Pourquoi reparle-t-on du sketch de Guillaume Meurice sur Benyamin Netanyahou ?

Guillaume Meurice a annoncé jeudi 2 mai sur X (ex-Twitter) être suspendu par Radio France dans l’attente d’une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Il ne participera pas aux deux prochaines émissions du « Grand dimanche soir » animée par Charline Vanhoenacker sur France Inter.

Si Radio France a précisé que l’humoriste continuerait d’être rémunéré, le groupe n’a pas transmis la raison de cette suspension. Cette décision intervient alors que, le dimanche 28 avril, Guillaume Meurice a réitéré des propos polémiques sur le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, déjà tenus sur la station fin octobre : « Il y a des choses qu’on peut dire. Par exemple, si je dis “Netanyahou est une sorte de nazi mais sans prépuce”, c’est bon. Le procureur, il a dit “c’est bon”. » Ce vendredi 3 mai, l’humoriste souligne avec ironie sur X : « Nous sommes le vendredi 3 mai et c’est la Journée mondiale de la liberté de la presse. Bonne journée la liberté de la presse ! »

 

 

Depuis l’annonce de la suspension de l’humoriste par Radio France, de nombreux soutiens se sont exprimés en sa faveur. Notamment celui de l’animatrice Charline Vanhoenacker sur X, qui caractérise la situation comme « très inquiétante » et ajoute que « la troupe reste mobilisée au service de la rigolade. Soutien à mon camarade ».

► Qu’est-ce qui a tout déclenché ?

Dimanche 29 octobre 2023, 18 heures, comme tous les dimanches soir depuis septembre, Charline Vanhoenacker et sa bande sont sur France Inter pour l’émission « Le grand dimanche soir ». Parmi les personnes présentes dans le studio, l’humoriste Guillaume Meurice, qui collabore avec l’animatrice depuis 2014 et la création de l’émission « Si tu écoutes, j’annule tout », devenue « Par Jupiter ! » puis « C’est encore nous ! » Ce soir-là, dans sa chronique, il suggère comme costume pour Halloween un « déguisement Netanyahou », « une sorte de nazi mais sans prépuce ». Le 6 novembre, la direction de Radio France acte une sanction disciplinaire à l’encontre de l’humoriste, qui décide de la contester devant le conseil des prud’hommes.

► Que dit la loi ?

Les propos tenus par Guillaume Meurice ont conduit à un dépôt de plainte de l’Organisation juive européenne (OJE) pour « provocation à la violence et à la haine antisémite et injures publiques à caractère antisémite » le 6 novembre. Après une enquête préliminaire dirigée par le parquet de Nanterre et confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne, la plainte a été classée sans suite le 18 avril au motif que l’infraction n’était pas suffisamment caractérisée.

Dans un entretien accordé à La Croix le 7 novembre, Nicolas Hervieu, juriste en droit public et droit européen des droits de l’homme, expliquait que, au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), « en matière de liberté d’expression, le principe est clair : la protection (de l’humoriste) s’impose prioritairement ». Dans le même entretien, le juriste rappelait que les humoristes bénéficient d’une plus grande protection de leur liberté d’expression et qu’ils ont le droit d’user de l’impertinence satirique même si cela conduit à provoquer. Et ce en raison de leur fonction et de leur utilité démocratique.

► Quelle avait été la réaction de Guillaume Meurice ?

Le dimanche 12 novembre, Guillaume Meurice fait son retour sur les antennes de France Inter. L’émission « Le grand dimanche soir » habituellement réalisée en présence d’un public, est exceptionnellement privée de ce dernier en raison des menaces, notamment de mort, reçues par l’humoriste pour qui «L’humour, c’est un marqueur de la liberté ».

Dans une chronique intitulée « Le grand pardon », il plaide pour son droit à l’outrance. Jamais l’humoriste n’a accepté de s’excuser, assumant ses propos. Pour donner son récit de la polémique, il publie un livre le 15 mars aux éditions du Seuil, Dans l’oreille du cyclone. Guillaume Meurice a aussi porté plainte à la suite des messages d’insultes et de menaces qu’il a pu recevoir.

► Et France Inter dans tout ça ?

Le 7 novembre, lendemain de l’annonce de la sanction de Guillaume Meurice par France Inter, la direction de l’antenne du groupe Radio France est convoquée, comme les autres directions des chaînes de télévision et stations de radio publiques et privées, par l’Arcom afin d’aborder le traitement médiatique de la guerre qui oppose Israël au Hamas. L’Arcom finira par adresser, fin novembre, une mise en garde à Radio France, estimant que les propos de Guillaume Meurice avaient « porté atteinte au bon exercice par Radio France de ses missions et à la relation de confiance qu’elle se doit d’entretenir avec l’ensemble de ses auditeurs ». Cet avertissement constitue indéniablement l’arrière-plan de la sanction qui vise aujourd’hui l’humoriste récidiviste et dont on devrait connaître les détails dans les prochains jours.