Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
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Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Par
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
Une série documentaire de sept heures, découpée en quatre parties, parvient à dresser un portrait fidèle, authentique et exhaustif du triple champion du monde. En n’oubliant pas sa part d’ombre.
27 mai 1963 : le boxeur américain poids lourd Cassius Clay (futur Muhammad Ali) est allongé sur son lit d’hôtel à Londres. Il lève cinq doigts pour prédire le nombre de rounds qu’il lui faudra pour mettre K.O. le boxeur britannique Henry Cooper. LEN TRIEVNOR/HULTON ARCHIVE/GETTY/ARTE
Comment résumer avec justesse Muhammad (et non Mohammed, car il était américain) Ali ? Comment condenser le destin d’un homme aussi complexe et fascinant ? De nombreux documentaristes ont tenté l’exercice, ô combien périlleux. Un certain nombre s’y sont cassé les dents. Peut-être tout simplement parce qu’il est impossible de réduire le parcours exceptionnel d’Ali dans un seul film.
Le plus grand boxeur de tous les temps mérite qu’on s’y attarde. C’est le parti pris de Ken Burns, coutumier de très longs-métrages (il a notamment réalisé The Civil War, où il raconte en onze heures les quatre années de la guerre de Sécession). Avec sa série documentaire en quatre parties d’une durée totale de sept heures, sobrement intitulée Mohammed Ali, Ken Burns propose une formidable immersion dans la vie du champion. Il fallait bien ce format monumental pour dresser un portrait fidèle, authentique et exhaustif du poids lourd.
Ascension fulgurante
A travers de fabuleuses archives, dont certaines inédites, et de très nombreux entretiens – deux des filles d’Ali, Rasheda et Hana, leurs mères, le très controversé promoteur Don King, ou encore le boxeur Larry Holmes… –, le réalisateur parvient à explorer avec une grande humanité toutes les facettes du triple champion du monde. Patiemment, donc, mais toujours de façon rythmée et dynamique, il déroule l’histoire de celui qui fut, comme l’écrivit Norman Mailer, « la plus parfaite incarnation de l’esprit du XXesiècle ».
A l’origine, Cassius Marcellus Clay Jr, un gamin issu de la classe moyenne inférieure noire, originaire de Louisville, dans le Kentucky. La première partie du documentaire suit l’ascension fulgurante du jeune homme, déjà grande gueule et insolent, vers le sommet de la boxe professionnelle : un morceau de vie passionnant sur lequel la plupart des films consacrés à Ali passent toujours un peu trop vite.
Il y a ensuite, bien sûr, le boxeur danseur, le poids lourd qui éblouit autant par son incroyable jeu de jambes que par la rapidité de ses directs du gauche acérés. L’athlète hors norme, le génie du noble art qui « flotte comme un papillon et pique comme une abeille ». Sur le plan purement sportif, les amateurs de boxe seront comblés par les nombreuses images de combats, y compris les moins connus du grand public.
L’une des grandes forces de ce documentaire est d’insister sur les engagements personnels et politiques du boxeur. Car ses plus grands combats, le « Champ » les a menés en dehors des rings. Converti à l’islam, celui qui sera désormais connu sous le nom de Muhammad Ali refusera, au nom de sa foi, son incorporation pour la guerre du Vietnam et sera déchu de ses titres mondiaux. Honni pendant des années par une large frange de l’Amérique blanche et chrétienne, Ali n’a jamais dévié de ses convictions. Héraut du Black Power, il est devenu un symbole mondial de liberté et de courage.
Pionnier révolutionnaire, charismatique et flamboyant, Ali avait aussi sa part d’ombre, que le film n’oublie pas d’évoquer : ses multiples infidélités, le moment où il a tourné le dos à son ami Malcolm X, sa cruauté assumée lorsqu’il humiliait ses adversaires à grand renfort de trash-talking (« provocation verbale »), son ego surdimensionné… Décidément, Ken Burns arrive à tout dire et rend ainsi d’autant plus honneur à l’icône planétaire.
Mohammed Ali, documentaire en quatre parties de Ken Burns, Sarah Burns et David McMahon (EU, 2021, 4 × 110 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 11 mars 2022.
Igor Bogdanoff est mort lundi à l’âge de 72 ans, moins d’une semaine après son frère Grichka, tous deux des suites d’une contamination à la COVID-19 selon des proches : les jumeaux furent des vedettes de la télévision des années 80 pour avoir lancé la première émission de science-fiction en France.
« Dans la paix et l’amour, entouré de ses enfants et de sa famille, Igor Bogdanoff est parti vers la lumière lundi 3 janvier 2022 », ont écrit ses proches dans un message transmis par son agent.
La famille n’a pas souhaité communiquer sur les causes de la mort d’Igor Bogdanoff, survenue lundi après-midi dans un hôpital parisien.
Son frère jumeau Grichka était mort le 28 décembre, après plusieurs jours d’hospitalisation et de coma. Là aussi, la famille n’avait pas souhaité communiquer sur les causes de sa mort, mais des proches avaient assuré qu’il n’était pas vacciné et qu’il était mort de la COVID-19.
Peu après la mort d’Igor, l’avocat des deux frères, Me Édouard de Lamaze, a confirmé sur RTL que ce nouveau décès était dû à la COVID-19. À la question « Est-il mort de la COVID-19 ? », l’avocat a répondu : « Oui malheureusement ». Il a en revanche refusé de confirmer que Igor n’était pas vacciné, indiquant qu’il était « avocat, […] pas médecin ».
Igor Bogdanoff, père de six enfants nés de plusieurs unions, était hospitalisé depuis la mi-décembre, comme le fut son frère.
Luc Ferry, professeur de philosophie et ancien ministre de l’Éducation, ami des deux frères, avait assuré au Parisien, au lendemain du décès de Grichka, que les Bogdanoff n’étaient pas vaccinés. Il avait également confirmé que Igor, positif à la COVID-19, était alors en service de réanimation.
Célèbres et controversés
Rendus célèbres dans les années 1980 par leur émission de science-fiction Temps X sur TF1, où ils évoluaient dans un décor de vaisseau spatial avec des combinaisons futuristes, Igor et Grichka étaient devenus l’objet de railleries pour leurs visages profondément transformés qu’ils qualifiaient eux-mêmes « d’extraterrestres ».
Malgré les polémiques, Grichka et Igor Bogdanoff ont préservé une notoriété, notamment auprès des quadra et des quinquagénaires, qui suivaient leurs émissions lorsqu’ils étaient enfants ou adolescents. Ces dernières années, ils étaient des invités récurrents de l’émission de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste !.
Leurs ouvrages scientifiques ont suscité leur lot de controverses et leur ont valu les foudres d’une partie de la communauté scientifique qui critiquait la « faible valeur » de leurs travaux.
Ils avaient été accusés de plagiat par l’astrophysicien américain Trinh Xuan Thuan pour l’une de leurs publications les plus connues, Dieu et la science, entretien avec le philosophe Jean Guitton (1991).
En 2010, l’hebdomadaire Marianne a publié des extraits d’un rapport du CNRS selon lequel les thèses et d’autres articles des deux frères, n’ont « pas de valeur scientifique ». En 2012, 170 scientifiques ont revendiqué leur « droit au blâme » après la condamnation d’un chercheur du CNRS critiquant des écrits des jumeaux.
Marianne sera condamné pour diffamation en 2014, mais, peu après, les frères seront en revanche déboutés d’une action engagée auprès du tribunal administratif de Paris contre le CNRS.
Beaucoup de mystère entoure la biographie des jumeaux qui ont rencontré de nombreux ennuis judiciaires. Récemment encore, ceux-ci ont entaché leur projet de reprise de leur émission culte Temps X avec le groupe Canal.
Les deux frères avaient été renvoyés en correctionnelle pour « escroquerie sur personne vulnérable ». Le procès devait avoir lieu les 20, 21 et 27 janvier 2022. Ils étaient accusés d’avoir escroqué un millionnaire souffrant de troubles bipolaires pour régler leurs déboires financiers et relancer l’émission Temps X.
La victime, Cyrille P., un ancien hôtelier fortuné de 53 ans souffrant de troubles bipolaires depuis plusieurs années, s’est suicidée le 31 août 2018, au plus fort de l’enquête, depuis les falaises d’Etretat (Seine-Maritime).
Admira était bosniaque, Bosko était serbe ; ils avaient 25 ans et s’aimaient. Le 18 mai 1993, des tirs les fauchent sur le pont de Vrbaja séparant les forces ennemies. Ils meurent enlacés pour l’éternité.
Un film documentaire diffusé dimanche 1er avril à 22 heures sur France 5 raconte leur tragédie, comme une parabole de l’amour, plus fort que les haines ethniques.
Leur idylle est née lors des Jeux olympiques d’hiver en 1984. A cette époque, les habitants de Sarajevo n’ont jamais été aussi confiants dans l’avenir de leur pays. Pourtant, depuis la mort de Tito, les tensions s’accroissent. En 1991, la Slovénie puis la Croatie déclarent leur indépendance. En 1992, c’est au tour de la Bosnie. Les Serbes, qui ne tolèrent pas cet affront, quittent Sarajevo et se lancent dans une véritable croisade contre l’envahisseur musulman.
Les Serbes encerclent la ville qu’ils pilonnent continuellement. Bosko décide dans un premier temps de rester à Sarajevo avec Admira mais très vite, leur existence dans la ville assiégée devient très difficile. Agressé par les Bosniaques, Bosko décide de fuir avec Admira. Le 18 mai 1993, ils s’avancent sur le pont Vrbanja, no man’s land marquant la frontière entre les territoires ennemis, au bout duquel les attendent d’anciens compagnons serbes. Lors de leur traversée, des coups de feu retentissent. Apeurés, ils stoppent leur marche et quelques instants plus tard, ils sont abattus. Leurs cadavres resteront neuf jours sur le pont.
Le 23 mai, la dépêche d’un journaliste américain fait le tour du monde : « Deux amants retrouvés morts sur les bords de la rivière Miljacka à Sarajevo, enlacés dans une ultime étreinte… Elle a rampé pour le serrer dans ses bras, et ils sont morts comme ça, dans les bras l’un de l’autre. »
Bosnie : le pont sur la Drina n’en finit pas de ruisseler de légendes et de larmes
Trente ans après les terribles épurations ethniques menées par les Serbes, le légendaire Pont ottoman sur la Drina reste la scène des guerres de la mémoire en Bosnie. Sur fond de rivalité des grandes puissances, le conflit se poursuit dans les têtes, menaçant de s’enflammer de nouveau.
En Bosnie orientale, à Visegrad, chaque année au mois de juin, des centaines de Bosniaques musulmans se penchent par-dessus le parapet du célèbre pont ottoman de pierres ocre, vers les eaux émeraude de la majestueuse Drina. Yeux embués, gorge serrée, silencieux, ils jettent dans les flots impétueux des roses, rouges comme le sang. Trois mille roses pour trois mille vies,sauvagement saccagées il y a trente ans. Le pont sur la Drina, immortalisé par le célébrissime « roman historique » d’Ivo Andric paru en 1945 – l’unique prix Nobel yougoslave de littérature –, n’en finit pas de ruisseler de légendes et de larmes.
Merveille de l’architecture ottomane, enjambant gracieusement les eaux vertes de ses onze arches blanches, reliant l’Orient à l’Occident, le Vieux Pont est depuis des siècles le témoin muet des amours et des haines, de toutes les joies et de tous les massacres. En 1992-1993, il fut une fois de plus le théâtre d’effroyables tueries, perpétrées par des forces serbes. Elles avaient déclenché la terrible guerre de Bosnie, considérée comme une« revanche historique » sur les « Musulmans » − comme on appelait les Bosniaques sous le régime yougoslave.C’est pour commémorer les crimes contre l’humanité commis ici, il y a trois décennies, contre leurs proches par des nationalistes serbes que les Bosniaques lancent chaque année des fleurs aux âmes des disparus.
Une des pires campagnes de « purification ethnique »
Hommes, femmes, enfants, vieillards ont été torturés, exécutés, violés, brûlés vifs par milliers… Personne ne se souvient exactement comment a commencé ce qui fut l’une des pires campagnes de « purification ethnique » contre les Musulmans. De l’avis général, « le Pont sur la Drina » d’Ivo Andric aurait peut-être mis le feu aux poudres à Visegrad, voire à la Bosnie tout entière. Pour les Serbes, c’est « un fou, un illettré, un ignare » qui, en s’en prenant à Ivo Andric, a allumé l’incendie.
« C’est moi le crétin, le terroriste musulman numéro un », s’amuse à Sarajevo Murat Sabanovic, homme jovial et toujours robuste de 68 ans. Murat n’était qu’un écolier quand Ivo Andric, tout juste couronné du Nobel en 1961, était venu à Visegrad, la ville de son enfance. L’écrivain avait fait un discours devant sa classe sur « l’amitié socialiste entre les peuples », entre Slaves du Sud, Serbes, Croates ou Musulmans. Andric le Croate croyait à la fraternité yougoslave, Murat le jeune musulman aussi. Mais quand, dans les années 1990, le socialisme s’est effondré, les nationalismes se sont embrasés, attisés par une nomenklatura communiste qui, pour survivre, n’a pas hésité à manipuler un chauvinisme explosif.
Murat ne supporte pas cette nouvelle arrogance « grand-serbe ». Il est chez lui à Visegrad, terre de ses ancêtres. Comme beaucoup de ses compatriotes, souvent laïques voire athées, volontiers buveurs d’alcool, il est plus musulman de culture que de religion. C’est son identité. Citoyen yougoslave et Musulman – l’une des nationalités constitutives du pays –, il adhère au Parti d’Action démocratique (SDA), le nouveau parti des Musulmans de Bosnie où certains jouent aussi avec le feu nationaliste et finiront par s’y brûler.
Murat Sabanovic, en décembre 2021. (DAMIR SAGOLJ POUR « L’OBS »)
En juillet 1991, la guerre a déjà éclaté en Croatie, les tensions montent en Bosnie. Près du pont construit par le grand vizir ottoman Mehmed Pacha Sokolovic, devant le mémorial à Ivo Andric, les Tchetniks, ultranationalistes serbes aux barbes épaisses, bonnets poilus et drapeau noir à tête de mort, n’en finissent pas d’entonner une version « actualisée » de la fameuse « Marche sur la Drina » de la guerre de 1914-1918 : « Il y aura à nouveau l’enfer et la sanglante Drina, voici les Tchetniks des montagnes serbes. » Murat perd son sang-froid : « J’ai foncé chez moi. J’ai pris une masse, je suis revenu près du Vieux Pont et j’ai cassé le monument d’Ivo Andric. » Il jette les éclats de marbre blanc dans la rivière.
« Je ne supportais plus que ces Tchetnikset leurs popes se réunissent devant cette sculpture pour tenir des discours à la gloire d’une “Grande Serbie” ethniquement pure, nettoyée des Musulmans », explique Murat. Cet électricien de profession n’est pas un illettré. Le célèbre « terroriste ignare » de Bosnie a lu Andric : « Je n’ai rien contre lui. Mais son roman était brandi par les Serbes comme une bible nationaliste pour justifier une revanche contre nous. Ils confondent la fiction et l’histoire. »
Au moment où Murat Sabanovic profane le monument du prix Nobel, « Vox », journal satirique de Sarajevo, publie en première page une caricature : Ivo Andric empalé sur un stylo. Une allusion aux insoutenables premières pages du « Pont sur la Drina ». Contant près de quatre siècles d’histoire de Visegrad, narrant la construction du pont du grand vizir, Ivo Andric décrit minutieusement l’empalement par les Ottomans, au milieu du Vieux Pont, de Radisav, un saboteur serbe. L’atroce scène, où l’on entend « les craquements et craquements » du corps où s’enfonce le pieu, est purement imaginaire.
Qu’importe : les ultranationalistes, s’emparant de cette fiction, de la caricature de « Vox » et du geste sacrilège de Murat Sabanovic, s’enflamment : il faut venger Radisav et Ivo Andric ! Ce sont de nouveau les Serbes et la Serbie qu’on empale ! Les nationalistes serbes s’arment. Ils peignent en lettres rouges sur les murs les « 4 S » : « Samo Sloga Srbina Spasava » (« Seule l’union sauve les Serbes »). Bientôt, sur le Vieux Pont, symboliquement, à l’endroit même où Radisav a été supplicié, on se venge des « Turcs » en massacrant des Bosniaques. Ce n’est plus de la caricature, ce n’est plus de la littérature, c’est la guerre.
Le « bourreau de Visegrad »
Chef des Aigles blancs, la milice serbe qui a mis Visegrad à feu et à sang au début de la guerre de Bosnie, Milan Lukic croit que tout ce qu’a écrit Andric est véridique – les atroces sévices des Ottomans contre les Serbes, comme l’empalement sur le Vieux Pont. Milan Lukic paraît oublier que l’écrivain catholique d’origine croate était imprégné de stéréotypes négatifs envers les Musulmans. Comme beaucoup de Serbes orthodoxes, Milan Lukic considère que ces Slaves du Sud, convertis à l’islam sous les Ottomans, ne sont que des « traîtres ». Et l’on sait quel sort réserver aux vendus… « Lukic était d’une intelligence en dessous de la moyenne », raconte l’un de ses camarades d’école.
A la Haye, devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie – où il a fini par comparaître en 2008pour « extermination d’un nombre important de civils, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées » –, Milan Lukic brandit le livre du prix Nobel en guise de justification à la guerre, à la « revanche » des Serbes, aux massacres des Musulmans par ses miliciens – aussi surnommés « les Vengeurs ». Le « Pont sur la Drina » pour livre de chevet, le « bourreau de Visegrad » purge dans une prison estonienne une peine de perpétuité pour crimes contre l’Humanité. Dès 1967, le professeur de philosophie Muhamed Filipovic, l’un des fondateurs en 1990 du SDA, avait mis en garde : Andric est l’auteur « d’une littérature qui a divisé la Bosnie plus que les armées qui l’ont traversée ».
Murat Sabanovic se dit prêt à être jugé lui aussi. Mais seulement par la justice internationale. Il compte de nombreux exploits à son actif. A Visegrad, son frère Avdija était le « politique », le numéro deux d’un SDA qui a mené la Bosnie à l’indépendance. Murat était l’homme d’action, un paramilitaire qui ne donnait pas dans la romance. En avril 1992, l’armée yougoslave aux mains des Serbes tente d’occuper Visegrad, ville stratégique avec son pont reliant l’Orient à l’Occident. Murat prend en otage des policiers serbes et le gigantesque barrage hydroélectrique en amont de la ville. Pour arrêter l’armée, il menace de « tout faire péter ». De Paris, le réalisateur Emir Kusturica, né à Sarajevo, l’appelle pour lui dire de « ne pas déconner ». Murat déconne. Mais il ne réussit à ouvrir qu’une des vannes de la centrale. Le Vieux Pont est submergé, quelques maisons inondées, celle de Murat notamment.
Toujours recherché par les Serbes, Murat Sabanovic ne peut plus retourner à Visegrad. La ville « nettoyée » a été attribuée aux Serbes de Bosnie par l’accord de Dayton de 1995, comme toute une « région autonome » taillée dans le sang, baptisée « Republika Srpska ». Dayton a mis fin à la guerre sans ramener la paix. Forts du soutien de Belgrade et de Moscou, les Serbes en Bosnie en veulent plus. Ils n’ont pas renoncé à faire sécession, à s’unir avec Belgrade pour réaliser le dangereux rêve de « Grande Serbie ». Après les 100 000 tués du dernier conflit, le spectre d’un nouveau bain de sang rôde dans les Balkans. Bientôt, peut-être, le révisionnisme historique quotidiennement à l’œuvre aura effacé les traces des derniers massacres, ouvrant la voie à de nouvelles tueries.
Le Vieux Pont de Visegrad, rendu célèbre par le roman d’Ivo Andric, prix Nobel de littérature en 1961. (DAMIR SAGOLJ POUR « L’OBS »)
Chaque année, au mois de juin, une fois les roses rouges emportées par le puissant courant, les parents des victimes repartent sans attendre de Visegrad vers Sarajevo, à deux heures de route. Ils n’ont toujours pas réussi à faire apposer sur le Vieux Pont une plaque à la mémoire de leurs morts. Face à l’hostilité d’autorités serbes mouillées dans les massacres, ils préfèrent vivre en zone bosniaque. Sur 14 000 Musulmans qui habitaient ici avant-guerre, seules quelques centaines de personnes âgées ont osé revenir pour y finir leur vie. En rasant les murs.
Réfugié lui aussi près de la capitale bosniaque, « Emim », un nom d’emprunt, retourne parfois le week-end avec femme et enfants dans sa ville natale, peuplée des bourreaux d’hier, mais aussi de Serbes « ordinaires », muets et soumis, car ils ont peur eux aussi. « J’ai passé du temps ici à rechercher les os de mon père », raconte Emim. Comme des dizaines d’autres simples musulmans, – hommes, femmes, enfants, personnes âgées –, son père a été exécuté en 1992 sur le Vieux Pont, et son corps jeté dans la Drina. Emim explique :
« Ici, tout le monde se connaît.Alors j’ai fini par trouver un Serbe qui savait parfaitement où se trouvaient les restes de mon père… c’est lui qui l’avait tué. »
Réclamant l’anonymat, Emim ne dénoncera personne : « Je ne veux pas que ma famille soit en danger quand nous revenons le week-end à Visegrad. Tout ce que je demandais, c’est une tombe pour mon père. J’ai pu enfin l’enterrer. »
La Drina pleure et saigne
Visegrad, « ville touristique ». Assoupie au bord de la rivière, encaissée dans une étroite plaine entre des montagnes sombres, écrasée sous une chape de nuages gris et de pesants non-dits, la cité semble accablée par le poids de l’Histoire. Seule la Drina parle, dit-on ici. Il parait même que l’on peut l’entendre pleurer, crier. Et qu’elle, au moins, ne ment pas. Régulièrement, la puissante rivière saigne. Elle rejette les restes des corps de Musulmans suppliciés il y a trente ans sur les pierres brunes patinées par les siècles du Vieux Pont ottoman.
Milan Josipovic a voulu briser l’omerta. Commandant dans la police serbe à Visegrad pendant la guerre, il ne pourra jamais expliquer pourquoi, dix ans après les massacres, il s’est décidé à collaborer avec la justice. Il en savait long, trop sans doute. Il avait participé aux exactions. C’est lui aussi qui avait enregistré en juin 1992 une macabre plainte. Le directeur de la centrale hydroélectrique de Bajina Basta en Serbie, en aval, protestait : trop de cadavres jetés du pont et emportés par la Drina venaient obstruer son barrage. Plainte classée sans suite. Tout se sait à Visegrad et Milan Josipovic se savait menacé. Ce 30 mars 2005, quand un homme a franchi, arme à la main, la porte de son magasin de torréfaction, il n’a pas pu réagir. Une balle dans la poitrine, une autre dans la tête.
Dans le cimetière, sur un monument en souvenir des Musulmans tués en 1992, le mot « génocide » a été remis à la main après avoir été effacé à la meule. (DAMIR SAGOLJ POUR « L’OBS »)
Arrêtée par les accords de Dayton, provisoirement peut-être, la guerre fait encore des dégâts. Elle se poursuit dans les têtes, dans les journaux, avec des symboles, des mots ou des silences. Au cimetière musulman de Visegrad, un employé de la municipalité serbe a effacé à la meule le mot « génocide » gravé dans un monument de marbre blanc à la mémoire des victimes de 1992. Une femme l’a réécrit au rouge à lèvres. Il a été recouvert de peinture blanche. Entre la justice et l’impunité, la vérité et le négationnisme, la mémoire et l’oubli, c’est une incessante lutte de tranchées. C’est aussi une course dramatique entre l’unité de la Bosnie ou son démembrement, Occidentaux dans un camp, Serbie et Russie dans l’autre.
Dans le cimetière militaire de Visegrad, sous des pierres tombales de marbre noir, reposent des « volontaires » en provenance de la « Grande Russie » qui avaient afflué par centaines en 1992 pour prêter main-forte aux Serbes. Igor Guirkine, alias « Strelkov » ou « le Tireur », était de la partie. Il arrivait de l’ex-République soviétique de Moldavie, où il avait fait le coup de feu aux côtés de séparatistes russes contrôlés en sous-main par Moscou. Plus tard, on retrouve « Igor le Terrible » massacrant des villageois « suspects » en Tchétchénie. Puis, en Ukraine en 2014, œuvrant pour faire tomber la Crimée dans l’escarcelle russe. Et, enfin au sein du gouvernement du Donbass, « ministre de la Défense » des séparatistes russes d’Ukraine. Strelkov l’a reconnu : il n’est pas seulement « un chien fou », c’est un colonel des services secrets de Moscou. Aujourd’hui, le FSB (ex-KGB) n’a pas renoncé à déstabiliser la région : il forme des « unités spéciales » composées de policiers et de paramilitaires chez les Serbes de Bosnie. Comme pour préparer un nouveau conflit.
Prix Nobel et raciste ?
Mais à la source de la tragédie qui s’est déroulée à Visegrad et en Bosnie, plus que les ambitions impériales de la Russie dans les Balkans ou bien les rêves de « Grande Serbie » de Belgrade, on désigne encore et toujours Ivo Andric. Dans son discours de réception du Nobel, l’écrivain avait estimé que « chacun endosse la responsabilité morale pour ce qu’il conte ». Il serait donc le responsable historique de la sanglante zizanie bosniaque. « Andric ? Un raciste qui a dépeint les Musulmans de Bosnie comme des sauvages, qui complotait à Berlin avec Hitler contre les juifs », tranche l’imam d’une des mosquées de Visegrad dynamitées pendant la guerre, reconstruites sous la pression internationale. Mais Andric a raconté qu’il était « au bord de la panique » lorsque, ambassadeur yougoslave à Berlin, il avait remis ses lettres de créance à Hitler. Exclu des négociations qui avaient rallié son pays à l’Allemagne nazie, rentré à Belgrade occupé par les Allemands, il s’était emmuré pour écrire « le Pont sur la Drina », refusant de le publier jusqu’à la fin de la guerre.
En 2019, stupéfaction et consternation en Bosnie – mais aussi ailleurs dans le monde : Peter Handke obtient le prix Nobel de littérature. L’écrivain autrichien s’était distingué en mettant en doute les crimes contre l’Humanité commis par les Serbes en Bosnie, y compris le pire massacre, celui de Srebrenica en 1995. Pour être « présent aux côtés de la Serbie », Peter Handke s’était même rendu en 2006 aux obsèques du « boucher des Balkans », Slobodan Milosevic, l’ex-chef de la Ligue des Communistes de Serbie métamorphosé en leader nationaliste. Le comité Nobel « a complètement perdu sa boussole morale », commente Sefik Dzaferovic, alors représentant bosniaque à la présidence collégiale du pays. Le Nobel à Handke ? « Nouvelle preuve que l’on peut être un écrivain de talent et un salaud de premier ordre », estime un critique littéraire de Sarajevo, en mentionnant Céline.
En mai 2021, les blessures du conflit se rouvrent de nouveau. Peter Handke reçoit à Visegrad le grand prix Ivo Andric des Serbes de Bosnie, des mains de son ami Emir Kusturica. Le flamboyant réalisateur d’origine yougoslave aux deux palmes d’or est passé du côté serbe. En 1996, l’Autrichien Peter Handke avait écrit un livre sur son périple en Serbie et en Bosnie. Dans l’ex-Yougoslavie, il avait alors découvert que tout est plus compliqué qu’écrit dans les journaux, remettant en cause la responsabilité des Serbes. Dans son « Voyage hivernal vers le Danube, la Save, la Morava et la Drina », sous-titré « Justice pour la Serbie », Peter Handke, « plongeant [ses] mains dans l’eau d’hiver de la Drina », s’interroge faussement : « Je me demande si ma maladie à moi, ce n’est pas de ne pouvoir voir les choses autant en noir qu’Ivo Andric dans son épopée de la Drina ? » Comme si l’écrivain autrichien, qui tend à considérer sa littérature comme des leçons d’histoire, avait lui aussi pris au pied de la lettre les sombres fictions d’Andric.
Peter Handke a aussi pris la défense de Milan Lukic, contre la presse qui le dépeint « comme un monstre aux pieds nus ». « Toute la ville est un espace horrible […]. N’y avait-il pas une guerre civile à l’époque ? », fait-il mine de s’interroger. L’écrivain autrichien pourrait bien avoir raison. Il y a eu « des morts des deux côtés », selon la formule classique pour renvoyer les parties dos à dos. Plus de 68 000 tués chez les Bosniaques (dont 70 % de civils). Près de 23 000 morts du côté serbe (20 % de civils).
Vilina Vlas, ancien quartier général de Milan Lukic et lieu de multiples viols, est aujourd’hui un hôtel thermal « de charme ». (DAMIR SAGOLJ POUR « L’OBS »)
A Visegrad, Peter Handke est l’hôte du maire serbe ultranationaliste. Ils dînent dans la forêt, dans l’hôtel thermal « de charme », Vilina Vlas. Le maire lui explique que la vie est terriblement difficile ici : marasme économique, ravages du chômage, tourisme en berne. Le chef de la municipalité ne souffle mot de ce qui s’est passé dans cet « hôtel romantique ». Il n’y a pas de plaque commémorative sur la façade. Dans les chambres, les matelas et le parquet ont été changés, les murs repeints d’un coup de blanc. Les têtes de lit en bois sont restées les mêmes. Le vernis est rayé comme par des griffures d’ongles.
Il y a trente ans, cette bâtisse isolée dans la forêt était le quartier général de Milan Lukic et de ses miliciens, leur « repos des guerriers ». Les « volontaires » venus de Russie s’y « détendaient » aussi. Près de 200 femmes, parfois de très jeunes filles, ont été détenues dans les chambres, violées sans relâche avant d’être exécutées. A moins qu’elles ne se soient tuées en se jetant d’un balcon. Seule une dizaine a survécu. Le dîner de Peter Handke avec le maire se termine bien après minuit. L’Autrichien passe la nuit à Vilina Vlas. On ne sait pas s’il a pris un bain d’eau thermale dans la piscine que les Aigles blancs trouvaient si pratique pour les exécutions.
A Vilina Vlas, personne ne se souvient jamais de rien. Bakira Hasecic, elle, n’oublie pas. Comme ses filles, âgées de 19 et 15 ans à l’époque, elle a eu affaire de près, de trop près, à Milan Lukic. Elle se rappelle que le chef des Aigles blancs lui faisait « ça » : gorgé de testostérone, de haine et d’alcool, il la violait après l’avoir forcée à se déshabiller un couteau sous la gorge. L’insupportable, peut-être pire encore que « ça », c’était qu’à chaque fois il lui criait à l’oreille : « Sale Turque voilée ! Je vais te faire un enfant tchetnik, un enfant serbe ! » Elle ne voulait plus parler de « ça », mais, soudain, le souvenir de ces injures la fait exploser : « Il m’a insulté ! Je ne suis pas Turque ! Je ne suis pas voilée ! Je suis une musulmane d’Europe ! Je suis une Européenne ! »
Bakira Hasecic, en décembre 2021. (DAMIR SAGOLJ POUR « L’OBS »)
En prison, Milan Lukic s’est lui aussi mis à écrire sur la différence entre les apparences et la réalité. Il a réfléchi : il s’est fait avoir, comme beaucoup de Serbes. Mais c’est lui qui porte le chapeau pour tout le monde, surtout pour la nomenklatura communiste de Visegrad reconvertie, tout comme Milosevic, dans le nationalisme grand serbe. Dès décembre 1991, ces apparatchiks avaient créé à Visegrad un « comité de crise », « dans la bonne vieille tradition communiste », raconte, amer, Milan Lukic dans son autobiographie. « Désordre, chaos, meurtres et complot, c’était une véritable opportunité pour les communistes », écrit-il. Le chef des Aigles blancs l’affirme : « Chaque village qui a été brûlé l’a été sur ordre du comité de crise de Višegrad. » Il s’en veut : « Les yeux rivés sur le territoire musulman, je n’ai jamais réalisé à quel point j’étais myope. » Quant à Murat Sabanovic, le profanateur du monument à Andric, cet « homme horrible n’était lui aussi qu’une marionnette idiote entre les mains des cerveaux politiques, les seigneurs de la guerre et de la mort, Alija Izetbegovic [le président bosniaque] et le quartier général des comités de crise serbe. »
Lukic, le « bourreau de Visegrad », n’aurait donc été que la marionnette des dirigeants communistes de la ville ? On peut en douter. Il parle peu de son cousin, le général Sreten Lukic, du ministère de l’Intérieur de Serbie, qui sera condamné en 2009 à vingt-deux ans de prison pour ses exactions au Kosovo (peine réduite à vingt ans en appel en 2014). Milan Lukic le présente avec insistance comme « un parent éloigné », en aucun cas son donneur d’ordre. Il oublie aussi ses liens familiaux avec Mikailo Lukic. C’était le chef de la police secrète à Bajina Basta, ville de Serbie d’où partaient les offensives contre Visegrad et Srebrenica. Est-ce l’un de ses cousins serbes gradés de Serbie qui a fourni à Milan Lukic le « vrai-faux passeport » yougoslave retrouvé sur lui lors de son arrestation en 2005 en Argentine, où il vivait sous une fausse identité ? Seuls les services secrets peuvent délivrer de tels documents.
Milan Lukic va sans doute terminer sa vie en prison, à lire et relire Ivo Andric. Le destin aurait pu être pire pour ce beau gosse qui assure « avoir aimé tout le monde » à Visegrad, même les Musulmans. Enfin, surtout les Musulmanes, de préférence jeunes, belles et sans défense. Condamné pour le carnage de Visegrad, Milan Lukic aurait aussi pu porter le fardeau du pire massacre commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, celui de Srebrenica. Deux témoins ont certifié qu’il se trouvait dans cette enclave bosniaque tombée en juillet 1995 aux mains des Serbes, quand 8 000 civils musulmans y furent massacrés. « Lukic et ses hommes devaient très certainement rejoindre l’un des cinq sites d’exécution, mais leur minibus est tombé en panne », raconte une source proche du dossier Srebrenica. « Une unité de forces spéciales a alors été envoyée sur place. Et elle était directement rattachée au général Ratko Mladic », le chef de l’armée des Serbes de Bosnie, condamné pour le génocide de Srebrenica. « De ce fait, la défense de Mladic n’a pu dire que les tueries ont été commises par des “paramilitaires incontrôlés”. »
« Inhumanité »
Redzep Tufekcic, Musulman de Visegrad âgé de 65 ans, n’oubliera jamais ni Milan Lukic ni les Tchetniks, ceux des années 1990 comme de 1940. Il se souvient du 27 juin 1992. Milan Lukic et ses hommes enferment alors dans une maison du quartier de Bikavac près de soixante civils musulmans. Ils brutalisent, volent, violent. Puis ils mettent le feu. Presque toutes leurs victimes meurent brûlées vives. Parmi elles se trouvaient Sabaheta Tufekcic, 28 ans, et son bébé d’un mois. « C’était ma petite sœur. Ils s’étaient d’abord “servis” d’elle », lâche Redzep Tufekcic. Le même jour, sa mère Hasha, son frère Ramiz et une autre de ses sœurs, Hajra, sont exécutés sur le Vieux Pont. Quelques jours plus tôt, le 14 juin 1992, Milan Lukic et ses hommes avaient déjà enfermé dans le sous-sol d’une maison de la rue Pionirska près de soixante-dix civils bosniaques avant d’y mettre le feu. « Des cris comme des miaulements de chat », a raconté devant la justice internationale l’unique survivante qui a pu identifier Lukic. « Dans la trop longue, triste et misérable histoire de l’inhumanité de l’homme envers l’homme, les incendies de la rue Pionirska et de Bikavac doivent être mis au premier rang », a estimé à La Haye le juge international Patrick Robinson.
La maison incendiée de Bikavac a été détruite. La municipalité serbe a aussi tenté de raser celle de Pionirska, « afin d’agrandir la route ». C’est pourquoi tous les ans, au mois de juin, les Bosniaques reviennent à Visegrad jeter du Vieux Pont des roses rouges dans la verte Drina. Pour que l’on n’oublie pas les terribles « feux de joie » de juin 1992. C’est pourquoi, chaque année, Redzep Tufekcic le fait aussi, pour chaque victime de sa famille. Inlassablement, il retourne à Visegrad. Il veut retrouver les os calcinés de sa sœur Sabaheta que les Serbes ont fait disparaître. Il veut à tout prix lui donner une sépulture.
Redzep Tufekcic en décembre 2021. (DAMIR SAGOLJ POUR « L’OBS »)
Des Serbes se sont installés sur les terres de Redzep, au bord de la Drina, près de la maison d’enfance d’Ivo Andric. Il brandit ses titres de propriété. « Ils me menacent : “Fais gaffe, vieux, ici, c’est chez nous ! Ici, c’est une terre serbe !” », raconte Redzep. Mais il s’accroche à Visegrad. Cette terre de Bosnie, c’est celles de ses aïeux. Ses enfants l’implorent : « Papa ne retourne pas à Visegrad ! Ça va recommencer ! » Ils lui rappellent ce qui est arrivé à la famille, non seulement en 1992, mais aussi cinquante ans plus tôt, lors de la Seconde Guerre mondiale. Leur grand-père, Hasan le cordonnier, n’était pas un de ces Musulmans enrôlés par les nazis. Résistant, partisan de Tito, il combattait dans les forêts l’armée d’Hitler quand, en 1942, Visegrad a été prise par les Tchetniks, les nationalistes serbes royalistes à l’époque. Ils ont arrêté sa femme, Hanka, et ses dix enfants, cinq filles et cinq fils. Ils les ont tous exécutés sur le Vieux Pont.
Après la guerre, Hasan s’est remarié, il a eu de nouveaux enfants. Sans jamais oublier. « Il nous a donné les mêmes prénoms que ceux de ses enfants assassinés en 1942 », confie Redzep. Son regard vide scrute la Drina. Il se souvient. De son enfance, des parties de pêche, de l’eau fraîche qui l’éclaboussait, des sourires de sa mère, du rire de son père, de la gaîté de sa petite sœur, de la joyeuse Drina. « Aujourd’hui, regrette Redzep, plus personne ne pêche ses truites. Trop de cadavres ont dérivé sur ses eaux. » Après un long silence, il reprend : « Je trouve la Drina triste. Elle ne me parle plus. » Comme si ses eaux turquoise saignaient encore trop pour pouvoir raconter. Coule Drina, coule.
Par Jean-Baptiste Naudet (envoyé spécial à Visegrad et Sarajevo)
Vous étiez en vacances ? Vous avez passé le week-end dans la nature ou en famille ? Avant de commencer la semaine, MEE vous propose une mise à jour : voici cinq actualités en lien avec la région MENA à retenir.
Pour marquer le deuxième anniversaire de l’assassinat du général iranien Qasem Soleimani et de son lieutenant irakien tués le 3 janvier 2020 dans une attaque de drone des États-Unis, des milliers d'Irakiens on manifesté à Bagdad (AFP/Sabah Arar)
Des milliers d’Irakiens rassemblés pour l’anniversaire de la mort de Soleimani
Des partisans de Hachd al-Chaabi soulèvent un faux cercueil lors d’une manifestation pour le deuxième anniversaire de l’assassinat de Qasem Soleimani, à Bagdad, le 1er janvier 2022 (AFP/Sabah Arar)
Des milliers de partisans des ex-paramilitaires irakiens pro-iraniens du Hachd al-Chaabi ont manifesté samedi à Bagdad pour marquer le deuxième anniversaire de l’assassinat du général iranien Qasem Soleimani et de son lieutenant irakien tués dans une attaque de drone des États-Unis.
Le 3 janvier 2020, sur ordre du président de l’époque Donald Trump, un drone armé a pulvérisé le véhicule à bord duquel se trouvaient Qasem Soleimani, architecte de la stratégie iranienne au Moyen-Orient, et Abou Mahdi al-Mouhandis, numéro 2 du Hachd al-Chaabi, une coalition de factions qui a été intégrée aux forces régulières d’Irak.
L’attaque nocturne, sur une route de l’aéroport international de Bagdad, avait fait craindre une guerre ouverte entre Téhéran et Washington, deux ennemis historiques et deux puissances agissantes en Irak.
Un Iranien passe devant une affiche du général Qasem Soleimani, assassiné le 3 janvier 2020, sur ordre du président de l’époque Donald Trump, à Téhéran, le 31 décembre 2021 (AFP)
Sous haute sécurité, des milliers de partisans du Hachd, venus pour certains en famille et avec leurs enfants, ont déferlé sur une place fermée à la circulation dans le centre de Bagdad, selon un correspondant de l’AFP sur place.
Dominant la foule, de grands drapeaux blanc frappés de l’insigne du Hachd, mais aussi des drapeaux irakiens.
« Non à l’Amérique! » ont scandé les manifestants, dont certains brandissaient des portraits de Soleimani et de Mouhandis. « Le terrorisme des États-Unis doit cesser », pouvait-on lire sur une pancarte.
Faleh al-Fayyad, un haut responsable du Hachd, a salué la mémoire des deux « martyrs », voyant dans l’assassinat « un crime contre la souveraineté de l’Irak ».
Il a réitéré dans une allocution devant la foule l’appel pour « le retrait total des forces étrangères et des forces américaines » d’Irak.
Le général Soleimani était le chef de la force al-Qods, unité d’élite chargée des opérations extérieures des Gardiens de la révolution.
L’Iran avait riposté à son assassinat en tirant quelques jours plus tard des missiles sur des bases irakiennes abritant des soldats américains.
L’Irak est continuellement pris en étau par les tensions entre les États-Unis et la République islamique d’Iran, son grand voisin.
Tunisie : Noureddine Bhiri, homme fort d’Ennahdha, détenu au secret
Noureddine Bhiri, deuxième vice-président du parti, chargé des Affaires parlementaires et membre des bureaux politique et exécutif, est considéré comme un des proches de Rached Ghannouchi (Facebook)
Alors que vendredi, l’ex-ministre tunisien de la Justice et vice-président d’Ennahdha (islamo-conservateurs) Noureddine Bhiri, a été arrêté, le lieu de détention et les motifs exacts de cette arrestation restaient encore inconnus samedi, selon le parti et un organisme public de défense des droits.
L’Instance nationale de prévention de la torture (INPT), une autorité indépendante, a déploré dans un communiqué s’être heurtée à un silence complet des autorités au sujet de Noureddine Bhiri.
Selon l’INPT, l’incertitude régnait aussi concernant le lieu de détention de Fathi Baldi, un ancien cadre du ministère de l’Intérieur, également interpellé vendredi.
Fathi Al-Jarray, président de l’INPT qui a pour mandat d’assister les personnes privées de liberté et de leur rendre visite en détention, a déclaré sur Facebook avoir contacté en urgence le ministère de l’Intérieur et n’avoir reçu « aucune réponse ».
« On n’a que des bouts d’information. Il y a déjà eu des mises en demeure l’été dernier de certaines personnalités placées en résidence surveillée à leur domicile. Mais là, c’est encore plus grave car on ne sait même pas où ils sont détenus », a expliqué à l’AFP Lotfi Ezzedine, l’un des responsables de l’INPT.
Selon cet avocat, ces deux personnes ne se trouvent « pas dans un lieu de détention officiel, ni chez eux, ni dans un poste de police », déplorant que le lieu reste « tenu secret ».
L’avocat a aussi dénoncé « l’absence de motivations claires » pour des arrestations qu’il a qualifiées de « non constitutionnelles ».
L’INPT a constitué des équipes pour collecter des informations et intervenir en faveur des deux personnes interpellées.
Noureddine Bhiri et Fathi Baldi ont été assignés à résidence sur ordre du ministère de l’Intérieur, à titre « préventif » et en l’absence de poursuites judiciaires, au motif qu’ils représenteraient « un danger pour l’ordre public », a rappelé M. Ezzedine.
Il a souligné que nul n’avait pu leur rendre visite et qu’ils n’avaient pas pu non plus communiquer avec leurs familles ou leurs avocats.
Selon un dirigeant du parti Ennahdha, le ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine a refusé samedi de recevoir des représentants du comité de défense de Noureddine Bhiri.
Selon le député d’Ennahdha Habib Khedher, l’épouse de M. Bhiri, Saïda Akremi, et le président de la section de Tunis de l’Ordre national des avocats ont sollicité une rencontre « dans le but d’obtenir des réponses sur le lieu où a été conduit Noureddine Bhiri et son état de santé ».
Vendredi, le comité de défense de M. Bhiri avait qualifié son interpellation devant son domicile par des agents en civil de « kidnapping et [de] dangereux précédent qui marque l’entrée du pays dans le tunnel de la dictature ».
Ennahdha est au coeur d’un bras de fer avec le président Kais Saied depuis son coup de force du 25 juillet et sa décision de suspendre le Parlement que ce parti contrôlait depuis une dizaine d’années.
En Égypte, la fille du chef spirituel des Frères musulmans en exil a été libérée de prison
Ola Qaradawi, 60 ans, a démenti tout lien politique et a déclaré avoir été arrêtée au nom du simple fait qu’elle était la fille de Youssef al-Qaradawi (Réseaux sociaux)
Les autorités égyptiennes ont libéré vendredi Ola al-Qaradawi, la fille du prédicateur qatari et chef spirituel des Frères musulmans Youssef al-Qaradawi, après quatre ans de détention provisoire, ont indiqué plusieurs sources.
Un responsable égyptien et des personnalités proches des Frères musulmans ont confirmé sur les réseaux sociaux qu’Ola Qaradawi était désormais libre.
La fille de l’éminent religieux égyptien a été arrêtée avec son mari Hosam Khalaf le 30 juin 2017, peu de temps après que l’Égypte, les Émirats arabes unis (EAU) et Bahreïn se soient joints à l’Arabie saoudite dans le cadre d’un blocus diplomatique et économique du Qatar.
Égypte : des prisons géantes pour renforcer le système de répression dystopique de Sissi
Khalaf et Qaradawi ont été accusés de liens avec les Frères musulmans, que l’Égypte a interdits et qualifiés d’« organisation terroriste » en 2013, des mois après que l’éviction du président Mohamed Morsi du pouvoir par l’armée.
Ola Qaradawi, 60 ans, a démenti tout lien politique et a déclaré avoir été arrêtée au nom du simple fait qu’elle était la fille de Youssef al-Qaradawi.
Elle a passé plus de quatre ans en détention provisoire, une mesure qui permet aux autorités d’emprisonner des suspects jusqu’à deux ans sans inculpation officielle ni enquête en cours. Cette pratique a été fermement condamnée par des groupes de défense des droits, qui estiment que plus de 60 000 prisonniers politiques sont détenus en Égypte.
Bien qu’un tribunal égyptien ait accordé à Qaradawi une libération conditionnelle après deux ans d’emprisonnement provisoire, les autorités ont prononcé une autre peine provisoire de deux ans à son encontre à l’été 2019.
À la prison égyptienne « Scorpion », les détenus décèdent par manque de soins médicaux, dénonce HRW
Elle est accusée d’avoir communiqué avec un groupe terroriste en prison et d’avoir facilité son soutien. Ola Qaradawi a été détenue à l’isolement, la majeure partie du temps dans des conditions désastreuses.
L’Égypte a été accusée à plusieurs reprises de ne pas fournir un accès adéquat des détenus aux soins médicaux.
Jeudi, Hisham al-Qadi Hanafi, un ex-législateur égyptien des Frères musulmans, est décédé dans la tristement célèbre prison de haute sécurité « Scorpion », ou al-Aqrab, à la suite d’une négligence médicale.
La semaine dernière, Mahmoud Ezzat, l’ancien chef par intérim des Frères musulmans, a critiqué les conditions de sa détention lors d’une rare comparution devant le tribunal.
Morsi, le premier président égyptien élu démocratiquement, a souffert d’une mauvaise santé pendant ses cinq années de détention avant de s’effondrer devant le tribunal et de mourir en juin 2019.
Au Cap, les funérailles de l’archevêque Tutu, champion des Palestiniens
Le corps du prix Nobel de la paix a été réduit en poussière par aquamation, une nouvelle méthode de crémation par l’eau (AFP/Mike Hutchings)
Les cendres du dernier grand héros de la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud, Desmond Tutu, ont été inhumées dimanche dans son ancienne paroisse du Cap au lendemain de ses funérailles.
Ses cendres reposent désormais à une place dédiée devant le maître-autel, sous une pierre gravée.
Desmond Tutu est mort paisiblement le 26 décembre à 90 ans. L’Afrique du Sud a salué samedi la figure planétaire lors de funérailles sans faste, comme il l’avait souhaité.
Le corps du prix Nobel de la paix a été réduit en poussière par aquamation, une nouvelle méthode de crémation par l’eau présentée comme une alternative écologique aux modes de sépulture classiques.
« The Arch » s’était fait connaître aux pires heures du régime raciste aboli en 1991. Il a organisé des marches pacifiques contre la ségrégation et plaidé pour des sanctions internationales contre le régime blanc de Pretoria.
Après l’élection de Nelson Mandela en 1994, le prélat avait été chargé de présider la Commission vérité et réconciliation (TRC) dont il espérait, grâce à la confrontation des bourreaux et des victimes, qu’elle permettrait de tourner la page de la haine raciale.
Ce que dit Desmond Tutu, icône de la lutte contre l’apartheid, sur la question israélo-palestinienne
Tutu devait diriger une mission d’enquête de l’ONU avec le professeur Christine Chinkin pour enquêter sur l’attaque israélienne de novembre 2006 contre le district de Beit Hanoun à Gaza qui a entraîné la mort de dix-neuf Palestiniens, dont sept enfants.
Israël a refusé d’accorder à l’archevêque Tutu et au professeur Chinkin l’autorisation d’entrer à Gaza, mais ils ont finalement pu se rendre dans le territoire assiégé via l’Égypte. Ils ont rencontré des survivants et des témoins oculaires et ont produit un rapport pour le Conseil des droits de l’homme.
Dans une déclaration de mai 2008 sur sa mission, l’archevêque a dénoncé le siège israélien de Gaza, en place depuis 2007, comme « une violation flagrante des droits de l’homme ».
Soudan : des milliers de Soudanais marchent vers le palais présidentiel
de Soudanais ont malgré tout répondu à la mi-journée à l’appel des militants à manifester « en mémoire des martyrs » (AFP)
Des milliers de Soudanais ont convergé dimanche vers le palais présidentiel à Khartoum, bravant grenades lacrymogènes, coupure des télécommunications et déploiement massif de soldats en armes.
Comme à chaque manifestation, devenues régulières depuis le coup d’État du général Abdel Fattah al-Burhane le 25 octobre, les autorités ont une nouvelle fois tenté, en vain, de tuer la mobilisation dans l’œuf en érigeant barrages physiques et virtuels.
Khartoum est depuis plusieurs jours coupée de ses banlieues par des conteneurs placés en travers des ponts sur le Nil. Internet et les téléphones portables ne fonctionnent plus depuis le matin et, sur les principaux axes, des membres des forces de sécurité juchés sur des blindés armés de mitrailleuses lourdes surveillent les passants.
VIDÉO : Des manifestants soudanais exigent la restauration du gouvernement civil
Mais des milliers de Soudanais ont malgré tout répondu à la mi-journée à l’appel des militants à manifester « en mémoire des martyrs ».
Car si 54 personnes ont été tuées et des centaines blessées depuis le putsch, le pays a connu un nouveau pic de violences jeudi, avec six manifestants tués à Khartoum selon un syndicat de médecins pro-démocratie.
Des violences qui se sont déroulées à huis-clos ce jour-là car en plus de couper le pays du monde et Khartoum de ses banlieues, des officiers en tenue régulière ont arrêté et même passé à tabac les journalistes de deux chaînes saoudiennes.
Dimanche de nouveau, ils étaient pourtant des milliers à défiler aux cris de « Les militaires à la caserne » et « Le pouvoir au peuple », tandis que des jeunes sur des motos sillonnaient la foule, prêts à embarquer les blessés, car à chaque mobilisation les ambulances sont bloquées par les forces de sécurité.
Les militants appellent à faire de 2022 « l’année de la poursuite de la résistance », réclamant justice pour les dizaines de manifestants tués depuis le putsch, mais aussi pour les plus de 250 civils abattus lors de la « révolution » de 2019.
Cette année-là, la pression populaire forçait l’armée à démettre l’un des siens, Omar el-Béchir, après trente années de dictature militaro-islamiste.
Par
MEE
Published date: Dimanche 2 janvier 2022 - 15:17 | Last update:12 hours 7 mins ago
Le massacre d’une quarantaine de civils, le 24 décembre 2021, dans l’est de la Birmanie, rappelle la persistance de conflits ethniques depuis l’indépendance du pays, en 1948. Une situation qui s’est aggravée depuis le putsch militaire de février 2021.
Le Cardinal Charles Bo (à gauche) partage un gâteau de Noël avec le général Min Aung Hlaing, chef des forces armées, à Rangoon, le 23 décembre 2021. • MYANMAR MILITARY INFORMATION TEAM / AFP
L’émotion internationale est à la hauteur du carnage. Le 24 décembre 2021, une quarantaine d’hommes, de femmes et d’enfants ont péri dans des véhicules incendiés par l’armée birmane, dans le village de Hpruso, situé au cœur de l’État Kayah, à la frontière avec la Thaïlande. Deux employés de l’ONG britannique Save The Children ont été retrouvés parmi les cadavres. Issus d’une localité à majorité chrétienne, les civils s’apprêtaient à célébrer la Nativité du Christ.
La veille de ces atrocités, le 23 décembre, l’archevêque catholique de Rangoun Charles Bo, créé cardinal en 2015 par le pape François, partageait un gâteau de Noël avec le chef de la junte militaire au pouvoir, le général Min Aung Hlaing. Faut-il en conclure que le cardinal Bo a trahi ses fidèles, dans le cadre d’une guerre de religions entre bouddhistes (90 %) et chrétiens (6 %) ?
La réalité de ce vaste pays d’Asie est plus complexe. « La population est composée à 72 % de Birmans, ou “Bamas”, venus de l’Himalaya il y a plus d’un millénaire, qui se sont fixés dans la vallée de l’Irrawaddy, l’artère centrale du pays », explique Jean Hourcade, ancien conseiller culturel à l’ambassade de France en Birmanie, de 2000 à 2005, et membre du groupe de prospective Asie21. « Les Birmans ont repoussé dans les montagnes de l’ouest, du nord et de l’est les ethnies qui étaient là avant eux. »
Une division créée sous le règne des Britanniques
Ces ethnies montagnardes, notamment les Karen, Kachin, Shan, Chin et Kayah (ou "Karenni"), sont elles-mêmes divisées en plusieurs groupes partageant des traditions et une langue commune. Alors que les Birmans et les Shan sont bouddhistes, de nombreux Karen, Chin, Katchin et Kayah ont reçu l’Évangile de missionnaires catholiques au XVIIIe siècle, puis de prédicateurs baptistes, arrivés dans le sillage du colonisateur britannique au XIXe siècle.
« Il faut toujours chercher la Perfide Albion ! », s’exclame David Camroux, chercheur associé au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po. « Après avoir aboli la monarchie birmane en 1885, les Britanniques ont divisé pour régner. Ils avaient deux administrations : une pour le centre birman du pays, et une pour les montagnards périphériques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Birmans ont soutenu les Japonais, tandis que les minorités ethniques sont devenues les auxiliaires de l’armée britannique. »
Allié des Japonais, le général birman Aung San retourne sa veste à la fin du conflit et négocie l’indépendance avec Londres qui devient effective en 1948. « Aung San est un héros national en Birmanie. Sa photo est dans toutes les maisons comme sur les billets de banque », affirme Jean Hourcade, qui souligne la vision clairvoyante du jeune chef : « Il avait compris que le pays était ingouvernable, et qu’il fallait un système fédéral, où chaque ethnie serait représentée. »
Une nation éclatée entre ses ethnies
En février 1947, les accords de Panglong donnent une large autonomie aux différents groupes ethniques de Birmanie. Mais Aung San n’aura pas le temps de mettre son projet en œuvre. Le 19 juillet, il est assassiné à l’âge de 32 ans par un militaire de son entourage. Presque immédiatement après, la guerre éclate entre l’armée régulière et les rebelles de l’Union nationale karen (KNU). « La Birmanie existait sur le papier, mais il n’y avait pas de nation birmane », pointe David Camroux. Les années suivantes, d’autres ethnies prennent les armes, fournissant un prétexte à l’état-major birman pour s’emparer du pouvoir par un coup d’État, en 1962.
Depuis, perdure un des conflits internes les plus vieux du monde. À Rangoun, les généraux considèrent que la Tatmadaw (« forces armées ») est garante de l’unité du pays. « L’idéologie de la junte est l’ethnonationalisme birman et bouddhiste, décrypte David Camroux. Comme au Pakistan, les militaires vivent dans une sorte de huis clos, avec leurs écoles, leurs hôpitaux, leurs médias. »
La figure charismatique de Aung San Suu Kyi
Après avoir réprimé des manifestations démocratiques en 1988, les militaires birmans consentent à des élections libres en 1990, remportées par Aung San Suu Kyi, fille du héros Aung San, revenue de son exil en Grande-Bretagne. L’état-major refuse de reconnaître sa défaite, et place en résidence surveillée la charismatique « Lady », comme la surnomment respectueusement les Birmans.
Apôtre de la non-violence, Aung San Suu Kyi gagne l’estime de l’Occident, et reçoit le prix Nobel de la paix en 1991. Pour maintenir leur pouvoir coûte que coûte, les généraux exaltent le bouddhisme comme ferment identitaire birman. Maître du régime de 1992 à 2011, le général Than Shwe met en scène sa piété, faisant construire de gigantesques pagodes dans la nouvelle capitale Nay Pyi Taw, bâtie en secret sur les conseils de son astrologue, et inaugurée en 2005.
De leur côté, les ethnies rebelles, adossées aux frontières de l’Inde pour les Chin, de la Chine pour les Kachin, de la Thaïlande pour les Karen et les Kayah, luttent avec âpreté contre les forces régulières, avec des pics d’affrontements selon les périodes. « Dans les années 1990, l’armée birmane a saccagé les zones ethniques pour asseoir son pouvoir », rappelle Thomas Oswald, journaliste pour l’Aide à l’Église en détresse, et scénariste de Suis l’homme en blanc (Éditions du rocher), une bande dessinée sur l’évangélisation des Karen. Ces derniers sont majoritairement chrétiens, et vivent un étonnant œcuménisme entre catholiques et protestants.
Une démocratisation sous contrôle
« La coalition des chrétiens karen leur a permis de tenir bon face au régime, assure Thomas Oswald. Malgré la guerre, ils ont su conserver certaines valeurs morales, comme le refus de participer au trafic de drogue, ce qui a entraîné une scission de guérilleros karen bouddhistes. » En effet, la Birmanie concentrait à la fin des années 1990 près de 50 % de la production mondiale d’opium et affinait 75 % de l’héroïne mondiale. Un commerce auquel participent aussi bien l’armée que plusieurs groupes rebelles.
En 2007, la Révolution de safran, soutenue par des moines bouddhistes, pousse l’armée à envisager une démocratisation sous son contrôle. Libérée en 2010, Aung San Suu Kyi accepte un partage du pouvoir avec les généraux, un choix incompris par ses admirateurs occidentaux. « Elle n’a pas trahi !, proteste Jean Hourcade. Elle a tenté un compromis avec les restrictions qui lui étaient imposées, et elle reste adulée dans son pays. » En 2015, la « Lady » remporte les élections, et devient présidente de facto, sous le titre de conseillère d’État.
Pendant les années 2010, l’étau se desserre, certains groupes rebelles acceptant de conclure des cessez-le-feu. Toutefois, l’état-major continue de contrôler l’économie et excite les tensions entre Birmans et Rohingyas, une communauté musulmane venue du Bangladesh, dont certains membres ont pris les armes.
Le coup d’État de 2021
Encouragée par le moine Ashin Wirathu, la persécution qui se déchaîne contre les Rohingyas à partir de 2017 se révèle, comme pour les chrétiens, davantage ethnique que religieuse. « Pendant la campagne contre les Rohingyas, des musulmans d’autres ethnies vivaient en paix à Rangoun », observe Thomas Oswald. Accusée de cautionner la répression, Aung San Suu Kyi achève de perdre son crédit auprès des Occidentaux, qui oublient sa condition de semi-prisonnière des militaires, et son nationalisme birman.
La population lui renouvelle sa confiance aux élections de 2020, infligeant une sévère humiliation aux partis manipulés par les généraux. Ceux-ci renouent avec leurs vieilles habitudes, et reprennent la totalité du pouvoir par un coup d’État, le 1er février 2021. Aung San Suu Kyi est de nouveau emprisonnée, alors que le moine Wirathu, arrêté en 2019 sous la pression internationale, est libéré par l’armée…
Parallèlement, la Tatmadaw lance une grande offensive en octobre 2021, destinée à écraser les guérillas ethniques, dont le massacre de Noël à Hpruso n’est qu’une des nombreuses exactions commises dans son sillage. « Nous sommes dans un cycle de violences, accentué par le fait que le gouvernement démocratique en exil a décrété la lutte armée, en septembre 2021, relate David Camroux. II y a des assassinats de fonctionnaires et de militaires, et le pays est paralysé par un mouvement de désobéissance civile : un tiers des professeurs, des médecins et des infirmières ont démissionné, de nombreux citoyens refusent de payer leurs impôts… »
Le recours à une solution politique ?
Par ailleurs, le putsch militaire a réussi à fédérer contre lui des groupes ethniques rebelles avec les partisans birmans d’Aung San Suu Kyi, dont les plus déterminés sont les jeunes éduqués, qui ont grandi avec la démocratisation. « Ils savent ce qu’on leur a volé, et sont conscients de l’oppression des minorités », constate le chercheur. Signe de cette nouvelle donne, le vice-président en exil Duwa Lashi La est Kachin, et son premier ministre Mahn Win Khaing Than est Karen.
« Le problème ethnique ne peut pas être résolu par les armes, mais par une solution politique, avec de larges autonomies pour ces peuples », plaide David Camroux. « Un régime vraiment fédéral paraît compliqué avec l’ethnie majoritaire bama. Il y aurait une trop grande disparité de population, tempère Jean Hourcade. Il faudrait au moins une prise en compte de l’altérité par le gouvernement birman. »
L’ancien conseiller à l’ambassade de France à Rangoun avoue sa perplexité devant l’avenir. « Les bouddhistes, qui tiennent le pays, croient en l’impermanence : on voit les choses telles qu’elles sont, mais elles peuvent être différentes demain. Donc un beau jour, le régime birman peut changer d’avis, comme il l’a fait en rappelant Aung San Suu Kyi », avance-t-il. Âgée de 76 ans, la « Lady » sera-t-elle en mesure d’incarner encore une alternative, et de préparer sa succession ?
La délicate partition des Églises chrétiennes
Alors que son gouvernement en exil souhaite profiter de la présidence française de l’Union européenne pour obtenir une reconnaissance officielle (déjà accordée par le Sénat en juillet 2021), les Églises chrétiennes jouent une partition délicate. Car, s’il a toujours défendu les droits des minorités ethniques, en particulier la liberté religieuse des chrétiens, l’épiscopat catholique s’est bien gardé de cautionner le séparatisme en tant que tel.
D’où le désir affiché du cardinal Bo de conserver un dialogue avec la junte militaire, tout en lui adressant des critiques virulentes. « J’appelle les militaires à arrêter les bombardements et les tueries. J’appelle le mouvement pour la démocratie et les groupes ethniques armés à lutter sincèrement pour la paix », a-t-il écrit sur Twitter, le 27 décembre, ajoutant : « Et je prie du plus profond de mon cœur pour la fin des tragédies que nous avons vues ces derniers jours et semaines. »
Au milieu des déchirements de la Birmanie, ce rôle de médiateur que peut jouer l’Église a pris le visage d’Ann Nu Tawng. En février 2021, cette religieuse catholique et infirmière auprès de la population Kachin s’est interposée à mains nues entre la police et les manifestants prodémocratie. Désarmée, témoignant de sa foi, croyant au dialogue envers et contre tout.
Par Pierre Jova
Publié le 31/12/2021 à 16h00 I Mis à jour le 31/12/2021 à 16h05
Foot – Après plus de trois décennies, l’ancien joueur de l’équipe d’Allemagne, Karl-Heinz Rummenigge est revenu au sujet du complot de la Coupe du monde 1982 et demande pardon aux Algériens. Dzair Daily vous en dit plus juste ci-dessous.
En 1982, l’équipe nationale algérienne s’est fait éliminer du mondial. Cela d’une manière totalement injuste. La rencontre scandaleuse ayant opposé l’Autriche à la RFA a marqué l’histoire de la Coupe de monde. Pour soulager sa conscience, le footballeur de l’équipe d’Allemagne, Karl-Heinz Rummenigge a tenu à s’excuser auprès des Algériens au sujet du complot de la douzième édition de la Coupe du monde.
Vaut mieux tard que jamais ! Effectivement, l’ancienne figure forte du Bayern Munich a fait une sortie assez surprenante. Et ce, lors de son entretien accordé au média Canard de Deutschland. Le joueur allemand a tenu à exprimer son regret quant au geste anti-sportif, à l’encontre des Fennecs. On parle ici du coup monté contre l’Algérie, ayant empêché, effectivement, Mahmoud Guendouz et ses compagnons de passer au deuxième tour du mondial.
En effet, le complot mené contre les anciens combattants du désert a laissé place au sentiment de culpabilité. Ainsi, l’auteur de l’unique but marqué contre les Verts lors du tournoi semble vouloir libérer sa conscience. Il a donc profité de son intervention médiatique pour présenter ses excuses au peuple algérien.
Le joueur allemand vante les performances des Fennecs
« Je regrette, 39 ans après, notre geste anti-sportif qui nous est resté en travers de la gorge. La justice immanente nous a déshabillés en finale face aux Italiens, qui portaient les mêmes tenues aux couleurs vert-blanc-rouge des Fennecs », a reconnu le joueur allemand. Cela avant de demander pardon : « aujourd’hui, je demande aux Algériens de nous excuser de les avoir injustement éliminés ».
Il s’agit des propos du footballeur relayés par le média généraliste Algérie 360. En outre, Karl-Heinz Rummenigge n’a pas hésité à vanter Madjer et ses coéquipiers. « Je n’ai jamais pu oublier les talentueux joueurs algériens. Dont Belloumi et Cerbah, qui m’ont franchement ébloui par leur classe mondiale », a avoué le joueur allemand.
Épuisés par la crise sanitaire qui dure depuis deux ans, les Algériens tentent d’échapper à la sinistrose. Quoi de mieux que les fêtes de fin d’année pour renouer avec la joie et conjurer la morosité pesante. Faire contre mauvaise fortune, bon cœur. Ils renouent timidement avec les voyages... vers le Sud algérien. Une échappée.
Faire contre mauvaise fortune bon cœur. Éreintés par une infinie crise sanitaire et son effet économique pervers, les Algériens veulent revivre. Et quoi de mieux que les fêtes de fin d’année pour rompre avec une pesante morosité qui a rythmé leur quotidien. S’offrir quelques jours de vacances en cette fin de mois de décembre, histoire de finir, sur une note de gaieté, une année à jeter aux oubliettes, car très pénible. Ils n’hésitent pas à rogner sur leur budget pour aller se payer des moments de farniente et d’évasion dans des contrées lointaines, notamment le sud du pays, dans le but de se remonter le moral, bien en berne. Mais sont-ils des masses à s’offrir un tel “luxe” en ces temps de vaches maigres ? Les avis des professionnels du tourisme sont partagés. Installé il y a une trentaine d’années à Timimoun, Mohamed Bourad, consultant en tourisme durable et ancien directeur du tourisme de la wilaya d’Adrar, a vu déferler sur l’oasis rouge des essaims de touristes en cette fin d’année. “Actuellement, il y a des touristes locaux qui commencent à arriver ici à Timimoun. Ils y viennent seuls ou en famille à bord de leurs véhicules”, dit-il, avant d’ajouter : “Bien que la crise sociale se fasse sentir, les flux n'ont pas baissé en cette fin d'année. De plus en plus de personnes tiennent à partir en vacances pour décompresser et changer d’air pour entamer la nouvelle année sous de bons auspices. En gros, Timimoun demeure toujours attractive pour les clients nationaux, malgré les aléas socioéconomiques.”
Ainsi, en cette fin d’année, “tout est complet” à Timimoun et certaines agences de voyages qui se sont mises sur le tard sur cette destination “n'arrivent pas à offrir plus de lits aux clients”. Solution de rechange : elles se sont rabattues sur Adrar, tout en organisant à leurs clients des excursions vers cette région. Selon ce consultant en tourisme durable, la fermeture des frontières Est avec la Tunisie est à l’origine de ce rush vers le sud du pays. S’il considère que “la demande existe”, Salem Badache, directeur de l’agence de voyages Symphony Travel, déclare qu’“en termes de flux, ce n'est pas terrible”. La raison ? L’absence de moyens pour prendre en charge la demande, selon ce professionnel, qui pointe du doigt l’“insuffisance de la capacité du transport aérien sur le Grand-Sud (Tamanrasset et Djanet), mais aussi sur le Moyen-Sud (Timimoun, Ghardaïa et Taghit)” et “les capacités extrêmement limitées (1 hôtel de 3 à 4 étoiles par ville ne dépassant pas les 50-60 chambres) des principaux pôles touristiques du sud du pays”. Lui-même a perdu beaucoup de demandes à cause, justement, de “l'indisponibilité des vols et de l’hébergement depuis les 4-5 décembre”. Face à cet impondérable, beaucoup d'agences ont été contraintes de “programmer des départs par bus pour des distances de 1 000 à 1 200 km !...”. “Incroyable ! En plus, elles recourent aux maisons d'hôtes et à l’hébergement chez l'habitant où les conditions de confort et, parfois, d'hygiène laissent à désirer”, s’offusque-t-il, avant de lâcher, plein d’amertume : “Je ne pense pas que ce soient là les meilleures conditions pour relancer la destination Algérie.”
Moins enthousiaste, l’expert international en tourisme et président du Syndicat national des agences de tourisme (Snat), Saïd Boukhelifa, refuse, lui, de parler de rush de touristes sur le sud du pays en cette fin d’année. “Quelques agences seulement ont eu des activités, mais limitées, vers le sud du pays (Tamanrasset, Djanet, Ghardaïa, Timimoun, Béni Abbès, Taghit, Brezina”, dit-il, avant d’enfoncer le clou : “Mais relativement, il n’y a pas un grand nombre de touristes nationaux qui se sont rendus au sud du pays. Ils sont moins de 5 000, compte tenu des capacités d'accueil hôtelières.” Aux yeux du président du Snat, cet afflux est “loin de correspondre aux attentes des professionnels”.
Pour ce qui est du tourisme de montagne, M. Boukhelifa déplore, là aussi, la faiblesse des capacités d’hébergement privant ainsi les agences de voyages d’un produit. “La faiblesse des capacités litières pour le tourisme de montagne (Tikjda, Tala Guilef, Chréa, etc.) — qui sont de moins de 2 000 lits — ne permettent pas aux agences de commercialiser les séjours de neige, car les structures d'accueil affichent complet à la suite des réservations faites par les clients directement aux hôtels. Les gérants ne collaborent pas avec les agences car l'offre est nettement inférieure à la demande”, soutient-il.
Une aubaine pour les agences Il reste qu’avec la reprise des vols et l’allégement par les autorités des mesures sanitaires, certaines agences ont pu, cette fin d’année, renouer avec l’activité après deux années de chômage forcé pour cause de pandémie qui a poussé plus d’un millier de professionnels à mettre la clé sous le paillasson. Pis encore, pas moins de 50 000 travailleurs du secteur ont perdu leur emploi et les établissements hôteliers ont accusé, selon M. Boukhelifa, des pertes sèches de 500 milliards de centimes. Comme chaque médaille a son revers, ce regain d’activité des agences de voyages peut présenter un risque de propagation de la Covid-19, avec cette 4e vague de la pandémie. “Je crois que d’une manière générale, les clients, en ville comme sur les sites, ne se soucient point des mesures anti-Covid. Le problème se pose davantage pour ceux qui ont opté pour le transport terrestre”, lâche Mohamed Bourad, avant d’insister : “Bien que les hôteliers aient été rappelés à l'ordre par les services de la wilaya, néanmoins, en ville, notamment dans les lieux publics, très peu de personnes observent les mesures de distanciation sociale et portent le masque.” Le directeur de l’agence Symphony Travel fait le même constat : les mesures sanitaires sont très peu respectées par les touristes. “Les mesures sanitaires sont presque inexistantes. Les bus qui doivent se limiter à 50% de leurs capacités, partent surchargés vers des gîtes et des maisons privées non appropriés. Des fraudeurs, via leurs pages facebook, proposent des tarifs alléchants mais au détriment de la sécurité, de la qualité du séjour et du programme”, déplore-t-il. S’il n’écarte pas les risques de contamination au Covid, le président du Snav assure que “ceux qui voyagent ont été vaccinés et respectent les prudences sanitaires”.
Représentation artistique du missile russe Zircon hypersonique, nouvelle arme brandie par Moscou qui craint l’encerclement de l’OTAN. Selon ses concepteurs Zircon pourrait atteindre la vitesse de Mach 7
Il est inquiétant que les doctrines et stratégies militaires, aujourd’hui, ne soient plus axées sur la préservation de la Paix, mais sur la préparation de la guerre.
En octobre dernier, a été rendu public un document exposant la vision stratégique du général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées françaises.
Très officiellement, ce dernier abandonne les notions de « paix-crise-guerre » au profit de « compétition-contestation-affrontement ». C’est un retour à l’ancien adage : « Si tu veux la paix, prépare le guerre ».
La publication de la nouvelle doctrine du Général Burkhard, n’est pas un fait anodin. Veut-on préparer l’opinion public ? La question s’impose, car l’actualité confirme ses inquiétudes, avec la possibilité d’une intervention militaire russe en Ukraine. Le président, Vladimir Poutine, n’a pas caché qu’il envisage une réponse militaire à la politique des Occidentaux, jugée menaçante. En effet, il est envisagé d’inclure l’Ukraine dans le dispositif de l’OTAN, c’est-à-dire parfaire ainsi l’encerclement par les forces américano-OTAN de la Fédération de Russie.
C’est un signe des temps qui n’est pas rassurant sur l'état du monde. La vision stratégique du chef d’état-major des armées françaises, présentée sous la forme d’une brochure de 24 pages, marque un tournant à l’heure où les bruits de botte se font entendre en Europe et que les tensions militaires s’accroissent entre les États-Unis et la Chine. D’après les militaires, « la conflictualité a évolué ». Il faut, aujourd’hui, abandonner les visions d’hier fondées sur les notions de « paix-crise-guerre ». On doit désormais préparer une stratégie militaire à la lumière de trois notions : compétition-contestation-affrontement ». La paix ne peut plus être comprise comme un objectif d’une politique de défense.
Notre monde est devenu celui de la « compétition » entre les Nations, c’est « l’ordre normal de l’affirmation de la puissance » affirment les états-majors. C’est une rupture importante par rapport aux visions post-guerre froide. Il s’agissait alors, pour les armées, de maintenir ou de rétablir la paix, avec, si besoin, l’emploi de la force.
Durant la guerre froide, jusqu’aux années 80, la dissuasion nucléaire visait à empêcher la guerre. Sans tambour ni trompette, tout doucement, nous sommes en train d’entrer dans un autre univers, où la paix est passée par pertes et profits.
Il faut souligner que cette nouvelle politique de puissance, cette « vision stratégique » ne fait l’objet d’aucun débat politique, dans aucun pays, y compris la France.
Il faut désormais « gagner la guerre avant la guerre ». La formule est habile. On est toujours « avant la guerre », mais il s’agit bien de la « gagner » et non plus de l'éviter, comme on l’a longtemps souhaité. La « politique de puissance » est désormais clairement assumée par les divers états-majors.
Mais l’armée française, par exemple, pourrait-elle passer à une logique d'« affrontement » avec une puissance militaire, comme la Russie ?
Sommes-nous toujours dans une stricte logique de dissuasion, comme l’a été la doctrine gaullienne ? Une réaction militaire ne peut se faire, dans le cas de la France, qu'à l’abri de la dissuasion nucléaire. En cela, on rejoint la pensée du président Poutine qui assume l’utilisation des armes nucléaires tactiques en cas de conflit.
Des exercices majeurs, évoquant ceux de la guerre froide, sont désormais organisés entre les alliés. On tourne la page du contre-terrorisme avec des ennemis se déplaçant à moto dans la brousse pour faire face à des armées modernes. C’est aussi le choix des Américains qui se retirent du Moyen-Orient pour mieux se préparer à une guerre contre la Chine.
La remontée en puissance ne se fait pas dans un cadre strictement national, bien au contraire, car un conflit de haute intensité ne se conduit pas seul. La simulation de combats en Europe de l’Est qui s’est tenu aux États-Unis au printemps dernier, « même si les forces alliées étaient victorieuses à la fin, le bilan des pertes s'élevait à plus d’un millier de morts », évidemment virtuels.
Des centaines de volontaires arabes rejoignirent les Brigades internationales pour défendre le gouvernement espagnol contre les forces nationalistes de Franco.
Nuri Anwar Rufail, un volontaire irakien, apparaît debout à droite sur cette photo de la 15e Brigade internationale du front de l’Ebre, prise en août 1938 (Tamiment Library)
Il y a tout juste 85 ans, le destin de Madrid, capitale espagnole, était en jeu lorsque les forces nationalistes insurgées lancèrent leur assaut contre la ville et ses défenseurs républicains.
L’élément militaire clé de l’offensive, qui débuta le 8 novembre et se prolongea jusqu’à la chute de la ville en mars 1939, était constitué de soldats marocains combattant au sein de l’Armée d’Afrique du chef nationaliste et futur dictateur, le général Francisco Franco.
Si la participation arabe à la guerre d’Espagne est un fait largement reconnu dans les livres d’histoire, le rôle joué par les Arabes pour la cause républicaine est en revanche plus méconnu.
La durée du siège de Madrid, un affrontement de 28 mois pour le contrôle de la ville qui suivit l’assaut de novembre 1936, s’explique en partie par le soutien que les républicains ont reçu des Brigades internationales, des unités militaires composées de volontaires étrangers – principalement européens – qui affluaient du monde entier par milliers pour défendre le gouvernement espagnol.
Le 9 novembre, la 11e Brigade internationale, forte de 1 900 hommes, était sur le front de Madrid. Parmi eux figuraient très probablement des volontaires arabes.
Les Arabes au secours de la République
Compte tenu de la documentation limitée et du manque de suivi historique, on sait peu de choses sur les Arabes qui ont pris les armes pour défendre l’Espagne et la protéger des griffes du fascisme. Par conséquent, de nombreux noms de volontaires arabes demeurent inconnus.
Cette couverture de 1936 du magazine Estampa est intitulée « Les milices marocaines combattent pour la République » (magazine Estampa)
Il est également difficile de déterminer leur nombre exact : certains historiens affirment qu’un millier d’Arabes pourraient avoir rejoint les Brigades internationales.
La disparité des chiffres est le résultat d’une tenue irrégulière des registres parmi les forces républicaines, d’erreurs de traduction et d’une confusion liée à des questions de citoyenneté coloniale.
De nombreux Arabes qui se sont portés volontaires ont été enregistrés comme citoyens français, car de nombreux pays d’Afrique du Nord étaient encore sous domination coloniale lorsque la guerre civile espagnole a éclaté. En outre, les noms arabes étaient souvent mal orthographiés et donc enregistrés plusieurs fois.
Environ la moitié des Arabes qui se sont portés volontaires en Espagne étaient algériens : ils sont 493 à avoir rejoint les forces républicaines et 332 d’entre eux ont survécu.
« Il y avait un mouvement anarchiste assez fort en Algérie à l’époque, ce qui a motivé beaucoup de personnes à s’engager, mais en pratique, il était plus facile pour eux de rejoindre l’Espagne car il y avait des bateaux qui allaient directement d’Oran à Alicante », explique la cinéaste égyptienne Amal Ramsis, qui a réalisé You Come From Far Away, un documentaire sur la participation arabe à la guerre d’Espagne.
Selon les chiffres d’Andreu Castells et les archives d’État russes consacrées à l’histoire sociopolitique, 211 Marocains, 11 Syriens, 4 Palestiniens, 3 Égyptiens, 2 Irakiens et 1 Libanais ont également pris les armes pour les Brigades internationales.
En dépit des raisons diverses de leur participation à la guerre d’Espagne, Amal Ramsis estime que les Arabes étaient animés par l’idéal de leur propre libération future.
« Les volontaires arabes ne se sont pas seulement engagés par solidarité avec l’Espagne, mais aussi pour défendre leur propre avenir », affirme-t-elle.
« Pour eux, une victoire républicaine en Espagne signifiait la décolonisation du monde arabe à plus long terme, cela aurait été le début de leur libération. »
Un Palestinien sur le front
L’un des plus éminents Arabes à avoir participé à la guerre civile était Najati Sidqi, un journaliste palestinien communiste qui était convaincu que la chute du fascisme européen aurait favorisé l’autodétermination et l’indépendance des peuples arabes.
« Il n’y a aucune excuse pour exclure les Arabes du volontariat. Ne demandons-nous pas nous aussi la liberté et la démocratie ? », a-t-il écrit dans un témoignage intitulé « Cinq mois dans l’Espagne républicaine : mémoires d’un combattant arabe au sein des Brigades internationales ».
« Le Maghreb arabe ne serait-il pas en mesure de concrétiser sa liberté nationale si les généraux fascistes étaient vaincus ? »
Najati Sidqi se présenta aux milices gouvernementales locales en ces termes : « Je suis un volontaire arabe, je suis venu défendre la liberté des Arabes sur le front de Madrid. Je suis venu défendre Damas à Guadalajara, Jérusalem à Cordoue, Bagdad à Tolède, Le Caire en Andalousie et Tétouan à Burgos. »
Traduction : « Le communiste palestinien Najati Sidqi est né le 15 mai 1905. Celui qui a étudié à l’Université communiste des travailleurs d’Orient a combattu lors de la guerre d’Espagne, où il n’est pas parvenu à convaincre les communistes espagnols de militer pour l’indépendance du Maroc. »
S’il ne s’engagea pas formellement dans les Brigades internationales, Najati Sidqi fut envoyé en Espagne par l’Internationale communiste (Komintern) pour une mission de propagande visant à déstabiliser les forces nationalistes.
Il arriva dans le pays en août 1936 en se faisant passer pour un Marocain sous le pseudonyme de Mustafa ibn Jala ; il fut chargé d’organiser une propagande dans le but d’inciter les forces marocaines du camp nationaliste à déserter.
Dans le cadre de cet objectif, Najati Sidqi se mit à écrire dans le journal communiste Mundo Obrero, forma l’Association antifasciste hispano-marocaine, anima des émissions de radio en arabe, diffusa des pamphlets et visita les tranchées le long des lignes de front pour convaincre les Marocains du camp opposé de rejoindre les rangs républicains.
Mégaphone en main, il criait, selon les témoignages : « Écoutez-moi mes frères, je suis un Arabe comme vous. Je vous conseille d’abandonner ces généraux qui vous traitent si injustement. Venez avec nous, nous vous accueillerons comme il se doit, nous verserons à chacun de vous un salaire journalier et ceux qui ne voudront pas se battre seront ramenés dans leur pays. »
Les efforts qu’il déploya pour encourager les désertions massives furent majoritairement vains. Peu de Marocains quittèrent les rangs de Franco et il commit l’erreur de délivrer ses messages en arabe classique, que beaucoup de Marocains au service de Franco ne parlaient ni ne lisaient.
Le racisme des républicains
Les idéaux que le camp républicain prétendait défendre et qui attirèrent de nombreux Arabes à la cause ne furent pas toujours mis en pratique.
De nombreux Arabes qui combattirent avec les républicains furent traités avec hostilité et subirent le racisme de leurs frères d’armes espagnols.
Caricature républicaine représentant un soldat musulman qui attaque une femme et un enfant (Fragua Social)
La méfiance à l’égard des Arabes était monnaie courante dans la société espagnole de l’époque, alimentée par des divisions historiques, des préjugés raciaux et des stéréotypes négatifs, mais aussi entretenue par la presse républicaine.
« Il y avait un racisme intrinsèque parmi les médias républicains, ils exacerbaient les préjugés historiques ancrés dans la société espagnole. L’image qu’ils donnaient des Maures et des Arabes était humiliante et complètement déshumanisante », explique Marc Almodóvar, journaliste et historien.
Par exemple, dans une caricature intitulée « La civilisation chrétienne », publiée par le journal républicain Fragua Social, un soldat musulman est représenté en train d’attaquer une femme et un enfant, alors qu’un croissant et une étoile sont clairement visibles sur son casque de style oriental.
Najati Sidqi témoigna également de cette méfiance généralisée en décrivant sa première rencontre avec les milices républicaines à son arrivée à Barcelone, où il reçut un accueil incrédule.
« Tu es vraiment un Arabe ? Tu es un “Moro” – un Marocain ? », lui demanda un homme.
« C’est impossible, les Marocains marchent avec les voyous fascistes, ils attaquent nos villes, ils nous tuent, ils nous pillent et ils violent nos femmes », lui répondit-on.
Cette attitude était sous-tendue par une incapacité à comprendre les Arabes qu’ils rencontraient comme des individus dotés du même sens moral, comme l’explique Marc Almodóvar à Middle East Eye : « Tout baignait dans ce racisme […] [Ils] ne les considéraient pas comme des êtres politiques ayant leurs propres critères et leur propre plan politique. »
La forte présence de soldats marocains au sein des forces franquistes renforça et aggrava les stéréotypes négatifs existants à l’égard des Arabes.
Un soldat républicain pilote un char à Madrid pendant la guerre d’Espagne (AFP)
Les propositions pro-arabes de Najati Sidqi se heurtèrent également à la résistance du Parti communiste espagnol, en particulier de Dolores Ibárruri – une des figures de proue du parti à l’époque, connue pour son célèbre slogan « ¡No pasarán! » lancé pendant la bataille de Madrid.
La création de l’Association antifasciste hispano-marocaine de Najati Sidqi provoqua également des tensions au sein du parti.
Son projet de priver les forces franquistes de chair à canon en provoquant une révolution anticoloniale dans le Rif marocain fut fortement rejeté. Dolores Ibárruri aurait refusé toute idée d’alliance avec les « hordes de Maures, des sauvages bestiaux ivres de sensualité qui violent nos femmes et nos filles ».
Frustré par l’hostilité des républicains, Najati Sidqi quitta l’Espagne en décembre 1936.
« Il y avait un manque total de confiance envers tout Marocain », s’est-il souvenu. « Plus d’une fois, nous avons été surpris d’apprendre des meurtres de prisonniers marocains [commis par des républicains]. Je comprenais au fond de mon cœur que ma mission était en train d’échouer. »
Les Marocains dans les rangs de Franco
Les Arabes qui combattirent sur le front républicain étaient beaucoup moins nombreux que les membres arabes de l’Armée d’Afrique de Franco, sur laquelle le dictateur s’appuya fortement tout au long du conflit. L’Armée d’Afrique était composée d’environ 60 000 soldats marocains, dont environ 18 000 à 20 000 furent tués.
L’Armée d’Afrique, un héritage de la guerre du Rif des années 1920, était composée de recrues locales venues de tout le nord du Maroc. Beaucoup furent persuadés de rejoindre la cause nationaliste par le prétexte d’un devoir religieux collectif face aux républicains anti-religieux, ainsi que par les récompenses financières liées à leur participation aux combats.
« Des efforts ont été déployés pour mobiliser les recrues du côté nationaliste en parlant de leur lutte commune contre l’athéisme »
- Sebastian Balfour, historien
« Des efforts ont été déployés pour mobiliser les recrues du côté nationaliste en parlant de leur lutte commune contre l’athéisme », explique Sebastian Balfour, historien et professeur d’études contemporaines espagnoles à la London School of Economics.
« Fondamentalement, c’était une opportunité pour des personnes très pauvres de gagner un peu d’argent pour leur famille. »
Bien qu’ils aient constitué un élément clé des forces franquistes, les Marocains « ont été essentiellement envoyés au combat en tant que chair à canon », indique Sebastian Balfour.
Néanmoins, les nationalistes accordèrent un respect et une attention particulière à leurs besoins religieux en faisant venir des imams et en les autorisant à effectuer leurs prières quotidiennes.
« Ils les traitaient du mieux possible parce qu’ils formaient les troupes de choc de la cause nationaliste. Ils étaient précieux pour les nationalistes en tant que soldats aguerris, ce dont ils ne disposaient pas parmi la population espagnole », ajoute Sebastian Balfour.
À la fin de la guerre, Franco fit de la Guardia Mora (« garde maure ») son escorte cérémonielle personnelle. Montés à cheval et drapés d’un manteau à capuche blanc et rouge, ses membres accompagnaient la Rolls Royce du dictateur lors des défilés officiels jusqu’à sa dissolution en 1956.
Des soldats marocains aperçus à un poste de contrôle sont photographiés par des journalistes depuis leur voiture alors qu’ils suivent l’avancée des troupes nationalistes, en 1937 (AFP)
Cependant, la gratitude de Franco envers les Marocains qui combattirent pour lui avait des limites. Ceux qui servirent furent rapidement mis de côté à la fin de la guerre et renvoyés au Maroc, le plus souvent avec rien de plus qu’une maigre pension.
« Il y avait un certain désintérêt des nouvelles autorités nationalistes pour le sort des vétérans de la guerre civile. En dehors des pensions, je ne pense pas que l’on ait prêté beaucoup d’attention aux conditions de vie qu’ils ont endurées à leur retour au Maroc », poursuit Sebastian Balfour.
Dans le documentaire intitulé Los perdedores, un Marocain qui combattit pour les nationalistes résume son expérience : « Franco était un salaud ingrat, après avoir gagné la guerre, il nous a oubliés. Nous ne lui étions plus d’aucune utilité. »
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