d’Israël dans les milieux universitaires et les cercles de gauche. Presque tous les jeunes Juifs des classes moyennes supérieures suivent des études, mais nombre d’entre eux ont été instruits aux réalités israéliennes dans une bulle idéologique. Une fois à l’université, ils découvrent un univers parallèle dans lequel Israël est défini comme l’oppresseur et les Palestiniens comme les victimes. Il en résulte une dissonance cognitive pouvant conduire à la panique. Leurs parents se montrent souvent plus alarmés encore en voyant les centaines de milliers de dollars qu’ils ont déboursés en frais de scolarité aboutir à ce résultat : l’enfant qui rentre à la maison avec des arguments critiques certes fondés, mais personnellement (et douloureusement) offensants. Le choc est à la mesure du rôle joué par le soutien à Israël dans la définition de l’identité séculaire des Juifs américains.
Dans le même temps, les organisations juives conservatrices cherchent à imposer le postulat que « l’antisionisme est un antisémitisme, point barre », selon l’expression du directeur de l’ADL, M. Jonathan Greenblatt, pour qui l’expression « Palestine libre » serait également antisémite. Cette offensive vise particulièrement les universités, où les voix propalestiniennes se font entendre chez les enseignants comme chez les étudiants. Les tentatives de l’ADL et d’autres organisations droitières d’entraver la liberté d’expression sur les campus trouvent un large écho dans les médias, au premier rang desquels Fox News et le New York Post, propriétés du groupe Murdoch, mais aussi sur les grandes chaînes d’information moins marquées à droite. Ces mêmes groupes incitent par ailleurs les donateurs privés à mettre sous pression les établissements jugés trop insolents envers Israël, en menaçant de leur couper les subsides.
Le milliardaire Marc Rowan, patron du fonds d’investissement Apollo Global Management, préside également l’organisation United Jewish Appeal (« Appel unifié des Juifs ») de New York et compte parmi les principaux donateurs de l’ADL. Il siège par ailleurs au Conseil consultatif de Wharton, l’école de commerce associée à l’université de Pennsylvanie. Avant même le 7 octobre, il a orchestré une campagne pour écarter sa présidente, Mme Elizabeth Magill.
M. Rowan était mécontent que l’uni- versité de Pennsylvanie ait autorisé sur son campus un festival littéraire intitulé « La Palestine écrit », en mémoire de la défunte poétesse Salma Khadra Jayyusi. L’événement eut lieu le 22 septembre dernier. M. Rowan, comme l’a rapporté le magazine The American Prospect, accusa les organisateurs d’avoir « fait l’apologie du nettoyage ethnique », défendu le recours à la violence et prononcé des « appels à la haine contre les Juifs », sans apporter le moindre élément de preuve à l’appui de ses accusations. Et pour cause : il s’agissait d’un festival littéraire, non d’une réunion politique, encore moins d’une émeute antisémite. Mme Magill publia néanmoins une déclaration condamnant « avec force et sans ambiguïté » l’antisémitisme, tout en réitérant l’engagement de son établissement en faveur du « libre-échange des idées », du dialogue avec les étudiants juifs et de la sécurité de leurs organisations, et en promettant de faire mieux encore à l’avenir.
Les pressions se poursuivirent cependant, autant de la part de politiques que d’anciens étudiants et de donateurs. Après le 7 octobre, elles allèrent crescendo. Mme Magill fut l’une des trois présidentes d’université, aux côtés de Mme Claudine Gay (Harvard) et de Mme Sally Kornbluth (Massachusetts Institute of Technology, MIT), auditionnées par le Congrès pour leur supposé laxisme envers des propos ou des actes antisémites. Elles s’en défendirent, non sans maladresse, donnant des réponses étroitement juridiques à des questions délibérément conçues pour attiser l’indignation des supporteurs d’Israël. Mme Magill démissionna le 10 décembre, ce qui encouragea la Chambre des représentants, à majorité républicaine, à proposer une résolution réclamant la tête des deux autres présidentes. Sous le choc, le monde universitaire ne sut comment faire face à la démonstration de force des parlementaires et des bailleurs de fonds. « Des milliardaires non élus et dépourvus de toute qualification dans ce domaine cherchent à contrôler des décisions académiques qui ont vocation à rester de la compétence exclusive de l’université, afin que la recherche et l’enseignement préservent leur légitimité et leur autonomie face aux intérêts privés et partisans », protesta le comité exécutif Penn de l’Association américaine des professeurs d’université.
Toutes les universités de haut rang connaissent des histoires similaires. À Harvard, un milliardaire du nom de Bill Ackman a dressé une liste de « personnes à ne pas recruter », où figurent les membres des trente-quatre organisations étudiantes signataires d’une lettre accusant Israël d’être « entièrement responsable des violences qui font rage aujourd’hui (11) ». Un camion envoyé par un groupe d’extrême droite apparut ensuite dans les rues de Cambridge, équipé d’un panneau d’affichage numérique où défilaient les noms et les visages des étudiants recensés comme les « principaux antisémites de Harvard ». Un autre groupe pro- israélien mit en li- gne les noms de militants propalestiniens avec ce message : « Il est de votre devoir de vous assurer que les radicaux d’aujourd’hui ne seront pas les employés de demain. »
Depuis, M. Ackman a lancé une autre campagne pour contraindre au départ la présidente de Harvard, Mme Gay, première femme noire jamais nommée à la tête d’une université de l’Ivy League. Une nouvelle fois, on ne lui reprocha pas d’avoir refusé de condamner le Hamas ou l’antisémitisme, mais de les avoir condamnés d’une façon jugée inadéquate par M. Ackman et ses collègues. À son tour elle dut quitter son poste le 2 janvier au prétexte officiel qu’elle s’était rendue coupable de plagiat.
Pourtant, bien qu’Israël et la Palestine soient au cœur d’une lutte acharnée sur de nombreux campus américains, personne ou presque dans la communauté universitaire n’accrédite la thèse d’une flambée d’antisémitisme chez les étudiants. En 2017, quatre chercheurs de l’université Brandeis ont conduit une étude à ce sujet sur quatre campus de renom, au terme de laquelle ils ont conclu : « Les étudiants juifs sont rarement exposés à de l’antisémitisme sur leurs lieux d’études. (…) Ils ne pensent pas que leur campus est hostile aux Juifs. (…) Une majorité d’entre eux récuse l’idée d’un environnement qui serait hostile à Israël (12). » Les chercheurs associés au programme d’études juives à l’université Stanford ont abouti à une conclusion similaire après avoir observé la vie estudiantine sur cinq campus californiens. Les étudiants juifs interrogés témoignaient d’« un faible niveau d’antisémitisme » et se sentaient « à l’aise en tant que Juifs » sur leurs campus respectifs (13).
Des incidents déplorables, il y en a eu, indéniablement, et des deux côtés. Des étudiants, musulmans comme juifs, ont été pris à partie. Mais nombre d’universités — dont Harvard, l’université de Pennsylvanie, Stanford et l’université de New York — ont cru bon de réagir à ces tensions en créant des commissions d’études sur l’antisémitisme pour satisfaire leurs bailleurs de fonds, le cas échéant en écartant leurs propres chercheurs (14). Des projections du documentaire Israelism, une approche critique du sionisme réalisée par deux cinéastes juifs, ont été annulées dans de nombreuses universités, souvent à la dernière minute, alors que le public était déjà présent dans la salle. Plus grave, trois étudiants palestiniens repérables à leurs keffiehs furent la cible de coups de feu fin novembre dans le Vermont (15).
Un nouveau maccarthysme
Dans ce contexte, l’activisme agressif du groupe Students for Justice in Palestine (« Étudiants pour la justice en Palestine », SJP) pose un défi supplémentaire à certains administrateurs d’université. Ses militants ne répugnent pas aux attaques personnelles et à la surenchère. Dans les instructions écrites que leur donne le SJP figure notamment un passage assimilant l’attaque du 7 octobre à une « victoire historique » et une liste d’actions à mener pour permettre à « notre peuple d’actualiser la révolution ». Certaines antennes du SJP sont allées jusqu’à diffuser des images de parapentistes, en référence aux combattants du Hamas venus depuis les airs le 7 octobre pour massacrer les civils israéliens rassemblés à un festival de musique près de la frontière de Gaza. En conséquence de quoi le SJP a été suspendu à l’université George Washington, à Brandeis et à Columbia (laquelle a également décidé l’exclusion du bureau local du groupe Jewish Voice for Peace). En Floride, le gouverneur ultraconservateur Ronald DeSantis a donné l’ordre aux universités de « désactiver » les antennes du SJP, en prétextant que celles-ci fourniraient un « soutien matériel » à des groupes « terroristes » — une allégation ridicule et pourtant entérinée par M. Greenblatt (16).
Le Congrès en redemande, et la Maison Blanche ne rechigne pas à le satisfaire, en annonçant par exemple qu’elle mobilisera les ministères de l’éducation, de la justice et de l’intérieur afin de protéger les Juifs sur les campus contre ce qu’elle appelle une « combinaison extrêmement inquiétante de sentiments et d’actions hideux (17) ».
Un tel environnement politique s’apparente au maccarthysme. Aux États-Unis comme au Proche-Orient, le seul pouvoir politique concédé aux Palestiniens ou à ceux qui défendent leurs droits consiste à rappeler leur existence : refuser de garder le silence, saboter les tentatives de rendre l’oppression exercée par Israël inaudible aux oreilles du monde. C’est précisément ce que le Hamas avait comme objectif lorsque ses hommes ont massacré plus de huit cents civils israéliens et enlevé des centaines d’autres. Tragiquement pour tous les concernés, au premier chef les Palestiniens eux-mêmes, l’assaut meurtrier du 7 octobre a rendu plus incertaine que jamais la perspective de les voir un jour contrôler leur destin.
Depuis le 7 octobre, plus de 5 350 enfants auraient péri dans les bombardements de l’armée israélienne sur la bande de Gaza. Les jeunes survivants, eux, affrontent les pénuries et le traumatisme d’avoir vu leur famille décimée. Des journalistes palestiniens sont allés à leur rencontre. Nourhan, Muhammad et Ahmed sont adolescents. Ils n'ont connu que la guerre depuis leur naissance. Ils nous disent leur souffrance, mais aussi leur volonté de s’imaginer un autre destin.
Plus de cent jours de guerre menée par Israël contre la population de la bande de Gaza. Plus de 26 000 tués et des dizaines de milliers de blessés. Des chiffres qui ne prennent pas en compte toutes les personnes disparues, vraisemblablement mortes sous les décombres des immeubles. Dans ce contexte terrible de bombardements et de destruction, les enfants sont particulièrement touchés. À ce jour, plus de 5 350 seraient morts et 8 663 blessés, selon l’Unicef.
Comme le rappelle Jonathan Crickx, responsable de la communication de l’agence onusienne en Palestine, il n’existe aucun endroit dans la bande de Gaza qui peut être considéré comme sécurisé. Du nord au sud, ce ne sont que ruine et désolation. Sur les réseaux sociaux, malgré les coupures régulières par Israël des moyens de communication, les vidéos sont terribles. Des enfants en pleurs, d’autres couchés sur des lits d’hôpital, d’autres encore morts dans les bras de leurs parents. Des images d’autant plus insoutenables que la situation empire chaque jour un peu plus. La nourriture manque, l’eau se fait rare. À tel point que ce même responsable de l’Unicef estime que « Gaza est devenue un cimetière pour enfants ».
Le gouvernement israélien, dirigé par la droite et l’extrême droite, reste sourd aux appels à un cessez-le-feu. En poursuivant cette guerre, il tue le peuple palestinien à petit feu et menace la vie des otages israéliens retenus à Gaza. L’Afrique du Sud a saisi la Cour internationale de justice pour exiger la suspension des opérations militaires.
Pendant ce temps, des centaines d’enfants vont continuer de périr. Et ceux qui sont vivants resteront marqués à jamais. Cette jeunesse endeuillée, des journalistes palestiniens, dont une centaine d’entre eux ont été tués depuis le début du conflit, sont allés la rencontrer pour l’Humanité Magazine. Nous publions trois de ces portraits. Trois regards de jeunes ados qui nous parlent de leur vie d’avant, de leur peur actuelle, mais aussi de leurs rêves et de leurs espoirs. Tous disent leur volonté de rentrer dans leur maison, de ne plus vivre sous des tentes où il fait froid, de retourner à l’école. Des enfants grandis trop vite, coincés dans des combats sous les tirs de missiles, et dont le destin est entre les mains des grandes puissances.
Nouhran, 13 ans : « Je ne me souviens pas d’une année sans avoir vécu de bombardements »
« Je voudrais être poétesse plus tard », explique Nourhan Mohammed Maarouf, 13 ans. En attendant, elle voudrait seulement revoir sa grand-mère, dont elle
« Je voudrais être poétesse plus tard », explique Nourhan Mohammed Maarouf, 13 ans. En attendant, elle voudrait seulement revoir sa grand-mère, dont elle n’a pas de nouvelles.
Nourhan Mohammed Maarouf est une jeune fille de 13 ans. Elle vivait jusque-là avec sa famille, son père, sa mère, ses trois sœurs et son jeune frère, dans une belle maison à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza. Il y avait même un jardin, dans lequel ils avaient l’habitude de jouer après l’école. Nourhan est une collégienne qui aime exprimer ses émotions à travers l’écriture. Des vers libres où elle parle de sa famille et de son pays. « Je voudrais être poétesse plus tard », ne craint-elle pas de dire. Lorsqu’on l’interroge sur ses rêves, Nourhan répond qu’elle a prévu, dès son plus jeune âge, d’être l’enfant distinguée de sa génération afin d’aimer la vie comme n’importe qui. En plus de la poésie, la jeune fille aime dessiner. Tout s’est effondré le 7 octobre.
« Nous avons traversé de nombreuses guerres. Je ne me souviens pas d’une année où nous n’avons pas vécu des bombardements », souligne-t-elle simplement avec une incroyable maturité. « C’est devenu une chose routinière pour les enfants que nous sommes et même pour les bébés. Mais cette guerre est différente. Nous l’avons compris dès le premier jour. Les bruits étaient plus effrayants et les destructions encore plus intenses que par le passé. Tout est visé, tout. Cette guerre n’épargne rien, ni personne. »
Nourhan et sa famille, en raison de leur proximité avec la frontière israélienne, ont été parmi les premières à être déplacées. Pas une fois, pas deux fois, mais en permanence. Elle raconte que, dès les premiers jours de la guerre, ils ont été forcés de partir pour la maison de son grand-père, dans un camp de réfugiés. « Nous pensions être à l’abri car c’est un lieu où vivent les civils. Mais après quelques jours, il n’était plus possible de rester tant les bombardements se répétaient. »
« Nous vivons dans la souffrance. La mort est partout. Il n’y a pas d’endroit sûr, ni de maison, ni d’école. »
Nourhan Mohammed Maarouf
Les voilà repartis sur les routes peu sûres, jusqu’à l’école Al-Fakhoura. Mais au bout de deux jours, l’école étant ciblée, il a fallu évacuer pour rejoindre un autre établissement, où des centaines de personnes s’étaient déjà réfugiées. Là encore, l’insécurité étant totale, Nourhan et sa famille se sont dirigées vers le sud, à l’ouest du gouvernorat de Khan Younès. Elles ont finalement trouvé une tente qui ne dépasse pas 12 mètres carrés. « Nous vivons dans la souffrance. La mort est partout. Il n’y a pas d’endroit sûr, ni de maison, ni d’école. »
Nourhan se souvient de ces moments, le soir, où, avec ses parents, ses sœurs et son frère, ils se réunissaient devant le poste de télévision pour regarder des films et des séries. « Après que nous ayons fait nos devoirs, bien sûr », se souvient-elle avec émotion. « On voyait des acteurs dans des scènes de guerre, mais jamais je n’aurais imaginé vivre moi-même des scènes semblables. »
Elle parle alors de cet exode qu’elle subit depuis plus de trois mois, des horreurs vues sur la route et comment elle protégeait ses petites sœurs pour que leur regard ne se pose pas sur les cadavres qui jonchaient le sol. Elle trouve les mots, comme une adulte qu’elle devient trop vite à cause de la guerre, pour dire le manque de lait et de couches pour les petits, la peur de voir leur père partir pour trouver de l’eau ou du pain sans savoir s’il va revenir. Et elle retrouve son ton d’enfant et se met à pleurer en balbutiant : « Nous avons une vie misérable. » Nourhan, comme tout enfant de son âge, souhaite être heureuse. Elle veut que la guerre se termine et pouvoir retrouver sa grand-mère, dont elle n’a plus de nouvelles.
Muhammad, 13 ans : « Parmi les morts, j’ai aperçuma mère »
Après avoir perdu sa mère à l’hôpital Al-Shifa de la ville de Gaza, Mohammed Al Yazji, 13 ans, a fait la route seul avec ses jeunes sœurs – la plus jeune n’a qu’un mois – jusqu’à Rafah.
Quel romancier oserait imaginer une telle histoire. L’histoire de Muhammad Al Yaziji, 13 ans. Jusqu’au 7 octobre, il vivait avec ses parents à Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza. Une maison modeste mais, comme il l’assure, il s’y sentait « au chaud et aimé tout le temps ». Son père travaillait sur des chantiers et sa mère s’occupait de la maison. Lui allait au collège tous les matins, comme les autres gamins de son quartier. « Les cours, c’était bien, mais ce que je préférais, c’était jouer au football. » Mais la guerre menée par Israël a changé le cours de sa vie.
Soumise à de rudes bombardements, une bonne partie de la population de Beit Hanoun a dû quitter les lieux. Muhammad et sa famille se sont retrouvés dans l’enceinte de l’hôpital Al-Shifa de la ville de Gaza. Des milliers de personnes étaient entassées là, tentant de s’organiser. Lui et ses sœurs se sont retrouvés sous une tente. « On entendait les chars israéliens sans savoir exactement où ils étaient », se souvient-il.
Sa mère est alors partie pour tenter de faire venir les grands-parents. Et son père n’était pas là. Quelques heures plus tard, de nombreux cadavres sont arrivés à l’hôpital. « Parmi les morts, j’ai aperçu ma mère. Je ne voulais pas y croire. Je me suis mis à crier et à pleurer. Je voulais voir mon père, lui dire ce qui venait de se passer, mais je n’arrivais pas à le trouver. Ma mère qui nous aimait tant était morte. Elle est partie, nous ne la reverrons jamais. Pourquoi devons-nous vivre une telle chose ? » Plein de douleur, de chagrin et de peur, Muhammad s’est demandé ce que lui et ses sœurs – la plus jeune n’a qu’un mois – allaient devenir.
« Sur la route, c’était l’horreur, on entendait les bombardements, des bruits de mitrailleuses. Et nous étions seuls. »
Muhammad Al Yaziji
Autour de l’hôpital Al-Shifa, la mort rôdait. Ils sont alors partis vers le sud de la bande de Gaza. « Sur la route, c’était l’horreur, on entendait les bombardements, des bruits de mitrailleuses. Et nous étions seuls. » Les communications étant coupées, Muhammad était dans l’incapacité de retrouver son père. « Nous sommes arrivés à Rafah seuls », explique-t-il les yeux cernés, le regard dans le vague, comme hagard.
Lorsque nous l’avons rencontré, il tentait d’abriter ses sœurs dans une tente déchirée, forcé à 13 ans de prendre soin d’elles et de se comporter en chef de famille. Tous les jours, il se rend au marché, va trouver les voisins pour dégotter un peu de nourriture. « Surtout du lait pour la plus petite. »
Muhammad veut croire que la guerre se terminera bientôt et qu’il pourra retrouver son père. « J’espère que notre avenir, le mien, celui de mes sœurs et de toute ma famille, sera meilleur que ce que nous vivons actuellement », murmure-t-il en esquissant un sourire, le premier que nous voyons pendant toute la rencontre. « Je veux retourner dans ma maison. Je voudrais retrouver ma mère, être dans ses bras pour qu’elle me rassure. L’école aussi me manque. Vous croyez que je vais retrouver ma vie d’avant ? », demande-t-il, sans y croire lui-même.
Ahmed, 15 ans : « Il y a tellement de blessés qui devraient pouvoir sortir »
Mohammed Abou Daqa, 15 ans, n’est pas encore sorti d’affaires. Blessé, il a été opéré, il faudrait qu’il puisse sortir de la bande de Gaza pour subir une nouvelle opération à l’étranger.
Quand Ahmed est né, la bande de Gaza se trouvait déjà sous le blocus imposé par Israël. À 15 ans, il n’a connu que ce climat de danger permanent et les guerres. Et pourtant, il a continué à cultiver ses rêves et ses ambitions. C’est décidé : il veut être médecin, comme ses parents. « Pour avoir la capacité de soulager la souffrance des gens. ».
Ahmed est plein de vie, même sur son lit d’hôpital où il se trouve depuis des semaines, depuis qu’il a été blessé au pied lors d’un bombardement. Il se trouvait sur un marché avec sa mère lorsque les obus ont commencé à siffler autour d’eux. « Une ambulance est arrivée et je me suis retrouvé à l’hôpital. J’avais très mal au pied. C’est mon père qui m’a opéré. On m’a mis une plaque. » Il n’est pas sorti d’affaires.
Pour être complètement soigné, il faudrait qu’il puisse quitter le territoire palestinien et subir une nouvelle opération à l’étranger car le matériel disponible n’est pas adéquat. « Et puis, il y a tellement de blessés qui devraient pouvoir sortir », fait-il remarquer avec courage.
« On s’entasse dans des salles de classe et il faut faire la queue pour se laver, quand il y a de l’eau. »
Mohammed Abou Daqa
Il vient du village d’Abasan, au sud de la bande de Gaza, près de Khan Younès. Mais, très vite, il a fallu fuir la maison, trop exposée aux bombardements. Il s’est alors retrouvé dans une école de l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, près de l’hôpital Nasser où travaillent ses parents. « J’ai dû quitter ma grande et belle maison avec une façade décorée et un jardin rempli de fleurs et d’arbres fruitiers », soupire-t-il. « Maintenant, on s’entasse dans des salles de classe et il faut faire la queue pour se laver, quand il y a de l’eau. »
Ahmed ne veut pas se laisser abattre. Alors il se raccroche à ses rêves, il repense à ce qu’il faisait avant cette « maudite guerre ». Utilisant les réseaux sociaux, il s’est lié d’amitié avec des jeunes de son âge de nombreux pays, a publié des vidéos en anglais et en arabe « pour sensibiliser et présenter la cause palestinienne ».
Il a, d’ailleurs, eu la chance de quitter quelque temps la bande de Gaza et de témoigner de sa vie de jeune Palestinien, notamment à New York. Aujourd’hui, il veut encore croire à un avenir de paix pour pouvoir voyager, découvrir le monde, aller et venir comme bon lui semble, « pas en étant soumis à la pression
permanente de l’armée israélienne, aux bombardements et à la mort ».
SOURCE : « Parmi les morts, j'ai aperçu ma mère » : à Gaza, la vie des enfants brisée par la guerre - L'Humanité (humanite.fr)
Par micheldandelot1 dans Accueil le 2 Février 2024 à 10:09
Presque quatre mois après le début d’un assaut tous azimuts qui s’est peu à peu transformé en guerre génocidaire, l’échec militaire de l’État hébreu est flagrant, incapable d’accomplir aucun des objectifs annoncés. Une impasse qui nourrit l’impopularité croissante du premier ministre Benyamin Nétanyahou et suscite la fronde au sein de son cabinet de guerre.
Photo distribuée par l’armée israélienne le 31 janvier 2024, montrant ses troupes opérant dans la bande de Gaza.
AFP
Les premières fractures apparaissent au grand jour en Israël, non seulement sur la manière dont son offensive est menée à Gaza, mais aussi sur la nécessité de la poursuivre. Elles se manifestent jusqu’à l’intérieur du cabinet de guerre mis en place par le premier ministre, Benyamin Nétanyahou. De notoriété publique, l’ambiance en son sein est glaciale. La principale dissension porte sur le sort des otages civils et des soldats détenus par le Hamas depuis le 7 octobre à Gaza. Elle oppose Nétanyahou et ses soutiens à deux ex-chefs d’Etat-major, Benny Gantz et Gadi Eisenkot. Pour les premiers, la « libération des otages » ne peut advenir qu’une fois la « victoire » assurée, c’est-à-dire l’« éradication » du Hamas. Pour les seconds, comme l’a déclaré Eisenkot sur la chaîne de télévision numéro 12, aucune victoire n’est envisageable sans une libération préalable des otages. Traduction : sans passer par une négociation avec le Hamas qui, pour les restituer, exige un cessez-le-feu durable et la libération de tous les Palestiniens détenus en Israël – ce que Nétanyahou récuse.
Le 18 janvier, en conférence de presse, le général Eisenkot a déjà « reconnu que les dirigeants israéliens ne disent pas toute la vérité sur la guerre. Il a refusé de répondre à une question quant à sa confiance en Nétanyahou et promu le sujet d’une rapide libération des otages, même si le prix est élevé. Enfin, il a proposé [la tenue] d’élections dans quelques mois »1. En d’autres termes, une stratégie inverse à celle prônée par Nétanyahou, avec en prime son éviction de la scène politique une fois la guerre terminée. On comprend que l’ambiance soit frisquette. Le thermomètre est encore descendu de plusieurs degrés le 22 janvier, après la mort de 21 soldats israéliens (tous des réservistes entre 25 et 40 ans) dans une attaque à la roquette de miliciens du Hamas. Survenue après trois mois et demi d’une guerre où Israël dispose d’un avantage militaire démesuré, cette attaque dans le camp de réfugiés palestiniens de Maghazi, à 600 mètres seulement de la frontière israélienne, a accentué le sentiment d’échec qui domine les Juifs israéliens depuis le 7 octobre, malgré les communiqués de victoire quotidiens de l’armée. Elle a également ramené à la lumière une question récurrente en dépit des réticences : cette guerre est-elle « ingagnable » ?
AUCUN OBJECTIF ATTEINT
Brusquement, quelques données sont venues battre en brèche l’idée jusque-là largement dominante en Israël d’en finir une fois pour toutes avec le Hamas. Comment se fait-il qu’après plus de trois mois de bombardements aériens inouïs sur Gaza qui ont fait jusque-là près de 27 000 morts, le déplacement de près de 2 millions de personnes, une destruction tout aussi gigantesque des infrastructures et de l’habitat des Gazaouis, le Hamas soit encore en mesure de porter des coups aussi durs ? Des langues se délient.
On apprend que le « plan » initial de l’armée israélienne prévoyait un « contrôle opérationnel » total des trois grandes villes de la bande (Gaza city, Khan Younès et Rafah) avant la fin décembre. Le délai est dépassé d’un mois et l’objectif n’est pas atteint. On apprend aussi que le réseau de tunnels des forces armées du Hamas était beaucoup plus étendu qu’on ne le croyait, et que s’en emparer via des opérations terrestres provoquerait beaucoup plus de victimes que prévu. Surtout, le Wall Street Journal révèle que seuls 20 % des tunnels auraient été détruits en plus de trois mois.
Autre révélation : pour des motifs économiques, l’armée doit se défaire d’une partie importante de ses réservistes engagés à Gaza. Enfin, 117 jours après le carnage dans les kibboutz, le chef politique du Hamas à Gaza, Yahya Sinwar, et les deux chefs de sa branche armée, Mohammed Deif et Marwan Issa, sont toujours introuvables.
DÉNONCER LES « CAPITULARDS » ET LES « ENNEMIS DU PEUPLE »
Le paradoxe est que celui qui mène la bataille pour sortir rapidement de la guerre et éviter un enlisement, en négociant une restitution des otages civils et des soldats israéliens captifs, soit précisément celui qui a « inventé » la doctrine militaire ayant conduit Israël aux crimes terribles commis à Gaza. Gadi Eisenkot est en effet l’ex-chef d’Etat-major qui a conçu la doctrine Dahiya2 selon laquelle, dans les « guerres asymétriques » entre un État et un ennemi non-étatique, le seul moyen de vaincre consiste à imposer aux populations civiles qui abritent les « terroristes » le pire sort possible. Cette vision a été officiellement insérée en 2008 dans l’arsenal stratégique de l’armée israélienne.
Est-ce parce qu’il vient de perdre un fils de 25 ans et un neveu qui en avait 23, tous deux engagés à Gaza ? Toujours est-il que le général Eisenkot appelle aujourd’hui à négocier a minima une trêve avec le Hamas. Soudain, Chuck Freilich, un ancien numéro deux du Conseil de sécurité israélien, baisse la garde : « Il ne semble pas, déclare-t-il, que nous soyons en état d’atteindre nos objectifs »3. Expert du King’s College de Londres, Andreas Krieg estime qu’Israël est militairement « dans une impasse »4.
Ce sentiment de l’échec, si peu familier, si insupportable pour une grande partie des Juifs israéliens, a aussi des conséquences internes. Les membres de l’extrême droite coloniale, alliés de Nétanyahou, se raidissent. Jusqu’ici, c’était les partisans d’une négociation avec le Hamas qu’ils dénonçaient comme des « capitulards ». Désormais, les familles de soldats morts à Gaza qui se joignent aux manifestants pour négocier une sortie de crise font eux aussi office d’« ennemis du peuple ». Les directives du gouvernement sont de « réprimer d’une main de fer » les voix israéliennes qui s’élèvent contre cette guerre. Celles-ci restent marginales, mais leurs manifestations vont croissant, tout comme croît la désillusion dans l’opinion publique.
« LE ROI D’ISRAËL » VEUT GAGNER DU TEMPS
Nétanyahou tente de rétablir son autorité en jouant sur le temps. Jusqu’ici, il n’y parvient pas. La presse fait état de contestation au sein de son gouvernement. Haaretz cite les confidences (anonymes) d’un de ses membres.
Cette guerre n’a ni objectif ni avenir, ce n’est qu’un moyen pour Nétanyahou de repousser le moment de s’attaquer à la question de sa responsabilité. (…) Dans chaque réunion (gouvernementale), il répète que la guerre va durer longtemps. Je pense qu’il sait lui-même que la probabilité est faible qu’il parvienne à atteindre ses objectifs. Il cherche juste à gagner du temps. […] Quant à abattre le Hamas, les succès réalisés au nord de la bande de Gaza sont déjà en train de s’éroder.
La guerre n’est pas encore finie que, sans attendre les commissions d’enquête qui suivront et le mettront forcément en position difficile, le « roi d’Israël » du dernier quart de siècle réunirait seulement 16 % des électeurs autour de son nom, selon un récent sondage. Quant à son parti, le Likoud qui jouit d’une majorité relative au parlement avec 32 sièges sur 120, il tomberait à 16 seulement si des élections avaient lieu demain. La seule stratégie de Nétanyahou, estime Mairav Zonszein, analyste israélienne de l’International Crisis Group, c’est « la guerre sans fin »5. Mais cette stratégie bénéficie davantage à la droite coloniale radicale, plus conséquente que lui sur ce plan. Résultat : Nétanyahou apparait prisonnier de ses alliés, et mu davantage par ses intérêts personnels que par le bien public.
Pour Nétanyahou, la menace tient d’abord dans la possibilité d’un « lâchage » par Joe Biden. Ce risque-là paraît peu crédible, si l’on se fie à l’attitude du président américain depuis le début de cette guerre. Mais la position de ce dernier s’érode de jour en jour dans son propre camp. Le 18 janvier, 60 élus démocrates – soit un tiers de leurs représentants à la Chambre - se déclaraient dans une lettre au secrétaire d’État Antony Blinken « très préoccupés par la rhétorique extrémiste de certains responsables israéliens », en particulier leurs appels à l’épuration ethnique des Gazaouis. Jamais pétition anti-israélienne n’a réuni un tel nombre d’élus au parti démocrate, historiquement favorable à Tel Aviv. De plus, la réaction du premier ministre israélien à l’appel public du président états-unien d’ouvrir la voie vers un État palestinien une fois la guerre terminée a rendu furieux les membres démocrates du Congrès. « Jamais, avait répondu le premier ministre israélien, je ne ferai de compromis sur le contrôle total de la sécurité entre le Jourdain et la mer. »
Le 19 juillet, un sondage montrait que les trois-quarts des démocrates âgés entre 18 et 29 ans étaient hostiles au soutien inconditionnel de la Maison Blanche à Israël. Bref, si l’on n’entrevoit pas encore de fossé entre Israël et les États-Unis, la faille s’approfondit au sein du parti présidentiel, et Biden a besoin d’un succès politique spectaculaire pour être réélu. Une rumeur tenace aux États-Unis veut que le président Biden ait soutenu la guerre israélienne telle qu’elle a été menée précisément dans l’idée de parvenir, après son achèvement, à un accord politique entre Israéliens et Palestiniens pouvant mener à la « solution à deux États ». Y croira qui veut. En attendant, une cour californienne a jugé recevable une plainte déposée par le Centre pour les droits constitutionnels, une importante association juridique américaine qui accuse Joe Biden, son secrétaire d’État Antony Blinken et son secrétaire à la défense Lloyd Austin de « complicité de génocide ».
UNE COUR « PARTIALE » ET « ANTISÉMITE »
Mais le choc le plus important en Israël est celui qui a suivi, le 26 janvier, l’ordonnance de la Cour internationale de justice (CIJ) concernant la plainte de l’Afrique du Sud qualifiant de « génocide » la guerre menée à Gaza par Israël. Quoique la Cour n’ait pas exigé l’arrêt des combats, ce que Nétanyahou a immédiatement utilisé pour clamer victoire, le verdict n’a été perçu comme un succès par personne d’autre en Israël. Ceux qui ont fait l’effort de lire la décision ont compris que la cessation des combats de facto s’y inscrivait en creux. Comme l’a dit Naledi Pandor, le ministre sud-africain des affaires étrangères : « Comment fournir de l’aide et de l’eau sans cessez-le-feu ? Si vous lisez la décision de la Cour, elle signifie qu’un cessez-le-feu doit être prononcé ». Sans surprise, l’extrême droite mais aussi nombre d’autres commentateurs ont immédiatement vilipendé une cour « partiale », décrétée « antisémite ».
Surtout, en exigeant de l’État juif de « tout faire pour prévenir un génocide », la Cour suggère soit qu’un début d’action en ce sens est déjà enclenché, soit qu’un génocide à venir est une réalité potentielle. Son argument le plus fort sur l’intentionnalité d’un génocide consiste en une longue liste de propos tenus publiquement par divers dirigeants israéliens, politiques ou militaires, qui profèrent des souhaits ou des intentions sans conteste génocidaires. Le lendemain de l’adoption de l’ordonnance, un porte-parole a déclaré que « l’armée israélienne, après l’arrêt de la CIJ, allait renforcer la surveillance des vidéos et des publications dans lesquels on entend des appels à l’établissement de colonies dans la bande de Gaza, et des propos incitant à la violence contre les Palestiniens ».
Mais le 29 janvier, la droite israélienne organisait dans une salle de 3000 places à Jérusalem une « Conférence pour la victoire d’Israël ». C’était clairement une réponse à l’ordonnance de la CIJ. Le « transfert » des Palestiniens hors Gaza en a été le thème principal. Un avocat, Aviad Visoli, a plaidé qu’ « une Nakba 2 est entièrement justifiée par les lois de la guerre ». Père d’un soldat détenu par le Hamas, le colon Eliahou Libman a lancé : « Ceux qui ne sont pas tués doivent être expulsés, il n’y a pas d’innocents ». Plus modéré, le ministre de la police, Itamar Ben Gvir a prôné une « émigration volontaire » des Gazaouis. Quinze membres de l’actuel gouvernement Nétanyahou issus de l’extrême-droite, du Likoud et même – une nouveauté – au parti religieux orthodoxe Unité de la Torah étaient à la tribune.
Diable ! Si on ne peut plus maintenant montrer sa joie en chantant et en dansant sur les gravats des maisons et au milieu des corps déchiquetés et enfouis des civils palestiniens, que les officiers de cette même armée avaient présentés comme autant d’« animaux humains », c’est à ne plus rien y comprendre, s’interroge le brave petit soldat israélien jusqu’ici convaincu d’être dans son bon droit.
A la fin 2021, après une pandémie qui a surpris le monde, le « Jour d'après » a été le jour de la veille. Ce fut difficile mais gérable. Ce fut même l'occasion pour la science et la technologie occidentale, c'est-à-dire américaine, de faire la démonstration de sa créative réactivité.(1)
Les oiseaux de mauvais augure attendront pour proclamer le déclin de l'Occident. Tout semblait aller pour le mieux. Il devait en être bientôt fini de la Russie de Poutine. Cahin-caha, les Israéliens continuaient de tisser et d'approfondir des liens avec leurs « amis » arabes. Le « problème palestinien » disparaissait peu à peu de l'actualité.
Hélas, les projets solitaires coïncident rarement avec le monde. Le réel existe parce qu'il résiste aux calculs et la seule loi de l'histoire, rappelait Max Gallo, c'est la surprise.
Ce serait un truisme que de regarder le conflit entre la Russie et l'Ukraine comme la manifestation d'un conflit mondialisé impliquant une infinité de théâtres d'opérations en mer de Chine, au Sahel africain, en Amérique Latine et évidemment aussi au Proche-Orient.
C'en est un autre que de rapprocher les événements du 07 octobre 2023 et ceux du 22 février 2022.
Dans les deux cas les Russes et les Palestiniens étaient poussés dans leurs derniers retranchements. Fin 2021 l'affaire semblait bien ficelée.
- En Ukraine, bien avant le coup de force de Maïdan (février 2014) les Etats-Unis avaient préparé les Ukrainiens à la guerre et contraints leurs adversaires à l'intervention militaire en élargissant sans cesse l'espace de l'OTAN.
Ce n'est pas la première fois que Washington a recours à ce genre de procédé un peu partout dans le monde.2 A savoir gagner une bataille sans avoir à la livrer.
Ils ne s'en cachent d'ailleurs pas et réaffirment régulièrement leur véritable objectif. Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'OTAN en visite à Washington le confirme ce lundi 29 janvier lors d'une réunion avec le chef du Pentagone, Lloyd Austin. « Notre soutien [à l'Ukraine] n'est pas de la charité ; c'est un investissement pour notre propre sécurité. » (Le Monde, mardi 30 janvier 2024).
- Les Palestiniens subissent une insupportable oppression, exercée à la fois par l'Etat sioniste et par les colons qui jouissent d'une totale impunité.
* L'autorité palestinienne en Cisjordanie est bafouée, dégradée, isolée, réduite en ses prérogatives et en ses décisions précisément pour éroder sa représentativité locale et internationale.
* La « bande » de Ghaza est devenue une vaste prison à ciel ouvert, privée des ressources et denrées essentielles, soumise à un impitoyable embargo et au bon vouloir de geôliers indifférents. Des populations miséreuses entassées en un réduit inhumain. On est très loin des Accords d'Oslo et même du respect élémentaire des Institutions internationales qu'Israël et ses alliés bafouent régulièrement depuis des décennies.
Les Palestiniens n'avaient le choix qu'entre deux destins tragiques :
* soit mourir à petits feux avec la bénédiction de leurs frères arabes qui signent des accords (diplomatiques, économiques, touristiques...) de plus en plus publics et officiels avec un Etat qui n'est plus « hébreux » mais ouvertement, publiquement, exclusivement juif.
* soit mourir debout, les armes à la main, bousculant les légendes d'invincibilité factices d'une machine de guerre et d'un Etat sous perfusion occidentale. Avec le 07 octobre, la Palestine a montré qu'elle est toujours là. Tant pis pour ceux qui croyaient facilement la solder en pertes et profits dans d'obscures tractations « abrahamiques ». Cette opération va avoir des conséquences variables et, dans une certaine mesure surprenantes.
La violence de la réaction des Israéliens est proportionnelle à leur désappointement. Les autres parties contractuelles rasent les murs. Emirs, rois, sultans et autres agioteurs de droits divins font comme s'ils n'étaient pas là et font le gros dos. Jamais, ils n'avaient imaginé les Palestiniens capables d'audace et de courage.
La rue arabe exulte et les régimes fragiles redoutent des ruptures imprévisibles. Qui avait pu imaginer que le suicide par le feu d'un vendeur à la sauvette tunisien allait entraîner en 2011 la chute de Ben Ali et, par ricochet, celle H. Moubarak en Egypte ? La guerre a servi nombre de dirigeants par le passé dans les pays où la démocratie est travestie par d'habiles communicateurs.3 Aujourd'hui, la survie politique de Netanyahu est intimement associée à la guerre. Il a sans doute résisté à la forte envie d'embrasser les leaders de Hamas et de leur envoyer un mot de gratitude.
L'opération menée le 07 octobre lui a offert en effet sur un plateau l'occasion de se maintenir au pouvoir, de consolider le mouvement sioniste radical au sein de son gouvernement, de mobiliser les foules autour d'une utopie mortifère, d'étouffer l'opposition et d'échapper à la justice (au demeurant très accommodante de son pays).
Les Palestiniens, ainsi que nous le notions plus haut, n'avaient aucun autre choix.
L'objectif sioniste est clair : après avoir déclaré constitutionnellement l'Etat d'Israël, pays réservé exclusivement aux Juifs (sans qu'aucune conscience dans le monde ne se lève pour crier à l'abomination)4, les plus « radicaux » veulent achever la colonisation entamée en 1948 et faire disparaître d'une manière ou d'une autre une population palestinienne qui n'aurait pas vocation à habiter en Eretz Israël. Il y a tant de pays arabes voisins où elle trouverait un accueil naturel.5
Les lobbys sionistes américains ont immédiatement embrayé avec les deux « flottes US » (la Vème et la VIème) qui tiennent la région en tenailles. Portes avions, munitions, informations, image de puissances étaient là pour avertir que personne ne viendrait en aide au Ghazaouis sans coups férir.
Iran, Hezbollah, Syrie... ont reçu le message. Mais la palette des coups tordus est vaste.
Le 07 octobre est à multiples détentes. Cela commence par les attaques houthis à partir du Yémen qui vont avec des moyens limités troubler le commerce Asie-Europe, un axe majeur des échanges internationaux. L'attaque dimanche 28 janvier d'une base militaire américaine en Jordanie à la frontière avec l'Irak et la Syrie qui a fait trois morts et des dizaines de blessés parmi les soldats américains, perturbe les calculs de nombreux acteurs des confrontations en cours.
La cohorte des perdants
Zelensky en perdition
L'assistance occidentale à l'Ukraine n'est pas un appoint mineur. Elle représente une condition d'existence. Sans l'aide américaine, l'Ukraine de Zelensky n'existe plus. Le combat de son pays perdrait sa légitime résistance à une agression extérieure et ne serait plus que ce qu'il est : une guerre par délégation dont l'objectif et les enjeux dépassent très largement la défense de l'Ukraine. Ils dépassent aussi les Européens qui font figure ici de preneurs d'ordres.
La fourniture d'armes occidentales de plus en plus coûteuses, nombreuses et puissantes, réclamées de manière incessante à grands cris : Himars, missiles à longue portée (type ATACSMS, « scalps » ou « Storm Shadow »), chars lourds de combat (Leopard, Challenger, Abrams)... n'a pas cessé. La Pologne et la Roumanie y jouent un rôle essentiel. On peut y ajouter des aides plus discrètes mais tout aussi efficaces : la conduite des opérations militaires sur le terrain par exemple via les informations par satellites (publiques et privées) et par de nombreux autres canaux et, sur le terrain, des techniciens expérimentés pour assister les servants ukrainiens et se prémunir contre le trafic d'armes dans un pays connu pour l'avoir élevé au rang de culture nationale.
La destruction et la neutralisation de ces armes expliquent pour une large part l'échec de la « contre-offensive » ukrainienne reconnu comme tel dès l'automne 2023. L'ouverture du front palestinien n'est pas faite pour arranger ses affaires. Une guerre généralisée au Proche-Orient, c'est moins d'armes et de munitions pour l'Ukraine et surtout un affaiblissement médiatique pour une cause qui a déjà beaucoup perdu de sa popularité en Occident. Moins de journalistes, moins de temps d'antenne, moins d'images de l'Ukraine sur tous les écrans et les unes, signifie une catastrophique baisse d'audience pour un président, saltimbanque professionnel, qui organise la guerre de son pays comme un spectacle quotidien. V. Zelensky est aux abois.
Dès le Sommet de l'OTAN à Vilnius, à la mi-juillet, il est mis hors champ. Son aura est ternie. Il n'est plus reçu que dans des enceintes discrètes. Fini les grandes pompes, les grands discours... égards et cérémonies... piédestal d'où il admonestait avec autorité institutions internationales, chefs d'Etat, chefs d'entreprises...
J. Biden n'a le choix qu'entre de mauvaises solutions
Les mésententes dans l'Union Européenne désunie Europe et aux Etats-Unis où les supporters de D. Trump ont le vent électoral en poupe et bloquent au Congrès le paquet d'aide que J. Biden a prévu pour Kiev, réduisent les moyens militaires, mais aussi économiques de l'Ukraine.
L'Europe est la cinquième roue de la charrue. Un vaste marché ouvert aux quatre vents, un bric-à-brac à la Prévert, qui ne possède ni défense, ni diplomatie, ni volonté politique commune pour s'en doter. Lorsque Washington déclenche une opération militaire quelque part dans le monde, il est rare qu'il en informe ses « alliés » (sauf en cas de besoin) alors que ce sont souvent les Européens qui essuient les plâtres.
« Frappez l'Iran maintenant. Frappez fort », a lancé le sénateur républicain Lindsey Graham pour enfoncer la Maison Blanche dans un choix impossible au lendemain de l'attaque du 28 janvier.
La campagne électorale du candidat démocrate se trouve coincée entre le déclenchement d'un conflit immaîtrisable que personne ne veut et l'image d'un « vieillard sénile » incapable de prendre des « décisions courageuses », nécessaires au prestige et à la défense de son pays.
Pourtant, il ne peut pas intervenir, d'autant moins que, jusqu'à lors, aucune preuve n'implique l'Iran dans l'attaque de la base américaine.
Il ne peut pas non plus ne pas intervenir à moins de renoncer à sa réélection.
Bien sûr, J. Biden pourra doser et trouver une cible « consensuelle » qui conviendrait à tous sans conséquences périlleuses pour la paix du monde. Mais ce choix sera difficile. Comment, par exemple, convaincre l'Iran de consentir sagement à un bombardement pour une action militaire dont elle ne reconnaît pas la responsabilité ?
Tous les cow-boys du Congrès, y compris dans son camp, sont sur le pied de guerre. Ils se sont coiffés de leur stetson et armés de leurs Walker Colt ou de leurs Smith&Wesson comme à la belle époque. Quel que soit le choix de J Biden, D. Trump se frotte les mains et pourra commencer à préparer son second mandat.
Une conflagration proche-orientale généralisée, c'est-à-dire impossible à maîtriser, ouvrira une boîte de Pandore et fera exploser le prix des hydrocarbures et des marchandises transitant par l'Océan Indien, la mer Rouge et le Canal de Suez.
Cela ferait plaisir aux producteurs américaines de gaz et de pétrole de schistes qui font fortune depuis l'embargo sur les hydrocarbures russes et l'accroissement des importations européennes de produits américains. Mais cela aura des conséquences fâcheuses : augmentation mécanique des recettes russes avec le contournement par l'Arctique du trafic marchand asiatique et notamment chinois. C'est plus court, moins cher et sécurisé. Le réchauffement climatique n'a pas que des inconvénients.
Le plus préoccupant est la relance de l'inflation alors que les marchés attendent avec impatience depuis plusieurs mois la baisse des taux d'intérêt attendue. Cela n'est favorable ni à l'investissement, ni à la consommation, ni à l'emploi ni à la croissance.
On aura beau le cacher l'économie européenne, contrairement à l'américaine, souffre des sanctions infligées à la Russie et de l'ouverture des frontières de l'Union aux produits ukrainiens.
Les marchands, les intermédiaires et les spéculateurs y trouvent leur compte. Mais ni les producteurs (notamment les agriculteurs) ni les consommateurs n'y retrouvent les leurs.
Les manifestations se succèdent en Europe, les régimes politiques basculent les uns après les autres en faveur de partis « populistes », nationalistes anti-européens. Les préoccupations locales économiques et sociales dominent des débats de plus en plus politiques.
Elargir l'espace de l'OTAN, étouffer à petits feux la Russie de Poutine et produire un collapsus similaire à celui qui mit fin à l'URSS, est loin de se réaliser. L'idée du « poison lent » qui finira par produire ses effets est-ce plus qu'un mythe. La Russie s'est préparée à ce conflit et à ses différentes dimensions. Se serait-elle trompée ? Peut-être.
En attendant, c'est la défense ukrainienne qui menace de flancher. Des pertes humaines et matériels considérables minent l'effort de guerre et le moral de l'« arrière ».
Les aides promises sont bloquées aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis.
Le conflit a vidé les stocks des arsenaux des pays « alliés ». Gagner du temps pour donner à l'Ukraine les moyens de reprendre son combat dans de meilleures conditions dans quelques mois, entreprendre une « économie de guerre » généralisée relève plus de la rhétorique que de la réalité, malgré la pression des « complexes » militaro-industriels qui ont jusque-là largement profité du conflit.
La popularité de la cause ukrainienne est au plus bas à l'intérieur et à l'extérieur. Militairement, politiquement, économiquement, financièrement on atteint des limites.
A près de 30 000 morts et des dizaines de milliers de blessés, et bientôt quatre mois de massacres, médiatiquement plus ou moins escamotés grâce aux réseaux sous contrôle en Europe et en Amérique du nord, l'armée israélienne ne parvient pas venir à bout d'une résistance palestinienne à espérance de vie bien supérieure aux conflits antérieurs (guerre des six jours en juin 1967, guerre d'octobre 1973, confrontation avec Hezbollah en 2006).
Contrairement à ce qui est répété sur les réseaux mondiaux, il ne s'agit pas d'une guerre entre armées conventionnelles. L'Afrique du sud a déposé une plainte pour un génocide systématiquement entrepris condamné par la Cour Internationale de Justice le 26 janvier.
Le mot « génocide » a été euphémisé mais « Israël » et « génocide » ont été étroitement associés comme cause et effet.
On peut défaire une armée mais pas un peuple sous le regard d'un monde instantanément médiatisé. Les Israéliens pourront détruire Ghaza, tuer des dizaines de milliers de Palestiniens et quelques uns de leurs dirigeants. Cela ne suffira pas à effacer la Palestine et sa cause.
En quelques semaines, Israël a perdu un crédit considérable qui pourra même affecter l'histoire de ce qu'il prétend incarner. La forfanterie militaire produit des réputations surfaites et une sécurité factice. Israël n'est après tout que la partie apparente d'un iceberg mondial qui le porte à bout de bras. En sera-t-il toujours ainsi pour l'éternité ?
Pancho, Le Monde, V. 05 juin 1987
Non seulement les conflits ne se résorbent pas mais ils s'aggravent, se multiplient un peu partout dans le monde.
Outre l'Ukraine et la Palestine, l'enfer menace d'ouvrir des succursales à Taiwan, dans les Balkans, entre le Pakistan et une Inde théocratique qui a oublié les principes fondateurs qui ont présidé à sa naissance, entre le Pakistan et l'Iran, entre les deux Corées, entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie... Chacun de ces conflits pourrait représenter la mèche qui mettra le feu à une conflagration qu'il sera peut-être impossible de juguler.
Les Nations Unies sont aujourd'hui aussi inaptes et obsolètes que la Société des Nations l'avait été en 1920 à traiter de la guerre et de la paix.6 Le monde d'aujourd'hui n'a plus rien à avoir avec celui de 1945. Il serait temps d'en prendre acte.
A l'évidence, si l'humanité survit à ces crises, la première tâche des nations sera de fonder impérativement un nouveau système de régulation des conflits internationaux et une meilleure administration de la création, de la répartition des richesses et de la préservation de la biosphère terrestre, support essentiel de la vie sur la planète.
Notes
1- Même si Pfizer doit son vaccin à un laboratoire germano-turc (BioNTech). C'est l'Europe qui crée mais c'est l'Amérique qui en universalise les bienfaits (moyennant de très convenables rétributions, cela va de soi).
2- Zbigniew Brzeziñski, conseiller à la sécurité nationale du président des États-Unis Jimmy Carter l'a reconnu publiquement en janvier 1998 : les Etats-Unis sont intervenus en Afghanistan avant même l'entrée des troupes soviétiques en 1979. « Cette opé ration secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d'attirer les Russes dans le piège afghan. (...) Nous avons maintenant l'occasion de donner à l'URSS sa guerre du Vietnam » écrivait-il à J. Carter.
3- Aussitôt la paix venue W. Churchill, opportuniste roué, a épuisé le carburant qui le maintenait au 10 Downing Street A son retour aux affaires en 1951, il n'avait plus la magie qui avait séduit les Londoniens sous les bombes.
4- Il serait injuste et malhonnête de ne pas faire référence aux nombreuses manifestations anti-israéliennes dans le monde et aux protestations de nombreuses personnalités en Occident et en Israël en soutien à la Palestine. Lire par exemple « Ami-es israélien-nes, voilà pourquoi je soutiens les Palestinien-nes » (https://www.contretemps.eu, 17 octobre 2023) de Ilan Pappe.
5- C'est pourquoi les Israéliens ne parlent jamais de « Palestiniens » mais d'« Arabes ». La guerre est aussi dans le lexique.
6- Il n'est pas suffisamment rappelé que le Sénat américain avait voté contre la SdN et que les Etats-Unis avaient refusé d'en être membres, alors que le projet avait été proposé et défendu par le président Wilson.
Le ministère de la Santé à Ghaza a déclaré hier, mercredi, que le nombre de martyrs de l'agression israélienne contre Gaza s'est élevé à 26.900 et celui des blessés à 65.949 depuis le 7 octobre dernier. La même source a indiqué que l'occupation a commis au moins 16 massacres faisant 150 martyrs et 313 blessés au cours des précédentes 24 heures.
Hier également, les éléments de la protection civile ont découvert les corps en décomposition avancée de 30 martyrs exécutés par l'armée israélienne à Beit Lahia. Des images insoutenables diffusées hier par Al Jazeera montrent des opérations de récupération des 30 corps décomposés des martyrs, retrouvés les mains attachées et les yeux bandés à l'intérieur de l'école Hamad, au nord de la bande de Ghaza, pendant plusieurs jours par les chars et les soldats de l'armée israélienne.
Le Club des prisonniers palestiniens, cité par la chaine qatarie, a déclaré que la découverte des corps de 30 martyrs est la preuve claire d'une « exécution sioniste », et qu'il existe de «plus en plus de données indiquant que les détenus de Ghaza ont été soumis à des exécutions». Le Club des prisonniers a également assuré que les témoignages qu'il détient «montrent que les martyrs étaient menottés et avaient les yeux bandés, ce qui confirme qu'ils étaient en état d'arrestation, et que l'occupation a commis le crime d'exécution».
Bombardements sur tout Ghaza
Hier, l'armé sioniste a bombardé plusieurs parties de la bande de Ghaza du nord au sud. Les bombardements ont été signalés sur la banlieue nord de la ville de Ghaza et à Khan Younes particulièrement où se déroulaient également des affrontements entre la résistance palestinienne et les soldats de l'armée israélienne soutenus par des hélicoptères de combat. Les forces d'occupation israéliennes ont bombardé le centre et l'ouest du gouvernorat de Khan Younes, et ont fait exploser un centre résidentiel, faisant des dizaines de martyrs depuis mardi soir.
L'armée sioniste a également continué à assiéger et bombarder des hôpitaux et empêcher les secours d'aller chercher les blessés et les corps des martyrs.
Toujours à Khan Younes, l'armé sioniste a poursuivi mercredi le siège de l'hôpital Al Amal et du complexe médical Nasser pour le dixième jour consécutif, a rapporté le correspondant d'Al Jazeera. La même source a également indiqué que le bombardement de la ville de Hamad, au nord de Khan Younes, a fait un martyr et plusieurs blessés.
De son côté, la Société du Croissant-Rouge palestinien a également rapporté que l'armée d'occupation a bombardé les environs de l'hôpital Al Amal situé dans le siège de l'organisation, et qu'un employé de la sécurité de cet hôpital est tombé en martyr sous les balles des soldats israéliens. L'hôpital Al Awda dans la région de Tal Al Zaatar, au nord de la bande de Ghaza, a été également bombardé par l'artillerie israélienne, a indiqué un correspondant d'Al Jazeera.
La journée d'hier a également été marquée par des bombardements sur Deir Al-Balah, contre des citoyens du quartier d'Al-Baraka, dans le centre de la bande de Ghaza, faisant plusieurs martyrs et des blessés. Au nord de Ghaza, la ville de Jabalia a été la cible de plusieurs raids israéliens.
Conseil de sécurité : élargir le flux d'aide humanitaire
Les membres du Conseil de sécurité ont voté, mardi, à l'unanimité pour le projet de communiqué de presse, présenté à l'initiative de la Mission permanente de l'Algérie à New York, qui souligne le besoin urgent d'élargir le flux d'aide humanitaire aux civils à Ghaza, dans le cadre de la situation humanitaire détériorée suite à l'agression barbare de l'occupant sioniste.
Le texte exhorte également toutes les parties à coopérer avec la coordonnatrice principale de l'action humanitaire et de la reconstruction à Ghaza, Sigrid Kaag, et de lui faciliter sa mission, tel que stipulé dans la résolution 2720, indique l'APS.
Les membres du Conseil de sécurité ont également salué la nomination de Mme Kaag comme
Coordinatrice principale de l'action humanitaire et de la reconstruction à Ghaza, qui sera chargée d'assurer l'acheminement immédiat d'aides humanitaires aux Palestiniens à Ghaza, de coordonner et de surveiller tous les envois de secours humanitaires, et de créer un mécanisme onusien en vue d'accélérer l'acheminement de tous les envois de secours humanitaires.
L'Algérie interpelle le procureur de la CPI
Par ailleurs, le représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations unies, Amar Bendjama, a interpellé, lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur le rapport périodique de la Cour pénale internationale (CPI) concernant la situation au Darfour, le procureur de cette dernière sur la nécessité d'»observer la même diligence» sur l'ensemble des dossiers au sujet desquels elle est saisie, notamment la question palestinienne, a indiqué également l'APS.
L'ambassadeur Bendjama a rappelé que la Palestine avait saisi la CPI en 2018 sur les violations commises par l'occupant sioniste, en regrettant que cette institution ait été incapable de présenter, jusqu'à présent, un rapport concret sur les progrès réalisés depuis cette saisine.
«A l'heure où nous examinons la situation douloureuse au Darfour et les investigations de la CPI sur ce dossier, il est impossible de ne pas penser qu'une réaction prompte de la CPI à la saisine déposée par la Palestine, depuis plusieurs années, sur les crimes commis dans les territoires palestiniens par l'occupant sioniste, aurait pu sauver la vie des (plus de) 26.000 Palestiniens innocents (tombés en martyrs lors de l'agression contre Ghaza) et atténuer la souffrance de la population assiégée» dans l'enclave palestinienne, a déclaré le diplomate algérien.
Avant de conclure : «Il ne devrait pas y avoir de place pour le deux poids deux mesures. La vie des Palestiniens est, également, importante».
La résistance cible des soldats barricadés
Les combats au sol continuent dans plusieurs régions de Ghaza, y compris au nord de la bande, mais également à Khan Younes au Sud où les bombardements sont intenses depuis plus de trois semaines.
Les Brigades Al-Qassam, la branche militaire du Hamas, ont déclaré mercredi avoir ciblé deux chars israéliens Merkava avec deux obus Al-Yassin 105, à l'ouest de Khan Younes, ainsi qu'un bulldozer militaire D9 avec un obus Al-Yassin 105 à Tal Al-Hawa, au sud-ouest de la ville de Ghaza.
Les Brigades Al-Qods, la branche militaire du Jihad islamique, ont déclaré à leur tour avoir ciblé, avec un missile guidé, un groupe de soldats d'occupation retranchés à l'intérieur d'un bâtiment au nord-ouest de la région centrale de Ghaza, et bombardé avec des obus de mortier les soldats et les véhicules de l'occupation dans l'axe de Taqadum, à l'est du camp de Bureij, au nord de la bande.
L'armée israélienne rencontre les mêmes difficultés de progression à Khan Younes que celles enregistrées au nord de Ghaza. Selon la Société de radiodiffusion de l'entité sioniste, citée par Al Jazeera, l'avancée des troupes à Khan Younes «est très lente», précisant que «la progression sur une profondeur de 200 mètres prend beaucoup de temps».
Ces obus de 155 mm peuvent parcourir plus de 32 km et exploser à l'impact, projetant des éclats mortels dans toutes les directions. Ces obus se vendent à partir de 800 dollars.
Des dizaines de milliers d'obus d'artillerie de 155 mm, des milliers de munitions pour la destruction des bunkers et 200 drones kamikazes : ce ne sont là que quelques-unes des armes et munitions qu'Israël a demandées aux États-Unis depuis le début de la guerre à Gaza.
Tiré par des hélicoptères Apache, le Hellfire est un missile antichar, capable de détruire n'importe quelle cible blindée. La portée de 7 à 9 km permet une distance de sécurité contre la plupart des canons antiaériens.
Un document interne du Pentagone, révélé mercredi par Bloomberg, détaille les demandes formulées par "un haut dirigeant israélien" à la fin du mois d'octobre. La liste comprend également 2.000 missiles Hellfire à guidage laser pour les hélicoptères de combat Apache et 36.000 cartouches de 30 mm pour leurs canons.
Les hélicoptères Apache d'Israël ont fonctionné en permanence depuis les premières heures du 7 octobre, assistant étroitement les forces terrestres dans la bande de Gaza et à la frontière du Liban. Selon le document, les missiles et les munitions ont déjà été fournis à l'armée israélienne.
Le M141 BDM est assez cher pour un lance-roquettes; pour l'exercice 2012, la documentation de l'armée américaine indiquait un coût unitaire de 17 867,83 dollars.
Israël a également demandé 3 000 roquettes M141, fabriquées par Nammo Talley Defense et capables de pénétrer jusqu'à 20 cm de béton. 1 800 de ces roquettes ont déjà été expédiées à la fin du mois d'octobre. Israël a également demandé 400 obus de mortier de 120 mm.
Selon Bloomberg, 200 drones bombardiers Switchblade 600, fabriqués par la société américaine AeroVironment, figurent également sur la liste d'Israël. Ces drones ont une portée de 40 km, une autonomie de vol de plus de 40 minutes et une combinaison de caméras et de capteurs infrarouges. Le Switchblade, qui a également été livré à l'armée ukrainienne, est équipé d'une ogive basée sur le missile américain Javelin et peut atteindre des véhicules blindés, des bunkers et des troupes exposées.
Les drones Switchblade 600, un nouveau drone tactique qui explose à l'impact et perce le blindage.
Selon Breaking Defense, l'armée américaine a commandé plus de 100 drones de ce type pour son propre usage en octobre, ce qui laisse supposer qu'il n'y a pas de drones actuellement disponibles dans les entrepôts.
Le document confirme qu'Israël se verra restituer les deux batteries Iron Dome qu'il avait vendues à l'armée américaine - qui a finalement opté pour un autre système - ainsi que 312 intercepteurs Tamir. Les batteries ont été expédiées en Israël par voie maritime.
Les munitions les plus controversées sont les 57 000 obus de 155 mm, dont une partie au moins a été envoyée des stocks de l'armée américaine en Israël vers l'Europe, pour l'effort de guerre ukrainien. Les groupes de défense des droits de l'homme ainsi que les responsables palestiniens ont critiqué l'utilisation de canons dans la bande de Gaza, densément peuplée.
La pénurie d'obus est un problème qui s'est répété lors de divers conflits en Israël et dans le monde. En juillet dernier, le ministère israélien de la défense et Elbit ont toutefois signé un contrat de plusieurs centaines de millions de dollars pour la fourniture de dizaines de milliers d'obus.
La liste des demandes israéliennes comprend également 75 véhicules tactiques légers blindés, dont certains ont déjà été fournis. Israël a également demandé 5 000 dispositifs de vision nocturne PVS-14, fabriqués par Elbit America et L3Harris. 3 500 d'entre eux ont été fournis. Au moins un élément de la liste - 20 000 fusils M4A1 (une variante de l'AR-15) - a déjà fait parler de lui. Les États-Unis ont même menacé d'interrompre les livraisons lorsqu'ils ont appris que le ministre de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, avait distribué les armes à des escadrons de sécurité lors d'événements pouvant être considérés comme politiques.
Les démocrates du Congrès se méfient de plus en plus du manque de transparence de l'administration Biden.
Entre-temps, les démocrates du Congrès se méfient de plus en plus du manque de transparence de l'administration Biden en ce qui concerne la divulgation publique des ventes d'armes à Israël - qui contraste avec les informations qu'elle a elle-même communiquées au sujet de ventes similaires à l’Ukraine.
L'administration cherche également à obtenir l'autorisation de contourner les obligations de notification au Congrès qui s'appliquent à tous les autres pays bénéficiant d'un financement militaire étranger.
"Ce que je peux vous dire, c'est que nous fournissons une assistance à Israël par le biais de mécanismes très différents de ceux utilisés pour l'Ukraine", a déclaré la porte-parole adjointe du Pentagone, Sabrina Singh.
Alors que l'aide à l'Ukraine est principalement fournie par le biais d'autorisations de retrait, ce qui permet la "livraison rapide d'articles et de services de défense provenant des stocks du ministère de la Défense à des pays étrangers et à des organisations internationales pour répondre à des situations d'urgence imprévues".
L'aide à Israël est principalement fournie par le biais des ventes officielles de matériel militaire à l'étranger, du financement militaire à l'étranger et des contrats directs qu'Israël passe avec des sociétés commerciales privées.
Les efforts visant à fournir à Israël une aide d'urgence de 14 milliards de dollars sont au point mort en raison de l'impasse politique à Washington.
La Chambre des représentants a adopté mardi une mesure de financement provisoire, qui va maintenant être soumise au Sénat. Cette mesure ne prévoit toutefois pas d'aide supplémentaire pour Israël.
Les négociations visant à lier le financement d'Israël et de l'Ukraine se sont heurtées à un mur sur la question de la sécurité des frontières.
Bien que l’ordonnance du 26 janvier 2024 de la Cour internationale de justice dans l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël n’appelle pas à un cessez-le-feu, elle a retenu l’hypothèse d’une offensive potentiellement génocidaire sur Gaza. Un échec pour Israël que Tel-Aviv cherche à masquer en lançant une campagne contre l’Unrwa afin de priver l’agence de fonds.
La plainte de génocide de l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de Justice de La Haye, le vendredi 12 janvier 2024.
Wikimedia Commons
L’ordonnance en indication de mesures conservatoires adoptée le 26 janvier 2024 par la Cour internationale de justice (CIJ) dans l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël constitue une sérieuse défaite juridique pour Israël, même si elle n’a pas ordonné directement la cessation de l’offensive israélienne. Le risque de génocide est en effet clairement reconnu, et les mesures ordonnées -si elles étaient respectées- devraient conduire à la cessation des opérations israéliennes, comme l’a immédiatement relevé l’Afrique de Sud.
Cette décision a des conséquences indirectes pour tous les États parties et les Nations unies, dès lors que la Cour a réaffirmé le caractère erga omnes partes1 des obligations découlant de la Convention de 1948 sur le génocide (§ 33). Aussi, il convient de ne pas minimiser la force de cette ordonnance, d’en souligner le contenu et la portée.
LE RISQUE DE GÉNOCIDE EST ÉTABLI
S’il est vrai que, dans sa requête, l’Afrique du Sud affirmait que des actes de génocide étaient déjà commis, il n’est pas surprenant qu’au stade des mesures conservatoires, dans un contexte où elle se trouve contrainte par le temps et la spécificité de son mandat au contentieux, la Cour se limite à affirmer l’existence d’un risque de génocide (§§ 60-74). Cette conclusion de la Cour est déjà un succès très important pour Pretoria, si l’on veut bien considérer la réticence occidentale à admettre la thématique du génocide. Résultant probablement d’un compromis, l’ordonnance a été votée par une écrasante majorité des juges. Aucun des juges « occidentaux » ne s’y est opposé alors même que la Cour, présidée par une juge de nationalité américaine, comprend des juges allemand, français, slovaque, ainsi qu’une juge australienne qui, s’ils sont indépendants et ne représentent pas leur État, peuvent néanmoins être sensibles à sa position diplomatique.
Il faut souligner la manière dont la Cour justifie sa conclusion de l’existence d’un risque de génocide. S’agissant des actes commis, elle se fonde très largement, ainsi que l’y invitait l’Afrique du Sud, sur les alertes des Nations unies et d’autres organisations internationales dont elle cite les déclarations les plus frappantes : §§ 47, 48, 49, 53, 67, 68, 69. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une déclaration du commissaire général de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa) datant du 17 janvier 2024, soit après la fin des audiences.
Pour la Cour, « la population civile de la bande de Gaza demeure extrêmement vulnérable. ( …) l’opération militaire conduite par Israël après le 7 octobre 2023 a notamment fait des dizaines de milliers de morts et de blessés et causé la destruction d’habitations, d’écoles, d’installations médicales et d’autres infrastructures vitales, ainsi que des déplacements massifs de population (…). Aujourd’hui, de nombreux Palestiniens de la bande de Gaza n’ont pas accès aux denrées alimentaires de première nécessité, à l’eau potable, à l’électricité, aux médicaments essentiels ou au chauffage. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que 15 % des femmes qui accouchent dans la bande de Gaza étaient susceptibles de souffrir de complications, et prévoyait une augmentation des taux de mortalité maternelle et néonatale en raison du manque d’accès aux soins médicaux » (§§ 70-71).
S’agissant de l’intention de détruire le groupe palestinien de Gaza, la Cour, se basant sur les éléments figurant dans la requête de l’Afrique de Sud, a tenu à citer expressément les déclarations des responsables israéliens qui avaient justement alarmé nombre d’observateurs. Sont ainsi repris, dans la motivation de l’ordonnance, les propos du ministre de la défense Yoav Gallant, du président d’Israël, Isaac Herzog, du ministre de l’énergie et des infrastructures, devenu depuis ministre des affaires étrangères, Israël Katz (§§ 51-52).
Enfin, il est désormais acquis que le groupe palestinien, en plus d’être un peuple jouissant du droit à disposer de lui-même, est bien aussi un groupe relevant de la Convention sur le génocide. Ce point, traité brièvement (§ 45) ne devrait désormais plus être contesté.
LES ARGUMENTS D’ISRAËL NE SONT PAS RETENUS
On pouvait craindre que la Cour ne retienne l’argument de « légitime défense » avancé par Israël pour justifier son offensive sur Gaza. Devant la Cour, Israël associait cet argument à celui de sa volonté de minimiser les pertes civiles à Gaza. Au regard de la position des pays occidentaux et de l’Union européenne, qui ont largement soutenu la thèse de la légitime défense, la Cour aurait pu y être sensible. Elle aurait pu réexaminer son avis de 2004, où elle affirmait clairement l’indisponibilité de la légitime défense en réaction à des violences trouvant leur origine dans un territoire occupé. Or la Cour ne dit rien de la légitime défense, sauf pour rappeler l’argumentaire d’Israël (§ 40). Ceci prolonge l’échec de cet argumentaire devant le Conseil de sécurité, où la résolution présentée en ce sens par les États-Unis le 25 octobre 2023 n’avait pu être adoptée. Il est en conséquence inexact de dire que la Cour, en n’ordonnant pas explicitement la cessation des hostilités, aurait reconnu le droit de légitime défense d’Israël, car rien dans la motivation de la Cour ne permet de l’affirmer.
LA CESSATION DE L’OFFENSIVE EST INDIRECTEMENT EXIGÉE
La Cour n’a pas expressément ordonné la cessation de l’offensive israélienne. Cela a pu légitimement susciter la déception des populations de Gaza et de celles qui sont sujettes à une oppression accrue en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Mais une telle décision correspond à la prudence habituelle de la Cour lorsqu’elle statue sur la base de la Convention sur le génocide. Ainsi, dans les affaires bosniaque et gambienne, elle s’était contentée d’indiquer aux États en cause (Serbie et Monténégro, Myanmar) l’obligation de prévenir le génocide et de veiller à ce qu’il ne soit pas commis par des forces armées2. Certes, dans l’affaire opposant l’Ukraine à la Russie elle avait été plus loin mais la question qui lui était posée était très distincte et il ne s’agit donc pas d’un véritable précédent3. L’Ukraine demandait à la Cour de dire que l’invocation par la Russie d’un génocide en Ukraine ne pouvait justifier une opération militaire sur le territoire ukrainien. Statuant en urgence également, la Cour a suivi Kiev et ordonné à Moscou de « suspendre immédiatement » ses opérations militaires.
En réalité, le respect des mesures ici ordonnées engendre, pour Israël, l’obligation de cesser son offensive. Ceci tient aux caractéristiques du terrain sur lequel cette offensive se déploie et à la nature de celle-ci. La Cour exige, assez classiquement, qu’Israël prévienne les actes de génocide et s’assure que ces actes ne soient pas commis par son armée (mesures 1 et 2). Quels sont ces actes ? Ceux qui sont identifiés à l’article II a), b), c), e d) de la Convention sur le génocide : les « meurtres de membres du groupe »,« atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe »,« soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », et « mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ». Or, au regard de la spécificité de la bande de Gaza (espace restreint très densément peuplé) et de la nature de la stratégie militaire israélienne (bombardements massifs, déplacement forcé, ciblage des hôpitaux, siège drastique), seul l’arrêt de l’offensive permettrait à Israël de respecter cette ordonnance. C’est également le cas s’agissant des services de base et de l’aide humanitaire dont la fourniture doit être permise (mesure 4).
Relevons finalement que la Cour exige qu’Israël prévienne et punisse les incitations à commettre le génocide (mesure 3). Au regard des discours visés par la Cour dans sa motivation, ce sont bien les dirigeants israéliens qui devraient faire l’objet de l’attention de leur propre système judiciaire, tandis que la diffusion prolongée du langage du génocide sera susceptible, à elle seule, d’engager la responsabilité de l’État.
LES CONSÉQUENCES DE L’ORDONNANCE
La Cour n’entend pas en rester là. Elle affirme vouloir réexaminer le comportement d’Israël puisque l’ordonnance exige qu’un rapport soit soumis à la Cour par cet État dans un délai d’un mois (mesure 6 et § 82). Ceci témoigne encore de sa conviction du risque imminent de génocide encouru par la population de Gaza. Au regard du contenu de ce rapport, qui sera porté à la connaissance de Pretoria, il n’est nullement exclu que la Cour soit amenée à durcir les mesures actuellement ordonnées.
Par ailleurs, le statut de la Cour internationale de justice, partie intégrante de la Charte des Nations unies, impose la notification immédiate des mesures conservatoires au Conseil de sécurité (article 41 § 2) qui se réunira le 31 janvier. Étant donnée la réaction des États-Unis à l’ordonnance de la Cour, il est irréaliste d’espérer que le Conseil en fasse découler une résolution exigeant un cessez-le-feu, accompagné de sanctions pour l’imposer. Mais l’Assemblée générale, au regard du blocage attendu du Conseil de sécurité et du risque établi de génocide, pourrait/devrait prendre le relais et affermir ses positions antérieures (résolution du 12 décembre 2023 appelant à un « cessez-le-feu humanitaire immédiat ») en recommandant un embargo sur les armes, voire des sanctions économiques contre Israël. L’ordonnance pourrait à cet égard avoir un puissant effet justificatif.
Quant aux États, s’ils veulent respecter l’esprit de l’ordonnance, et ne pas risquer d’engager leur propre responsabilité (pour certains d’entre eux), ils devraient cesser d’assister militairement, économiquement et diplomatiquement Israël dans son offensive à Gaza. Ils pourraient, sur la base d’une résolution de l’Assemblée générale à venir, ou sans cette base, adopter des mesures de rétorsions (mesures diplomatiques) ou des contre-mesures telles que des sanctions économiques afin de prévenir un risque désormais avéré de génocide4. L’ordonnance de la Cour est un acte juridique qui ne les y invite pas (ce serait en dehors de la compétence de la Cour) mais qui produit un effet de rappel des obligations découlant de la Convention de 1948. C’est probablement la raison pour laquelle on assiste dans les médias à un effacement de l’ordonnance et de sa portée.
RAFAËLLE MAISON
Agrégée des facultés de droit ; professeur des universités.
Entre Rita et mes yeux, un fusil Et celui qui connaît Rita se prosterne Et adresse une prière à la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel Moi, j’ai embrassé Rita quand elle était petite Je me rappelle comment elle se colla contre moi Et de sa plus belle tresse couvrit mon bras Et moi, je me rappelle Rita Ainsi qu’un moineau se rappelle son étang Ah Rita! Entre nous, mille oiseaux, mille images D’innombrables rendez-vous criblés de balles par un fusil Le nom de Rita prenait dans ma bouche un goût de fête Le corps de Rita dans mon sang était célébration de noces Et deux ans durant, je me suis perdue dans Rita Et deux ans durant, Rita a dormi sur mon bras Nous prêtâmes serment autour du plus beau calice, nous brulâmes dans le vin de (nos) lèvres et nous ressuscitâmes. Ah Rita! Qu’est-ce qui aurait pu éloigner mes yeux des tiens, Hormis le sommeil et les nuages couleur de miel, avant ce fusil ? Il était une fois Ô silence du crépuscule Au matin, ma lune a émigré, loin dans ces yeux couleur de miel Et la ville a balayé tous les aèdes…et Rita. Entre Rita et mes yeux, un fusil.
Inscris « Je suis Arabe », Mahmoud Darwich سجل أنا عربي محمود درويش
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