Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
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Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Par
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
Dans une cité de la banlieue d'Alger, Rachida élève seule ses sept enfants. Le quotidien de cette famille permet de comprendre de plus près la crise qui secoue le pays. Florence Dauchez mène une longue interview dans laquelle la mère lie une correspondance narrant l'histoire de la fratrie : Salima, championne de judo, Mohamed, le religieux intégriste, Samir, le policier…
Le procès des Fleurs du Mal est considéré comme un événement majeur dans la vie de Charles Baudelaire, « un affront » qui, d'après Pierre Jean Jouve, aurait « précipité l'affect angoissé du poète dans un tourment continuel ».
Tout commence en juin 1857. Baudelaire publie Les Fleurs du Mal, fruit d’un travail de plus de quinze ans, chez Auguste Poulet-Malassis et Eugène de Broise. Les réactions ne se font pas attendre. Dès le 4 juillet, Lanier, dépositaire parisien de l'éditeur, s’alarme : « Le bruit se répand beaucoup, surtout dans la haute société, que Les Fleurs du Mal vont être saisis. » Dans Le Figaro du lendemain, en première page, Gustave Bourdin publie un article assassin à propos du recueil. Le 7 juillet, un rapport est présenté au ministre de l’Intérieur par la direction générale de la Sûreté publique qui considère Les Fleurs du Mal comme « un défi jeté aux lois qui protègent la religion et la morale ». Le même jour, l’attention du procureur général est attirée par le ministre de l’Intérieur sur ce livre dont plusieurs pièces « paraissent enfermer le délit d’outrage à la morale publique ».
Le poète, lui, ne croit pas au procès. Le 9 juillet, il écrit à Mme Aupick, sa mère, une lettre apaisante. Pourtant, la machine judiciaire se met en marche.
Le 16 juillet, plusieurs exemplaires des Fleurs du Mal sont saisis à Alençon pour, d’après le mot de Baudelaire, « nourrir le Cerbère Justice ». Le 17, le procureur général annonce qu’il a requis une information contre Charles Baudelaire et ses éditeurs Auguste Poulet-Malassis et Eugène de Broise, ainsi que la saisie de tous les exemplaires du livre.
Les choses s’enveniment : le poète est interrogé pendant trois heures par Camusat-Busserolles, le juge d’instruction en charge du dossier. Bien que Baudelaire le trouve « bienveillant », celui-ci renvoie l’affaire devant la fameuse sixième chambre de police correctionnelle du tribunal de la Seine où le substitut du procureur, Ernest Pinard, celui-là même qui avait requis sans succès contre Madame Bovary, représente le ministère public. Treize poèmes sont retenus pour offense à la morale publique et aux bonnes mœurs, et offense à la moralité religieuse, délits prévus par les articles 1 et 8 de la loi du 17 mai 1819 : « Le Reniement de saint Pierre », « Abel et Caïn », « Les Litanies de Satan », « Le Vin de l’assassin », « Les Bijoux », « Sed non satiata », « Le Léthé », « À celle qui est trop gaie », « Le Beau Navire », « À une mendiante rousse », « Lesbos », les deux « Femmes damnées » comptées pour une pièce, « Les Métamorphoses du Vampire ».
« Il me manque une femme »
Le 27 juillet, comme il n’a pas encore choisi son avocat, Baudelaire écrit à sa mère pour l’informer qu’on lui conseille de prendre « un avocat célèbre et en bonnes relations avec le ministère d’État, Me Chaix d’Est-Ange par exemple ». C’est de Me Chaix d’Est-Ange père qu’il s’agit. Mais celui-ci est sur le point d’être nommé procureur général impérial : il confie l’affaire à son fils, Gustave, qui, malheureusement, n’a ni son expérience (il n’a que vingt-cinq ans), ni son talent. Pour appuyer sa cause, Baudelaire décide de solliciter Mme Sabatier. La maîtresse de l’industriel belge Alfred Mosselman a des relations. Le poète la connaît bien puisqu’il fréquente, depuis des années, le salon littéraire qu’elle tient au 4, rue Frochot, un salon qui réunit également Flaubert, Gautier, les Goncourt, Feydeau, Du Camp et bien d’autres. Celle qu'on surnomme « La Présidente » est bouleversée d’apprendre que deux des poèmes que Baudelaire lui a dédiés (« Tout entière » et « À celle qui est trop gaie ») sont sur le point d’être interdits. Elle ne trouve pas déplacé que le poète, après lui avoir déclaré sa flamme, lui demande d'intervenir en sa faveur : « J’ai vu mes juges jeudi dernier. Je ne dirai pas qu’ils ne sont pas beaux ; ils sont abominablement laids ; et leur âme doit ressembler à leur visage. Flaubert avait pour lui l’impératrice. Il me manque une femme. Et la pensée bizarre que peut-être vous pourriez, par des relations et des canaux, peut-être compliqués, faire arriver un mot sensé à une de ces grosses cervelles, s’est emparée de moi, il y a quelques jours. L’audience est pour après-demain jeudi. Les monstres se nomment : Président : Dupaty ; Procureur impérial : Pinard (redoutable) ; Juges : Delesvaux, De Ponton d’Amécourt, Macquart ; 6e chambre correctionnelle. » Malheureusement pour lui, les démarches de Mme Sabatier n’aboutiront pas.
Convaincu de son innocence, Baudelaire réunit des documents pour le dossier de la défense et prépare, à l’instar de Flaubert lors de son procès, un mémoire à l’intention de son avocat, qui s’achève sur ce cri d’indignation : « Qu’est-ce que c’est que cette morale prude, bégueule, taquine, et qui ne tend à rien moins qu’à créer des Conspirateurs même dans l’ordre si tranquille des rêveurs ? »
Il imprime aussi une plaquette de 33 pages intitulée Article justificatifs pour Charles Baudelaire auteur des Fleurs du Mal. Elle comprend l’article d’Édouard Thierry publié le 14 juillet dans Le Moniteur, celui de Frédéric Dulamon, publié le 23 juillet dans Le Présent, celui de Barbey d’Aurevilly destiné au Pays, et celui de Charles Asselineau proposé à La Revue française – ces deux derniers articles n’ayant pu paraître.
Le 14 août, ayant eu connaissance des poursuites engagées contre Baudelaire, Flaubert s’indigne. Lui qui a déjà subi les foudres de Pinard sait à quel point l’épreuve sera pénible pour le poète : « Je viens d’apprendre que vous êtes poursuivi à cause de votre volume (...). Ceci est du nouveau : poursuivre un livre de vers ! Jusqu’à présent, la magistrature laissait la poésie fort tranquille. Je suis grandement indigné. »
À l'audience
Le jeudi 20 août 1857, Baudelaire se présente au Palais de justice. Parmi ses juges, il en est deux qui étaient déjà présents lors du procès de Madame Bovary : Dupaty et Nacquart. Le « redoutable » Pinard, est bien là, prêt à l’attaque. Avant l’audience, Baudelaire a tenu à le rencontrer dans son cabinet pour lui exprimer sa stupéfaction, et lui exposer sa théorie artistique. Sans être convaincu par les arguments de sa « victime », Pinard s’est rendu compte qu’il s’agit d’un « être tourmenté et d’une sincérité absolue ». Les juges commencent par interroger le poète qui se défend comme il peut d’avoir voulu attenter aux bonnes mœurs et à la religion. Dans son réquisitoire, le substitut Pinard exhorte le tribunal à condamner « le réalisme » des Fleurs du Mal ; il insiste sur l'offense à la morale publique plutôt que sur l'offense à la morale religieuse : « Réagissez par un jugement (…) contre cette fièvre malsaine qui porte à tout peindre, à tout décrire, à tout dire comme si le délit d’offense à la morale publique était abrogé et comme si cette morale n’existait pas. »
La plaidoirie de Me Chaix d’Est-Ange n'est pas brillante. L’avocat se contente des notes de son client. Il déclare que Baudelaire peint le vice mais en le montrant odieux pour le rendre détestable, et que « l’affirmation du mal n’en est pas la criminelle approbation ». Il soutient que les vrais sentiments du poète sont exprimés dans « Bénédiction » et que, avant son client, nombre d’auteurs ont publié des textes immoraux sans être inquiétés.
La séance est levée. Le jugement est rendu le jour même. Le tribunal y considère qu’en ce qui concerne l’offense à la morale religieuse, la prévention n’est pas établie, mais qu’en ce qui touche la morale publique et les bonnes mœurs, il y a lieu à condamnation. Baudelaire écope de 300 francs d’amende, Poulet-Malassis et de Broise de 100 francs d’amende chacun. En outre, le tribunal ordonne la suppression de six poèmes des Fleurs du Mal : « Les Bijoux », « Le Léthé », « À celle qui est trop gaie », l’une des « Femmes damnées », « Lesbos » et « Les Métamorphoses du Vampire ».
Choc et réhabilitation
Baudelaire sort meurtri de ce procès qu'il considère comme un affront. Le 30, Victor Hugo lui écrit de Hauteville-House pour lui remonter le moral : « Vos Fleurs du Mal rayonnent et éblouissent comme des étoiles (…) Une des rares décorations que le régime actuel peut accorder, vous venez de la recevoir. Ce qu’il appelle sa justice vous a condamné au nom de ce qu’il appelle sa morale ; c’est là une couronne de plus. Je vous serre la main, poète. » Doit-il faire appel ? On le lui déconseille. Mais 300 francs d’amende, c’est beaucoup. Il demande donc une remise d'amende. Le 20 janvier 1858, celle-ci est ramenée de 300 francs à 50 francs, « le condamné témoignant du repentir », selon une note de la division criminelle. Aussitôt, l'éditeur Poulet-Malassis mutile Les Fleurs du Mal et en supprime les poèmes condamnés. Quoique publiés en Belgique en 1864 puis en 1866 sous le titre Les Épaves, ils resteront interdits de publication en France jusqu’au 31 mai 1949, date de l’arrêt d’annulation rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation suite au pourvoi présenté le 22 octobre 1946 par la Société des gens de lettres sur la base de la loi du 25 septembre 1946... Belle revanche posthume pour le poète dissident !
Un manifestant habillé en prince héritier d’Arabie saoudite Mohammad ben Salmane avec du sang sur les mains proteste devant l’ambassade saoudienne à Washington, DC, aux États-Unis, le 10 octobre 2018. Photo d'archives AFP
La publication par le directeur du renseignement national des États-Unis, le 26 février dernier, du rapport classifié sur l’enquête menée par la CIA sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi constitue un tournant pour le gouvernement américain – mais aussi pour d’autres gouvernements qui ont trop longtemps fermé les yeux face à la brutalité de certains autoritaires, notamment arabes.
Certes, le rapport publié n’offre aucun élément qui n’avait pas déjà été divulgué en ce qui concerne le rôle des individus et des administrations directement rattachés au prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammad ben Salmane, dans ce meurtre. Son importance réside dans le fait qu’il fournit la preuve la plus concluante et la plus crédible à ce jour de la complicité directe de MBS dans cet assassinat épouvantable et prémédité, et qu’il force de nombreux dirigeants et gouvernements de par le monde à en prendre acte : sanctionneront-ils le prince héritier et le gouvernement saoudien pour cet acte criminel ou se contenteront-ils de faire des gestes symboliques pour exprimer leur désapprobation et poursuivre leurs relations politiques, commerciales et de sécurité avec ce pays arabe de premier plan ?
Conséquences légères
Les faits sont établis : une équipe de tueurs saoudiens, dont plusieurs membres faisaient partie de l’entourage du prince héritier ou travaillaient avec lui, s’est rendue à Istanbul en octobre 2018 à bord de deux jets privés appartenant à une société contrôlée par le prince héritier. Ils ont tué Khashoggi puis démembré son corps, qui n’a jamais été retrouvé. Riyad a d’abord menti sur son implication dans ce meurtre, puis, face aux éléments de preuves accessibles en Turquie, finalement admis que Khashoggi était mort lors d’une opération d’arrestation saoudienne qui avait mal tourné. Tout en affirmant que le prince héritier était étranger à cette affaire.
La conclusion du rapport du renseignement national se base sur l’évaluation de la CIA sur « le contrôle (par le prince héritier) sur le processus de prise de décision dans le royaume, l’implication directe d’un (de ses) conseillers clés et des membres du détachement de (sa) protection dans l’opération, et (son) soutien à l’usage de mesures violentes pour faire taire les dissidents à l’étranger, dont Khashoggi », pour conclure sans ambiguïté que « le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammad ben Salmane, a approuvé une opération à Istanbul, en Turquie, pour capturer ou tuer le journaliste saoudien Jamal Khashoggi ».
Le fait que les tueurs aient emporté une scie à os avec eux suggère que le meurtre était l’option privilégiée depuis le début. Le rapport américain s’inscrit ainsi dans la continuité de l’enquête de six mois effectuée en 2019 par la rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Agnès Callamard, qui a conclu que Riyad était impliquée dans une « exécution délibérée et préméditée » de Khashoggi. « Il y a suffisamment de preuves crédibles concernant la responsabilité du prince héritier pour exiger une enquête plus approfondie », avait alors déclaré Mme Callamard.
La combinaison de ces deux rapports d’enquête oblige maintenant le gouvernement américain à décider comment il va effectivement « réévaluer » et « recalibrer » ses relations avec Riyad – pour reprendre des propos tenus par le président Joe Biden. Jusqu’à présent, les conséquences demeurent plutôt légères : la Maison-Blanche avait déjà fait savoir auparavant que le président Biden ne communiquerait directement qu’avec le roi Salmane ; puis annoncé, dans la foulée de la publication du rapport gouvernemental américain, qu’elle sanctionnerait et limiterait l’entrée aux États-Unis des individus qui ont fait partie du complot d’assassinat ou qui ont été impliqués dans le ciblage, le harcèlement ou la surveillance de dissidents et de journalistes dans d’autres pays. Des mesures souvent prises à l’encontre d’autres pays sans pour autant dissuader les actes criminels de ce type.
Néanmoins, la mention d’une action ferme si l’Arabie saoudite prend des mesures contre ses ressortissants dissidents à l’étranger est nouvelle et peut être significative, car les dissidents ciblés partagent souvent des informations avec les services de renseignements et les agences politiques étrangères, pouvant ainsi les aider à constituer un dossier solide contre les tyrans arabes.
Emprise
C’est là une raison essentielle d’agir fermement contre les Saoudiens, dans la mesure où leurs actions sont caractéristiques de nombreux autres régimes arabes autocratiques qui prennent Riyad pour exemple. Par conséquent, c’est la région entière qui paiera le prix du maintien éventuel de l’impunité de MBS s’agissant d’un crime aussi grave et établi. Car si ses actes criminels et brutaux à l’intérieur et à l’extérieur de son propre pays continuent à se produire, la région arabe demeurera un enfer où la vie humaine a peu de valeur et où les citoyens n’ont aucun droit. Les mesures à prendre sont la grande question à laquelle les États-Unis et les autres gouvernements doivent répondre rapidement, de même que le secteur privé et les organisations internationales qui travaillent avec l’Arabie saoudite. On débat actuellement de sanctions plus sévères contre les individus, de l’isolement des dirigeants politiques des engagements diplomatiques, du lancement d’une enquête internationale plus rigoureuse sur les accusations portées contre le prince héritier saoudien, ou encore de la réduction des liens commerciaux et militaires avec le royaume.Il reste qu’il sera extrêmement difficile de débarquer MBS, étant donné son emprise totale sur la sécurité, l’économie, l’information et les centres de pouvoir politique du pays. Son père, le roi Salmane, n’est pas non plus en bonne santé et sa capacité à faire face aux répercussions du comportement criminel apparent de son fils et de son héritier pose question. La plupart des politiques intérieures et étrangères de MBS ont échoué, en particulier le blocus du Qatar et la guerre au Yémen.
Surtout, il a réussi l’exploit douteux de transformer une monarchie autrefois discrète en une autre société arabe autoritaire et brutale où personne n’ose dire ce qu’il pense par crainte de la prison ou de la mort. La réaction la plus importante à observer se situe donc probablement à l’intérieur de l’Arabie saoudite, parmi les milliers de membres de la famille royale et de l’élite économique et sécuritaire. Aussi mécontents, voire honteux, que puissent être de nombreux Saoudiens de voir leur pays et leurs dirigeants mis à l’index pour ce meurtre et leurs mensonges répétés à ce sujet, ils n’ont aucun véritable moyen d’exprimer leur colère dans le royaume.
La pression internationale est donc cruciale pour réduire ou mettre fin aux comportements criminels des responsables arabes, mais aussi pour offrir un certain espoir aux hommes et aux femmes ordinaires, afin qu’ils puissent anticiper un avenir dans lequel ils ne seront plus de simples moutons.
La flotte comprend alors 12 MiG-21MF, un escadron de chasseurs bombardiers équipé de 2 Su-7BMK, un escadron d’attaque équipé d’avions de chasse MiG-17, un escadron de bombardiers tactiques équipé de 4 Il-28 et un escadron de 2 CM-170 et 2 MiG-15 pour l’entraînement.
Vers la fin de la même année, le premier lot de 5 MiG-23 à géométrie variable est acquis, ainsi qu’un premier lot d’avions de chasse MiG-25 Foxbat, toujours employé dans les missions de reconnaissance aérienne.
Un peu plus de quarante après, « l’aviation algérienne », est la plus puissante du continent Africain. « Seules l’Ouganda et l’Afrique du Sud pourront rivaliser », écrit Military Watch Magazine.
En effet, dans son classement mondial des forces aériennes dans le monde, rendu public ce mardi 06 avril, le magazine spécialisé, place l’Algérie à la première position africaine.
Dotée de l’une des plus grandes flottes d’Afrique, l’armée de l’air algérienne combine en effet, des quantités d’armements avec la modernité et un niveau élevé de formation du personnel sans égal en Afrique.
L’épine dorsale de la flotte est composée de 48 chasseurs lourds Su-30MKA – un dérivé avancé de la génération 4+ du Su-30 Flanker doté de capteurs puissants, d’une performance de vol impressionnante et de la possibilité d’engager toutes sortes de cibles avec un arsenal diversifié d’armes. Le Su-30 est soutenu par de petits escadrons tactiques de chasseurs MiG-29S de poids moyen composés de 23 chasseurs.
Les avions de l’ANP sont tous équipés d’armes de pointe, notamment des missiles air-air à longue portée R-27ER et R-77, les Su-30 pouvant déployer des missiles de croisière Kh-31 Mach 3.
L’armée algérienne déploie également la plus grande flotte de chasseurs d’attaque d’Afrique avec 36 jets Su-24M en service et un escadron de 15 intercepteurs Foxbat MiG-25PDS, qui sont considérés comme les variantes les plus modernes de la plate-forme de troisième génération avec des capteurs avancés de quatrième génération, des systèmes d’avionique et de guerre électronique.
A noter que le MiG-25 est le jet de combat le plus lourd d’Afrique et le plus rapide du monde, et est capable de fonctionner à des altitudes extrêmes et à des vitesses de Mach 3,2.
Des experts cités par Military Watch Magazine n’écartent pas l’’aquisition prochaine « par l’Armée de l’Air algérienne de nouvel avions de combat dernière génération ».
La leçon algérienne…
Military Watch Magazine n’a pas manqué par ailleurs de rappeler dans son dernier classement des forces aériennes dans le monde, l’un des épisodes les plus glorieux de l’aviation algérienne.
C’était en novembre 1988, quand un bombardement israélien contre l’OLP à Alger a été déjoué.
L’OLP avait cherché à organiser un grand congrès en 1988, au cours duquel elle déclarerait l’avenir de «l’État palestinien» qu’elle voulait former, mais a été avertie qu’une telle réunion ferait l’objet d’attaques israéliennes. Au départ, l’OLP voulait tenir ce congrès à Bagdad mais en raison de la guerre de l’Irak avec l’Iran, l’Afrique du Nord était considérée comme plus sûre.
Cependant, les Palestiniens ont été avertis qu’Israël attaquerait, quel que soit le lieu du congrès. Par conséquent, ils ont choisi Alger. C’était considéré comme un endroit plus sûr.
L’Algérie étant choisie pour abriter le congrès et acceptant de le faire, l’armée de l’air israélienne devrait s’attaquer à l’une des forces armées arabes les plus capables, les mieux armées et les mieux entraînées.
Le congrès de l’OLP s’est tenu à l’hôtel Club des Pins à environ 20 km à l’ouest d’Alger, et l’armée algérienne a déployé des efforts considérables pour protéger le site de la frappe israélienne attendue.
Une zone d’exclusion aérienne dans un cercle de 20 kilomètres a été établie autour du Club des Pins, qui était renforcée par les systèmes de défense aérienne mobile 2K12 KuB – un prédécesseur des systèmes modernes BuK-M2 et BuK-M3.
Le 10 novembre 1988, une formation de F-15 a été détectée par le réseau de défense aérienne algérien s’approchant de son espace aérien à moyenne altitude.
Plus de MiG-25 ont été brouillés pour renforcer ceux déjà en patrouille, mais n’ont pas été guidés pour intercepter les jets israéliens qui étaient encore beaucoup trop loin.
Les intercepteurs algériens ont plutôt reçu l’ordre de monter et de prendre position devant les combattants entrants – où ils pourraient profiter de leurs plafonds à plus haute altitude pour lancer des attaques de missiles.
De plus en plus de stations radar algériennes ont été activées et ont commencé à suivre la formation israélienne qui approchait.
Le MiG-25 était l’avion de combat soviétique le plus performant proposé à l’exportation à l’époque, et était l’avion de combat le plus rapide au monde. Les avions étaient plus lourds que les F-15, pouvaient voler plus haut et transportaient des missiles à plus longue portée.
L’Algérie venait de renter dans l’Histoire, pour ne pas s’être d’abord laissée intimidée. Deuxièmement pour avoir repoussé une menace que la plupart des pays redoutaient.
Tout en saluant le rapport de la commission Duclert, qui exonère la France de l’accusation de complicité de génocide, l’ex-ministre des affaires étrangères concède que les autorités françaises ont manqué « de compréhension » face à des événements qui appelaient à agir sans délai.
L’ancien premier ministre Alain Juppé, à Paris, en 2019. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Tribune. Il y a vingt-sept ans, le 7 avril 1994, Joseph Kavaruganda était assassiné au petit matin par des soldats de la garde présidentielle du régime rwandais. Un génocide débutait. Ce magistrat intègre, président de la Cour constitutionnelle de son pays, tombait parmi les premières victimes de l’extermination des Tutsi et de leurs « complices », ces Hutu démocrates dont il était l’un des plus éminents représentants.
Membre du Conseil constitutionnel de la République française, je veux honorer la mémoire du président Joseph Kavaruganda, je veux saluer cet homme de paix et de droit que la communauté internationale n’a pas su protéger des tueurs de l’Etat rwandais.
Joseph Kavaruganda s’était fréquemment opposé au président Juvénal Habyarimana et aux extrémistes qui l’entouraient. Il avait critiqué l’instauration d’un multipartisme de façade, où les droits de l’opposition n’étaient pas garantis. Il avait appuyé l’adoption des accords d’Arusha (le 4 août 1993), qui prévoyaient, avec le soutien de la France, un partage du pouvoir, et s’était efforcé d’obtenir leur bonne application, en évitant notamment, en 1994, de faire prêter serment à un gouvernement extrémiste.
Victime de plusieurs tentatives d’assassinat, y compris dans les murs de la Cour constitutionnelle, Joseph Kavaruganda ne baissa jamais la tête et continua à défendre avec détermination la démocratie. Le 7 avril, enlevé chez lui devant sa famille, il fut assassiné par ces extrémistes auxquels il n’avait jamais cédé. Il nous offre une leçon de courage personnel, il nous rappelle la dignité de la loi face à l’empire de la barbarie.
Le film "Qu'un sang impur" sort sur grand écran mercredi 22 janvier et évoque le sujet encore très douloureux de la guerre d'Algérie. Son réalisateur, Abdel Raouf Dafri, ne prend pas parti et montre les horreurs pratiquées des deux côtés.Retrouver toutes les infos sur la vidéo sur :
La commission d’historiens, nommée par le président Emmanuel Macron pour étudier le rôle de la France au Rwanda au début des années 1990, a rendu son rapport le 26 mars. Elle conclut à des « responsabilités lourdes et accablantes » de Paris dans les crimes commis en 1994, notamment le génocide de près d’un million de Tutsis. Malgré les polémiques sur la composition du groupe de chercheurs présidé par Vincent Declert — aucun spécialiste des Grands Lacs africains au motif que l’angle de l’étude porte sur la politique française — ce rapport constitue une étape importante dans le dévoilement des choix et des actes effectués par les autorités françaises de l’époque. La nature et le périmètre des fautes commises en haut lieu s’éclairent (lire « Connivences françaises au Rwanda »).
Si toutes les archives n’ont pu être consultées, en particulier celles de la famille Mitterrand, les documents analysés permettent de comprendre les chaînes de commandement et leurs contradictions. Il en ressort que, très tôt, l’Élysée a pris en main de dossier du Rwanda dont elle faisait le symbole de la politique nationale en Afrique : présenté comme démocratique, le régime de Kigali luttait contre une tentative de déstabilisation militaire venue de l’étranger (Ouganda) et favorable aux intérêts anglo-saxons. Ce récit simpliste justifiait, aux yeux de l’exécutif, le soutien à un gouvernement raciste y compris après la prise de pouvoir par les extrémistes hutus et le déclenchement du génocide.
Les avertissements adressés par les services de renseignement sur place ont été volontairement ignorés alors qu’ils signalaient la dérive criminelle des autorités rwandaises. Des hauts fonctionnaires civils et militaires, qui contestaient cette fable dangereuse, ont été écartés et mis au placard. La responsabilité personnelle de François Mitterrand, dont le cynisme n’est plus à démontrer, est totale : avec son état-major particulier, il a court-circuité les institutions de l’État — gouvernement et Parlement — et menti aux élus et à la population en diffusant la fable du « double génocide ». Il a placé les soldats français de l’opération Turquoise, décidée en accord avec les Nations unies dans un but « humanitaire », dans une position impossible dont certains sont demeurés traumatisés (lire « Comprendre le génocide rwandais »). La France a accueilli et protégé des criminels en fuite. L’Élysée a mis un couvercle sur les procédures normales de l’administration et de la justice. Cette vision personnelle et hautaine du pouvoir illustre les travers rédhibitoires de la Ve République.
Il reste encore bien des zones d’ombres à dévoiler sur cette période, notamment la question des livraisons d’armes françaises au régime de Kigali après le déclenchement du génocide. Le travail des historiens doit se poursuivre. La politique africaine de la France et ses opérations extérieures ne peuvent plus demeurer un pouvoir quasi discrétionnaire de l’exécutif (lire aussi le reportage d’Anne-Cécile Robert, « Au Rwanda, vivre avec le génocide »).
Dix ans après le génocide
Rwanda, retour sur un aveuglement international
par Colette Braeckman
Un million de morts en cent jours, et le monde n’en aurait rien su ? Depuis l’indépendance, en 1962 tous ceux qui s’intéressaient au Rwanda savaient que le feu couvait. En 1959 déjà, assistés par les Belges, qui avaient parié sur la majorité ethnique, les Hutus, ces derniers avaient chassé du pays plus de 300 000 Tutsis. Dès l’entrée en guerre, en octobre 1990, du Front patriotique rwandais (FPR) — une organisation politico-militaire se battant pour le retour des exilés et dont les membres, réfugiés en Ouganda, s’exprimaient en anglais -, chaque avancée s’était traduite par des massacres de Tutsis.
En août 1993, sous la pression des bailleurs de fonds, des accords de paix furent signés à Arusha, en Tanzanie. Ils prévoyaient la mise sur pied d’un gouvernement de transition dans lequel le FPR serait représenté aux côtés de l’opposition politique, avec la garantie d’une force de paix onusienne. A l’époque, seuls les diplomates étrangers se montrèrent optimistes. A tel point que les pays membres du Conseil de sécurité estimèrent bien suffisant de doter le Rwanda d’un détachement de 2 548 hommes (au lieu des 4 500 que réclamait le commandant de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (Minuar), le général canadien Romeo Dallaire) et de limiter son action au chapitre VI de la Charte des Nations unies, qui interdit le recours à la force. Il est vrai que le Rwanda, pauvre et apparemment dépourvu d’intérêt stratégique, subit le contrecoup de la débâcle des Etats-Unis, quelques mois plus tôt, en Somalie et que nul, à part les Belges et les Français, ne souhaitait réellement s’y engager (1).
Cependant, les indices inquiétants ne manquaient pas : en juillet 1993, les « durs » du régime s’étaient cotisés pour lancer la Radio-télévision des mille collines, qui dénigrait les accords de paix, lançait sur les ondes une propagande haineuse à l’encontre du FPR, des Tutsis en général et du contingent belge, accusé de partialité en faveur du FPR. A partir de février 1993 déjà, des dizaines de milliers de jeunes Hutus furent recrutés, et, dans des camps qu’on apercevait de la route, ils furent entraînés au maniement d’armes à feu et de machettes. Comment les coopérants militaires belges et français, qui tenaient leurs gouvernements informés du moindre mouvement de troupes, auraient-ils pu ignorer cette mobilisation ?
A cette même époque, des crédits avancés par la Banque mondiale étaient détournés pour acheter des armes à feu, des machettes. Grâce à des fonds garantis par le Crédit lyonnais, l’Egypte avait effectué plusieurs livraisons d’armes et de munitions. En octobre 1993, au Burundi, l’assassinat par des militaires tutsis de Melchior Ndadaye, un président hutu légalement élu, contribua à aiguiser les tensions au Rwanda.
En janvier 1994, les soupçons se transformèrent en certitude lorsqu’un informateur confirma à la Minuar que tous les Tutsis avaient été dûment enregistrés. Ce dernier décrivit l’entraînement des Interhamwe (ceux qui tuent ensemble), la constitution de dépôts d’armes et de munitions, et fournit la preuve de ses assertions en conduisant des casques bleus dans un sous-sol, au siège du parti présidentiel, transformé en cache d’armes. Il souligna également les menaces qui pesaient sur les casques bleus belges.
Mais le télégramme codé que le général Dallaire envoya à New York le 15 janvier, demandant l’autorisation de démanteler les caches d’armes, n’obtint pas la réponse escomptée : le département des opérations de maintien de la paix, dirigé à l’époque par M. Kofi Annan, lui interdit toute action (2). Tout au plus les ambassadeurs occidentaux s’ouvrirent-ils du problème au président Juvénal Habyarimana et, ce dernier, tout en niant la réalité des faits... fit distribuer les armes dans toutes les communes.
D’abandon en abandon
Malgré les avertissements formulés en février à Kigali par le ministre belge des affaires étrangères Willy Claes, malgré l’assassinat de Félicien Gatabazi, ministre des travaux publics et dirigeant du Parti social-démocrate, malgré les courriers adressés au général Dallaire par plusieurs officiers supérieurs dénonçant un « plan machiavélique », malgré la multiplication des attentats et la montée, presque tangible, de la violence, rien ne changea. Le mandat de la Minuar ne fut pas modifié, et le Conseil de sécurité se contenta, le 17 février, d’exprimer ses « inquiétudes ».
Le 6 avril 1994, l’attentat contre l’avion du président Habyarimana (dont les auteurs et les commanditaires n’ont toujours pas été identifiés...) marqua le début du génocide. Une campagne d’assassinats ciblés, visant des personnalités hutues modérées et de simples citoyens tutsis — opération planifiée depuis des mois et rigoureusement exécutée — fut présentée comme « l’expression de la colère populaire » à la suite de la mort du chef de l’Etat. A ce moment, les forces de l’ONU étaient dispersées à travers le pays, elles manquaient de munitions et d’effectifs et, lorsque le général Dallaire et son adjoint, Luc Marchal, apprirent, dans la matinée du 7 avril, que dix casques bleus belges chargés de la protection du premier ministre étaient en difficulté à Kigali, la possibilité de se porter à leur secours ne fut même pas envisagée.
Alors que les cadavres étaient ramassés par les camions de la voirie, que les équipes de tueurs sillonaient la ville et que le général Dallaire demandait du renfort, il fut surtout question d’évacuer les expatriés. Dans ce but, les Français dépêchèrent 450 hommes, les Belges envoyèrent 450 paras et 500 autres au Kenya, 80 Italiens se joignaient à l’opération, tandis que 250 rangers américains se trouvaient au Burundi. Si elles avaient joint leurs efforts à ceux de la Minuar, ces troupes occidentales auraient sans doute pu enrayer les massacres à Kigali, faire taire la radio extrémiste, imposer un cessez-le-feu.
Mais, sur ordre de leur gouvernement, ces forces se limitèrent à une mission d’évacuation des ressortissants étrangers, abandonnant les civils tutsis, y compris les couples mixtes, les employés d’ambassade, dont le personnel du centre culturel français, et des dizaines de Tutsis qui s’étaient mis sous la protection de l’ONU. Les casques bleus furent, eux aussi, abandonnés à leur impuissance. Sur ordre du président François Mitterrand, les Français veillèrent cependant à évacuer la veuve du président Habyarimana, qui appartenait au clan des « durs » et à mettre en lieu sûr quelques personnalités du régime.
Le Rwanda n’était pas encore au bout de l’abandon : le 12 avril, le ministre Willy Claes, traumatisé par le meurtre des dix casques bleus, annonça au secrétaire général de l’ONU Boutros Boutros-Ghali que le contingent belge de la Minuar allait être retiré, et il se lança dans une action diplomatique pour tenter de persuader les autres pays d’en faire autant.
Au même moment, le représentant du Rwanda, lié aux extrémistes, siégeait au Conseil de sécurité au titre de membre non permanent ; des représentants de son gouvernement étaient officiellement reçus à Paris, et la France, via Goma au Nord-Kivu, poursuivait ses livraisons d’armes. Quant aux Américains et aux Britanniques, c’est avec constance qu’ils s’opposèrent au renforcement des effectifs de la Minuar, comme si la seule urgence était de ne rien faire. La secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright veilla d’ailleurs à interdire l’usage du terme « génocide » car il entraîne une obligation d’intervention et, fin avril, M. Boutros Boutros-Ghali parlait encore de « guerre civile ». Le 21 avril, la résolution 912 du Conseil de sécurité opta pour une réduction de la force de l’ONU au Rwanda, qui allait compter moins de 500 casques bleus. Ces derniers étaient dépourvus de nourriture, de munitions, de véhicules et même d’eau potable, impuissants à secourir les civils, qui réclamaient protection ou assistance, même s’ils menèrent avec courage et succès de nombreuses opérations d’évacuation.
Quand la presse s’intéressa au Rwanda, ce fut pour filmer, depuis l’Ouganda, les corps qui dérivaient sur le lac Victoria, ou pour suivre l’exode massif de Hutus qui, leur crime achevé, avaient fui vers la Tanzanie pour échapper aux représailles.
Bien avant, Philippe Gaillard, au nom du Comité international de la Croix- Rouge, Médecins sans frontières, dont le personnel et les malades avaient été massacrés à Butare (3), le général Dallaire lui-même avaient multiplié les témoignages bouleversants, les appels à l’aide. Il fallut attendre les 11 et 12 mai pour que le commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, M. José Ayala Lasso, venu sur les lieux, utilise enfin le terme de génocide. A ce moment, la presse, dans sa grande majorité, parlait encore de « massacres interethniques », de « luttes tribales ». Alors que les tueries étaient commanditées et organisées par le gouvernement intérimaire mis en place après la mort d’Habyarimana, le Rwanda était décrit comme un « Etat en faillite », plongé dans une sorte d’anomie barbare. Comme s’il fallait à tout prix transposer le cliché somalien dans ce pays très hiérarchisé, où les citoyens ont l’habitude d’obéir aux ordres venus d’en haut...
Ecrasante responsabilité de la France
Ce n’est qu’en juin que la tragédie commence à émouvoir l’opinion. Le Conseil de sécurité, malgré l’opposition américaine, a fini par voter en faveur d’une Minuar 2 renforcée, mais l’ONU ne trouvait ni les hommes ni l’argent pour mettre sur pied cette mission. Les Etats-Unis, pressentis pour fournir les véhicules et les blindés, entendaient être payés d’avance... Quant au FPR, il avançait lentement mais sûrement vers Kigali, prenant en tenaille ses adversaires et leurs victimes ; il estimait qu’une intervention étrangère était désormais inutile.
Non seulement parce que la plupart des Tutsis étaient déjà morts, mais surtout parce qu’il n’entendait pas se faire voler sa victoire. C’est alors que la France prit les devants : le 22 juin, elle obtint du Conseil de sécurité l’autorisation de lancer une opération couverte par le chapitre VII, autorisant le recours à la force.
S’il était trop tard pour sauver des centaines de milliers de civils, disparus durant les premières semaines du génocide, et si 10 000 à 15 000 personnes seulement purent être recueillies dans les camps de Nyarushishi et de Bisesero, il était encore possible d’essayer de sauver la mise du gouvernement intérimaire. Ce dernier accueillit les Français avec enthousiasme, espérant que l’opération « Turquoise » enraye l’avance du FPR, impose une négociation sur la base d’un partage du territoire. Mais l’avancée rapide des troupes du FPR et finalement l’émotion de l’opinion réussirent à diviser le gouvernement français. Contre les militaires qui voulaient « casser les reins du FPR » et ne cachaient pas leur solidarité avec leurs anciens frères d’armes hutus, des « francophones » qu’ils avaient formés et équipés, le premier ministre Edouard Balladur décida de réduire les ambitions des militaires de l’opération « Turquoise ». Ces derniers, obligés de prendre contact avec le FPR, durent se contenter de créer dans l’ouest du pays une « zone humanitaire sûre » vers où convergèrent tous les groupes extrémistes ainsi que le gouvernement intérimaire, encadrant ainsi des millions de civils hutus.
Dans cette zone, les Français furent impuissants à empêcher de nombreux massacres, mais ils refusèrent de désarmer militaires et miliciens, ils se gardèrent bien d’arrêter les responsables du génocide qui, par la suite, se réfugièrent au Zaïre, et n’interdirent pas les émissions haineuses de la Radio des mille collines. Les Français, qui avaient amené des hélicoptères de combat, des avions Jaguar et des Mirage, une centaine de blindés et des mortiers, mais trop peu de camions et de médicaments, se retrouvèrent impuissants devant l’épidémie de choléra qui se déclencha à Goma et emporta plus de 40 000 réfugiés hutus.
A ce moment, attirée sur le terrain par la présence française et les facilités de communication, enfin sensibilisée à la tragédie rwandaise, la presse fut au rendez-vous, les humanitaires aussi. Le nouveau pouvoir s’installa à Kigali dans un véritable désert : les cadres de l’Etat avaient pris la fuite, emportant dossiers, véhicules et dépôts bancaires, 300 000 orphelins erraient à travers le pays. Mais la communauté internationale réchigna à intervenir et à aider le FPR, les uns dénonçant le « double génocide », les autres exigeant que le régime donne « des gages de réconciliation », alors que les corps gisaient encore dans les fossés.
En réalité, malgré ses bonnes relations avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, le FPR payait le fait d’avoir conquis le pouvoir dans un pays francophone, sans avoir obtenu l’assentiment des anciennes puissances coloniales.
La présence dans les camps du Kivu de plus de deux millions de réfugiés hutus, encadrés par les auteurs du génocide et nourris par l’aide humanitaire, allait durablement déstabiliser la région. En octobre 1996, après avoir vainement demandé au Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) et aux autres agences de l’ONU d’éloigner de la frontière de son pays la menace que représentaient ces camps, M. Paul Kagame, qui dirigeait le FPR, lançait une offensive destinée à contraindre au retour les réfugiés rwandais, à disperser les autres à travers l’immense Zaïre (devenu par la suite République démocratique du Congo).
La communauté internationale, impuissante à prévenir un génocide planifié et annoncé, assistait à un nouveau tour de roue de la tragédie : après sept mois, le maréchal Joseph Désiré Mobutu, soutenu jusqu’au bout par les Français, était renversé par Laurent Désiré Kabila et ses alliés rwandais et ougandais. Jusqu’à ce que, en 1998, éclate une nouvelle guerre, les Rwandais étant toujours à la poursuite des Interhamwe en fuite et se livrant au passage, avec leurs alliés ougandais, au pillage des ressources du Congo. Au million de morts du génocide, allaient succéder plus de trois millions de victimes congolaises, oubliées elles aussi, prises au piège de la guerre, du pillage des ressources naturelles et d’une sourde lutte d’influence entre francophones et anglophones pour le contrôle du cœur de l’Afrique.
Le président rwandais Paul Kagamé a appelé le 13 février, à Kigali, les dirigeants africains participant au sommet consacré au Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) à lutter contre la « mauvaise gouvernance », une des causes, selon lui, du génocide de 1994 au Rwanda. On pourrait y ajouter la responsabilité des pays et institutions — Organisation des Nations unies, Etats-Unis, France, Belgique — qui, à l’époque, n’ont pas su réagir, malgré les appels au secours venus de ce pays.
20 ans après l'exode, que deviennent les "Pieds-noirs" ? Une réponse est esquissée à travers l'histoire de Marcel, retraité qui se languit de l'Algérie et décide de retourner quelques jours sur sa terre natale, sur la trace des fantômes de son passé. André Cayatte signe le touchant retour aux sources d'un homme déraciné, en quête de son identité.
Casbah des dockers des pères de famille des chômeurs des frères et des sœurs qui déversent des larmes d’amertume des honnêtes hommes et des imams
Casbah des prostituées des souteneurs et des proxénètes Casbah blanche des touristes en mal de romantisme
N’oublie pas que je suis un des tiens et aujourd’hui loin de toi je revois mon visage sale mes vêtements déchirés mes pieds nus mes amis qu’on appelait les yaouleds les cireurs et les voyous ma jeunesse et l’école où je n’allais qu’au début de l’année
Casbah des disparus des hommes qu’on arrête à l’aurore des frères qu’on recherche pour acte d’héroïsme et qu’on veut abattre
Casbah des paras des cordes des camions et des 120 V. des enfants qu’on torture des hommes qu’on fusille au coin de la rue
Casbah des politiciens et des politiques des bleus des hommes de mains et des gardes de corps Casbah blanche des ahuris et des béni-oui-oui
Casbah de Serkadji d’Ali la Pointe de Didouche et des héros sans nom Casbah de Bab el Djedid de Bab el Oued et de Bab Azoun
N’oublie pas que je suis un des tiens et aujourd’hui loin de toi je revois mes vingt ans les terrasses pleines de soleil
les réunions clandestines les enfants qui s’amusent près des frères qui meurent les papiers qui circulent de main en main le printemps qui surprend la Certitude les cheveux et les yeux noirs de nos femmes qui ont perdu le sourire les tracts les larmes qui défient le soleil
Je revois les frères qui manifestent et qui brandissent des pancartes Serkadji avec ses cours ses cellules ses couloirs ses gardiens – l’appel – son escalier interminable
Serkadji de 1956 avec mes frères ma maladie et ma jeunesse
Casbah n’oublie pas que je suis un des tiens
Comme un cygne paré de sa blancheur laiteuse,
La Casbah s'apprête à recevoir le soleil arqué à l'horizon.
Paraissant immobile, le soleil avance, et la Casbah en révérence ailée, le salue.
Et toi, baie d'el Djazaïr,
comme une
vierge de Botticelli qui attend tout de l'amour
tu drapes ta nudité en baissant pudiquement les paupières.
C'est la grâce de son sillage qui rend le cygne attirant,
C'est la rondeur de la terre qui rend le soleil heureux,
C'est aussi le sourire des étoiles qui rend les terrasses joyeuses.
Si je m'avisais à décrire ton état actuel, mienne Casbah,
je me détruirais tout en te détruisant.
Ne dit-on pas que lorsque le cygne sent l'approche de son départ,
il annonce sa mort en offrant son chant à tous les alentours.
Si le chant du cygne est le chant du grand départ,
pour toi mon chant est comme une ode.
Tu me fais écrire des mots dont tu composes la musique.
Tu me fais dire des paroles décrites par ton climat.
Tant que je t'adule je ne peux t'abhorrer,
et tant que tu es là je ne peux t'oublier
Quant à ceux qui m'invitent à écrire sur la Casbah...
Ô mon Dieu, comme la Casbah est très demandée ces jours-ci.
Je leur dirai que la Casbah est encore celle
que le regard de mon enfance a coincé dans une impasse.
Dans cette impasse il n'y a qu'elle et moi
Elle, encore vierge malgré son âge sans âge.
Moi pas jeune du tout
quoique dans mes yeux pétille un accent de vie de jouvence,
que seul je sens lorsque près d'elle je suis.
Je me rappelle cette nuit là !
C'était une nuit sans lune, sans éclairage.
Un nuit où les marches d'escaliers vous guettent
pour vous surprendre et vous faire glisser, le long de la ruelle,
pour vous la faire haïr davantage.
....
Se retrouver dans la nuit et le noir de la nuit
avec un corps pour flambeau
un coeur pour lumière
une âme pour servir
C'est retrouver la Casbah dans toute sa juvénilité millénaire.
C'est retrouver des ruelles qui vous guident jusqu'aux sources de la vie.
C'est retrouver des murs qui vous racontent les récits collés à leur patine.
C'est retrouver les terrasses qui vous confient les échos
des voix de nos parents confondues dans les nues.
C'est retrouver les confidences de la mer qui vous réconforte
avec la pureté qu'elle sait circonscrire dans ses moments de bon accueil.
C'est se retrouver soi-même en train d'apprendre à respirer la respiration,
comme on respirerait une rose qui vous serait offerte par surprise.
...
Sous le dôme de ma Casbah, j'ai retrouvé les restes de l'école musicale
arabo-andalouse, avec un je ne sais quoi de parfum de cédrat d'antan.
Et la musique comme un plain-chant serein réveille à la vie ce coeur souverain.
En respirant les noubas arabo-andalouse,
je lisais la démarche sonore comme le rebond d'une balle
qui ne s'arrête pas de bondir et rebondir,
en décrivant des arcs autour de la terre.
Voyez-ça d'ici ou plutôt voyez-ça avec votre ouïe.
Des arcs qui se croisent et s'entrecroisent.
Des arcs qui ne finissent plus d'imiter le dôme.
Des arcs par où coule la musique comme on ferait couler de l'or fondu.
Des arcs en or fondu pour obtenir un arc musical
par où passerait le cortège d'amour de musique vêtue..
Rendre grâce à la terre pour être mieux aimé par elle,
c'est ce que le musique arabo-andalouse fait en flânant sereinement autour.
La modale de la musique arabo-andalouse ne se multiplie pas
pour architecturer une superposition de vibrations sonores
qui veulent défoncer le ciel.
Elle est un acte d'amour qui répond aux besoin de la terre.
Je me sentais une intimité foisonnante qui se collait à la peau de la terre.
Je voyais tomber des gouttes d'étoiles comme des flocons de neige
et la terre en était imbibée.
Le dôme recevait cette offrande comme un don de la vie à la vie.
Comme une vision peinte par Salvador Dali, le dôme fondait en tous les tons.
Toute une ribambelle de demi-tons se joignaient à la noce.
Toute une myriade de corpuscules se bousculaient autour du quart de ton.
...
Voir une ligne droite qui ondule et épouse les formes du corps humain jusqu'à l'ubiquité,
c'est voir un rai de lumière qui paraphe son parcours.
Une clé de sol qui s'agite et se démène pour bâtir sa maison.
Une gamme de serrures qui attendent l'avènement de leurs vies.
Une profusion de signes où se reconnaît l'appel de la terre entière.
Chaque montagne, chaque vallée, chaque champs, chaque prairie, chaque mer, chaque océan
chaque vie s'animait en s'identifiant à travers la profusion de signes.
L'image de ma Casbah avait toute la terre pour espace.
Le monde musical que je respirais n'avait d'autre droit
que celui d'ouvrir les voix à la clarté de la parole,
pour que le jour ouvre à la nuit l'entrée du secret des lumières.
Ma Casbah et moi sommes à l'aise dans notre placenta planétaire.
Voici que la musique s'empare de ma plume et me demande
de prêter ma perception à tout ce qui m'entoure.
Je dresse mon coeur.
Assidûment , je dresse mon coeur et j'entends
une polyphonie assourdissante, comme étouffée,
elle me parvient des façades des maisons.
Ces façades qui semblent remercier leurs bâtisseurs.
Ces façades qui ne finissent pas d'être des façades
et comme façades on ne trouverait pas mieux.
Ces façades qui se révèrent et se prosternent toutes en même temps.
Avez-vous jamais vu une cité qui se prosterne ?
Venez à ma Casbah, vous les verrez comme elles acceptent
cette attitude à la fois humble et altière.
Chacune d'elle est un serment témoin.
Chaque maison de distingue par sa génuflexion spéciale.
Chaque terrasse se singularise pour épater sa voisine.
Chaque patio sert de place publique aux muses heureuses de danser la musique
Chaque arceau sur sa colonne chante la modale du marbre enivré par sa torsade.
Chaque ruelle est une corde de luth et quand la corde vibre,
l'âme de toute la médina frissonne au son de cet accent envoûtant.
Chaque fontaine est une oasis d'attraction,
et la bousculade des enfants vaut tout un spectacle.
Une cité qui se prosterne face à la mort, face à la vie
ne peut être une cité comme les autres.
Un médina pareille a quelque chose en plus et cette chose là:
C'est l'amour avec lequel l'endroit a été choisi.
C'est l'amour avec lequel le maçon l'a construite.
C'est l'amour avec lequel l'histoire l'a glorifiée.
C'est l'amour avec lequel moi-même,
pris dans les mailles de son filet,
je me complais à y rester
pour continuer à respirer et à attendre
celui qui,
par cette nuit noire,
vint me rendre visite pour me marquer au front.
HIMOUD BRAHIMI
àà
Casbah Lumière est l'un de ces livres que l'on ne rencontre pas tout à fait par hasard. De ces livres rares qui ont l'air de choisir eux-mêmes leurs lecteurs. Rare, parce qu'il y a là, sous forme poétique et littéraire, une parole. Une voix inspirée, capable de retransmettre tout un héritage - la magie de cette Casbah millénaire aujourd'hui menacée de disparition - et d'ouvrir un chemin de connaissance.
Himoud Brahimi, «Momo de la Casbah» pour les gens d'Alger : celui qui dit la vérité. Mais la vérité dérange et l'on préfère le prendre pour un fou. Métaphysicien, poète, comédien... La foule l'a marginalisé comme une sorte de derviche. Momo, libre et serein, un être d'exception dans l'Algérie d'aujourd'hui, jamais publié depuis l'Indépendance, pourrait être le symbole de la rencontre réussie des cultures de la Méditerranée.
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