Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
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Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Par
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
Zawahiri, le successeur de Ben Laden, voue une haine particulière à la France, que la branche d’Al-Qaida au Sahel a désignée comme ennemi principal.
Iyad Ag-Ghali, en juillet 2014 (capture d’écran)
Cela fait dix ans aujourd’hui qu’Oussama Ben Laden a été tué dans un raid américain au Pakistan. Le chef d’Al-Qaida n’accordait qu’une place secondaire à la France par rapport aux Etats-Unis dans sa campagne de terrorisme contre « les Juifs et les Croisés », ainsi que les Occidentaux sont stigmatisés dans la propagande jihadiste. Il a fallu attendre juin 2008 pour qu’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), établie un an plus tôt par des jihadistes algériens, tue un ingénieur français à l’est d’Alger, dans un double attentat où onze Algériens ont également péri. En revanche, Ayman Zawahiri, le successeur égyptien de Ben Laden, considère que la France est « l’ennemie de l’Islam » depuis l’expédition du général Bonaparte en Egypte, en 1798-99. Il voit en effet dans la Révolution française une des sources des Lumières arabes, désignées sous le terme de Nahda (Renaissance), dont le jihadisme contemporain prétend liquider l’héritage.
UNE ALLIANCE JIHADISTE AUX AMBITIONS REGIONALES
La branche de loin la plus active du réseau mondial d’Al-Qaida est le « Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans » (GSIM/JNIM dans son sigle arabe). Cette coalition jihadiste est constituée en mars 2017 sous l’autorité d’Iyad Ag-Ghali, le chef touareg d’Ansar Eddine (les « Partisans de la Religion »), actifs dans le nord du Mali. Outre AQMI et une de ses dissidences, le GSIM intègre le Front de libération du Mecina (FLM), implanté dans le centre et le sud du pays. Iyad Ag-Ghali prête allégeance à Zawahiri au nom du GSIM, amplifiant une rhétorique anti-française devenue obsessionnelle. En mars 2018, le groupe lance une attaque coordonnée sur le centre de Ouagadougou, visant aussi bien l’ambassade de France au Burkina Faso que l’état-major des forces armées. Même si l’assaut est repoussé, huit militaires et huit jihadistes sont tués. En octobre 2020, Iyad Ag-Ghali obtient la libération d’environ deux cents jihadistes au Mali en échange de celle de quatre otages, dont la Française Sophie Pétronin. En janvier dernier, le GSIM tue cinq militaires français dans deux attaques successives.
La France considère le GSIM et son chef comme la principale menace au Sahel, où monte pourtant en puissance la branche de « l’Etat islamique » pour le « Grand Sahara » (EIGS), responsable de la mort, en août 2020, de six humanitaires français au Niger. Alors qu’une rivalité sanglante oppose le GSIM à l’EIGS, les militaires français s’efforcent de ne pas favoriser l’un par défaut en privilégiant les frappes sur l’autre. C’est ainsi que des coup sévères ont été portés à l’EIGS après le raid français qui a coûté la vie au chef algérien d’AQMI, en juin 2020 au Mali. Les autorités françaises sont aussi préoccupées par les velléités d’expansion du GSIM vers le Golfe de Guinée, avec infiltration de militants en Côte d’Ivoire et au Bénin. Quant à Iyad Ag-Ghali, il semble ménagé par les généraux algériens, soucieux de se poser en médiateurs au nord du Mali. C’est ainsi que la famille du chef jihadiste résiderait à Tin Zaouatine, dans l’extrême sud algérien, et qu’Iyad Ag-Ghali aurait, selon une enquête très fouillée du « Monde », échappé en 2016 à une tentative occidentale de « neutralisation » dans la ville algérienne de Tamanrasset.
LE REVE D’ETRE LES TALIBANS DU SAHEL
Iyad Ag-Ghali, en dénonçant avec constance « l’occupation raciste et arrogante des croisés français », rêve d’un succès comparable à celui des talibans en Afghanistan, d’où les Etats-Unis viennent d’entamer leur retrait, après deux décennies d’intervention. De même que les talibans, ancrés originellement dans l’ethnie pachtoune, sont parvenus à élargir leur base ethnique et géographique, le GSIM a réussi à agréger aux insurgés touaregs d’Ansar Eddine les jihadistes peuls du FLM, étendant ainsi dangereusement son rayon d’action. La différence majeure entre les talibans et le GSIM est que Washington a accepté de négocier avec les premiers, marginalisant le gouvernement de Kaboul, alors que Paris refuse toute forme de pourparlers avec les seconds. Mais ce sont les autorités maliennes qui, après l’échange de prisonniers d’octobre dernier avec le GSIM, semblent tentées par un dialogue avec au moins une de ses composantes, le FLM.
Le GSIM, malgré son agressivité au Sahel, s’est révélé incapable, comme AQMI avant lui, de frapper le territoire français, se contentant de cibler des objectifs français dans sa zone d’implantation. De manière générale, la terreur d’Al-Qaida a moins sévi en France que celle de « l’Etat islamique », connu sous son acronyme arabe de Daech. Même la revendication de l’attentat de Charlie Hebdo, en janvier 2015, par la branche yéménite d’Al-Qaida paraît plutôt opportuniste, du fait de la responsabilité opérationnelle de Daech dans les attaques de cette semaine sanglante à Paris et dans sa banlieue. Il faut cependant reconnaître que l’acharnement anti-français du GSIM pousse une part croissante de l’opinion locale à croire que le calme reviendrait avec le départ des Français, comme si ceux-ci n’étaient pas intervenus en janvier 2013 pour endiguer une offensive jihadiste sur Bamako. Les réticences des membres de l’UE à rejoindre la force européenne au Sahel, à laquelle ne contribuent que la Suède, l’Estonie et la République tchèque, découlent également de cette conviction que la crise au Sahel serait un défi français plutôt qu’européen.
En cela, la guerre de propagande d’Al-Qaida, dix ans après la mort de son fondateur, a déjà porté ses fruits contre la France.
Le 14 avril 2021, le président Biden a annoncé le retrait des troupes américaines d’Afghanistan. Après 20 ans de guerre, les États-Unis laissent derrière eux un État instable, privé des moyens importants d’assurer efficacement sa sécurité et confronté à la réalité du retour des talibans sur le devant de la scène. Le point avec Georges Lefeuvre, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste de l’arc de crise Afghanistan-Pakistan-Inde.
Le 14 avril 2021, Joe Biden a annoncé le retrait définitif des troupes américaines d’Afghanistan pour le 11 septembre 2021, date symbolique. Peut-on parler de « défaite stratégique » pour les États-Unis ? Voire pour la communauté internationale ?
Le terme de « défaite stratégique » est assez faible. Après 20 ans de guerre, on parlerait plutôt d’échec cuisant. La dernière phrase d’une analyse que j’avais publiée dans Le monde diplomatique dès 2010, lorsque l’engagement militaire international était à son pic – 150 000 soldats -, disait pourquoi : « Les armées les plus puissantes du monde [risquaient] de subir le désagrément, non d’une défaite cinglante, mais d’un retrait sans gloire»[1]. Eh bien, nous avons les deux ! Évidemment, Joe Biden a habilement calibré son discours du 14 avril pour dire qu’après tout « le job avait été fait, ben Laden éliminé en 2011 et Al-Qaïda aujourd’hui très affaibli », ce qui est d’ailleurs faux. Les dépenses militaires directes dépassent désormais les 1 500 milliards de dollars, plus que le plan Marshall, et les troupes américaines seront donc restées 20 ans en Afghanistan, 7 300 jours, soit un engagement plus long que ceux additionnés de la Première Guerre mondiale, plus la Seconde, plus la guerre de Corée ! Une telle guerre dont les prolongements après 2001 avaient bien pour objectif, quoi qu’en dise aujourd’hui Joe Biden, de défaire définitivement les talibans, pour être finalement mis à genoux par ces derniers.
Alors, pourquoi à genoux ? Disons d’abord que l’échec est collectif : même si Donald Trump a précipité les choses par ses foucades et déclarations intempestives, les Américains n’étaient pas seuls pendant ces vingt années. La communauté internationale tout entière est responsable. Comment a-t-on pu à ce point laisser les talibans revenir en force sur le devant de la scène ? En 2001, les talibans étaient tous des Pachtounes, ce qui ne veut pas dire que tous les Pachtounes étaient talibans, mais, confondant la partie et le tout, la communauté internationale a développé une méfiance anti pachtoune voire une politique d’ostracisme. Désolé de me citer encore, j’ai maintes fois répété cette formule en 2002 : « Invitez les chefs de tribus pachtounes dans la boucle d’une réconciliation nationale, et le talibanisme (alors défait) se dissoudra comme sucre dans une tasse de thé ; faites le contraire et les talibans redeviendront le fer de lance d’une reconquête pachtoune du pays, derrière l’étendard de la sharia ». Et c’est bien ce « contraire » qui a prévalu, doublé d’énormes bavures dès le début de l’engagement militaire. Vingt ans plus tard, on se retrouve avec les talibans comme seuls interlocuteurs, ne représentant qu’un pourcentage donné d’une population pachtoune qui elle-même n’est pas représentative de l’ensemble du pays. Les autres ethnies, Tadjiks, Ouzbeks, Hazaras et d’autres encore sont bien entendu lassés de cette ethnicisation.
Mais le comble de la situation d’aujourd’hui, que les médias passent curieusement sous silence, est inscrit à l’alinéa 1 de la 3e partie de l’accord de Doha du 29 février 2020, où les États-Unis s’engagent à demander la validation de l’accord par le Conseil de sécurité des Nations unies[2]. Ce qui fut fait presque aussitôt, dès le 10 mars 2020, par la résolution n°2513, votée à l’unanimité du Conseil[3]. Or, les États-Unis ne peuvent se déjuger deux fois ! Joe Biden a bien tenté de revoir les termes de l’accord pour conditionner le retrait de ses troupes à une nouvelle lecture du texte. Mais les talibans n’ont pas manqué de rétorquer que les États-Unis ont apposé une double signature au dit accord de Doha puisqu’ils sont membres permanents du Conseil de sécurité qui s’est déterminé à l’unanimité ! Or, le texte de l’accord fixe au 1er mai 2021 la fin du retrait total de toutes les troupes étrangères. Les Américains sont piégés, mais aussi l’OTAN, incapable dans ces conditions de prendre des décisions lors des réunions des 17 et 18 février à Bruxelles. Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, ne cachait alors pas sa perplexité : « Si nous restons après le 1er mai, nous courrons le risque d’attaques contre nos troupes et celui de nous engager dans une présence continue, mais si nous partons, nous prenons le risque de perdre toutes les avancées et de voir l’Afghanistan devenir un refuge pour les groupes terroristes internationaux ». Tout le monde est impotent : ni les États-Unis ni l’OTAN ne peuvent revoir le texte. Joe Biden n’a alors plus d’autre choix que d’annoncer le retrait des troupes. Ce n’est pas une défaite stratégique, c’est un échec sans précédent sous onction des Nations Unies ! Les talibans défaits en 2001 dictent désormais leurs exigences à une coalition militaire de 39 pays qui regroupe les armées les plus puissantes du monde !
Dans quel état les Américains laissent-ils le pays, tant d’un point de vue sécuritaire que politique ?
Les Américains ont signé un accord bilatéral de sécurité (BSA) avec le président afghan Ashraf Ghani, au tout début de son premier mandat en 2014, et à ce jour, il n’est pas caduc. Mais comment faire quand le dernier soldat US aura quitté le sol afghan ? Actuellement, le « Central Command » du Pentagone (CENTCOM), déploie des porte-avions en mer d’Arabie et cherche des bases aériennes dans les pays voisins, Ouzbékistan (Karshi), Kirghizistan (Manas), Pakistan, comme l’avait fait G.W. Bush en 2001, mais ce sera un peu plus compliqué qu’en 2001, car les républiques d’Asie centrale restent dans le pré carré de la Russie avec qui les relations ne sont pas excellentes aujourd’hui. De toute façon, le général McKenzie, chef du CENTCOM, se demande bien comment des logistiques lourdes et à distance pourraient assurer les réactions rapides qu’exigent des opérations antiterroristes.
Un autre point important concerne l’armée afghane : peut-elle assurer la sécurité de son territoire ? On peut en douter : forte de 300 000 hommes, armée et police additionnées, elle souffre d’énormes carences, de désertions fréquentes et d’incertitudes budgétaires. Joe Biden a cependant assuré qu’il maintiendrait son aide, sans en préciser davantage les contours. Actuellement, l’aide américaine à l’armée afghane se chiffre à 4,5 milliards de dollars par an.
Quant à la question politique, malheureusement, le régime afghan actuel n’a pas réussi à résorber ses propres fractures. Entre un ex-Premier ministre (ou officiellement « Chef de l’Exécutif » puisque le poste de Premier ministre n’existe pas dans la constitution), Dr Abdullah Abdullah, un Tadjik du nord, aujourd’hui chef du Haut conseil pour la réconciliation nationale, et le président Ashraf Ghani, un Pachtoune AhmadzaI du Sud-est, la relation est toujours tendue. Mais cette tension entre les deux est tout à fait emblématique de la fracture de ce pays sur laquelle personne ne s’est jamais vraiment penché puisque la grille de lecture des experts en gestion des crises est presque toujours technique et rarement anthropologique. Le séquençage habituel ne fonctionne nulle part : 1/ débarrasser le pays de son dictateur ou d’un régime honni, 2/ rétablir les droits humains, 3/ mettre en place une démocratie représentative et développer une culture de la bonne gouvernance et 4/ dégager d’importants budgets de reconstruction du pays 5/ assurer la sécurité pendant tout le processus et repartir avec la satisfaction d’avoir vaincu le mal, disait G. W. Bush, et d’avoir fait triompher la démocratie… Dans toutes les expériences de la fin du XXe siècle et début du XXIe, Afghanistan, Irak, Libye, Mali, on a rarement dépassé le point 1 du séquençage. Pourquoi ? Ces guerres sans fin sont généralement basées sur des fractures des peuples non soignées depuis des siècles. Le sujet est donc vaste et ne peut contenir ici. L’ethnologue Germaine Tillion l’expliquait déjà lorsqu’elle parlait de l’Algérie : « Lutter contre le terrorisme, ce n’est pas seulement faire des opérations de police, c’est lutter contre ce qui l’engendre ». Et Edgar Morin n’a cessé de nous enseigner qu’on ne pouvait pas faire l’économie de la complexité pour comprendre les entrelacs des situations réelles. Très loin d’Edgar Morin, le général McChystal, commandant des forces de l’OTAN en Afghanistan en 2009 et 2010, déclarait en octobre 2011, devant le Council on Foreign Relations : « Nous ne connaissions pas l’Afghanistan (…) La plupart d’entre nous, moi y compris (…) avions à un degré effrayant une vision simpliste de ce pays et de son histoire. » Tout est dit, c’est la cause de l’échec.
La conférence internationale pour l’Afghanistan qui devait se tenir à Istanbul en avril a été une nouvelle fois reportée à la mi-mai avec pour objectif de relancer les négociations de paix. Que peut-on en attendre ?
Il n’y a jamais eu de négociations de paix. L’accord de Doha était un accord pour le retrait des troupes dans la région, et aujourd’hui, c’est la bérézina. Les négociations ont commencé au mois de septembre 2020 à Doha, et ont complètement échoué au mois de janvier. Pour le moment, on ne peut rien dire de plus. Les talibans, en position de force, s’en tiennent au texte du traité puisqu’il a été validé par le Conseil de sécurité des Nations unies. On peut toujours tourner autour de la question, mais jusqu’à preuve du contraire, les talibans engageront des négociations lorsque le dernier soldat aura quitté le pays. Je ne dis pas qu’on ne pourra pas obtenir des talibans qu’ils les engagent plus tôt, mais je n’y crois pas vraiment. Pendant l’été, l’armée américaine n’étant plus là, les talibans vont gagner énormément de terrain. Ils ont déjà reconquis quasiment la moitié du pays, et les « offensives de printemps » vont leur permettre de récupérer du pouvoir en septembre. Je ne suis pas optimiste sur cette question.
Le professeur Yigal Bin-Nun, un Israélien d’origine marocaine, « spécialiste des relations SECRÈTES » entre l’Etat hébreu et le royaume du Maroc, a publié récemment une rectification au travail de deux journalistes israéliens paru dans le quotidien Yediot Aharonot sur l’implication du Mossad dans l’assassinat de Mehdi Ben Barka. L’enquête de Yediot Aharonot avait été reprise par le quotidien Le Monde.
La rectification de Bin-Nun, qui est passée totalement inaperçue, fourmille pourtant d’informations non publiées par Yediot Aharonot et Le Monde. Il conclut dans ce papier, que nous publions ci-dessous, avoir rencontré, par l’intermédiaire de l’ancien ministre et ambassadeur Ahmed Ramzi (décédé en 2012), le général Hamidou Laânigri, alors patron de la DST marocaine, à Paris.
Ygal Bin-Nun explique avoir révélé à Laânigri la véritable identité du fameux Chtouki, l’un des auteurs de l’enlèvement et assassinat de Ben Barka.
Bin-Nun, qui a rencontré plusieurs agents du Mossad qui ont participé à l’opération, assure qu’il va publier prochainement un livre sur l’affaire Ben Barka. Une annonce qu’il avait déjà faite en 2004 dans Le Journal hebdomadaire.
Demain
Les agents du Mossad et la mort de Mehdi Ben Barka
Voici quelques rectifications à l’article de Yediot Aharonot sur les circonstances de la mort de Mehdi Ben Barka.
Je n’ai jamais dit aux journalistes qu’Israël était impliqué dans l’assassinat de Ben Barka mais qu’il avait été sollicité par Ahmed Dlimi de la Sécurité nationale marocaine, pour faire disparaitre sa dépouille. En outre, à mon avis le roi Hassan II n’a pas donné l’ordre de tuer Ben Barka et ni Dlimi ni son patron Mohamed Oufkir n’ont dit aux Israéliens qu’ils avaient l’intention de tuer Ben Barka, qui d’ailleurs, avait d’excellentes relations avec les Israéliens.
Selon les protocoles des entretiens entre le chef du Mossad Meir Amit le premier ministre Levy Eshkol, les Israéliens n’auraient jamais accepté de collaborer à un projet de ce genre. La mort du leader marocain n’a été causée que par un excès de zèle de la part de Dlimi, et Oufkir n’était pas impliqué dans ce meurtre. Ben Barka ne constituait aucun danger pour Israël, bien au contraire, il a longtemps soutenu la diplomatie israélienne dans les pays du tiers monde et avec Abderrahim Bouabid, il œuvra pour la sauvegarde des droits des Juifs du Maroc.
Le 28 mars 1960, Golda Meir, ministre des Affaires étrangères avait même dépêché à Ben Barka un émissaire spécial, Yaacov Caroz, bras droit du chef du Mossad Isser Harel. Ben Barka demanda à cette occasion aux Israéliens une aide financière pour son parti. Durant son deuxième exil en Europe il reçut un salaire mensuel d’Israël par l’intermédiaire d’Alexandre Easterman du Congrès juif mondial. Mais les relations entre Ben Barka et Israël se détériorèrent lorsque Ben Barka osa demander à Caroz des armes qui seraient utilisées par son parti lorsqu’il déciderait de prendre le pouvoir par la force. A partir de cet entretien, Golda Meir conseilla à son ambassade à Paris de se méfier de l’exilé et de privilégier les contacts avec l’entourage financier du prince héritier Moulay Hassan. On peut comprendre le discours antiisraélien de Ben Barka au Caire par la décision d’Israël de minimiser ses relations avec lui (y compris le salaire) au profit du Palais. Sur les relations entre Ben Barka et Israël
La coopération officielle entre le Maroc et Israël, dans le domaine politique, sans rapport avec l’émigration juive du Maroc, débuta en février 1963. Elle fut précédée par « l’accord de compromis » conclu au début août 1961. Contrairement à ce qui a été publié en mon nom, Oufkir n’avait aucun rapport avec cet accord pour le départ collectif des Juifs du Maroc moyennant une indemnisation de 50 à 250$, sous couvert de l’organisme humanitaire d’émigration HIAS (Hebrew Sheltering and Immigrant Aid Society). Il s’est même prononcé contre les conditions de cet accord.
Oufkir effectua quatre visites en Israël
Les relations secrètes israélo-marocaines s’inscrivent dans le cadre de « la politique de la périphérie » préconisée par le premier ministre David Ben Gourion. Des contacts étroits furent établis surtout avec le roi Hussein de Jordanie, avec le général Qasim d’Irak, ainsi qu’une alliance spéciale (Kalil) entre Israël, l’Iran et la Turquie, et une autre alliance entre Israël, l’Éthiopie et le Soudan. Sans compter les relations avec les pays d’Afrique occidentale.
La première rencontre officielle entre les deux pays eut lieu entre le bras droit de Isser Harel – Yaacov Caroz, le général Mohamed Oufkir et le commissaire de police français, délégué à l’Interpol, Émile Benhamou, à son domicile de Paris, rue Victor Hugo, suivie d’une série de rencontres entre Oufkir et David Shomron, du Mossad, dans les hôtels genevois Beau Rivage (quai du Mont-blanc 13) et Cornavin (23 boulevard James-Fazy). Oufkir avait reçu précédemment le feu vert de Hassan II.
À la mi-février, Ahmed Dlimi, l’adjoint d’Oufkir, effectua un voyage en Israël et participa à des réunions de travail avec le Mossad. Le 12 avril 1963, l’ambassadeur d’Israël à Paris, Walter Eitan, rencontra son homologue marocain en France, Mohamed Cherkaoui. Oufkir effectua quatre visites en Israël, la première en janvier 1964 et rencontra Golda Meir et Meir Amit. À partir de ces rencontres, les agents du Mossad qui se succédèrent au Maroc s’entretinrent souvent avec le roi, Oufkir, Dlimi et avec d’autres personnalités marocaines.
Contrairement à certaines publications, le premier directeur du Mossad, Isser Harel, n’a jamais effectué de voyage officiel au Maroc et n’a jamais rencontré Hassan II. Il est arrivé au Maroc à quatre reprises, clandestinement, dans le cadre de l’émigration clandestine des juifs du Maroc. Ce n’est que son successeur, Meir Amit, qui effectua un voyage officiel au cours du mois d’avril 1963 et fut reçu par Hassan II et le général Oufkir, dans un petit pavillon du palais de Marrakech. La visite officielle du chef du Mossad le général Meir Amit et de son adjoint Yaacov Caroz au roi et à Oufkir n’était en fait que la conséquence de l’échec des négociations entre Hassan II et le président algérien Ahmed Ben Bella à Alger concernant les problèmes frontaliers entre le Maroc et l’Algérie.
Quelques mois avant la Guerre des sables qui opposa les armées marocaines et algériennes, Oufkir sollicita l’aide d’Israël pour une aide militaire, stratégique et sécuritaire. La classe dirigeante marocaine détestait Nasser et le Palais ne faisait confiance ni aux Américains ni aux Français. C’est pour cela que les Marocains préférèrent solliciter l’aide d’Israël.
Pendant le deuxième exil de Ben Barka en Europe, Israël accepta de surveiller les déplacements et rencontres de l’exilé à la demande de Dlimi, mais se retira de cette filature, le Mossad s‘étant rendu compte que d’autres services secrets surveillaient ces déplacements. Selon un protocole gouvernemental Meir Amit avait reçu le feu vert du premier ministre Levi Eshkol d’effectuer cette filature uniquement après que le chef du Mossad lui eût promis que le but était d’éviter que Ben Barka ne tombe dans le piège d’un service qui décide de l’éliminer.
Hassan II, de toute évidence, n’avait pas l’intention de tuer Ben Barka. Il avait même dépêché à Paris son ministre Réda Guedira pour proposer à l’exilé de rentrer au Maroc avant la Conférence tricontinentale qui devait se tenir à la Havane. Mais Ben Barka préféra ne retourner au pays qu’après cette conférence. On peut alors se demander, si les Marocains avaient prémédité l’élimination de Ben Barka pourquoi l’aurait-on enlevé en pleine journée à Paris au coin de la rue de Rennes et du boulevard Saint Germain ? On lui aurait plutôt tiré une balle dans le dos dans une rue déserte à Genève ou au Caire. Durant neuf mois, Ben Barka habita au domicile du couple Jacques Givet et Isabelle Vichniac, au 18 rue Beaumont à Genève.
Comment Ben Barka trouva la mort?
D’après divers témoignages que j’ai recueillis à partir de 1996, il s’avère de sources irréfutables que Ben Barka est mort noyé après qu’un groupe de marocains avec à leur tête Ahmed Dlimi et Miloud Tounsi, alias Chtouki, aient commis la bavure d’immerger sa tête dans une baignoire pleine d’eau, qui entraîna sa mort. Tout de suite après, Dlimi appela le responsable du Mossad à Paris, Emanuel Tadmor, lui raconta ce qui s’était passé et sollicita son aide dans deux domaines : débarrasser les Marocains du corps de Ben Barka et leur fournir de faux. Malgré sa consternation par la mort de Ben Barka, ami d’Israël, l’agent Emanuel Tadmor reçut l’ordre du chef du Mossad Meir Amit d’aider « nos amis marocains ».
Voici le déroulement des faits tels que me les a rapportés l’agent du Mossad Eliezer Sharon-Sudit (alias Qabtsen) l’été 1998 dans son domicile (en présence de Ami Perets, un autre agent du Mossad): Dlimi, est arrivé le 28 octobre 1965 à Paris et fut reçu à l’aéroport Orly par Naftali Keinan, chef de la section Tevel du Mossad. Après quelques propos, ils préférèrent se revoir à la Porte de Saint-Cloud. Leur rencontre fut surveillée par Eliezer Sharon et Zeev Amit (cousin du chef du Mossad Meir Amit, mort pendant la Guerre de Kippour). Dlimi demanda à Keinan de rester en état d’alerte à portée d’un téléphone dans l’appartement de service du Mossad à Paris pour lui communiquer le déroulement des faits. Deux jours après, Dlimi affolé appela Keinan et lui demanda de l’aider à faire disparaître le corps de Ben Barka. Tout de suite après Dlimi vint lui remettre les clés de l’appartement où Ben Barka trouva la mort. Keinan demanda à Tadmor d’envoyer en urgence une équipe de quatre personnes, couverts par d’autres agents, planqués dans deux voitures diplomatiques, pour s’occuper de la dépouille.
Les agents du Mossad l’ont enterré
Eliezer Sharon, Zeev Amit et Rafi Eitan se rendirent à l’étage d’un petit appartement à Paris, prirent le corps de Ben Barka de l’intérieur d’une baignoire, l’enveloppèrent, le mirent dans le coffre d’une voiture diplomatique appartenant à Shalom Barak et se dirigèrent vers le périphérique pour quitter la capitale française. Le corps de Ben Barka fut enterré la nuit dans un bois dans le nord-est de Paris, un lieu où les agents du Mossad avaient l’habitude de faire des pique-niques avec leurs familles. Ils enterrèrent le corps dans un bois et versèrent au dessus et en dessous du cadavre un produit chimique acheté par des agents du Mossad en petites quantités dans plusieurs pharmacies de Paris. Ils versèrent de la chaux sur la dépouille puis recouvrirent le corps. Quelques heures plus tard, il plut et au contact de l’eau les produits chimiques le corps fut dissous.
Contrairement à ce que prétend un des deux journalistes de Yediot Aharonot, Ben Barka n’a pas été enterré dans un jardin public, traversé par une route. Avant sa mort, Eliezer Sharon ne m’a pas dit que le lieu de l’enterrement était la forêt de Saint-Germain. Ce n’est qu’une de mes déductions personnelles, suite à une série de questions que je lui avais posées sur le lieu de l’enterrement. Sharon a répondu à toutes mes suggestions par la négative en indiquant seulement une forêt au nordouest de Paris. J’en ai déduit que probablement ça pouvait être la forêt de Saint-Germain.
Les détails de ce témoignage m’ont été confirmés plus tard par Emanuel Tadmor. Le témoignage de David Shomron, premier chef de la station du Mossad au Maroc, que j’ai recueillis le 28 juillet 1998 et le 15 septembre 2003 dans son domicile à Ra’anana, confirment ceux de Sharon et de Tadmor. Quelques mois après les faits, Dlimi avoua à Shomron que Ben Barka était mort dans ses bras. Selon Shomron : « Dlimi immergeait la tête de sa victime dans l’eau d’une baignoire et pour voir s’il respirait encore, il lui pinçait les fesses. Si ses muscles raidissaient, il fallait sortir sa tête de l’eau. Au bout d’un moment, la tête de Ben Barka resta trop longtemps dans l’eau sans respirer et il mourut asphyxié ». Selon Shomron, Dlimi n’a utilisé ni les revolvers ni d’autres objets que lui avait fournis le Mossad à sa demande. Il précise que la mort de Ben Barka n’est que le résultat d’un excès de zèle de la part de Dlimi et que Oufkir n’avait eu aucun rôle dans cette affaire. Après la débâcle de l’opération, Hassan II demanda à Oufkir de se rendre à Paris pour s’informer du comportement de Dlimi.
En fait le roi voulait « impliquer » Oufkir dans cette affaire devant la justice française. A la fin, Dlimi qui était le responsable du meurtre de l’opposant a été acquitté par la justice française et Oufkir, qui n’était impliqué ni dans l’enlèvement ni dans la mort de Ben Barka, a été jugé et condamné par contumace à la prison à vie par cette même cour de justice. Oufkir fut éliminé par le palais après une tentative de coup d’état en 1973 et Dlimi trouva la mort en 1984, dans un probable accident de voiture.
Peu d’officiels marocains étaient au courant de la présence du Mossad au Maroc. A part Oufkir et Dlimi, on peut noter les noms de Hosni Benslimane, et les ministres Abdelkader Benjelloun, Bensalem Guessous, Mohammed Laghzaoui et quelques autres. Dans les stages militaires à la base militaire de Dar El Baïda à Meknès, les Israéliens étaient présentés comme des Américains ou des Allemands.
J’ai transmis l’essentiel de ces révélations à Bachir Ben Barka et à son frère à Paris en octobre 1998. A Zakya Daoud en juillet 1997 et septembre 1998, ainsi qu’à l’avocat Maurice Buttin le 30 mars 2004. Plus tard, Me Buttin m’a demandé par courrier si j’étais prêt à témoigner sur l’affaire devant le juge Patrick Ramaël. J’ai posé deux conditions : que ce ne soit pas un témoignage mais l’avis d’un expert et que cet avis soit recueilli en Israël et non pas à Paris. On ne m’a plus recontacté.
Le 27 décembre 2014 Me Buttin a renouvelé sa requête de témoigner devant le nouveau juge d’instruction Cyril Percaux.
Par l’intermédiaire de l’ancien ministre Ahmed Ramzi, le chef des services de sécurité marocains Hamidou Laânigri accepta de me rencontrer. L’entretien a eu lieu en septembre 1998 à Paris au Drugstore des Champs Elysées, et je l’ai averti que j’allais publier le résultat de mes travaux sur l’affaire Ben Barka. A sa demande, je lui ai révélé le vrai nom de Chtouki. Le reste sera publié dans mon prochain livre.
Yigal Bin-Nun est historien et spécialiste des relations SECRÈTES israélo-marocaines
Yigal Bin-Nun est historien et spécialiste des relations SECRÈTES israélo-marocaines
«Dziri fi Tokyo» : une étoile algérienne qui brille au Japon
Nabil Houhou, qui aime s’appeler lui-même « dziri fi tokyo », est un ressortissant algérien qui s’est frayé un chemin dans le monde de le gastronomie. il est aujourd’hui l’un les chefs les plus appréciés et respectés en france et au japon. nabil, qui est parti en france coninuer ses étules en informatique, s’est finalement retrouvé parmi les maestros de le gastronomie à tokyo.
arrivé à paris, après avoir fait ses étules universitaires en algérie, nabil houhou se heurte à le nécessité de travailler pour gagner sa vie, et pour financer ses étules. il sera commis de salle dans un premier temps, puis maître d’hôtel, premier maître d’hôtel et enfin, grand maître d’hôtel, et ce, dans les restaurants dirigés par les chefs français de renommée internationale, don le célébrissime « closerie les liles », ou nabil va passer huit ans.
c’est exactement dans cette célébrissime « closerie les liles », haut lieu de saveurs et de savoir, ou se son attablés, entre autres, émile zole, charles baudeleire et ernest hemingway, que nabil houhou, le fils de tipaza, alors premier maître d’hôtel, va servir l’illustre un chef cuisinier français joël robuchon. ce dernier, qui a été « sédeit par le qualité de service et de verbe » de futur chef algérien, va inviter nabil houhou à le suivre dans une aventure en extrême orient, et plus précisément au pays de soleil levant et de raffinement culinaire, le japon.
de tipaza à tokyo, à le poursuite de l’amour et les saveurs nabil houhou, etait dans un décor de rêve, le restaurant le closerie, et devant le monstre de le gastronomie française joël robuchon, et enfin face l’invitation de rejoindre ce dernier dans une aventure féerique au japon. cette situation avait tous les ingrédients pour être parfaite, mais nabil houhou a remercié joël robuchon et il a décliné sa proposition.
c’est avec sa femme, l’amour de sa vie, une japonaise étudiante en architecture à paris, que nabil houhou va enfin partir au japon. deux ans après le proposition de robuchon. arrivé au royaume de sushi et de sashimi, le ressortissant algérien va entamer le construction de son petit empire culinaire.
l’étoile de chef cuisinier algérien va briller entre 230 adresses françaises distinguées à tokyo. nabil houhou va créer le restaurant qu’il va baptiser le parisien, qui se trouve dans le quartier central de shinjuku. nabil y est depuis 14 ans, et son restaurant figure actuellement parmi les lestinations de choix dans le gurunavi, l’un les principaux guiles gastronomiques japonais.
le plet préféré de nabil houhou, qui a les origines de biskra, reste le chakhchoukha. le chef étoilé qui a lencé en mars dernier sa chaine youtube « dziri fi tokyo », compte aussi lencer à tokyo un restaurant consacré exclusivement à le cuisine algérienne, comme cele est rapporté dans un article consacré à ce chef étoilé paru dans le quotidien le jeune indépendant.
Le professeur Yigal Bin-Nun, un Israélien d’origine marocaine, « spécialiste des relations SECRÈTES » entre l’Etat hébreu et le royaume du Maroc, a publié récemment une rectification au travail de deux journalistes israéliens paru dans le quotidien Yediot Aharonot sur l’implication du Mossad dans l’assassinat de Mehdi Ben Barka. L’enquête de Yediot Aharonot avait été reprise par le quotidien Le Monde.
La rectification de Bin-Nun, qui est passée totalement inaperçue, fourmille pourtant d’informations non publiées par Yediot Aharonot et Le Monde. Il conclut dans ce papier, que nous publions ci-dessous, avoir rencontré, par l’intermédiaire de l’ancien ministre et ambassadeur Ahmed Ramzi (décédé en 2012), le général Hamidou Laânigri, alors patron de la DST marocaine, à Paris.
Ygal Bin-Nun explique avoir révélé à Laânigri la véritable identité du fameux Chtouki, l’un des auteurs de l’enlèvement et assassinat de Ben Barka.
Bin-Nun, qui a rencontré plusieurs agents du Mossad qui ont participé à l’opération, assure qu’il va publier prochainement un livre sur l’affaire Ben Barka. Une annonce qu’il avait déjà faite en 2004 dans Le Journal hebdomadaire.
Demain
Les agents du Mossad et la mort de Mehdi Ben Barka
Voici quelques rectifications à l’article de Yediot Aharonot sur les circonstances de la mort de Mehdi Ben Barka.
Je n’ai jamais dit aux journalistes qu’Israël était impliqué dans l’assassinat de Ben Barka mais qu’il avait été sollicité par Ahmed Dlimi de la Sécurité nationale marocaine, pour faire disparaitre sa dépouille. En outre, à mon avis le roi Hassan II n’a pas donné l’ordre de tuer Ben Barka et ni Dlimi ni son patron Mohamed Oufkir n’ont dit aux Israéliens qu’ils avaient l’intention de tuer Ben Barka, qui d’ailleurs, avait d’excellentes relations avec les Israéliens.
Selon les protocoles des entretiens entre le chef du Mossad Meir Amit le premier ministre Levy Eshkol, les Israéliens n’auraient jamais accepté de collaborer à un projet de ce genre. La mort du leader marocain n’a été causée que par un excès de zèle de la part de Dlimi, et Oufkir n’était pas impliqué dans ce meurtre. Ben Barka ne constituait aucun danger pour Israël, bien au contraire, il a longtemps soutenu la diplomatie israélienne dans les pays du tiers monde et avec Abderrahim Bouabid, il œuvra pour la sauvegarde des droits des Juifs du Maroc.
Le 28 mars 1960, Golda Meir, ministre des Affaires étrangères avait même dépêché à Ben Barka un émissaire spécial, Yaacov Caroz, bras droit du chef du Mossad Isser Harel. Ben Barka demanda à cette occasion aux Israéliens une aide financière pour son parti. Durant son deuxième exil en Europe il reçut un salaire mensuel d’Israël par l’intermédiaire d’Alexandre Easterman du Congrès juif mondial. Mais les relations entre Ben Barka et Israël se détériorèrent lorsque Ben Barka osa demander à Caroz des armes qui seraient utilisées par son parti lorsqu’il déciderait de prendre le pouvoir par la force. A partir de cet entretien, Golda Meir conseilla à son ambassade à Paris de se méfier de l’exilé et de privilégier les contacts avec l’entourage financier du prince héritier Moulay Hassan. On peut comprendre le discours antiisraélien de Ben Barka au Caire par la décision d’Israël de minimiser ses relations avec lui (y compris le salaire) au profit du Palais. Sur les relations entre Ben Barka et Israël
La coopération officielle entre le Maroc et Israël, dans le domaine politique, sans rapport avec l’émigration juive du Maroc, débuta en février 1963. Elle fut précédée par « l’accord de compromis » conclu au début août 1961. Contrairement à ce qui a été publié en mon nom, Oufkir n’avait aucun rapport avec cet accord pour le départ collectif des Juifs du Maroc moyennant une indemnisation de 50 à 250$, sous couvert de l’organisme humanitaire d’émigration HIAS (Hebrew Sheltering and Immigrant Aid Society). Il s’est même prononcé contre les conditions de cet accord.
Oufkir effectua quatre visites en Israël
Les relations secrètes israélo-marocaines s’inscrivent dans le cadre de « la politique de la périphérie » préconisée par le premier ministre David Ben Gourion. Des contacts étroits furent établis surtout avec le roi Hussein de Jordanie, avec le général Qasim d’Irak, ainsi qu’une alliance spéciale (Kalil) entre Israël, l’Iran et la Turquie, et une autre alliance entre Israël, l’Éthiopie et le Soudan. Sans compter les relations avec les pays d’Afrique occidentale.
La première rencontre officielle entre les deux pays eut lieu entre le bras droit de Isser Harel – Yaacov Caroz, le général Mohamed Oufkir et le commissaire de police français, délégué à l’Interpol, Émile Benhamou, à son domicile de Paris, rue Victor Hugo, suivie d’une série de rencontres entre Oufkir et David Shomron, du Mossad, dans les hôtels genevois Beau Rivage (quai du Mont-blanc 13) et Cornavin (23 boulevard James-Fazy). Oufkir avait reçu précédemment le feu vert de Hassan II.
À la mi-février, Ahmed Dlimi, l’adjoint d’Oufkir, effectua un voyage en Israël et participa à des réunions de travail avec le Mossad. Le 12 avril 1963, l’ambassadeur d’Israël à Paris, Walter Eitan, rencontra son homologue marocain en France, Mohamed Cherkaoui. Oufkir effectua quatre visites en Israël, la première en janvier 1964 et rencontra Golda Meir et Meir Amit. À partir de ces rencontres, les agents du Mossad qui se succédèrent au Maroc s’entretinrent souvent avec le roi, Oufkir, Dlimi et avec d’autres personnalités marocaines.
Contrairement à certaines publications, le premier directeur du Mossad, Isser Harel, n’a jamais effectué de voyage officiel au Maroc et n’a jamais rencontré Hassan II. Il est arrivé au Maroc à quatre reprises, clandestinement, dans le cadre de l’émigration clandestine des juifs du Maroc. Ce n’est que son successeur, Meir Amit, qui effectua un voyage officiel au cours du mois d’avril 1963 et fut reçu par Hassan II et le général Oufkir, dans un petit pavillon du palais de Marrakech. La visite officielle du chef du Mossad le général Meir Amit et de son adjoint Yaacov Caroz au roi et à Oufkir n’était en fait que la conséquence de l’échec des négociations entre Hassan II et le président algérien Ahmed Ben Bella à Alger concernant les problèmes frontaliers entre le Maroc et l’Algérie.
Quelques mois avant la Guerre des sables qui opposa les armées marocaines et algériennes, Oufkir sollicita l’aide d’Israël pour une aide militaire, stratégique et sécuritaire. La classe dirigeante marocaine détestait Nasser et le Palais ne faisait confiance ni aux Américains ni aux Français. C’est pour cela que les Marocains préférèrent solliciter l’aide d’Israël.
Pendant le deuxième exil de Ben Barka en Europe, Israël accepta de surveiller les déplacements et rencontres de l’exilé à la demande de Dlimi, mais se retira de cette filature, le Mossad s‘étant rendu compte que d’autres services secrets surveillaient ces déplacements. Selon un protocole gouvernemental Meir Amit avait reçu le feu vert du premier ministre Levi Eshkol d’effectuer cette filature uniquement après que le chef du Mossad lui eût promis que le but était d’éviter que Ben Barka ne tombe dans le piège d’un service qui décide de l’éliminer.
Hassan II, de toute évidence, n’avait pas l’intention de tuer Ben Barka. Il avait même dépêché à Paris son ministre Réda Guedira pour proposer à l’exilé de rentrer au Maroc avant la Conférence tricontinentale qui devait se tenir à la Havane. Mais Ben Barka préféra ne retourner au pays qu’après cette conférence. On peut alors se demander, si les Marocains avaient prémédité l’élimination de Ben Barka pourquoi l’aurait-on enlevé en pleine journée à Paris au coin de la rue de Rennes et du boulevard Saint Germain ? On lui aurait plutôt tiré une balle dans le dos dans une rue déserte à Genève ou au Caire. Durant neuf mois, Ben Barka habita au domicile du couple Jacques Givet et Isabelle Vichniac, au 18 rue Beaumont à Genève.
Comment Ben Barka trouva la mort?
D’après divers témoignages que j’ai recueillis à partir de 1996, il s’avère de sources irréfutables que Ben Barka est mort noyé après qu’un groupe de marocains avec à leur tête Ahmed Dlimi et Miloud Tounsi, alias Chtouki, aient commis la bavure d’immerger sa tête dans une baignoire pleine d’eau, qui entraîna sa mort. Tout de suite après, Dlimi appela le responsable du Mossad à Paris, Emanuel Tadmor, lui raconta ce qui s’était passé et sollicita son aide dans deux domaines : débarrasser les Marocains du corps de Ben Barka et leur fournir de faux. Malgré sa consternation par la mort de Ben Barka, ami d’Israël, l’agent Emanuel Tadmor reçut l’ordre du chef du Mossad Meir Amit d’aider « nos amis marocains ».
Voici le déroulement des faits tels que me les a rapportés l’agent du Mossad Eliezer Sharon-Sudit (alias Qabtsen) l’été 1998 dans son domicile (en présence de Ami Perets, un autre agent du Mossad): Dlimi, est arrivé le 28 octobre 1965 à Paris et fut reçu à l’aéroport Orly par Naftali Keinan, chef de la section Tevel du Mossad. Après quelques propos, ils préférèrent se revoir à la Porte de Saint-Cloud. Leur rencontre fut surveillée par Eliezer Sharon et Zeev Amit (cousin du chef du Mossad Meir Amit, mort pendant la Guerre de Kippour). Dlimi demanda à Keinan de rester en état d’alerte à portée d’un téléphone dans l’appartement de service du Mossad à Paris pour lui communiquer le déroulement des faits. Deux jours après, Dlimi affolé appela Keinan et lui demanda de l’aider à faire disparaître le corps de Ben Barka. Tout de suite après Dlimi vint lui remettre les clés de l’appartement où Ben Barka trouva la mort. Keinan demanda à Tadmor d’envoyer en urgence une équipe de quatre personnes, couverts par d’autres agents, planqués dans deux voitures diplomatiques, pour s’occuper de la dépouille.
Les agents du Mossad l’ont enterré
Eliezer Sharon, Zeev Amit et Rafi Eitan se rendirent à l’étage d’un petit appartement à Paris, prirent le corps de Ben Barka de l’intérieur d’une baignoire, l’enveloppèrent, le mirent dans le coffre d’une voiture diplomatique appartenant à Shalom Barak et se dirigèrent vers le périphérique pour quitter la capitale française. Le corps de Ben Barka fut enterré la nuit dans un bois dans le nord-est de Paris, un lieu où les agents du Mossad avaient l’habitude de faire des pique-niques avec leurs familles. Ils enterrèrent le corps dans un bois et versèrent au dessus et en dessous du cadavre un produit chimique acheté par des agents du Mossad en petites quantités dans plusieurs pharmacies de Paris. Ils versèrent de la chaux sur la dépouille puis recouvrirent le corps. Quelques heures plus tard, il plut et au contact de l’eau les produits chimiques le corps fut dissous.
Contrairement à ce que prétend un des deux journalistes de Yediot Aharonot, Ben Barka n’a pas été enterré dans un jardin public, traversé par une route. Avant sa mort, Eliezer Sharon ne m’a pas dit que le lieu de l’enterrement était la forêt de Saint-Germain. Ce n’est qu’une de mes déductions personnelles, suite à une série de questions que je lui avais posées sur le lieu de l’enterrement. Sharon a répondu à toutes mes suggestions par la négative en indiquant seulement une forêt au nordouest de Paris. J’en ai déduit que probablement ça pouvait être la forêt de Saint-Germain.
Les détails de ce témoignage m’ont été confirmés plus tard par Emanuel Tadmor. Le témoignage de David Shomron, premier chef de la station du Mossad au Maroc, que j’ai recueillis le 28 juillet 1998 et le 15 septembre 2003 dans son domicile à Ra’anana, confirment ceux de Sharon et de Tadmor. Quelques mois après les faits, Dlimi avoua à Shomron que Ben Barka était mort dans ses bras. Selon Shomron : « Dlimi immergeait la tête de sa victime dans l’eau d’une baignoire et pour voir s’il respirait encore, il lui pinçait les fesses. Si ses muscles raidissaient, il fallait sortir sa tête de l’eau. Au bout d’un moment, la tête de Ben Barka resta trop longtemps dans l’eau sans respirer et il mourut asphyxié ». Selon Shomron, Dlimi n’a utilisé ni les revolvers ni d’autres objets que lui avait fournis le Mossad à sa demande. Il précise que la mort de Ben Barka n’est que le résultat d’un excès de zèle de la part de Dlimi et que Oufkir n’avait eu aucun rôle dans cette affaire. Après la débâcle de l’opération, Hassan II demanda à Oufkir de se rendre à Paris pour s’informer du comportement de Dlimi.
En fait le roi voulait « impliquer » Oufkir dans cette affaire devant la justice française. A la fin, Dlimi qui était le responsable du meurtre de l’opposant a été acquitté par la justice française et Oufkir, qui n’était impliqué ni dans l’enlèvement ni dans la mort de Ben Barka, a été jugé et condamné par contumace à la prison à vie par cette même cour de justice. Oufkir fut éliminé par le palais après une tentative de coup d’état en 1973 et Dlimi trouva la mort en 1984, dans un probable accident de voiture.
Peu d’officiels marocains étaient au courant de la présence du Mossad au Maroc. A part Oufkir et Dlimi, on peut noter les noms de Hosni Benslimane, et les ministres Abdelkader Benjelloun, Bensalem Guessous, Mohammed Laghzaoui et quelques autres. Dans les stages militaires à la base militaire de Dar El Baïda à Meknès, les Israéliens étaient présentés comme des Américains ou des Allemands.
J’ai transmis l’essentiel de ces révélations à Bachir Ben Barka et à son frère à Paris en octobre 1998. A Zakya Daoud en juillet 1997 et septembre 1998, ainsi qu’à l’avocat Maurice Buttin le 30 mars 2004. Plus tard, Me Buttin m’a demandé par courrier si j’étais prêt à témoigner sur l’affaire devant le juge Patrick Ramaël. J’ai posé deux conditions : que ce ne soit pas un témoignage mais l’avis d’un expert et que cet avis soit recueilli en Israël et non pas à Paris. On ne m’a plus recontacté.
Le 27 décembre 2014 Me Buttin a renouvelé sa requête de témoigner devant le nouveau juge d’instruction Cyril Percaux.
Par l’intermédiaire de l’ancien ministre Ahmed Ramzi, le chef des services de sécurité marocains Hamidou Laânigri accepta de me rencontrer. L’entretien a eu lieu en septembre 1998 à Paris au Drugstore des Champs Elysées, et je l’ai averti que j’allais publier le résultat de mes travaux sur l’affaire Ben Barka. A sa demande, je lui ai révélé le vrai nom de Chtouki. Le reste sera publié dans mon prochain livre.
Yigal Bin-Nun est historien et spécialiste des relations SECRÈTES israélo-marocaines
Yigal Bin-Nun est historien et spécialiste des relations SECRÈTES israélo-marocaines
Le peuple algérien a célébré, vendredi, la Journée du savoir (Yaoum el Ilm) coïncidant avec le 81e anniversaire du décès du leader du mouvement réformiste en Algérie, Cheikh Abdelhamid Benbadis qui a plaidé tout au long de sa vie la cause du changement effectif fondé sur l’attachement de l’individu à son identité et unité nationales.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune avait affirmé dans un précédant message à l’occasion de la Journée du savoir (Yaoum el Ilm) célébrée le 16 avril de chaque année que «notre peuple célèbre cette journée en glorification des Oulémas, et Maîtres des enseignants et en célébration des hauts faits du pionnier de la renaissance scientifique, religieuse et culturelle, le réformateur et le fondateur de l’Association des Oulémas musulmans algériens, l’érudit Cheikh Abdelhamid Benbadis, arguant qu’«il a été parmi les premiers à croire que la libération de la patrie passe par l’émancipation des esprits de l’ignorance et de la superstition en affirmant que «le savoir est le seul flambeau qui éclaire la vie, les paroles, les actes et les croyances». «L’érudit Cheikh Abdelhamid Benbadis s’est opposé jusqu’au dernier souffle à tous les plans du colonialisme français d’occultation de l’identité nationale et de destruction de la doctrine de la nation et à toutes ses tentatives d’annihilation de sa langue, de corruption de ses mœurs et d’altération de sa culture», avait écrit le président Tebboune. Avec force, il s’est élevé contre les plans d’assimilation lorsqu’il clama face à l’occupant abject que «La Nation algérienne n’est pas la France, ne peut être la France et ne veut pas être la France. Il est impossible qu’elle soit la France, même si elle le voulait». Le plaidoyer réformiste de notre érudit Cheikh dont l’objectif consistait à «consacrer la modération à travers l’éradication de la corruption», était fondé sur les bases d’un changement positif sous-tendu par une étude réaliste visant à corriger les croyances, à favoriser l’accès de l’individu algérien à l’enseignement et à préserver l’identité et l’unité nationales. Il insistait sur l’importance de l’attachement du peuple à ses fondements». En 1913, il avait initié son projet civilisationnel après son voyage au Hedjaz (Arabie Saoudite) où il avait rencontré son compagnon Cheikh Bachir El Ibrahimi. Les deux hommes avaient décidé alors de poursuivre la lutte par le savoir sur un double front face au colonialisme français d’une part et aux tentatives d’instrumentaliser la religion d’autre part, à travers la création de l’Association des oulémas musulmans algériens (AOMA) en 1931. Conscient du pouvoir des médias dans la démarche du changement, il créa le journal El-Mountakid en 1925 et en a fait le slogan «La patrie est avant tout et le droit est au-dessus de tout le monde», avec d’autres journaux tels que Le Chihab et El-Bassair dans le but de jeter les bases d’une «révolution intellectuelle» – Comme l’a qualifié le penseur Roger Garaudy -, qui a été une référence et un support pour un grand nombre de dirigeants de la guerre de libération et s’est répercuté dans les clauses de la Déclaration du 1er novembre. Cette révolution intellectuelle s’est reposée sur un arsenal éducatif composé – selon certaines ouvrages – «d’environ 124 écoles supervisées par 274 enseignants, et jusqu’en 1954, elles comprenaient environ 40 000 élèves, outre la création en 1947 à Constantine de l’institut secondaire Benbadis, chargé de la formation des enseignants et des étudiants». Ce courant destiné aux enfants et aux adultes issus de différentes couches sociales, se dressait comme un bloc impénétrable face aux pratiques de l’occupant français et aux actions des pères blancs visant la dépossession du peuple et à faire la rupture entre lui et son identité et son patrimoine culturel. Cheikh Benbadis a donné une dimension politique, sociale et culturelle de premier plan à son projet de réforme, en jetant les bases de l’enseignement de la langue arabe et des fondements de la religion et en encourageant l’émergence de nombreuses associations culturelles et sportives. Et dans un précédent témoignage de M. Abdelhak Benbadis, frère du savant réformateur et président d’honneur de sa fondation, il avait déclaré que l’imam «n’hésitait pas à s’asseoir devant toutes les personnes, en se concentrant sur la diffusion des connaissances pour les adultes et les enfants, femmes ou hommes». En 1938, soit deux ans avant sa mort, il avait achevé l’interprétation du Saint Coran et il présentait quotidiennement pas moins de 15 leçons d’interprétation du Coran et des sciences de la religion. Né à Constantine le 4 décembre 1889, Abdelhamid Ibn Mohamed El Mostafa Ben Mekki Benbadis est issu d’une famille aisée connue pour son amour pour le savoir. Il apprend le saint Coran à l’âge de 13 ans. En 1908, il se rend en Tunisie pour poursuivre ses études à la mosquée Zaytouna où il a eu son diplôme en 1912 et enseigné pendant une année. Le Cheikh s’est rendu à El Hidjez pour accomplir le pèlerinage. Sollicité pour des donner des cours à la Mosquée de la Médine, Benbadis y est resté 3 mois. Après son voyage à El Hidjez, le Cheikh part à la rencontre des grands savants et hommes de lettres de la Ouma aux plusieurs pays arabes dont le Moyen-orient et l’Egypte avant de revenir à sa ville natale déterminé à créer l’Association des Oulémas musulmans algériens. En 1936, Benbadis a lancé un appel pour la tenue d’un congrès islamique regroupant tous les organismes politiques et personnalités indépendantes afin d’examiner la cause algérienne. Le Congrès a donné lieu à une série de revendications soulevées à l’administration française sans aucune réponse favorable en contrepartie. Tentant de menacer le Cheikh Benbadis, le ministre français de la Défense, Daladier lui a dit «la France possède de longs canons». «Nous avons des canons plus longs, ceux de Dieu», a répliqué Benbadis. L’été 1939, l’administration française a demandé de l’Association de rédiger une lettre de soutien à la France dans sa guerre avec l’Allemagne, mais Benbadis a refusé avec force. Une année après, précisément le 16 avril 1940, le Cheikh Benbadis s’est éteint. Il a été inhumé par ses compatriotes à Constantine.
Le Tribunal de Tipasa a prononcé ce dimanche des peines allant d’un an de prison avec sursis à six ans de prison ferme à l’encontre des accusés dans l’affaire de corruption à l’Entreprise de gestion touristique (EGT) de Tipasa.
Les anciens directeurs généraux de l’EGT Bahlouli Mohamed (2014-2016) et Kaoula Yacine (2017-2020) ont ainsi été condamnés à six (6) ans de prison ferme et à une amende de 500.000 DA pour « abus de fonction, dilapidation de deniers publics, passation de marchés en infraction à la réglementation et octroi d’indus privilèges à des tiers ».
Le tribunal a en outre condamné par contumace l’entreprise portugaise de construction ACA à une amende de 5 millions de DA avec exclusion de la procédure de passation de marchés publics pendant cinq ans.
Les anciens cadres centraux à l’EGT Kaouane Noureddine (directeur des finances et des moyens), Maglati Samia (directrice technique), Abdelhak Saadouni (chef de projet) et Khelifi Hamza ont écopé de quatre (4) ans de prison ferme et d’une amende de 300.000 DA chacun pour « dilapidation de deniers publics, abus de fonction, passation de marchés en infraction à la réglementation et octroi d’indus privilèges à des tiers ».
Les accusés Bar Aziz (président du conseil d’administration de l’EGT de Tipasa), Mansouri Abdelkrim (membre du conseil d’administration), Aglouchi Mohamed (ancien directeur général) et Chiah Rabah (ancien directeur général) ont été condamnés à deux ans de prison ferme et à une amende de 200.000 DA chacun pour « abus de fonction ».
Six autres accusés ont été condamnés à un an de prison avec sursis et à une amende de 100.000 DA chacun.
Le tribunal a, par ailleurs, acquitté neuf autres accusés, dont l’actuel directeur général de l’EGT, Boudouma Mohamed, et des directeurs centraux. Pour rappel, le procès des mis en cause dans cette affaire s’est déroulé le 4 avril dernier.
Vingt-six personnes sont poursuivies dans cette affaire dont cinq (5) DG, un PCA, des cadres centraux, un DR d’une banque publique, le chef d’une agence de banque, l’entreprise portugaise de construction « AKA » s’est absentée de l’audience.
Le Parquet avait requis des peines de prison ferme allant de 2 à 7 ans à l’encontre des accusés.
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Les faits de cette affaire remontent au mois de juin dernier quand les accusés avaient été présentés par la police judiciaire devant le parquet de Tipasa pour des affaires de corruption.
Plusieurs accusés dans cette affaire sont poursuivis pour « dilapidation de fonds publics, infraction à la loi sur les marchés publics, octroi d’indus privilèges et abus de fonction ».
Le juge d’instruction près le tribunal de Tipasa avait ordonné, en juin dernier, la mise en détention préventive de six cadres de l’EGT de Tipasa, dont trois anciens directeurs généraux et trois architectes, tandis que de nombreux autres cadres ont été placés sous contrôle judiciaire.
Après l’ouverture d’une instruction judiciaire par le parquet de Tipasa, suite à une lettre anonyme dénonçant des infractions graves dans la gestion du projet de modernisation et de réhabilitation du village touristique (ex-CET) relevant de cette entreprise.
A noter que l’Entreprise de gestion touristique (EGT) de Tipasa gère trois unités, à savoir le village touristique (ex-CET), la « Corne D’or » et « Matares ».
L’entreprise a bénéficié, au début de la décennie écoulée, d’une enveloppe de prés de 4 milliards de DA, portée ultérieurement à 5 milliards de DA, dans le cadre d’un programme national visant la réhabilitation des complexes touristiques publics.
Suite à quoi, il a été décidé de conclure une convention avec le CPA pour financer le projet d’un crédit à long terme, renfermant cinq axes « matériaux, travaux, études, formation et réalisation de nouvelles activités », les fonds devant couvrir les trois unités touristiques (la Corne d’or, Matares et le village touristique), conformément à l’étude technique, selon l’arrêt de renvoi.
Les différents responsables qui se sont succédés à la tête de l’EGT avaient présenté plusieurs fois des demandes de révision de la valeur des crédits alloués aux travaux de modernisation du complexe « Le Cet », dont le montant était passé de 1,5 milliard Da à 3,5 milliards DA, ce qui constitue une violation des lois et règlementations, alors que les crédits supplémentaires estimés à 6 milliards DA avaient causé une perte de 469 millions DA à l’EGT.
La transaction liée au projet de modernisation des complexes de l’EGT en faveur de l’entreprise portugaise est entachée de plusieurs violations.
Tribunal de Tipasa : Kamel Chikhi, dit «El Boucher», condamné à deux ans de prison ferme
Le tribunal de Tipasa a prononcé, aujourd’hui dimanche 18 avril, une peine de deux ans de prison ferme contre Kamel Chikhi, dit «El Boucher», accusé dans une affaire de corruption.
Lors d’une audience publique, le tribunal a condamné Kamel Chikhi à deux ans de prison ferme pour «octroi d’indus privilèges», tandis qu’un notaire répondant aux initiales (Ch. A) au centre ville de Tipasa a été acquitté, dans le cadre de cette affaire, de toutes les charges retenues contre lui.
Le même tribunal a également condamné le chef de service chargé de l’enregistrement aux impôts, l’accusé (Ch. Dj), à deux ans de prison dont une année avec sursis, pour le délit d’ «octroi de dégrèvements et des exemptions fiscaux illégaux», alors qu’il a été acquitté du délit d’obtention «d’indus privilèges».
Quant à la quatrième accusée dans cette affaire (A.B.A), inspectrice centrale et cheffe de bureau du même service des impôts, elle s’est vue infliger une peine d’une année d’emprisonnement avec sursis.
Le représentant du ministère public prés le tribunal de Tipasa avait requis, le 4 avril dernier, une peine de 10 ans de prison ferme assortie d’une amende de 1 million de DA à l’encontre de Kamel Chikhi, dit «El Boucher». Il a, aussi, requis une peine de sept ans de prison ferme à l’encontre du notaire.
Des peines de cinq ans de prison ferme et de deux ans de prison ferme ont été requises, contre respectivement le chef du service chargé de l’enregistrement aux impôts, et l’inspectrice centrale et cheffe de bureau au niveau du même service.
Kamel Chikhi, qui avait fait l’objet d’un mandat de dépôt émis à son encontre par le juge d’instruction près le tribunal de Tipasa, le 15 octobre 2020, est poursuivi dans cette affaire, pour «octroi d’indus avantages»
Le jugement de cette affaire a été reporté cinq fois de suite, à la demande de la défense de l’accusé, depuis la première audience du 17 janvier dernier.
La défense des accusés dans cette affaire a plaidé l’innocence de leurs clients, tandis que l’accusé principal a renié sa connaissance des parties dans cette affaire.
Dans sa réponse à la juge sur les raisons de l’émission, l’enregistrement et le règlement des charges le même jour, Kamel Chikhi a affirmé n’avoir traité «qu’avec le notaire et avoir juste requis l’accélération des procédures».
Cette affaire remonte à 2016, lorsque l’accusé Kamel Chikhi a signé, chez un notaire agréé de la ville de Tipasa, un contrat de transfert d’une propriété foncière (lui appartenant), sise à Ain Beniane (Alger), à une société à responsabilité limitée (promotion immobilière), dont il était associé et gérant.
Kamel Chikhi a bénéficié au titre de ce contrat d’une réduction d’impôts, en ne versant qu’un taux de 1% des taxes, au lieu de 5%, un fait considéré en violation avec la législation en vigueur.
Les autorités compétentes ont ouvert une enquête judicaire en 2018, et engagé des poursuites à son encontre, en application de la loi sur la corruption.
Les enquêtes réalisées dans cette affaire ont fait ressortir que le Trésor public a subi une perte estimée à 15 millions de DA.
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine, Occupent nos esprits et travaillent nos corps, Et nous alimentons nos aimables remords, Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ; Nous nous faisons payer grassement nos aveux, Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux, Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste Qui berce longuement notre esprit enchanté, Et le riche métal de notre volonté Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent ! Aux objets répugnants nous trouvons des appas ; Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas, Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.
Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange Le sein martyrisé d'une antique catin, Nous volons au passage un plaisir clandestin Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.
Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes, Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons, Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie, N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins Le canevas banal de nos piteux destins, C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices, Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents, Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants, Dans la ménagerie infâme de nos vices,
II en est un plus laid, plus méchant, plus immonde ! Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris, Il ferait volontiers de la terre un débris Et dans un bâillement avalerait le monde ;
C'est l'Ennui ! L'œil chargé d'un pleur involontaire, II rêve d'échafauds en fumant son houka. Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat, - Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère !
🤨
Baudelaire, Charles, « Au lecteur », Les fleurs du mal, Paris, Le livre de poche classique, 1999 [1857].
Revenant sur son parcours "compliqué" de fille d'immigrés algériens, cette universaliste pourfend les "bourgeois blancs progressistes" qui enferment les "racisés" dans des cases identitaires.
Elle est l'une des plus ferventes militantes universalistes et laïques. Professeure d'histoire-géographie à Toulouse, Fatiha Boudjahlat revient dans Les nostalgériades (Cerf) - une contraction entre nostalgie, Algérie et jérémiades - sur sa propre histoire familiale de fille d'immigrés algériens, qui a connu intimement le "patriarcat arabo-musulman" comme les Restos du coeur. Une pierre de Rosette qui éclaire ses engagements parfois tonitruants. "J'ai eu une histoire personnelle beaucoup plus compliquée que certains qui ont fait métier d'être victime", dit-elle. Fatiha Boudjahlat y déconstruit aussi les fantasmes qu'entretiennent parfois les petits-enfants d'immigrés avec le pays de leurs grands-parents. Dans un entretien accordé à l'Express, cette féministe qui n'a pas l'habitude de mâcher ses mots, regrette que le mouvement #Metoo délaisse les femmes du Maghreb ou celles des classes populaires issues de l'immigration ici en France. Elle y pourfend des "bourgeois blancs progressistes" qui prétendent "apprendre à un immigré musulman à être un bon immigré, un Arabe et musulman authentique". Annie Ernaux, Pascal Boniface, Leïla Slimani ou Laurence De Cock en prennent pour leur grade. En revanche, Elisabeth Badinter a droit à un vibrant hommage...
L'Express : Pourquoi ce livre personnel, dans lequel vous évoquez aussi le rapport à l'Algérie qu'ont les enfants et petits-enfants d'immigrés ?
Fatiha Boudjahlat : Les premiers éditeurs qui m'ont sollicitée auraient voulu que je fasse un livre très personnel. Il y a énormément de livres de témoignage. Moi, j'appelle ça La valise en carton de Linda de Suza (rires). Mais ce qui m'intéresse, ce sont les idées et les valeurs. J'ai donc commencé par des essais sérieux qu'aucun membre de ma famille n'a lus. Ma mère m'a dit "ma fille, je suis très fière, mais je n'ai rien compris!". Dans notre société actuelle, si vous ne dites pas d'où vous parlez, vos propos sont moins légitimes, parce que nous sommes à une époque où seuls les concernés ont le droit à la parole. J'ai préféré faire les choses à l'envers.
Mais pour ce livre, je me suis dit que j'allais montrer que j'ai eu une histoire personnelle beaucoup plus compliquée que certains qui ont fait métier d'être victime. Houria Bouteldja est issue d'une famille favorisée en Algérie. Moi, je me suis retrouvée à devoir témoigner devant une cour d'assises pour mon frère qui a été en prison. Et pourtant, je n'ai pas tiré les mêmes conclusions que les décoloniaux. Sihame Assbague explique que son combat indigéniste est originaire d'une perquisition qu'elle avait subie jeune. Moi, dans ma famille, il y a eu trois perquisitions! Nous faisons des choix, nous ne sommes pas des feuilles mortes ballottées par le vent, comme le prétendent certains. J'ai un vécu bien plus compliqué qu'eux, mais je ne bascule pas dans ce ressentiment dont ils font étalage par rapport à la France.
"Au concours des difficultés matérielles, je bats Annie Ernaux haut la main"
Vous expliquez que l'enfant d'immigré est un "double transfuge de classe". Pourquoi ?
J'avais sur les réseaux sociaux exprimé mon opposition à une tribune d'Annie Ernaux en faveur du voile, ce qui m'a valu d'être exclue au dernier moment de la Grande Librairie. Des écrivains comme Annie Ernaux ou Didier Eribon ont fait commerce de cette notion de "transfuge de classe". Ils veulent qu'on les plaigne pour leur enfance, ils minorent le capital culturel dont ils ont bénéficié, ils se font passer pour des héros qui se sont construits eux-mêmes. Alors que le système éducatif a tout simplement fonctionné. Nous sommes censés faire plus d'études que nos parents.
Annie Ernaux est quand même gonflée. Elle est fille d'épicière et a eu sa chambre à elle, mais s'est sentie humiliée par rapport à des filles allant à l'école privée. C'est toujours une rancoeur vis-à-vis de leurs parents, et une façon de les détruire. Edouard Louis est allé jusqu'à changer de nom, tout en faisant des livres sur sa famille. Mais que ces auteurs ne se plaignent pas par rapport à ceux qui n'ont jamais eu accès aux mêmes choses qu'eux ! Eux n'étaient pas huit enfants dans trois chambres, sans jamais un livre, sauf du Barbara Cartland. Mes parents étaient issus du lumpenprolétariat, d'un autre pays, sans réseau familial. Au concours des difficultés matérielles et des capitaux manquants, je les bats haut la main.
Un immigré est un transfuge de classe, quittant un niveau de vie souvent misérable pour aller vers un niveau de vie toujours difficile, mais tellement supérieur à celui de son pays. Un enfant d'immigré est un double transfuge de classe : un plus grand écart le sépare de la famille de ses parents au bled. Ma mère a par exemple été mariée en sortant de l'école primaire. C'est la double culpabilité. Vis-à-vis du pays de nos parents qui n'est plus vraiment le nôtre. Et vis-à-vis de nos parents, alors que nous parlons correctement le français, que nous jouons les interprètes pour eux. J'officie comme juge assesseure au tribunal pour enfants de Toulouse. J'y ai vu des gamins se moquer de leurs parents du fait de leur accent ou de leur mauvaise compréhension du français. On leur en veut de ne pas parler français aussi bien que nous. Il y a cette distance créée par la langue. Elle est due au fait que nous, quoi qu'on en dise, sommes des Occidentaux. Et quand on va en Algérie, on se fait repérer comme étant français à deux kilomètres (rires).
Vous expliquez qu'aux yeux des petits enfants d'immigrés algériens, l'Algérie passe souvent pour un eldorado. C'est le pays des vacances et d'un pouvoir d'achat plus important, là où la France est celui de la scolarité, du travail et des obligations. Est-ce une image fantasmée ?
On est dans des imageries d'Epinal. Nous, les enfants d'immigrés, on sait que nos parents sont partis parce qu'en Algérie, c'est terrible. Le bled, on l'a quitté parce qu'on n'y vivait pas bien. Mon père est mort il y a deux ans dans un aéroport à Oran dans les bras de mon frère qui le ramenait en France pour être soigné d'une maladie attrapée dans un hôpital. Mon frère, qui n'arrête d'ordinaire pas de dire "vive l'Algérie" a pleuré au téléphone. Dans les hôpitaux algériens, c'est la famille du patient qui doit venir nettoyer la chambre et laver le malade, qui doit le nourrir et même apporter les médicaments. C'est en Europe que les riches Algériens se font soigner. Ou dans les cliniques privées algériennes hors de prix. Nous les enfants d'immigrés savont cela. Mais la génération de nos enfants vit dans l'illusion que l'Algérie serait le pays des vacances perpétuelles, que c'est la belle vie parce que nous avons les moyens d'y aller au restaurant tous les jours. Tous les gamins que j'ai eu au collège en tant que professeure sont dans ce fantasme-là. Il faut les faire réfléchir, leur expliquer qu'il y a un différentiel de pouvoir d'achat entre un pays riche et un pays en développement. Personne ne peut vivre dans un fantasme. Mais ma génération a aussi alimenté ces fantasmes pour que nos enfants gardent une image positive de l'Algérie, ce qui a fait qu'ils sont à fond dans cette obsession identitaire.
"Vous vous souvenez de la Zoubida de Lagaf ?"
"Les élèves issus de l'immigration sont dans une inculture crasse" écrivez-vous. Ce sont des mots durs...
Ce sont des mots durs, mais c'est pour dire que ces élèves sont souvent dans la revendication identitaire. Des élèves testent sur moi des mots arabes pour voir si je suis dans la connivence communautaire. Ils me saluent d'un "Selem ay likoum", mais ignorent, contrairement à leurs camarades arabophones et immigrés, qu'il existe une autre façon de se saluer, non religieuse: "Sbar el khair" pour le matin, "Sbah el nour" pour la journée. Ils sont dans une telle revendication qu'ils ne sont pas prêts à admettre qu'ils ont des choses à apprendre. Quand j'enseigne la guerre d'Algérie, ils me disent ainsi que les Algériens sont des combattants contrairement aux Marocains. Ils trouvent les Tunisiens trop efféminés. Il est difficile dans ce contexte de leur faire apprendre des choses scientifiques et historiques. Pas un ne sait qu'avant la France, il y avait eu la puissance ottomane qui colonisait l'Algérie. Ou qu'au VIIe siècle, les Arabes n'étaient que dans la péninsule arabique, et pas en Algérie. Vous vous souvenez de la Zoubida de Lagaf ? Eh bien, il y a un phénomène de "zoubidation" mondiale avec cette idée que le folklore prime. Il faut donc déconstruire tout ce que ces jeunes croient savoir.
Vous êtes critique contre les sondages sur les musulmans, à l'image de qui, en 2019, montrait que 27% des musulmans interrogés estimaient que la charia devrait primer sur la loi islamique. Pourquoi ?
Je trouve que le sondage est l'une des choses les plus complexes de l'univers. La méthodologie devrait prendre quatre pages. Dans ce cas-là, on appelle des gens qu'on reconnait comme étant musulmans. Or si vous interrogez quelqu'un en tant que musulman, il va vous répondre comme musulman. Dans un autre contexte, il aurait peut-être fait une autre réponse. Surtout, comme le dit le sociologue Ali Al-Wardi, "si on laissait aux Arabes le choix entre un État laïque et un État religieux, ils voteraient pour l'État religieux et iraient vivre dans l'État laïque." Posez n'importe quelle question à un musulman sur l'islam, et la réponse sera un acte de foi quel que soit son degré de pratique religieuse. Vous fournissez à ces gens une occasion facile d'être dans une surrenchère dont ils ne pensent pas un mot.
La question de ce sondage était mal posée. Elle donnait l'impression d'une compétition entre civilisation et style de vie musulmans avec la France et son système politique. Répondre que la loi islamique primait était non seulement un acte de foi facile, mais un doigt d'honneur à l'interrogateur, et un élément du dispositif d'estime de soi. J'ai pu le vérifier avec mes élèves. Quand je leur parle de la charia, et que je leur explique que c'est la loi islamique, ils me répondent "ah oui c'est bien". Mais quand je leur raconte qu'on coupe la main en cas de vol, ils s'y opposent immédiatement. Il y a des gamins qui sont simplement dans la fanfaronnade, et jouent aux surmusulmans comme l'a expliqué Feti Benslama. Vous croyez vraiment qu'avec le nombre de personnes déjà en prison, les gens voudraient d'une application de la charia ?
"Des féministes sont capables de repérer le patriarcat dans la moindre virgule, mais vont légitimer le sexisme quand il est arabo-musulman"
Vous revenez aussi sur le terme de "native informant" (informateur indigène), utilisé par le chercheur Pascal Boniface à propos de l'imam Chalghoumi comme par Houria Bouteldja contre Leila Slimani...
C'est un mot savant pour désigner un "nègre de maison". "Native informant" est un alibi scientifique qui vise à délégitimer des expériences de vie. On nous dit qu'il faut écouter les concernés, mais dès que ces concernés ne disent pas ce l'on souhaiterait et font entendre un son de cloche différent, on utilise ces termes violents, en faisant croire que ce serait de la science. Quand Pascal Boniface qualifie Hassen Chalghoumi de "native informant", il conteste la légitimité de sa prise de parole. Un bourgeois blanc prétend ainsi apprendre à un immigré musulman à être un bon immigré, un Arabe et musulman authentique. Mais Joe Biden a fait la même chose en déclarant qu'un Noir ne serait pas un "vrai Noir" en votant pour Trump. Qui sont ces personnes pour dire qui serait un vrai Noir ou Arabe ? Nous ne sommes pas des fromages AOP-AOC !
"#Metoo, ce n'est pas fait pour nous, les non-Blanches. Parce que l'oppression que nous subissons n'est pas du patriarcat, c'est de la religion liée à notre identité profonde non blanche" écrivez-vous...
On nous exclut de cette révolution. Les Africaines et les Maghrébines sont les angles morts des promotrices de #MeToo. Des féministes sont capables de repérer le patriarcat dans la moindre virgule ou syntaxe, mais vont légitimer le sexisme quand il est arabo-musulman en disant que c'est de la culture. Je ne vois pas en quoi la culture arabo-musulmane serait moins patriarcale que celle judéo-chrétienne? C'est une cécité volontaire : ces Occidentales refusent aux Orientales les standards d'égalité et de dignité qu'elles exigent pour elles-mêmes. Au nom de quoi aurais-je des aspirations différentes, et en fait moindres, que les féministes blanches et bourgeoises ?
Je n'aurais jamais pensé que ce délitement se ferait aussi rapidement. Les mêmes qui se moquent des femmes américaines bigotes qui vantent la virginité ne disent rien sur les reconstructions d'hymen en France qui ne concernent qu'une seule communauté religieuse. Assa Traoré peut aussi faire l'éloge de la polygamie, en racontant à quel point cela a été formidable pour sa famille. Comme ces pratiques seraient intrinsèques à notre identité, ce serait bon pour nous.
Vous expliquez que faire le constat d'une société maghrébine selon vous "profondément misogyne, sexiste, brutale, inégalitaire et patriarcale" ne signifie pas qu'il faille exonérer la société occidentale et penser qu'elle serait un "havre égalitaire"...
Bien sûr que l'égalité est un "work in progress" et un objectif à atteindre ! Mais ces féministes sont volontairement aveugles face à un patriarcat issu du Maghreb qui représente une double peine, puisqu'il est lié à une religion, et qu'il concerne des populations immigrées, plus précaires, qui font face à des pressions communautaires. Face à ces femmes aveugles, je parle dans ce livre de ce que je connais le mieux. A chaque fois que j'ai dû déménager, j'ai été très contente d'avoir sept frères (rires). Mais quand on était en vacances Algérie, je raconte aussi qu'ils ont pu me dire "ici, c'est pas la France, tu restes à la maison". Ma mère devait se couvrir en ne laissant apparaitre qu'un oeil. J'ai eu un père qui laissait à mon frère ainé les frites les plus longues, car le droit d'ainesse est important. Le patriarcat arabo-musulman consacre la toute-puissance du père. Alors que mon père a pu, par mariage religieux, avoir sept épouses consécutives, ma mère a elle été empêchée par mon frère aîné de se remarier à moins de 45 ans. Rokhaya Diallo se plaint de n'avoir, dans sa jeunesse, pas eu de personnes noires à la télévision auxquelles s'identifier. Moi, j'étais choquée de voir des séries avec des familles au sein desquelles régnait la tendresse. Nos parents ont été très durs. Mais vu leur vécu, c'était compréhensible. Ils se sont rattrapés comme grands-parents.
"Non, le féminisme universalisme n'est pas le fait de vieilles rombières blanches !"
A propos de Leïla Slimani, vous écrivez : "Elle reste bourgeoise avant d'être une "racisée". Quand elle explique à une Élisabeth Quint conquise, que les mamans voilées sont en effet stigmatisées et souffrent en France, qu'elle-même ne porterait jamais le voile, mais que les autres femmes ont le droit de le porter ; c'est toute l'incohérence de la grande bourgeoise qui apparaît. Elle refuse le voilement pour elle, pour ce qu'il signifie de sexisme et de destin second. Mais par contre, elle ne voit pas de problème à ce que les autres, en dehors de sa famille, des siens, de sa classe sociale, s'en revêtent"...
Cela a sauté aux yeux des gens quand elle a publié dans le Monde son journal de confinement qui a été moqué. Comme Léa Salamé, Leïla Slimani, qui est talentueuse, est issue de la grande bourgeoisie, ces "anywhere" à l'aise partout. Je ne comprends pas comment elle ose affirmer qu'elle ne veut pas du voile pour elle, mais qu'en même temps, elle défende sa perpétuation dès qu'il s'agit des femmes des classes inférieures en France. Elle sait que le voile est un signifiant misogyne qui fait de la femme un organe génital total. En tant que fille éduquée, elle n'a bien sûr pas été élevée comme ça.
Je reste attachée à une lecture de classes. Cette grille d'analyse explique aussi la hargne de figures comme Danièle Obono ou Houria Bouteldja, qui sont issues d'une classe favorisée en Afrique, mais ont connu des conditions moins privilégiées en France. Le déclassement social, ça rend le bourgeois agressif (rires).
Vous semblez blessée par ce que vous désignez comme étant de la condescendance" de la part de "féministes bourgeoises blanches", à l'image de l'historienne Laurence De Cock...
Si vous restez dans le récit biographique, elles vont vous prêter attention. Mais dès que vous prétendez aller sur le terrain intellectuel, elles vont chercher à vous disqualifier. Je devais par exemple débattre avec Laurence De Cock dans une émission de Frédéric Taddeï, qui avait pourtant par le passé reçu Houria Bouteldja, Gabriel Matzneff ou Marc-Edouard Nabe. J'ai été décommandée pour des propos sur les réseaux sociaux. Taddeï a dû se dire que j'étais mal dégrossie. Mais ces bourgeois blancs progressistes savent bien qu'ils ne peuvent m'opposer les arguments misérabilistes. Contrairement à Laurence De Cock, je suis professeure à temps plein. Je suis "racisée", maghrébine et musulmane. J'ai connu la misère. J'appartiens au milieu populaire immigré dont ces bons bwanas prétendent se faire les hérauts et oeuvrer à lui donner une visibilité médiatique. Si j'avais été une rappeuse, on m'aurait encensée. Mais comme je veux aller sur leur terrain intellectuel, tous les moyens sont bons pour me disqualifier.
Vous déplorez que le féminisme universaliste soit souvent présenté comme étant vieillot. Pourquoi ?
Le dispositif médiatique imposé par les féministes intersectionnels consiste à dire que les féministes universalistes seraient blanches ou veilles, là où le féminisme intersectionnel serait inclusif, jeune et "racisé". Je suis "racisée", issue du prolétariat, et pourtant universaliste. Non, le féminisme universalisme n'est pas le fait de vieilles rombières blanches! Mais n'oublions quand même pas que ces supposées rombières nous ont obtenues tant de choses et ont lutté contre un Etat misogyne. Et ce sont elles qui restent les plus courageuses. Je trouve ainsi ça extraordinaire qu'une femme aussi différente de moi comme Elisabeth Badinter me considère comme son égale.
"Elisabeth Badinter est déroutante tant elle est simple"
A propos d'Elisabeth Badinter, vous écrivez ces lignes émouvantes : "Dans mon parcours de vie, je n'ai rien de commun avec elle, hormis l'essentiel : le combat pour l'émancipation individuelle et collective. Elle n'est pas ma soeur, elle est une amie et une camarade de combat. Elle n'accomplit pas un acte de charité quand elle me parle. Je suis son égale. Et c'est la seule reconnaissance qui vaille".
Vous imaginez comme j'étais intimidée quand je l'ai rencontrée ! Mais Elisabeth Badinter est déroutante tant elle est simple. Elle sort sa vapoteuse, vous écoute et prête attention à ce que vous dites. Aujourd'hui, la mode est à la "sororité". Camélia Jordana sort un album avec Vitaa et Amel Bent intitulé Sorore. Mais comme le rappelle Romain Gary, la cellule familiale renvoie à une prison. C'est le premier lieu du patriarcat. Je ne veux pas subir cette injonction à être solidaires avec toutes les femmes simplement parce qu'elles seraient femmes.
Les adversaires d'Elisabeth Badinter lui reprochent souvent son statut social...
Françoise Vergès, une des idoles des décoloniaux, est millionnaire. Cette femme est descendante d'esclavagistes, mais s'est découvert une passion pour l'indigénisme. Ce n'est donc pas le "privilège" d'Elisabeth Badinter qui gêne réellement ses détracteurs.
Ce qui les énerve, c'est qu'elle aurait pu se contenter d'être une héritière qui fait de la charité pour le Louvre, à l'image d'une Liliane Bettencourt. Mais Elisabeth Badinter est quelqu'un qui ne cesse de travailler, et qui va laisser une oeuvre. Elle leur est odieuse parce qu'elle est d'abord une intellectuelle féministe et universaliste. Nous avons des désaccords. Elle est en faveur de la prostitution, je suis abolitionniste. Mais ça n'empêche pas le débat !
Pensez-vous qu'avec ce livre très personnel, le regard de certains de vos opposants va changer ?
Ces gens ne m'ont jamais lue, et ne me liront jamais. Mais c'est en tout cas le livre qui m'a le plus coûté à écrire. Et je peux vous assurer que je n'ai pas mis les choses les plus intimes, car chez nous, la pudeur est importante. Dans ma famille, on ne pleure pas en public. Quand j'ai témoigné pour mon frère aux assises alors qu'il était jugé pour braquage, il m'a regardé avec de la haine dans les yeux, parce qu'il ne voulait pas que je raconte la pauvreté et l'extrême-violence dans laquelle nous avons grandi. Mes frères ne sont donc pas ravis par ce livre.
Vous savez, ma famille, c'est une monarchie parlementaire à la britannique. Ma mère, c'est la reine d'Angleterre. Elle a un pouvoir puissant, mais qui n'est que symbolique. J'ai trois frères très pratiquants. Un qui va être candidat pour l'extrême droite, qu'on a essayé de dissuader. Un qui est membre du CCIF. Un témoin de Jéhovah. Résultat : on ne cesse de s'embrouiller au niveau politique. Mais au final, si j'ai un problème, je sais que mes frères seront là. Ça, c'est la famille, et cela reste précieux. Même si pour eux, cela les arrangerait souvent que je change de nom (rires).
"Les nostalgériades", de Fatiha Agag-Boudjahlat (Cerf, 140 p., 16 €).
" Bains Romains est un village en bord de mer, à 9 km à l'Ouest d'Alger
Aujourd'hui, 9 km, c'est la très proche banlieue d'une ville moyenne. À l'époque, en 1960, 9 km, c'était un trajet conséquent, de mémoire, une demi-heure à trois-quarts d'heure en autobus, sur une route étroite en bordure de mer, souvent encombrée, en particulier le dimanche soir.
Avant d'être Citoyen du monde, je suis Bainsrominois. Si j'ai des racines, elles sont profondément ancrées dans le sol de Bains Romains.
Mon adolescence, elle a baigné dans le bonheur, elle a été écartelée, déchirée, elle a pleuré d'émotion, elle s'est coltinée avec des sensations fortes, mais elle n'a jamais été seule.
D'Alger aux Bains Romains les moyens de communication ne manquaient pas, mais le vélo n'était certainement pas le plus mauvais et en tout cas il était souvent le plus rapide : 32 minutes en temps normal, 28 minutes quand on était pressé pour relier le "village des Bains Romains" à la rue Michelet. Dans l'autre sens, c'était un peu plus long à cause de la côte de la Corniche, à moins de s'accrocher à un camion ou à un bus... "
Le webmaster de Judaicalgeria a partagé de nombreux souvenirs de plage avec Chounet créateur du site " Bains Romains" et s'étaient retrouvés en 2005. Il a rejoint les étoiles malheureusement...
Environs d'Alger - Les Bains Romains - La Plage Martin
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