Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
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Le drame a choqué toute l’Algérie. Le 26 septembre, en Kabylie, Ryma Anane, 28 ans, enseignante de français, a été attaquée par son voisin alors qu’elle s’apprêtait à prendre le bus pour aller à son travail. Il l’a aspergée d’essence et brûlée vive à l’aide d’un briquet.
La nouvelle s’est répandue très vite sur les réseaux sociaux. Selon des sources locales, l’agresseur a fini par se rendre à la police quelques heures après l’attaque. D’après ses aveux, il aurait agi ainsi parce que la jeune femme avait refusé de se marier avec lui et choisi un autre futur époux.
« Son dos et son cou en flammes, Ryma s’empresse d’aller chercher de l’aide. Arrivée chez elle, elle s’effondre, et bredouille quelques mots : ‘’Il a brûlé mon avenir !’’ », rapporte le site d’information TSA.
Après son transfert à l’hôpital de Tizi Ouzou (Kabylie), les médecins ont jugé que son état nécessitait une prise en charge rapide à l’étranger au regard de la gravité des brûlures (60 % de son corps).
Rapidement, la solidarité s’est organisée à travers les réseaux sociaux et une cagnotte a été lancée pour payer les frais d’un transfert en Europe.
« La famille s’est d’abord tournée vers l’hôpital Saint-Louis à Paris, connu pour son expertise des grands brûlés. D’après le devis consulté par France 24, l’hôpital demandait plus de 316 000 euros pour 70 jours d’hospitalisation en réanimation », relate France 24.
Mais l’établissement n’a pas accepté l’échelonnement de la facture. « Qui peut faire ça ? Cela a retardé la prise en charge de Ryma à l’étranger. Et pendant ces quelques jours, elle aurait pu y passer », témoigne toujours sur France 24 un ami de la victime.
Faute d’avoir pu obtenir un visa pour la France, l’entourage de Ryma s’est tourné vers l’Espagne, qui a accepté de lui en délivrer un. Et grâce à une société d’assistance médicale, ADM international, la famille a pu trouver un hôpital à Madrid qui proposait un devis moins onéreux, avec par ailleurs la possibilité de payer par tranches.
Ryma a donc été transférée en Espagne par avion médicalisé grâce aux efforts de ses proches et des nombreux donateurs en Algérie et à l’étranger. Selon les dernières informations, son état se serait stabilisé.
La cellule de veille indépendante Féminicides Algérie relève qu’une jeune femme, mère de quatre enfants, a été assassinée, brûlée vive, par son époux le 16 avril 2022. Depuis le début de l’année, 32 cas de féminicides ont été recensés par les militantes.
Par
MEE
Published date: Dimanche 16 octobre 2022 - 11:26 | Last update:5 hours 29 secs ago
Dans un premier temps, quatre personnes ont été placées en garde à vue, dont la principale suspecte, Dahbia B. L’enquête se concentre sur le profil psychiatrique de cette SDF de 24 ans, d’origine algérienne, qui a été filmée par la vidéosurveillance en train de rentrer dans l’immeuble avec l’adolescente de retour de l’école, rapporte Le Parisien. La principale suspecte a été vue par un témoin en train de pousser la malle contenant le corps de Lola, selon le quotidien.
Une femme de 24 ans, principale suspecte du meurtre de Lola a été mise en examen lundi par un juge d’instruction parisien pour « meurtre » et « viol aggravé », trois jours après la découverte vendredi dans une malle du corps de la collégienne de 12 ans.
Selon une source proche du dossier, elle a été mise en examen pour « meurtre de mineur de moins de 15 ans » et « viol commis avec actes de torture et de barbarie ».
Une information judiciaire portant sur ces deux infractions criminelles et le délit de recel de cadavre a été ouverte par le parquet de Paris, a précisé une source judiciaire.
Le ministère public a requis le placement en détention provisoire de la femme ainsi que d’un homme, a-t-elle ajouté.
Le débat devant le juge des libertés et de la détention (JLD), qui doit se prononcer sur cette question, a débuté peu après 18h00.
Cheveux brun ondulés remontés en chignon, la femme considérée comme la principale suspecte s’est présentée avec un survêtement bleu, un T-shirt gris et un sweat clair sur les épaules, a constaté une journaliste de l’AFP.
La suspecte avait été interpellée à l’aube samedi à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine). Le huis clos a rapidement été prononcé pour la sérénité et la confidentialité des débats.
Cette jeune femme, qui souffrirait de troubles psychiques, avait été aperçue sur les images des caméras de surveillance de l’immeuble où résidait la collégienne.
Autre suspect
Un témoin a également signalé la présence de cette femme, qui aurait sollicité son aide contre rémunération pour déplacer une malle volumineuse, selon plusieurs médias.
Âgé de 43 ans, l’homme qui devait également être présenté à un magistrat dans la journée, est soupçonné d’avoir hébergé et véhiculé la suspecte.
Les parents de l’adolescente, inquiets de ne pas la voir rentrer du collège vendredi après-midi, avaient alerté la police de la disparition de leur fille, ainsi que de la présence de cette jeune femme inconnue dans la résidence, située dans le 19e arrondissement de Paris.
C’est finalement un SDF de 42 ans qui a découvert une boîte en plastique opaque renfermant le corps de l’adolescente, dans la cour intérieure de l’immeuble où réside la famille de Lola.
Le corps de la collégienne était dissimulé par des tissus, selon des sources proches du dossier. Deux valises cabine étaient posées à côté de la malle.
L’autopsie pratiquée samedi a déterminé que Lola était morte asphyxiée, selon une source proche de l’enquête. Les premières constatations avaient fait état de plaies importantes au cou.
Au total, six personnes ont été placées en garde à vue dans le cadre de l’enquête menée par la Brigade criminelle de la police judiciaire parisienne.
Quatre d’entre elles ont été libérées sans poursuite à ce stade.
« Épreuve terrible »
De multiples investigations ont été réalisées afin d’établir le déroulement des faits et le mobile des auteurs.
Durant le week-end, de nombreux habitants ont témoigné de leur tristesse et de leur effroi en déposant des fleurs sur la grille de la résidence de la famille de la victime et un muret conduisant au bâtiment, avait constaté une journaliste de l’AFP.
Le rectorat a annoncé la mise en place de cellules de soutien psychologique pour les élèves et pour les personnels du collège où était scolarisée Lola et des écoles du secteur.
Lundi matin, le maire du XIXe arrondissement, François Dagnaud, s’est rendu au collège Georges-Brassens où était scolarisée Lola. « C’est une épreuve terrible que traverse ce collège, cette communauté scolaire et tout un quartier », a-t-il dit.
Une élève de 5e, qui connaissait Lola de vue, dit ne « pas (être) bien aujourd’hui, elle ne veut pas venir au collège », a témoigné auprès de l’AFP sa mère, qui a souhaité rester anonyme.
« Ce qui est important, c’est que la principale suspecte, a priori, soit interpellée et qu’il n’y a pas un psychopathe qui est en train de se promener dans les rues de ce quartier par ailleurs tout à fait calme », a ajouté M. Dagnaud.
Alors que l’Occident continue de jouer la carte d’une opposition éculée entre démocratie et autocratie, les pays du Moyen-Orient se réjouissent de la perspective d’une nouvelle ère propice à des alternatives.
Le président russe Vladimir Poutine (à gauche) et le président chinois Xi Jinping se présentent devant les objectifs au cours de leur rencontre à Beijing, le 4 février 2022 (AFP)
L'Amérique, le dernier empire idéologique, tente aujourd’hui l’impossible : contenir deux grands pays en même temps. Ce n’est pas la première fois qu’elle essaie cela. LesÉtats-Unisont essayé de contenir à la fois l’Iranet l’Irak pendant trois décennies, et dans les deux cas, cela s’est mal terminé. L’Iran n’a pas été contenu, tandis que si le régime irakien a été changé, le pays lui-même a été perdu.
Aujourd’hui, alors que les États-Unis n’ont jamais été aussi faibles à l’étranger et polarisés à l’échelle nationale, leurs ambitions – que les échecs en série ne découragent pas – n’ont jamais été aussi grandes. Ils cherchent à contenir à la fois laRussieet laChine.
Henry Kissinger a récemmentrésuméle danger que cela représente : « Nous sommes au bord d’une guerre avec la Russie et la Chine autour de problématiques que nous avons en partie créées, sans aucune idée de la façon dont cela va se terminer ou de ce à quoi on est censé aboutir. »
Guerre en Ukraine : en cherchant à préserver leur hégémonie mondiale, les États-Unis pourraient provoquer leur chute
La guerre enUkraineetles tensions croissantes autour deTaïwansont les points de mire de ce nouvel effort, qui s’accompagne de graves répercussions : crises énergétiques et alimentaires mondiales causées par lessanctionscontre la Russie, perturbations de la chaîne d’approvisionnement, tensions commerciales et course technologique, le tout accompagné d’une récession et d’une stagflation imminentes.
Moscou comme Pékin sont accusés de rompre l’ordre mondial fondé sur des règles. Mais les preuves ne sont pasconvaincantes.
Cette confrontation pourrait encore déclencher un réalignement mondial – vers un système dans l’idéal véritablement multipolaire, mais plus probablement tripolaire. Le premier pôle est le bloc démocratique occidental dirigé par les États-Unis, incarné par la triadeG7-OTAN-UE – une nouvellesainte alliance.
Le deuxième est le bloc eurasien dirigé par la Chine et la Russie, auxquelles se joignent l’Iran et certaines républiques d’Asie centrale. Le troisième bloc sera constitué des États souhaitant garder leurs distances avec les deux blocs – le reste du monde, désormais appelé le Sud. Il restera sur la touche pendant que la démocratie cherchera à l’emporter face à l’autocratie dans une guerre froide 2.0.
La conquête des cœurs et des esprits
Le Sud s’affranchit de plusieurs décennies de tutelle politique, économique et financière occidentale. Cela n’implique pas un alignement automatique avec le bloc eurasien, mais cela laisse certainement présager un système international plus fluide.
La triade occidentale s’efforce de gagner les cœurs et les esprits dans le Sud, mais sa politique jusqu’au-boutistede deux poids, deux mesureset son ordre mondial déformé fondé sur des règles agacent, bien plus que les atrocités commises par la Russie en Ukraine oul’attitude affirméede la Chine le long de ses propres frontières.
Les formats politiques non occidentaux tels que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) semblent plus attrayants
Jusqu’à présent, les formats politiques non occidentaux tels que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) semblent plus attrayants.
Un haut diplomate britannique m’a dit un jour : « Être ami avec les États-Unis, c’est beaucoup plus difficile que d’être leur ennemi. » Ainsi, deux blocs économiques et commerciaux concurrents pourraient émerger : New York, Londres etle dollar américainpourraient ne plus être les centres névralgiques et outils exclusifs du système financier mondial.
La Chine et la Russie travaillent sur des alternatives au dollar américain,au système de paiement mondial SWIFTet aux bourses de New York et de Londres. Les entreprises d’État chinoisesse retirentdes bourses américaines, tandis que Pékinrevoit à la baisseles titres obligataires du Trésor américain qu’elle détient.
Ces manœuvres en sont encore à leur stade embryonnaire, mais en temps voulu, elles pourraient attirer de nombreux pays du Sud, surtout si l’Occident persévère dans sa stratégie stupide consistant à utiliser le dollar et sa primauté financière comme des armes.
Pourquoi les États-Unis et la Chine suivent une trajectoire de collision
De plus en plus d’États pourraient également commencer à chercher des endroits plus sûrs pour leurs réserves d’or et de devises fortes, en particulier après la saisie des réserves nationalesafghanesetvénézuéliennes, respectivement par les États-Unis et le Royaume-Uni, sans parler dela saisiesans précédent par les États occidentaux de 300 milliards de dollars appartenant à la Russie.
Le découplage économique avancé de la Russie par rapport à l’Occident, et celui à venir de la Chine, pourraient engendrer un paysage tout à fait différent. Comment le Moyen-Orient s’adaptera-t-il à ces glissements tectoniques ?
Mais ils reposent sur deux hypothèses historiquement faillibles : la question palestinienne pourrait être indéfiniment mise de côté sans conséquences, et l’opinion publique du monde arabe n’a pas d’importance.
La realpolitik l’emporte
L’heure des décisions approche pour les grandes puissances régionales. La région se laissera-t-elle à nouveau transformer en champ de bataille pour les grandes puissances, comme elle l’a été au cours du XXe siècle ? Autour de quel modèle politique – s’il doit y en avoir un – la stabilité régionale pourrait-elle se construire ? Les accords d’Abraham élargis sous l’égide des États-Unis, les ententes informelles anti-occidentales comme l’Axe de la résistance (Iran-Irak-Syrie-Hezbollah), ou des groupements non-occidentaux comme les BRICS+ et l’OCS ?
Le cadre économique de la région penchera-t-il davantage versl’initiative chinoise de nouvelle route de la soie, chiffrée en milliers de milliards de dollars, ou vers le Partenariat pour les infrastructures et les investissements mondiaux récemmentannoncépar le G7, d’une valeur de 600 milliards de dollars ?
Malgré l’évolution du paysage mondial, le plan directeur américain pour le Moyen-Orient ne change malheureusement pas. Le récent voyage de Biden en Israël/Palestine et en Arabie saoudite n’a pas fait exception
Le président américain a été confronté à un dilemme de taille : s’en tenir à ses propres valeurs morales, qui exigeraient que l’homme qui a ordonné l’assassinat de Khashoggi demeure un paria international, ou donner la priorité aux consommateurs américains en tentantde réduire les prix du pétrole
Les institutions financières continueront-elles de s’appuyer sur la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, contrôlés par les États-Unis, ou trouveront-elles une alternative auprès de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, proposée par la Chine ?
La seule preuve disponible jusqu’à présent est que des partenaires traditionnels des États-Unis au Moyen-Orient, tels que l’Égypte et l’Arabie saoudite,envisagent de rejoindre les BRICS.
Riyad réfléchit à l’idée d’accepterle yuan au lieu du dollarpour les ventes de pétrole, tandis que le président chinois Xi Jinping devrait bientôtse rendre en Arabie saoudite. La comparaison entre les politesses envers Xi Jinping et celles récemment accordées à Biden sera révélatrice : dans le monde arabe, la forme se rapporte toujours au fond.
Malgré l’évolution du paysage mondial, le plan directeur américain pour le Moyen-Orient ne change malheureusement pas. Le récent voyage de Biden en Israël/Palestineet en Arabie saoudite n’a pas fait exception.
Israël a obtenuun partenariat stratégiqueavec les États-Unis visant principalement à contrer l’Iran, tandis que les Palestiniens ont eu droit à une nouvelle mise au placard de leurs aspirations légitimes à l’autodétermination.
Les pays du Golfe, futurs intermédiaires dans la nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Chine ?
Mais la halte la plus importante était celle en Arabie saoudite. Depuis l’assassinat du journalisteJamal Khashoggi, une remise à zéro des relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite est recherchée. La querelle a confirmé les difficultés inhérentes à une politique étrangère fondée exclusivement sur des principes et des valeurs éthiques.
Le discours grandiloquent de Biden autour d’unaffrontement mondial entre démocraties et autocraties s’est complètement effondré en ce qui concerne le Moyen-Orient. La realpolitik a imposé ses propres priorités. Le président américain a été confronté à un dilemme de taille : s’en tenir à ses propres valeurs morales, qui exigeraient que l’homme qui a ordonné l’assassinat de Khashoggi demeureun paria international, ou donner la priorité aux consommateurs américains en tentantde réduire les prix du pétrole.
Sans surprise, Biden a opté pour la seconde option. L’inflation galopanteronge à la fois le pouvoir d’achat des consommateurs américains et les chances de victoire du Parti démocrateaux élections de mi-mandatprévues en novembre. La solution la plus rapide serait d’inonder le marché pétrolier de brut.
Il est désormais tout à fait clair que si Biden n’a pas pu échapperau check humiliantavec le prince héritier saoudienMohammed ben Salmane, Riyad ne s’est pas engagé à augmenter sa production de pétrole, invoquant une capacité de réserveproche de la limite. En bref, cette visite a été un désastre politique.
Lesommettripartite quasi parallèle entre l’Iran, la Russie et la Turquie qui s’est tenu à Téhéran pourrait avoir des répercussions bien plus importantes et durables pour la région. Alors que les États-Unis sont toujours les otages d’une stratégie obsolète et que l’UE a perdu tout poids, la Russie et la Chine pourraient disposer d’une plus grande marge de manœuvre.
Malgré les efforts déployés par l’Occident pour structurer le système international selonune logique rigide du « nous contre eux », la réalité émergente est bien plus complexe. Les pays du Moyen-Orient, y compris les alliés traditionnels des États-Unis, se réjouissent de la perspective d’un tout nouvel ordre mondial où de nombreuses nouvelles options pourraient être à leur disposition.
- Marco Carnelosest un ancien diplomate italien. Il a été en poste en Somalie, en Australie et à l’ONU. Il a été membre du personnel de la politique étrangère de trois Premiers ministres italiens entre 1995 et 2011. Plus récemment, il a été l’envoyé spécial coordonnateur du processus de paix au Moyen-Orient pour la Syrie du gouvernement italien et, jusqu’en novembre 2017, ambassadeur d’Italie en Irak.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale deMiddle East Eye.
Les crises énergétiques de 1973 et de 2022 ont de commun qu’elles dévoilent le diktat de l’Occident sur le marché de l’énergie, imposant aux pays tiers le rôle strictement extractif, sans égard pour les intérêts des pays producteurs.
Les pays arabes producteurs de pétrole ont imposé des restrictions sur le prix et les approvisionnement de l’or noir à l’Occident qui soutenait Israël pendant la guerre d’octobre 1973 (AFP/Gabriel Duval)
Tous « les discours sur les Arabes qui utilisent leur pétrole comme arme politique sont vides de sens selon la vision des États-Unis […] Il n’y a absolument aucune place pour que les États-Unis soient pris en otage ».
On pourrait aisément penser qu’il s’agit d’une réaction de colère de l’administration Biden datant de la semaine passée à la suite à la décision de l’OPEP+ (groupe de 24 pays producteurs de pétrole : 14 pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et 10 autres producteurs dont la Russie) de réduire ses quotas de production.
Pour rappel, réagissant à la décision de ce que les médias occidentaux appellent le « cartel de l’OPEP », le 5 octobre, le président américain s’est dit « déçu de cette décision à courte vue ».
Prix de l’énergie : l’Arabie saoudite, les Émirats et le Qatar répondront-ils aux appels de l’Occident ?
La porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre, a même déclaré qu’« il est clair qu’avec sa décision », l’OPEP+ « s’aligne sur la Russie », martelant que c’était une « erreur ».
Face à ces accusations américaines, le ministre saoudien de l’Énergie, le prince Abdel Aziz ben Salmane, a invoqué les « incertitudes » planant sur l’économie mondiale et la nécessité d’anticiper pour pouvoir « stabiliser le marché ».
Selon plusieurs sources, la Maison-Blanche a exercé une forte pression pour empêcher la réduction de la production de l’OPEP. « M. Biden espère empêcher les prix de l’essence aux États-Unis de remonter en flèche à l’approche des élections de mi-mandat [le 8 novembre] au cours desquelles son parti démocrate lutte pour conserver le contrôle du Congrès américain. Washington veut également limiter les revenus énergétiques de la Russie pendant la guerre en Ukraine », analyse un site spécialisé.
Colère américaine
Cette nouvelle tension entre Occident et producteurs de pétrole coïncide avec le 49e anniversaire de la guerre israélo-arabe d’octobre 1973 et la citation rapportée au début de cet article date en fait de cette période-là : le tout premier blocus pétrolier arabe visant à dénoncer l’appui de l’Occident – et surtout des États-Unis – à Israël.
Cette crise énergétique et diplomatique a été considérée comme l’une des pires récessions boursières de l’histoire récente et allait bouleverser les paradigmes en matière d’économie en Occident durant les décennies à venir. C’est le fameux premier choc pétrolier.
L’auteur de la citation, qui date de juin 1973, n’est autre que William Rogers, secrétaire d’État américain de l’administration Nixon.
Washington a envisagé « de s’emparer des champs pétrolifères » dans le Golfe après l’imposition de l’embargo de 1973
Elle a été rapportée dans un câble diplomatique secret – dont la BBC vient de révéler le contenu – par Anthony Parsons, l’agent permanent du ministère britannique des Affaires étrangères, alors que les deux diplomates participaient à une réunion du Conseil des ministres de l’Organisation du Traité sur le Moyen-Orient (Pacte de Bagdad).
Ce qui ressort de cet échange – la colère américaine face à un possible blocus pétrolier opéré par les producteurs arabes – est la manifestation de la vision de Washington par rapport à ses « partenaires » au Moyen-Orient et en Afrique du Nord quand il s’agit de politique énergétique : imposer son intérêt ou déclencher des hostilités.
Quand les États-Unis ont permis à Israël de faire basculer le rapport de forces face aux armées arabes, avec notamment le pont aérien d’armement lancé dès le 14 octobre 1973, les pays arabes membres de l’OPEP ont décidé, deux jours plus tard, d’augmenter de 70 % le prix du brut, avec réduction mensuelle de 5 % de la production pétrolière jusqu’à évacuation des territoires occupés et reconnaissance des droits des Palestiniens.
L’Arabie saoudite finira même par imposer un embargo total des livraisons à son allié traditionnel américain… Ce boycott n’a été levé qu’en mars 1974.
Face à ce défi, Washington n’a pas retenu sa colère et a envisagé, selon des documents publiés par le gouvernement britannique en 2004, « de s’emparer des champs pétrolifères » dans le Golfe après l’imposition de l’embargo.
Alger refuse le plafonnement des prix du gaz
Mais le parallèle historique a ses limites : l’embargo d’octobre 1973, mené par des personnalités arabes très attachées à la cause palestinienne, comme le roi Fayçal d’Arabie saoudite ou le président algérien Houari Boumédiène, a très peu de ressemblances – en dehors de l’attitude ombrageuse de Washington – avec le coup d’éclat de l’OPEP+ d’octobre 2022.
Les crises énergétiques de 1973 et de 2022 ont toutefois de commun qu’elles dévoilent le diktat de l’Occident sur le marché de l’énergie, imposant aux pays tiers le rôle strictement extractif, sans égard pour les intérêts des pays producteurs.
Un autre exemple nous vient cette fois-ci de l’Europe, qui planche sur un consensus interne afin d’imposer à ses fournisseurs un plafonnement des prix du gaz.
Bien que certains pays européens, comme l’Allemagne, redoutent que ces plafonnements imposés par l’Union européenne (UE) ne poussent les fournisseurs à suspendre leurs livraisons au vu des prix trop bas, le consensus semble se réaliser peu à peu parmi les 27.
Face à cette nouvelle politique, l’Algérie, fournisseur important de gaz pour l’Europe, a exprimé ses réserves. Le PDG de Sonatrach, la major algérienne des hydrocarbures, Toufik Hakkar, a déclaré il y a quelques jours que « le plafonnement des prix [du gaz] n’a aucun lien avec les mécanismes du marché libre dont les Européens sont les plus fervents défenseurs ».
« Le plafonnement des prix ne sert positivement ni le marché, ni les consommateurs, ni les producteurs à moyens et à long terme. Au cours des dernières années, l’Europe a cassé la demande, sans engager aucun investissement dans l’exploration et la production. Nous sommes donc arrivés à une offre limitée et à un déséquilibre entre l’offre et la demande. »
Pas sûr que ce genre d’analyse trouve écho dans les couloirs de Bruxelles – ou de Washington – au moment même où la pandémie aurait dû pousser les États les plus puissants à davantage de solidarité énergétique et économique sur la base du gagnant-gagnant.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Adlène Meddi est un journaliste et écrivain algérien. Ex-rédacteur en chef d’El Watan Week-end à Alger, la version hebdomadaire du quotidien francophone algérien le plus influent, collaborateur pour le magazine français Le Point, il a co-écrit Jours Tranquilles à Alger (Riveneuve, 2016) avec Mélanie Matarese et signé trois thrillers politiques sur l’Algérie, dont le dernier, 1994 (Rivages, sortie le 5 septembre). Il est également spécialiste des questions de politique interne et des services secrets algériens.
Le chanteur de 79 ans annonce l'arrêt de sa carrière. Son ultime album, Aimer, est sorti hier 7 octobre.
"Il y a un moment où les choses s'arrêtent. Il faut savoir qu'on vieillit."
A 79 ans, Serge Lama confie ne plus avoir la force : "Mon corps me fait beaucoup souffrir. J'ai beaucoup de problèmes inhérents au temps qui passe. Il y a un moment, il faut savoir s'arrêter plutôt que d'être arrêté par les choses. Alors j'ai décidé que c'était fini, que j'ai une très belle vie avec ma compagne Luana."
"Tous les jours, je souffre"
Le chanteur, qui souffre de problèmes de santé depuis quelques années, ne se sent pas de remonter sur scène. "J'ai des problèmes physiques. Ils sont très importants, ils sont devenus incontournables. C'est-à-dire que tous les jours, j'ai mal. Tous les jours, je souffre, je dors mal et c'est incompatible avec une tournée."
Et le chanteur refuse de monter sur scène "dans des conditions qui ne seraient pas optimales" : "J'ai eu la chance de pouvoir chanter cet album déjà, ce qui ne serait pas du tout le cas de tout le monde à près de 80 ans, puisque moi, j'étais quand même un homme de voix. Donc c'est compliqué d'être à la hauteur de ce qu'on a été."
Serge Lama espère malgré tout faire ses adieux à son public à la télévision : "Ce serait chouette. Renaud l'a fait, il n'y a pas longtemps. Il a été très content. Il faut appeler un peu les copains à la rescousse. Et puis chanter des chansons avec des gens. C'est-à-dire faire vibrer le cœur, mais à plusieurs, en groupe, en s'appuyant sur l'épaule."
Aujourd’hui 8 octobre 2022
c’est une confirmation :
Terrible nouvelle : Serge Lama doit mettre fin à sa carrière, son corps le fait trop souffrir
Un grand merci Serge, c’est un pincement au cœur d'apprendre la fin de ta carrière, moi qui a participé à la sale guerre d’Algérie comme plus de 1 million 500000 jeunes Français de 20 ans ; nous n’oublierons jamais ta chanson « L’Algérie ». Saches que nous avons tous plus de 80 ans et que pour beaucoup d'entre nous notre corps nous fait souffrir comme toi... Cela veut dire que nous sommes arrivés à l'automne de notre vie dont voici un poème :
Poème « L’automne de la vie »
Pourquoi est-on si laid quand on devient très vieux ? L’automne des humains n’est pas bien beau à voir ! Le temps qui se consume est comme un éteignoir Qui souffle la beauté ! Oh, tous ces pauvres yeux
Devenus trop petits, auréolés de rides, Et cette peau striée, grise et ratatinée… Le temps en s’écoulant amenuise et défait : Il est impitoyable et tellement avide
D’user et de flétrir au monde toutes choses ! Seule dame Nature devient bien plus belle Au temps roux de l’automne ardent qui étincelle De splendides couleurs en son apothéose.
L’automne des humains les éteint peu à peu, Tels de vieilles bougies consumées par les ans. Ils fanent lentement, car l’usure du temps Ronge leurs corps fripés ; et tout précautionneux,
Ils marchent doucement à petits pas légers, En oubliant qu’ils furent de belles personnes Au temps de leur jeunesse ; et chaque heure qui sonne Les enlaidit encore en saccageant leurs traits.
Annie Ernaux a reçu le prix Nobel 2022 de littérature ce jeudi 6 octobre, pour « le courage et l'acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle ». À cette occasion, Politis vous propose de relire l'interview que l'autrice, très engagée à gauche, nous accordait en mai dernier.
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Annie Ernaux est sur le devant de la scène littéraire et cinématographique. Et elle manifeste plus que jamais son implication dans la vie de la cité, notamment en faveur de Jean-Luc Mélenchon. Autant de raisons pour une rencontre.
La publication d’un court récit, Le Jeune Homme, celle d’un « Cahier de l’Herne » qui lui est consacré, et bientôt, à Cannes, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, la projection d’un film qu’elle a réalisé avec son fils, David Ernaux-Briot (1) : Annie Ernaux est sur le devant de la scène.
L’autrice des Années (2) a accepté de nous recevoir chez elle, à Cergy. D’abord pour évoquer son actualité éditoriale. En particulier ce bref texte, une novella, écrit à la fin des années 1990 et repris en 2020, dans lequel elle relate la relation qu’elle a eue avec un étudiant, à Rouen, alors qu’elle avait passé le cap de la cinquantaine. Ensuite pour échanger sur ses prises de position, son engagement en faveur de Jean-Luc Mélenchon, les espoirs soulevés par l’union de la gauche, le féminisme ou la vieillesse. Comme elle l’explique ici, la notion du temps est centrale dans Le Jeune Homme, où la narratrice se retrouve dans un « trou temporel ». Dans une autre perspective et toutes proportions gardées, cette rencontre avec Annie Ernaux, on ne peut plus disponible, s’est aussi déroulée comme si les horloges s’étaient momentanément arrêtées. Ces deux heures et demie d’entretien ont filé comme par enchantement.
Est-ce que Le Jeune homme raconte une histoire d’amour ?
Annie Ernaux : Tout ce que j’ai vécu avec lui était une deuxième fois. Je me suis laissé séduire par la perspective d’une histoire insolite, avec ce côté « reviviscence ». Il y avait de l’amour des deux côtés, mais sans doute moins du mien. Parce qu’on ne revit pas les choses deux fois avec la même intensité. Ce n’est pas Passion simple du tout ! Il n’y a pas la violence de Passion simple. Sinon une autre violence, mais pas celle de l’amour. Une violence où la société est présente.
Je m’interroge sur ce qui reste de nous quand on est absent.
Toute histoire d’amour est particulière. Celle-ci avait dès le départ un coefficient d’étrangeté puissant. Pas seulement à cause de la différence d’âge. Aussi en raison de la proximité de l’origine sociale, sauf qu’étant transfuge de classe j’étais passée de l’autre côté. À travers lui, c’est ma classe sociale qui me revient, mais dans les années 1990. Et il y a Rouen. Ville qui appartient à ma vie, dès mon enfance. J’y ai fait mes études. Tous les lieux que j’avais fréquentés y étaient encore, même si leur usage, parfois, n’était plus le même. Un autre signe incroyable : son appartement donnait sur l’ancien Hôtel-Dieu, qui était en train d’être transformé en préfecture, hôpital où je me suis retrouvée après mon avortement clandestin, en 1964. Ce serait bientôt le sujet d’un texte à venir, L’Événement.
Vous écrivez à ce propos : « Il y avait dans cette coïncidence surprenante, quasi inouïe, le signe d’une rencontre mystérieuse et d’une histoire qu’il fallait vivre. »
Peut-être est-ce l’influence du surréalisme, qui a marqué ma jeunesse. J’ai fait mon diplôme d’études supérieures, comme on disait à l’époque, sur la femme et l’amour dans le surréalisme. C’est pourquoi une histoire d’amour, pour moi, c’est toujours un peu Nadja – ça finit mal, hein ! – ou L’Amour fou.
« Notre relation pouvait s’envisager sous l’angle du profit », dites-vous. L’expression est troublante, à propos d’une histoire d’amour…
Oui, j’ai l’habitude de regarder les choses en face [rires] ! Il existe une expression équivalente aujourd’hui : « Y trouver son compte ». Ne fût-ce que de penser ainsi montre que j’étais moins engagée dans la relation. Ce qui est extraordinaire, c’est que j’ai commencé la rédaction de ce texte en 1998, alors que j’étais encore avec lui. Or j’écris déjà au passé. Tout de même, ce que l’on voit dans le texte, c’est que nous sommes unis face à la société quand elle nous regarde.
La représentation, encore subversive aujourd’hui, d’un couple où la femme est plus âgée que l’homme est-elle la principale motivation de la publication de ce livre ?
Pas vraiment, même si cela compte. Je voulais avant tout montrer le trou temporel dans lequel j’étais. Une phrase dit cela : « Je n’avais plus d’âge et je dérivais d’un temps à un autre dans une semi-conscience. » J’ai été arrachée à ma génération en étant avec lui. Mais je n’étais pas dans la sienne pour autant. J’avais connu la même précarité quand j’étais étudiante, vivant dans un même petit appartement glacial, etc. Mais, quand je suis avec le « jeune homme », il y a toute ma vie entre les deux.
Une nouvelle forme ne préexiste pas. Je la découvre en travaillant.
Le texte contient peu de réflexions sur votre transformation en trente ans, sur ce qui fait que vous n’êtes plus la même…
Cela reste implicite. Je vois surtout la différence entre lui et moi. Comme je voyais la différence entre mon mari et moi quand j’avais 25 ans, mais dans l’autre sens, puisque là j’étais la dominée par rapport à sa famille bourgeoise. Si, dans un cas, je le vivais comme une humiliation, dans Le Jeune Homme, je procède juste à un constat. Je suis dans une situation de domination matérielle, sociale et culturelle.
Votre travail s’apparente à celui d’une archéologue : vous révélez les traces du passé, vous les « ressuscitez ». Vous vous souciez aussi de l’empreinte que nous laissons chez les autres. Il y a cette phrase dans Mémoire de fille : « Comment sommes-nous présents dans l’existence des autres ? » Et dans votre journal : « Pensé à ceci : ma mère est en moi et je suis dans les autres par l’écriture. » Cette préoccupation des traces laissées ne relève-t-elle pas d’une lutte contre la mort ?
C’est possible. Ce que disent les deux phrases que vous venez de citer, c’est qu’il y a plein de personnes en nous, des personnes qui ont fait partie de notre vie ou que nous avons seulement croisées. Pour Mémoire de fille, la question était cruciale : comment est-on présent dans la mémoire de son agresseur sexuel ? Pas du tout, peut-être. Je n’en sais rien. Quand j’ai appris la mort l’an dernier de celui qui apparaît dans Mémoire de fille, cela a été un choc pour moi et la question a été renouvelée : avait-il lu ce texte ? Mais plus globalement, en effet, je m’interroge sur ce qui reste de nous quand on est absent.
Êtes-vous rassurée de savoir que votre œuvre va rester ?
Je ne me le formule pas, parce que je n’ai pas envie de mourir ! Mais, effectivement, des personnes de mon âge me disent : toi, tu laisses quelque chose. En un sens, je pense, oui, que c’est une idée importante. Mais peut-être que ce que j’ai écrit ne franchira pas les années.
Je suis révoltée par l’inégalité des conditions, des espérances.
Vos textes plongent dans votre passé, sont nourris par votre mémoire, et en même temps vous vivez pleinement le présent avec vos prises de position et votre regard sur la société. Nous sommes frappés chez vous par ce frottement entre le passé et le présent.
Cela peut paraître étrange, mais il y a une forme de vide en moi. Au sens où ce vide est rempli par ce qui survient dans le monde. Par exemple, cela paraît stupéfiant à beaucoup de gens que je n’aie pas utilisé Internet pour écrire Les Années. Parce que mon être est rempli par les événements de l’extérieur. Un de mes livres s’appelle Journal du dehors.
Dans son beau texte du « Cahier de l’Herne », Nicolas Mathieu dit que ce qui l’émeut le plus dans votre écriture, c’est l’« effet de densité ». Le Jeune Homme correspond tout à fait à cette vision. C’est comme si votre écriture s’y condensait.
Oui, d’ailleurs on ne voit pas de différence entre ce qui a été écrit à l’époque et les parties écrites récemment. Je mets beaucoup de temps à écrire, parce que je cherche le mot juste. Et cette justesse ne se détermine que d’une façon totalement subjective.
Un des contributeurs du « Cahier de l’Herne » dit que vous seriez soucieuse « d’être lisible par le plus grand nombre »…
Non. Je n’ai pas cette préoccupation.
En revanche, il y a une exigence qui revient en permanence dans vos réflexions, c’est celle de trouver une forme nouvelle. Même si le fond et la forme, comme on le sait, ne sont pas dissociables, diriez-vous que la forme en littérature est ce qui est le plus politique ?
Oui. La forme organise le regard du lecteur. Non la thématique. Par exemple, je me suis demandé comment écrire la passion. C’est passé par la recherche des signes, par l’énumération. Plus ardue encore à trouver – cela m’a demandé énormément de temps : la forme des Années. Une nouvelle forme ne préexiste pas. Je la découvre en travaillant.
C’est aussi pour cette raison que je n’écris pas de romans, parce que j’ai le sentiment que le roman impose une forme, alors qu’avec la non-fiction tout est possible. De la même manière, je ne parle pas d’autobiographie à mon sujet, car l’auto-biographie a une forme canonique.
Estimez-vous que la dimension politique de vos textes a été sous-estimée ?
Au contraire, je pense qu’elle n’a jamais été sous-estimée et que c’est justement cela qui a provoqué de violentes attaques de la part de certains journalistes dans les années 1980-1990. Ils niaient volontairement cet aspect politique de mes livres en disant que c’était populiste, ou bien un livre de midinette, un texte impudique.
Cela, dès mon premier roman, Les Armoires vides. Passion simple a été particulièrement visé. Une chercheuse, qui a fait une thèse sur moi, a montré de manière assez claire qu’à travers les critiques acerbes de Passion simple (1993), des journalistes s’étaient vengés du succès de La Place (1984) et de ce que disait ce livre !
À 22 ans, vous disiez : « J’écrirai pour venger ma race. » Assumez-vous toujours cet objectif ?
J’ai utilisé le mot race en référence à Rimbaud : « Je suis de race inférieure de toute éternité. » La phrase que vous citez, très violente, a été écrite dans des carnets intimes quand j’étais à la cité universitaire de Rouen, car je voyais bien que la plupart des autres étudiantes n’étaient pas du tout de ma race.
Je ressentais cela profondément, je voulais montrer à quel point je me sentais complètement étrangère à ces filles. C’était une sensation très forte, et c’est devenu un moteur pour écrire. Je l’assume encore car c’est finalement ce qu’il y a toujours au fond de mon écriture. Dans Le Jeune Homme, c’est très indirect. Mais je situe quand même cet aspect de différence de classe au centre du récit. D’une certaine manière, je sais que ce texte-là, je suis seule à l’avoir écrit, à pouvoir l’écrire ainsi, et cela participe aussi au fait de « venger ma race ».
Le quinquennat de Macron et sa réélection me donnent l’impression que nous vivons dans une société quasiment irrespirable.
De quand datez-vous votre éveil politique ?
Il naît en classe de philosophie, au lycée Jeanne-d’Arc de Rouen, lycée du centre-ville, très bourgeois. Pourtant, ma prof de philosophie, Jeanine Berthier, était marxiste-catholique et nous faisait prendre conscience des classes sociales dans ses cours. En 1958-1959, en pleine guerre d’Algérie, elle nous a fait rencontrer une famille algérienne qui vivait dans des baraquements de la ville et nous avons nettoyé leurmaison.
Nous nous occupions collectivement de cette famille le samedi matin, au lieu d’aller en cours. Je me souviens que cette prof avait dit qu’ils cotisaient sûrement au FLN, et cela lui paraissait normal. À ce moment-là, j’ai basculé. Avant, j’étais pour l’Algérie française, car je venais d’une école catholique, le pensionnat Saint-Michel d’Yvetot, et dans le café de mes parents on comptabilisait les Français morts en Algérie, on parlait de fellaghas.
Avez-vous toujours eu conscience d’être de gauche ?
Je n’ai jamais milité politiquement, mais j’étais engagée à gauche. J’ai voté pour la première fois en 1962, lors du référendum sur l’élection au suffrage universel direct du président de la République proposé par le général de Gaulle. J’étais absolument contre, comme Pierre Mendès-France et les communistes. Le non a obtenu un score ridicule. Je me souviens très bien que, la veille, j’ai rêvé que de Gaulle se promenait dans un carrosse d’or ! L’image du monarque, de la Ve République, prenait forme dans mon rêve [rires]. En 1968, on n’en pouvait déjà plus de ce régime, on criait : « Dix ans, ça suffit ! », c’était insupportable.
La révolte a-t-elle toujours été un moteur dans votre vie pour vous engager, pour écrire ?
Bien sûr ! Tant de choses me révoltent encore, notamment le régime présidentiel actuel. Il faut changer de constitution. Je suis aussi révoltée par l’inégalité des modes de vie, des conditions, des espérances que chaque enfant peut avoir à la naissance. Tout cela s’est accru d’une façon effroyable depuis trente ans. Le quinquennat de Macron et sa réélection me donnent l’impression que nous vivons dans une société quasiment irrespirable.
D’où votre soutien affiché à Jean-Luc Mélenchon depuis dix ans…
En 2012, les socialistes me sortaient déjà par les yeux. J’ai voté à la primaire PS, pour Aubry. J’ai quand même voté pour Hollande au second tour face à Sarkozy. Le discours de Mélenchon m’intéressait vraiment, c’était mon candidat. Depuis 2017, on sait que je suis plus que sympathisante avec La France insoumise.
Cette année, j’ai officialisé ma position en participant au parlement de l’Union populaire. Je sentais que c’était avec Jean-Luc Mélenchon qu’il fallait être car il avait le projet le plus construit. J’aimerais qu’on parle enfin de ce qui compte dans la vie quotidienne : l’éducation, l’école, le travail, le féminisme, la culture, l’égalité, l’écologie, et pas seulement la laïcité ! Une société qui ne soit pas polarisée par des différences de religion, par le racisme.
La récente union des gauches avec la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) pour les élections législatives vous donne-t-elle de l’espoir ?
Je n’aime pas le terme Nupes, qui me fait trop penser à « dupes ». Il leur a manqué un écrivain pour réfléchir au nom [rires]. Mais cette union me réjouit. Il y a eu des moments forts, comme les gilets jaunes, mais c’était sans débouché politique. Cette fois, des politiques s’unissent pour accéder au pouvoir. Le peuple de gauche y aspirait, et peut-être même celui qui n’est pas forcément de gauche, celui de l’abstention.
Que des « socialistes » comme François Hollande ou Bernard Cazeneuve ne sentent pas qu’une grande partie du pays attend ça montre un manque de compréhension incroyable ! J’ai rompu depuis longtemps avec cette « gauche » d’hier, notamment parce qu’elle a une grande part de responsabilité dans la montée du Rassemblement national.
Vous avez milité au sein d’associations féministes, vous signez des appels, vous prenez position dans les médias… Quel regard portez-vous sur les jeunes qui poussent plus loin la radicalité des modes d’intervention, comme les actions de désobéissance civile ou le black bloc ?
J’estime ces actions normales. Je me suis même demandé si je ne ferais pas la même chose si j’avais leur âge. Je me suis vraiment rendu compte de tout cela au moment des mobilisations contre la loi travail et avec Nuit debout. Je me souviens notamment de cette manifestation où les gens étaient obligés de marcher autour du bassin de l’Arsenal à Paris… C’était insoutenable de voir cette remise en question du droit de manifester. Les politiques ne donnent pas beaucoup d’espérance aux jeunes.
Vous êtes-vous toujours définie comme féministe ? Que signifie ce mot pour vous ?
Ce mot me renvoie d’abord à des figures réelles, et en premier lieu à Simone de Beauvoir, car la lecture du Deuxième Sexe à 18 ans m’a beaucoup influencée. Puis je me suis aperçue que ma mère était féministe, même si elle n’utilisait pas ce mot et qu’il n’était pas question de liberté sexuelle.
Dans le monde dans lequel j’ai grandi et vécu jusqu’à 35 ans, la liberté sexuelle n’était pas praticable car nous n’étions pas maîtresses de la reproduction. Je n’ai pas eu un déclic féministe précis, mais mes choix montrent que cela me hantait. Dans les années 1970, j’ai lutté pour les libertés des femmes à Choisir, au Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception.
Le consentement, l’avortement, les violences gynécologiques, la charge mentale… Toutes ces questions au cœur de l’actualité et des luttes féministes étaient déjà dans vos textes. Vous semblez vous sentir davantage en adéquation avec la génération des féministes actuelles…
On me fait toujours remarquer que Mémoire de fille a été publié en 2016, juste avant #MeToo. Dans La Femme gelée, j’aborde le sujet de la charge mentale quarante ans avant qu’on en parle, mais ça n’a pas remué les foules à l’époque. La nouvelle génération est un peu celle de mon cœur et de ma mémoire ! Je lis les livres de Mona Chollet ou de la philo-sophe Camille Froidevaux-Metterie.
Je me reconnais dans le féminisme qui parle du quotidien, et dans le féminisme intersectionnel, car il est évident que ce ne sont pas les mêmes problèmes qui se posent aux femmes racisées.
Je me reconnais dans le féminisme qui parle du quotidien, et dans le féminisme intersectionnel, car il est évident que ce ne sont pas les mêmes problèmes qui se posent aux femmes racisées. Je me suis toujours inscrite contre ce féminisme blanc, bourgeois, islamophobe. Je ne me sentais pas forcément représentée par les féministes des années 1970 parce que la charge mentale ne les intéressait pas, le combat se situait surtout au niveau du corps. Il y avait un mouvement qui tendait à mettre en avant des valeurs féminines jusqu’à essentialiser les femmes. Certaines parlaient d’écriture féminine et ça me sortait par les yeux.
Le corps d’une femme de 80 ans est-il toujours aussi sous surveillance ?
Toujours, mais avec des différences. On dira plutôt : « Elle ne fait pas son âge ! » C’est un peu dérangeant, comme si, pour la femme, la jeunesse restait le critère idéal. J’ai envie de dire : je suis vieille et je le revendique ! La jeunesse ne doit pas être survalorisée. Je fais partie du Conseil national autoproclamé de la vieillesse, créé par Ariane Mnouchkine.
L’idée est d’imposer l’idée que devenir vieux est une chance et qu’il faut donc se préoccuper de la vieillesse. Nous réfléchissons par exemple aux difficultés du quotidien, comme se déplacer. Dans le RER, il y a l’escalier roulant, mais dans le métro, c’est l’enfer. Quand vous n’avez pas l’argent pour prendre un taxi, vous ne sortez plus de chez vous et vous renoncez à vous rendre dans certains lieux. Là encore, ce sont des inégalités sociales criantes.
Très tôt le savoir et le pouvoir ont cheminé de concert. Le scribe est l'interface reconnue comme indispensable à l'ordre politique pour faire le lien nécessaire entre l'immanent et le transcendant, le prince et son peuple, le passé, le présent et le virtuel, la théorie et le pragmatique...
Que l'université actuelle et ses laboratoires d'excellence dérivent de vieilles pratiques religieuses, il y a là un constat observé depuis longtemps. La dette de la science d'aujourd'hui à l'« irrationnel » dans lequel elle plonge ses racines (et dans une certaine mesure ses intuitions créatives) mérite humilité et curiosité rétrospective.1
Entre l'Egypte pharaonique et le monde actuel, l'institutionnalisation du savoir a pris diverses formes. Dar El Hikma sous le règne d'Al-Mamun à Bagdad (en 832), qui a ouvert des succursales à Grenade, Cordoue, Le Caire, Fez, Tunis.... ont été des espaces où se croisaient et se fécondaient des connaissances traversant l'espace-temps, traduites dans diverses langues. La Schola médiévale liant Aristote à la foi chrétienne laissa au clergé séculier les tâches d'intendance, avant de passer du sacré au profane et enfanta les institutions actuelles. Même le Vatican n'y a pas échappé, créant en 1936 l'Académie Pontificale des sciences (sur la base de celle des Lyncéens fondée en 1603). Le savant a pris et assumé de nombreux titres, scribe, prêtre, conseiller, clerc... la sécularisation des titres a estompé leur origine religieuse : ministre, secrétaire... « Le lexique est profane, mais la syntaxe [est] religieuse. » (...) « Ce que nous appelons « politique » est l'administration du sacré dans le profane » écrit R. Debray.2
Il y a quelques jours, un ami physicien m'a transmis un document (joint plus bas), très intéressant, datant de juin 1907.
Il s'agit de la réponse du doyen de la faculté des sciences de Berne, Pr Wilhem Heinrich, adressée à Albert Einstein (employé à l'Office fédéral des Brevets) qui sollicitait alors le poste de « professeur agrégé ».
Sa demande a été rejetée sur la base d'un article qu'Einstein avait publié dans les Annales de physique à propos de la nature de la lumière et des relations entre l'espace et le temps, hypothèse que le doyen tenait pour « farfelue ».
Quelle surprise à voir un des plus grands physiciens de l'histoire, ainsi dédaigné par les cercles académiques de son temps, précisément en raison de ses recherches et de ses découvertes novatrices, récompensé en 1921 par un prix Nobel3.
« Complètement farfelus », c'est en des termes identiques que Richard Feynman qualifiait les choix de recherche de John Clauser ajoutant qu'il « gâchait le temps et l'argent de tout le monde », à prendre le parti d'Einstein et l'existence de « variables cachées », contre Niels Bohr et la mécanique quantique, à propos de l'« enchevêtrement des photons ».4
Dans les années 1960, R. Feynman dominait la physique de son temps. 60 ans plus tard, le lundi 04 octobre 2022, J. Clauser reçoit le prix Nobel de physique, avec deux autres physiciens, précisément pour avoir continué ses travaux « farfelus », même s'ils ont abouti à démontrer l'inverse de ce qu'il cherchait à prouver : N. Bohr avait eu raison contre Einstein.5
Tiré d'un conte oriental, Les Trois Princes de Serendip (1754), le vocable sérendipité désigne une qualité informelle conférant une disponibilité intellectuelle à tirer parti d'une trouvaille inopinée ou d'une erreur.
Il est heureux, sous cet angle, que le point de vue de Feynman n'ait pas détourné J. Clauser de ses recherches qui ont ouvert la voie à l'informatique quantique. « Nous n'avons pas prouvé ce qu'est la mécanique quantique - nous avons prouvé ce qu'elle n'est pas », souligne John Clauser. « Et savoir ce qu'elle n'est pas permet des applications pratiques. » (AFP)
Question : sur quel élément au juste le Comité Nobel a-t-il fondé sa décision ? Le sort de la controverse Einstein-Bohr ou les retombées industrielles fructueuses des travaux de ces physiciens ?
Ces exemples ne devraient pas nous étonner. Il n'y a là rien de surprenant dans l'histoire et pas seulement dans l'histoire des sciences.
Il n'est pas rare de déplorer que de grands « génies », dans divers domaines des arts ou des sciences, n'aient été reconnus comme tels bien que après leur mort.
Cet exemple devrait au contraire nous instruire d'un ordre « normal » des choses, d'un processus ordinaire et parfaitement logique dont on devrait se défier.
De quoi peut-il bien s'agir ?
Il s'agit de l'institutionnalisation de l'activité scientifique et de l'incarnation des sciences en tant que processus dynamique, par certains côtés imprévisible, dans un cadre institutionnel voué à sa protection, à son soutien, à son financement... mais aussi à sa garantie d'indépendance à l'égard de toutes sortes de pressions pouvant, sciemment ou non, le détourner de sa vocation, le pervertir ou l'instrumentaliser.
L'institutionnalisation des sciences est à la fois un bouclier offrant aux chercheurs les meilleures conditions pour mener leurs activités et une machine redoutablement efficace à paralyser quelques fois cette même activité.
Le plus grave et le plus triste en cette affaire est que ce sont les scientifiques eux-mêmes qui deviennent, en certaines circonstances, les instruments de cette dérive.
Placer des scientifiques au carrefour afin de faire le tri et pour valider la recherche, relève de la logique élémentaire. Une autre option consisterait d'administrer les laboratoires et les facultés par des bureaucrates, des comptables ou des managers qui prennent leurs ordres, selon l'époque, auprès des prêtres, des politiques ou des marchés à terme.
Le problème vient de ce que des scientifiques ayant fait la démonstration magistrale de leurs capacités, sont souvent propulsés, à la fin d'une longue et respectable carrière, à la tête des machines destinées à faire le tri entre le bon grain et l'ivraie. Mission confiée et assumée souvent pour une durée indéterminée...
Or, c'est précisément là que se situe le nœud gordien de l'affaire. Comment combiner la « longue vue » des savants expérimentés et la créativité de jeunes chercheurs dépourvus d'un palmarès prestigieux ?
Si personne ne peut contester la qualité de ce qu'ils furent, il est discutable que leur production scientifique -aussi prestigieuse a-t-elle été- leur confère un pouvoir redoutable, dans le choix des axes de recherche et des chercheurs.
Naturellement, il est difficile, même pour des scientifiques, de détecter et d'anticiper les termes ultimes d'une intuition. C'est d'autant plus ardu que les moyens de la recherche coûtent, de plus en plus et ce, particulièrement dans les disciplines scientifiques. Les protocoles imaginés aujourd'hui tentent de réduire ces contraintes : expertises (y compris internationales) par les pairs sans liens hiérarchiques, commissions mixtes, renouvellement régulier des membres, transparence des critères et des décisions...
Non sans en ajouter d'autres : bureaucratie kafkaïenne, coûts administratifs excessifs, multiplication des contrôles (internes et externes, a posteriori ou non), contrats de recherche courts qui fragilisent économiquement et socialement les chercheurs et les écartent de leurs vocations...
Et même muni de ces précautions il est difficile d'échapper totalement aux consanguinités à l'échelle internationale confortées par une rapide normalisation linguistique et protocolaire fondée sur le pragmatisme instrumental de la conjugaison des moyens, célébrant la symétrie entre l'universalisme des lois de la nature et celui de la société des savants.
Le pouvoir se concentre de plus en plus, du financement de la recherche à ses publications, réduite à une poignée de revues internationales, pour l'essentiel anglo-saxonnes.
Un retour au « cas » Einstein permet de noter que, déjà en 1907, ce monde était annoncé. Si l'article du physicien était paru en allemand, la lettre du professeur bernois était rédigée en anglais, marquant ainsi dès le début du XXème siècle une évolution intéressante.
Galilée - à qui les jésuites reprochèrent d'avoir publié en italien contournant leur imprimatur - a consacré les mathématiques comme langue exclusive de la physique6. La puissance britannique et, à sa suite, américaine, à l'issue de la seconde guerre mondiale, ont élevé l'anglais à la hauteur de langue officielle de la discipline et peu à peu de toutes les autres.
C'est exclusivement désormais par ces voies que sont validés et reconnus les recherches et leurs résultats.
Généralisons le « cas » Einstein.
Lorsque la « science » exige des moyens de plus en plus considérables (songeons aux coûts de ITER ou du Grand collisionneur de hadrons du CERN) et engendre des dispositifs technologiques impressionnants dans de multiples domaines, générant des profits et des pouvoirs illimités (songeons aux GAMAM et aux complexes militaro-industriels qui décident de la paix et de la guerre dans le monde), convenons qu'il est illusoire d'ouvrir la porte, toutes bourses déliées et sans strictes conditions, aux poètes et aux « artistes » comme le justifie la lettre du doyen de la faculté des sciences de Berne en 1907.
Lexicologie : L'activité scientifique est diverse. Les objets, les démarches, les contraintes de toutes natures (méthodologiques, éthiques, juridiques, économiques...) sont dissemblables selon les disciplines. En sorte que parler sans distinction ni nuance, de « la science » au singulier est réducteur et inadéquat. Le postulat d'un principe rationnel que partagent tous les domaines du savoir, leur institutionnalisation dans un moule académique commun les agrègent sans restituer dans leur singularité une multitude de pratiques universitaires différenciées et concrètes. Il est trivial de constater l'absence d'isomorphisme entre l'ordre de la nature (et de notre nature) et le découpage, dynamique par essence, en espaces plus ou moins disjoints, du savoir destiné à le restituer.
Notes
1- Cf. Pierre Thuillier (1997) : La revanche des sorcière. L'irrationnel et la pensée scientifique. Belin, 159 p.
2- Régis Debray (1980) : Le scribe. Genèse du politique. Grasset et Fasquelle, p.78.
3- Le comité Noble n'avait pas retenu dans ses attendus la théorie de la Relativité restreinte (1905) ou générale (1915) mais ses travaux sur l'effet photoélectrique (Annalen der Physik, vol. XVII, 1905 pp. 132-148). Il sera professeur associé en 1909 à l'université de Zurich et professeur à l'université allemande de Prague en 1911.
4- AFP, mardi 05/10/2022.
5- Lire sur cette question un livre qui a une valeur rétrospective, à l'époque où le milieu des physiciens était agité par cette question, de Bernard d'Espagnat (1979) : A la recherche du réel. Le regard d'un physicien. Gauthiers-Villars, 175 p.
6- Galilée écrivait en substance : « Le monde est un livre écrit dans la langue des mathématiques, celui qui ne comprend cette langue ne peut comprendre le monde ». Le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde - 1632.
Le Vieux Fusil : de quels faits réels le film s’inspire ?
Un fait historique horrible
Sorti en 1975, “Le Vieux Fusil” fut un grand succès critique et commercial. Le film s’inspire d’ailleurs d’un dramatique fait historique survenu durant la Seconde Guerre Mondiale.
Depuis ses débuts dans le cinéma, Robert Enrico a parfois maille à partir avec la censure et la critique. En effet, son premier long-métrage intitulé La Belle Vie, qui traite en partie de la Guerre d’Algérie, s’est vu interdit de distribution en France. En 1975, il réalise ce qui sera sans doute le plus grand film de sa carrière : Le Vieux Fusil. Pour l’occasion, il collabore pour la seconde fois avec Philippe Noiret, un an après l’avoir dirigé pour la première fois dans Le Secret. Il fait surtout appel à l’une des plus grandes actrices de son époque : Romy Schneider.
Le Vieux Fusil suit donc Julien Dandieu, un chirurgien honnête et pacifiste qui mène une vie tranquille avec Clara et leur fille Florence. Cependant, l’invasion allemande survient en France lors de la Seconde Guerre mondiale. Un incident qui bouleversa la famille de Julien, ainsi que Julien lui-même.
A sa sortie, Le Vieux Fusil crée de vrais débats au sein de la critique. Il est vrai que le film traite clairement de justice expéditive, thème très peu abordé dans le cinéma français, alors qu’il brille aux Etats-Unis (via Un Justicier dans la ville et La Dernière Maison sur la gauche, notamment). Cependant, cela n'empêchera pas le film de Robert Enrico d’être un vrai succès critique et commercial. Il remporte d’ailleurs trois César sur neuf nominations en 1976. 9 ans après sa sortie, il sera également couronné du César des Césars, preuve de sa grande place dans le cinéma français.
Un fait historique horrible
Si l’histoire de Le Vieux Fusil trouble autant, c’est parce qu’il est tiré d’un fait réel qui a marqué l’Histoire de la Seconde Guerre mondiale : le massacre d’Oradour-sur-Glane.
En effet, Le Vieux Fusil prend place en 1944, date au cours de laquelle l’armée nazie est en pleine déroute. Ainsi, les Allemands sont désarçonnés par les Soviétiques qui leur infligent défaite sur défaite sur le front Est et les Américains qui apportent un soutien de poids à la coalition alliée sur le front ouest. Sans compter que sur le territoire français, les Nazis voient leur invasion être mis à mal par la Résistance qui freine sans cesse leur progression.
Excédé par tout cela, la division blindée SS Reich décide alors de s’en prendre à la population en semant la terreur et la mort sur son passage. On retrouve d’ailleurs des références au célèbre massacre de Tulle dans Le Vieux Fusil, lorsque des soldats allemands marchent devant des pendus au début du film. Pour faire diminuer les actions des résistants, l’armée allemande décide alors de marcher vers le petit village Oradour-sur-Glane le 10 juin 1944. Le bilan sera monstrueux : 643 morts, qu’ils soient hommes, femmes ou enfants. Le village lui-même est totalement détruit, tandis que les maisons et autres bâtisses sont brûlées. Le Vieux Fusil s'inspire donc de ce drame ainsi que de l’ambiance morbide qui a subsisté dans le Limousin à la suite de ce massacre.
Aussi célèbre que Maradona, la tour Eiffel ou les Beatles, ce personnage iconique a traversé notre histoire récente avec constance. Le visage, les habits aux couleurs exagérées ou la démarche si particulière sont reconnus par l'humanité entière quel que soit le lieu sur cette planète.
C'est l'occasion pour nous de comprendre cette énigmatique figure qui a accompagné la vie de sujets qui, pour la majorité, n'ont connu qu'elle et qui lui vouent un culte. Ainsi que des millions de personnes dans le monde qui ont fini par nourrir une certaine sympathie, voire de la tendresse.
«Elle va tous nous enterrer !»
Tout le monde connait cette expression que nos grands-parents disaient et que nos descendants diront lorsqu'on se rend compte d'une longévité exceptionnelle d'une personne dont on finit par ne plus penser ou croire à sa fin.
Pour la reine d'Angleterre, c'est probablement ce que j'ai entendu le plus d'elle durant ces trente dernières années. Fidel Castro est parti, Mao est lointain dans notre souvenir, De Gaulle ne nous apparaît qu'en noir et blanc dans notre téléviseur, de Ghandi il ne reste que l'image du petit homme que nous regardions aux actualités du cinéma. Et la reine d'Angleterre est toujours là, parfois aux obsèques de grands de ce monde qu'elle a vu arriver et disparaitre dans un temps qui semble bien court au regard de son apparente éternité. Cette Reine a connu Churchill comme Premier ministre et nous ne comptons plus le nombre de ceux qui ont succédé à ce poste. Elle a rencontré un nombre incalculable de fois la quasi-totalité des dirigeants politiques et des célébrités de ce monde ainsi que les Papes qu'elle a vu mourir et laisser la place au suivant.
Ce week-end passé, le peuple britannique a célébré le jubilé de la reine dans une ferveur générale qu'on connaissait mais qui nous a encore une fois étonné par son ampleur. Des rassemblements dans toutes les villes et villages du royaume, les Britanniques ont été unis dans une communion que seul le lendemain de la victoire lors de la seconde guerre mondiale a pu égaler.
Des pique-niques géants dans les rues qui ont été fermées à la circulation sur demande des comités de quartier. Un concert gigantesque face au Palais de Buckingham, des ventes de produits dérivés par centaines de milliers à l'effigie de la reine et même des mascottes représentant ses chiens préférés qui font partie de son image.
Quant aux télévisions du monde, les retransmissions ont été considérables dans le temps consacré à ce jubilé et les audiences étonnamment élevées. Cependant, la star de l'événement était fatiguée et ne pouvait participer aux festivités, à la grande déception de tous ses sujets.
Dans un effort qu'elle ne pouvait refuser, son apparition fut annoncée au balcon du Palais et nous avons constaté, fallait-il cette fois-ci seulement, ce que représente cette reine dont une grande partie de la foule n'était pas née lorsqu'elle accéda au trône (j'avais 7 ans).
La reine, c'est quoi dans une démocratie ?
C'est le point fondamental de connaissance, celui qui éclaire tout le reste. La plupart du temps, le public associe la royauté au régime autoritaire, despotique et mystique. C'est que nous avons en tête tant d'exemples dans l'histoire et, encore aujourd'hui, à travers le monde.
Le royaume d'Angleterre fut le premier à mettre en place le régime parlementaire. Alors que nous considérons les Grecs anciens comme les inventeurs de la démocratie, nous attribuons la paternité du parlementarisme aux Anglais.
En fait, bien que nous pourrions opposer quelques réserves, on peut affirmer que la France et l'Angleterre, les deux grandes puissances mondiales de l'époque, n'ont pas connu la même rupture historique.
Brutale, et même sanglante, la Révolution française a coupé la tête au roi et, après plusieurs aller-retours, la république s'est installée d'une manière constante en 1875, avec la IIIème république. Mais c'est trop rapidement oublier que l'objectif initial des révolutionnaires français était de se constituer en Assemblée nationale et d'imposer au roi une constitution d'inspiration libérale. Les révolutionnaires n'avaient, au départ, aucune intention de supprimer la royauté car ils savaient la dévotion sacrée du peuple à son égard.
C'est son obstination dans le refus et sa fuite pour rejoindre les coalisés étrangers, soit les royautés européennes, qui a provoqué le régicide. Sans cet épisode, la France aurait été, elle aussi, une monarchie constitutionnelle, toutefois sans certitude pour sa longévité.
Ainsi le parlementarisme repose sur l'idée d'une constitution qui accorde au peuple le pouvoir légitime du vote des lois et du gouvernement. En quelque sorte, les deux piliers de la séparation des pouvoirs de Montesquieu, si on y rajoute le pouvoir judiciaire.
Et le souverain ? Son rôle est d'être la représentation symbolique de l'Etat, celui qui incarne l'unicité du pays et qui jouera les maîtres de cérémonie pour la passation de pouvoir entre les différentes majorités politiques.
Et c'est ainsi qu'il devient le chef de l'Etat, c'est-à-dire celui qui représentera le « pays entier » aux cérémonies intérieures et extérieures.
Il n'a aucun pouvoir exécutif, donc politique. Il peut être un souverain ou un Président de la République, selon le modèle institutionnel. On dira qu'il s'agit d'une « monarchie constitutionnelle » lorsqu'il s'agit d'un monarque (ou une) et d'un « Régime parlementaire » lorsqu'il s'agit d'un Président.
La reine d'Angleterre est l'incarnation de la nation et sa continuité historique car elle représente le socle qui perdure alors que les partis politiques clivent et se combattent.
C'est ainsi que les souverains ou Présidents ont le titre de chef de l'Etat alors qu'ils n'ont aucun pouvoir exécutif. C'est assez surprenant car le titre a totalement un sens différent avec la constitution américaine et française. Et surtout dans le cas français, dont la plupart des anciennes colonies françaises ont hérité l'organisation institutionnelle (mais en dictatures). En France, le Président est le chef de l'exécutif avec un rôle politique prééminent, même presque exclusif comme le pouvoir d'Emmanuel Macron.
Le plus étonnant est que la reine d'Angleterre est également le chef de l'Etat de nombreux pays du Commonwealth même si de grands pays ont renoncé à ce lien et que d'autres, comme l'Australie, annoncent sa fin.
Elizabeth II a donc eu le meilleur, le rôle d'unification, et a évité le pire, soit l'instabilité politique qui ne la maintiendrait pas au pouvoir. Elizabeth II assume ce rôle parfaitement, je dirais même d'une manière caricaturale.
La reine est donc l'image de la nation et sa famille représente toutes les familles. On ne pourrait pas comprendre ce lien fort entre elle et le peuple britannique si on ne se réfère pas au rôle unificateur qu'à joué la défunte mère de la reine au moment de la tragédie de la seconde guerre mondiale. Et voilà comment s'explique en grande partie les immenses festivités du jubilé et de l'attachement profond de la majorité des Britanniques à leur souveraine.
Tout cela n'explique cependant pas tout pour justifier de la tendresse que la foule britannique lui voue. Il y a beaucoup d'autres raisons qui accompagnent et renforcent le développement initial que nous avons exposé. J'en ai choisi deux car la page d'un journal n'est pas extensible.
Never complain, never explain
Ce n'est pas la devise du royaume mais celle du souverain depuis près de deux siècles. On peut la traduire par «Ne jamais s'expliquer, ne jamais se plaindre».
On attribue le plus souvent l'origine de la devise à la grande reine Victoria qui éduquait son fils, l'héritier de la couronne. D'autres l'attribuent au célèbre Premier ministre Disraeli et enfin, à Churchill dont on attribue presque toutes les bonnes phrases qui perdurent dans la mémoire populaire. Pui importe l'origine, la reine Elizabeth a incarné cette devise d'une manière exceptionnelle. C'est pour cela qu'elle a renforcé son image d'icône par ce comportement. Une icone ne doit pas montrer ses sentiments et encore moins, ses humeurs.
Car les sentiments et les humeurs rabaissent la symbolique et remmèneraient la souveraine à un état commun, celui de n'importe quel sujet.
On peut rajouter que les sentiments et humeurs sont déjà une opinion et la reine ne doit être d'aucun camp sinon elle ne serait pas la référence de tous pour unifier le pays.
Bonbon acidulé et chapeaux volière
L'image vestimentaire de la reine, incroyablement connue, nous surprendrait de son excentricité s'il s'agissait d'une personne quelconque. Mais nous associons cette excentricité unique à la reine au point qu'elle soit devenue une marque de l'attachement populaire à son égard.
Couleurs vives, chapeaux improbables avec une construction insensée de végétation et d'oiseaux, certains rétorqueraient que c'est là le kitsch, si caractéristique des Anglais. Les plus méchants diraient que c'est conforme au mauvais gout britannique en matière de mode comme l'est la réputation tout aussi indigne sur leur cuisine.
Le goût vestimentaire anglais est pourtant parmi les plus raffinés au monde. L'élégance des chaussures, étoffes et costumes sont même devenus des génériques du chic.
Il faut bien entendu rechercher l'explication ailleurs. Ce n'est pas faute aux commentateurs du monde de l'avoir recherchée. Personnellement, l'explication la plus convaincante est celle de la reconnaissance visuelle dans une foule que certains avancent.
La reine, où qu'elle soit doit être reconnue dans une foule. Mais cela va plus loin et rejoint tout ce qui vient d'être exposé antérieurement, elle doit être le point de focalisation du regard, celui de la convergence. N'est-ce pas là, justement, la définition de la symbolique de l'unité du pays, concentré sur un point et non dispersé dans une foule, fatalement diverse et souvent divisée ?
Mais, malgré tout, la royauté reste une anomalie
Je suis profondément républicain même si cet article reste ambigu par rapport à ma position personnelle. Je me suis, jusque-là, limité à l'exposé et l'analyse d'une réalité sur le sentiment que provoque ce personnage hors-norme et son utilité dans la stabilité des institutions britanniques.
Tout cela est parfaitement exact et le système institutionnel britannique a montré, avec le rôle unificateur de la reine, son incroyable réussite. Le régime parlementaire est, et sera toujours, une invention britannique, nous ne pouvons que nous incliner car c'est une grande démocratie.
Mais par ailleurs, je n'ai exposé que le côté flamboyant et attachant de cette royauté. Notre tendresse envers cette image qui a traversé notre vie, pour les gens de ma génération, ne doit pas faire oublier tout ce qui se cache et qui ne présage pas forcément d'un avenir pérenne de la monarchie britannique. Il s'agit de toutes les turpitudes de cette famille royale, aussi agitée que choquante dans ses scandales à répétition. Il s'agit également de la fortune familiale immense, presque insolente au point que le pouvoir politique des Britanniques a mis fin récemment à une exception de la reine, elle devra désormais payer des impôts.
Sans compter que le jubilé a permis un intermède qui cache les profondes ruptures britanniques, surtout avec la crise économique et l'incertitude du Brexit. Le Royaume-Uni est au bord de l'explosion avec l'Irlande du Nord et l'Ecosse ainsi qu'avec l'éloignement progressif des pays du Commonwealth.
Mais l'argument le plus fort reste tout de même cette anomalie de l'hérédité, une contradiction absolue avec la démocratie. On me rétorquera que je suis alors en contradiction avec ce que j'ai exposé tout au long de l'article, le Royaume-Uni étant une grande démocratie.
Mon argument inverse et que de très nombreux autres pays démocratiques reposent sur des régimes parlementaires républicains et que cela va tout aussi bien. Il m'est impossible d'accepter qu'une naissance soit la condition d'attribution d'un poste de chef d'Etat, tout aussi honorifique, symbolique et utile qu'il soit. Certes, il s'agit d'une démocratie mais les dictatures népotiques ont le même système. L'humanité a mis des siècles pour que certains pays (hélas, encore minoritaires dans la part démographique mondiale) afin d'arriver à la démocratie et d'en finir avec la noblesse de sang et le pouvoir héréditaire.
C'est vrai, lorsque la reine Elizabeth disparaitra, cela ne devrait hélas pas tarder (peut-être même après la mienne auparavant), je serai touché car elle a traversé ma vie et j'ai finalement une certaine peine nostalgique à cette idée. Mais la tendresse n'est pas l'adhésion à la royauté d'un républicain convaincu à jamais.
C'est seulement parce que je respecte les grandes démocraties que je me suis associé de loin à ce jubilé pour dire, tendrement et sans le proclamer à haute voix, Good save the Queen !
C'est en fait à ma vie que je dis un au-revoir anticipé car la disparition de la reine entamera le crépuscule de la mienne, débutée à Oran, heureuse, insouciante et inconsciente de ce qui allait lui tomber sur la tête.
Homme réfléchi, il a étudié l’islam en profondeur, allant même jusqu’à apprendre l’arabe pour lire le Coran.
Le nouveau roi du Royaume-Uni, Charles III, en Écosse, le 7 septembre 2022 (AFP)
La semaine dernière, Liz Truss a pris la tête du gouvernement le plus islamophobe de l’histoire britannique pour beaucoup.
Un gouvernement qui refuse de travailler avec le plus important organe représentatif des musulmans britanniques, a mis en place un régime de sécurité injuste (Prevent) visant les musulmans, a limogé une ministre parce que son « statut de ministre musulmane mettait ses collègues mal à l’aise ». Un gouvernement accusé cette semaine de traiter les musulmans comme des citoyens de seconde zone.
Sans surprise, plus de la moitié des membres du Parti conservateur au pouvoir entretiennent de folles théories du complot sur l’islam britannique.
Deux jours après que Truss est devenue Première ministre, le roi Charles III a accédé au trône. Homme réfléchi, il a étudié l’islam en profondeur, allant même jusqu’à apprendre l’arabe pour lire le Coran.
Le nouveau roi est le monarque le plus islamophile de l’histoire britannique. Le contraste avec son gouvernement est frappant.
Un discours électrisant
Il y a plusieurs décennies déjà, le prince Charles réfutait la thèse du « choc des civilisations » qui soutient que l’islam est en guerre avec l’Occident. Il affirme au contraire que l’islam, le judaïsme et le christianisme sont trois grandes religions monothéistes qui ont beaucoup plus en commun qu’on ne le pense généralement.
Depuis 1993, le nouveau roi est un mécène du Centre d’études islamiques d’Oxford. Cette année-là, il a prononcé le discours inaugural, intitulé « L’islam et l’Occident ». Ce n’était pas le genre de discours sur la religion que la plupart des gens attendent des politiciens et de la famille royale ; ces derniers ont tendance à se contenter de platitudes creuses.
Alors prince de Galles, il s’est plongé dans une réflexion complexe sur la civilisation islamique et ses relations avec l’Europe. Charles estime que l’islam fait « partie de notre passé et de notre présent, dans tous les domaines de l’activité humaine. Il a contribué à créer l’Europe moderne. Cela fait partie de notre propre héritage, ce n’est pas une chose à part. »
Opposé à la guerre en Irak, compatissant envers les Palestiniens : révélations sur le prince Charles
Il exhortait la population occidentale à voir au-delà des distorsions contemporaines de l’islam : « Le principe directeur et l’esprit de la loi islamique, tirés directement du Coran, devraient être ceux de l’équité et de la compassion. »
Il observait que les femmes avaient obtenu le droit de propriété et d’héritage dans l’islam il y a 1 400 ans, a rendu hommage à la « tolérance remarquable » de l’islam médiéval et a déploré « l’ignorance occidentale de la dette de notre propre culture et civilisation envers le monde islamique ».
Le prince qualifiait les communautés musulmanes britanniques d’« atout pour la Grande-Bretagne » qui « ajoute à la richesse culturelle de notre nation ».
Contrairement à ceux qui exigent que les musulmans abandonnent leur identité pour s’assimiler, le prince de Galles souhaitait un processus d’intégration dans les deux sens : les musulmans doivent « équilibrer leur liberté vitale d’être eux-mêmes avec une appréciation de l’importance de l’intégration dans notre société », tandis que les non-musulmans devraient « respecter la pratique quotidienne de la foi islamique et prendre décemment soin d’éviter les actions susceptibles de blesser profondément ».
C’était un discours électrisant : voici l’héritier du trône disant aux musulmans britanniques, pour la plupart des migrants des anciennes colonies, que leur présence dans le pays n’était pas seulement la bienvenue, mais appréciée.
Difficile d’imaginer un plus grand contraste avec les interventions récentes des politiciens britanniques de premier plan.
Prince « controversé »
Ces dernières années, l’attitude du prince Charles à l’égard de l’islam et du monde musulman ont souvent suscité la controverse.
Un livre du correspondant royal Robert Jobson, écrit avec la coopération du bureau du prince et publié en 2018, révélait qu’il s’ était opposé à l’invasion de l’Irak en 2003, exprimant en privé ses objections au Premier ministre Tony Blair. Selon Jobson, le prince Charles croyait que « marcher en portant une bannière pour la démocratie à l’occidentale était à la fois téméraire et futile ». Celui-ci avait également fait savoir aux ministres qu’il ne souhaitait plus que ses relations avec les dirigeants du Golfe soient utilisées par les entreprises d’armement britanniques afin de vendre leurs armes.
Le prince Charles admire des œuvres d’art islamique moderne à l’école d’art traditionnel Qasr Al-Taz, lors de sa visite du Caire, le 21 mars 2006 (AFP)
Ensuite, il y a sa sympathie envers les Palestiniens, ce qui explique peut-être pourquoi c’est son fils le prince William, et non le prince Charles lui-même, qui a effectué la première visite royale en Israël en juin 2018. Ce n’est qu’en 2020 que le prince Charles a effectué sa première visite en Israël. Il a pris soin de visiter les territoires palestiniens occupés, où il a dit souhaiter « que l’avenir apporte la liberté, la justice et l’égalité à tous les Palestiniens ».
Aucun ministre britannique n’a exprimé des sentiments similaires dans l’histoire récente. En ce qui concerne les musulmans européens, Charles III critique la laïcité de la France et de la Belgique et est en désaccord avec leurs interdictions faites aux femmes de porter le niqab en public. Il n’a pas le temps pour la politique anti-musulmane qui gagne du terrain dans toute l’Europe.
Son travail caritatif a été critiqué. En juin dernier, le prince avait fait la une des journaux après que le Sunday Timesavait révélé qu’il avait accepté une valise contenant un million d’euros en espèces du cheikh Hamad ben Jassim ben Jaber al-Thani, l’ancien Premier ministre qatari. Le fonds de bienfaisance du prince Charles avait démenti tout acte répréhensible et rien ne suggère que ce dernier en ait bénéficié personnellement.
Il a peut-être commis des erreurs de jugement, mais une grande partie des articles de la presse étaient injustes et montraient une méconnaissance du sujet.
Pensez au déluge d’articles sensationnels en juillet sur un don d’un million de livres sterling que son fonds de bienfaisance a reçu de la famille d’Oussama ben Laden en 2013. Il n’y a eu aucun acte répréhensible : la famille ben Laden est l’une des plus établies en Arabie saoudite, et sous-entendre un lien avec le terrorisme et al-Qaïda était absurde.
Un fervent « traditionaliste »
Les commentateurs anti-musulmans se moquent du nouveau roi de Grande-Bretagne pour sa curiosité intellectuelle. Le commentateur néoconservateur américain Daniel Pipes en est un exemple. Son billet de blog intitulé : « Le prince Charles s’est-il converti à l’islam ? » cite de nombreuses « preuves » qu’il est lui-même devenu musulman, notamment le fait que le prince Charles a participé à une cérémonie de rupture du jeûne pendant le Ramadan et sa critique de Salman Rushdie pour avoir insulté les « convictions les plus profondes » des musulmans.
Au siècle dernier, de fausses rumeurs similaires tourbillonnaient autrefois autour de Winston Churchill.
En vérité, le roi est un fervent anglican dont l’engagement profond envers l’islam (ainsi qu’envers le judaïsme et le christianisme orthodoxe) est lié à son intérêt pour le traditionalisme, l’école de pensée ésotérique du XXe siècle dont les premiers partisans se sont élevés contre le monde moderne, croyant que toutes les grandes religions partagent des vérités universelles qui pourraient être des antidotes aux malheurs contemporains.
Le roi Charles III est un fervent anglican qui croit que toutes les grandes religions partagent des vérités universelles susceptibles d’être des antidotes aux malheurs contemporains
Charles III s’est particulièrement intéressé aux œuvres de René Guenon, l’un des penseurs les plus importants du traditionalisme. Écrivant au début du XXe siècle, Guenon – intellectuel français élevé dans la foi catholique et éduqué à la Sorbonne – voyait la modernité occidentale, qui « s’est développée sur des lignes matérielles », comme représentant une « anomalie » dans l’histoire humaine.
« Si [les traditionalistes] défendent le passé », déclarait le prince Charles dans un discours de 2006, « c’est parce que dans le monde prémoderne, toutes les civilisations étaient marquées par la présence du sacré ». En revanche, notre époque actuelle est celle de « la désintégration, de la déconnexion et de la déconstruction ».
Dans une allocution prononcée devant l’Assemblée générale de l’Église d’Écosse en 2000, le prince Charles prévenait que notre époque « risqu[ait] d’ignorer, ou d’oublier, toute connaissance du sacré et du spirituel ». C’est cette préoccupation qui sous-tend son action pour l’environnement. Charles III croit que l’Occident moderne « est devenu de plus en plus avide et exploiteur », suggérant que nous pouvons réapprendre la « tutelle du caractère sacramentel et spirituel vital du monde » de l’islam.
Guenon lui-même regardait vers l’Est, rédigeant plusieurs ouvrages sur l’hindouisme et le taoïsme avant de quitter Paris pour Le Caire. Là, il s’est initié à l’ordre soufi Ahmadiyya Shadhiliyya et a étudié à al-Azhar, l’un des centres mondiaux de l’érudition musulmane sunnite. Devenu musulman, il est mort au Caire en 1951.
Le rôle de Guenon dans la formation de la vision du monde du roi a déconcerté de nombreux commentateurs traditionnels. L’historien militaire Max Hastings en est un bon exemple. En 2010, dans une critique du livre du prince Charles Harmony: A New Way of Looking at Our World, il a écrit dans le Daily Mail que « le principal péril pour notre institution royale dans les décennies à venir réside dans sa tête bien intentionnée, embrouillée et confuse ».
Critiques brutales
Sans se laisser décourager par le regard désapprobateur des médias britanniques, le prince Charles s’est servi de son titre de prince de Galles pour faire avancer ses idées dans la pratique. En 1993, la Fondation du Prince a commencé à abriter le Programme d’arts visuels islamiques et traditionnels.
Le roi Charles III rencontre la Première ministre Liz Truss et des membres de son cabinet au palais de Buckingham à Londres, le 10 septembre 2022 (AFP)
Là, les étudiants ont produit des miniatures mogholes, des carreaux ottomans et de la calligraphie arabe. Deux éminents érudits traditionalistes étaient des professeurs invités – le philosophe Seyyed Hossein Nasr et l’érudit Martin Lings, qui a écrit une célèbre biographie du prophète Mohammed et s’est senti « frappé par la foudre » quand il a lu Guenon pour la première fois. Le programme est devenu l’École des arts traditionnels de la Fondation du Prince en 2004.
L’amour de Charles III pour l’art islamique est visible dans sa vie personnelle. D’où le Carpet Garden, inspiré des jardins islamiques, dans sa maison du Gloucestershire, Highgrove. Il avait expliqué : « J’ai planté des figuiers, des grenades et des oliviers dans le jardin à cause de leur mention dans le Coran. »
Tout cela place le roi Charles III dangereusement en décalage avec le gouvernement Truss et le Parti conservateur qu’elle dirige. Si Charles III revient sur le sujet de l’islam, il est certain qu’il s’ouvrira aux critiques brutales de la droite néoconservatrice qui fixe une grande partie de l’ordre du jour de ce gouvernement conservateur.
Reste à voir si, sur le trône, il continuera à parler de religion aussi ouvertement qu’il l’a fait lorsqu’il était prince de Galles. Il doit garder à l’esprit l’exemple de sa mère, qui s’est astucieusement tenue à l’écart des controverses publiques. Il est néanmoins profondément significatif que nous ayons un roi qui admirait ouvertement l’islam.
Une déclaration audacieuse
Les mosquées à travers le pays ont présenté leurs condoléances pour la mort de la reine Elizabeth II, et de nombreux musulmans ont noté l’attitude du nouveau roi envers l’islam.
Dans son sermon avant la prière de vendredi dernier dans la mosquée écologique de Cambridge, Shaykh Abdal Hakim Murad, le maître de conférences en études islamiques de l’Université Shaykh Zayed, a abondamment cité le discours du prince Charles en 1993 sur « l’islam et l’Occident », faisant remarquer que son intérêt généreux pour l’islam le distinguait d’une grande partie de la classe politique britannique. Notant que le prince Charles avait appris l’arabe pour lire le Coran, il s’interrogeait : « Combien de personnes au Parlement feraient cela ? »
Charles III suivra-t-il le doux exemple de sa mère et soulignera-t-il tranquillement les traditions britanniques de tolérance et de multiculturalisme, contrairement au nationalisme des gouvernements Johnson et Truss ?
Charles III suivra-t-il le doux exemple de sa mère et soulignera-t-il tranquillement les traditions britanniques de tolérance et de multiculturalisme, contrairement au nationalisme des gouvernements Johnson et Truss ?
Certains signes tendent à montrer que ce sera le cas.
Repensez au premier discours du roi Charles III en tant que souverain : « Au cours des 70 dernières années, nous avons vu notre société devenir une société abritant de nombreuses cultures et de nombreuses religions », a-t-il déclaré, avant de promettre : « Quels que soient vos origines ou vos croyances, je m’efforcerai de vous servir avec loyauté, respect et amour. »
C’était une déclaration de pluralisme à la fois audacieuse et sans équivoque. Et quiconque a prêté attention à ses déclarations et actions en tant que prince de Galles saura qu’il le pense sincèrement. C’est une position qui le distingue du gouvernement britannique.
- Peter Oborne a été élu meilleur commentateur/blogueur en 2022 et en 2017, mais aussi désigné journaliste indépendant de l’année 2016 à l’occasion des Drum Online Media Awards pour un article qu’il a rédigé pour Middle East Eye. Il a reçu le prix de Chroniqueur britannique de l’année lors des British Press Awards de 2013. En 2015, il a démissionné de son poste de chroniqueur politique du quotidien The Daily Telegraph. Son dernier livre, The Assault on Truth: Boris Johnson, Donald Trump and the Emergence of a New Moral Barbarism, est sorti en février 2021 et a figuré dans le top 10 des bestsellers du Sunday Times. Parmi ses précédents ouvrages figurent Le Triomphe de la classe politique anglaise, The Rise of Political Lying et Why the West is Wrong about Nuclear Iran.
- Imran Mulla étudie l’histoire à l’université de Cambridge.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Peter Oborne won best commentary/blogging in both 2022 and 2017, and was also named freelancer of the year in 2016 at the Drum Online Media Awards for articles he wrote for Middle East Eye. He was also named as British Press Awards Columnist of the Year in 2013. He resigned as chief political columnist of the Daily Telegraph in 2015. His latest book is The Fate of Abraham: Why the West is Wrong about Islam, published in May by Simon & Schuster. His previous books include The Triumph of the Political Class, The Rise of Political Lying, Why the West is Wrong about Nuclear Iran and The Assault on Truth: Boris Johnson, Donald Trump and the Emergence of a New Moral Barbarism.
Imran Mulla studies History at Cambridge University.
Peter Oborne
, Imran Mulla
Mardi 13 septembre 2022 - 13:43 | Last update:1 week 10 hours ago
Une historienne explique à Middle East Eye que les allégations concernant l’arbre généalogique de la reine sont « des suppositions et des conjectures »
La reine Elizabeth II assiste à une cérémonie de plantation d’arbres dans le bois du Jubilé de diamant dans sa propriété de Sandringham dans le Norfolk, Nord-Est de l’Angleterre, le 3 février 2012 (Reuters)
Rien ne prouve que la reine Elizabeth II était une descendante du prophète Mohammed ou de son clan hachémite dans la péninsule Arabique contrairement aux informations et publications sur les réseaux sociaux qui l’ont proclamé après le décès de la souveraine la semaine dernière, assurent à Middle East Eye une historienne et un éditeur britannique spécialisé dans la généalogie.
Cette théorie prétend que la lignée de la reine rejoint l’arbre généalogique du prophète à travers la princesse musulmane Zaida de Séville au XIe siècle, personnalité mystérieuse qui a vécu à Al-Andalus.
Ces conclusions, partagées par les médias britanniques depuis 2018 et qui ont refait surface après la disparition de la reine, ont été attribuées à Burke’s Peerage, un éditeur britannique spécialisé dans la généalogie et faisant autorité au sujet des ancêtres de la famille royale depuis 1847.
« Malheureusement, nous n’avons pas d’informations généalogiques là-dessus. Nous n’étions pas la source originelle »
- Burke’s Peerage, éditeur
Les journaux citent Burke’s Peerage comme source de l’arbre généalogique qui relie la reine Elizabeth au prophète Mohammed à la suite d’un article d’un historien pour un journal marocain affirmant de telles conclusions.
Cependant, dans un email à Middle East Eye, Burke’s Peerage indique : « Malheureusement, nous n’avons pas d’informations généalogiques là-dessus. Nous n’étions pas la source originelle, même si cela a été répété de manière erronée au fil des ans. »
L’éditeur ajoute que Iain Moncreiffe, un officier britannique et généalogiste, semble être à l’origine de cette allégation.
« Il serait intéressant que les historiens et les chercheurs puissent examiner convenablement ce sujet », estime-t-il.
Les hachémites et Thatcher
Actuellement, il n’y a aucun élément sourcé, faisant autorité et officiel reliant les monarques britanniques au prophète de l’islam.
Ce dernier prétendait que le « grand-père » de la souveraine britannique était un musulman contraint de se convertir au christianisme « lors de l’Inquisition », avant son arrivée en Angleterre. Le grand-père de la reine Elizabeth II, le roi Georges V, a régné entre 1910 et 1936.
Il y a également un communiqué d’octobre 1986 signé par un groupe nommé Musulmans au palais de Buckingham et publié par United Press International (UPI), citant une lettre qui aurait été écrite par Harold Brooks-Baker, directeur de publication de Burke’s Peerage, à l’ancienne Première ministre Margaret Thatcher, lui annonçant que la reine avait des ancêtres musulmans.
« L’ascendance directe de la famille royale qui remonte au prophète Mohammed ne peut suffire à protéger pour toujours la famille royale des terroristes musulmans », dit cette lettre.
« Peu de Britanniques savent que le sang de Mohammed coule dans les veines de la reine. Cependant, tous les dirigeants religieux musulmans en sont fiers. »
Interrogé sur cette lettre, l’éditeur a répondu à MEE : « Malheureusement, nous ne sommes pas au courant de cela, nous n’en avons aucune trace, si tant est qu’elle n’ait jamais existé. Peut-être que ce sujet fera l’objet d’un examen d’une recherche historique pour fournir une réponse primaire. »
Zaida et le jeu d’échecs
La princesse musulmane Zaida, qui a vécu à Séville, est une personnalité importante dans le supposé arbre généalogique de la reine Elizabeth II qui la relierait au prophète Mohammed.
Zaida est présentée comme une réfugiée musulmane qui a fui Séville, s’est convertie au christianisme et s’est fait connaître sous le nom d’Isabelle. Certains pensent qu’il s’agit de la fille du dirigeant de Séville, Al Mutamid ibn Abbad, descendant supposé du clan hachémite. Elle est devenue maîtresse du roi Alphonse VI de Castille, l’ennemi juré de son père.
L’un des enfants de Zaida aurait épousé Richard de Conisburgh, comte de Cambridge, au XIVe siècle. Il serait un ancêtre de la reine Elizabeth II.
« Zaida est un personnage mystérieux puisque nous disposons surtout de spéculations et de légendes, et de moins de faits historiques que ce que nous souhaiterions »
- Patricia Grieve, université de Columbia
Cependant, Zaida reste une personnalité mystérieuse et son histoire est loin d’être limpide.
Patricia Grieve, professeure de sciences humaines à l’université de Columbia, explique qu’il y a énormément de spéculations sur la relation de Zaida et du roi Alphonse VI de Léon-Castille.
« Il y a énormément de suppositions et de conjectures ainsi que certaines légendes », prévient-t-elle.
« Une histoire raconte qu’Alphonse VI aurait “remporté” Zaida lors d’une partie d’échec contre al-Mutamid, son père, roi musulman de Séville. C’est une légende qui tente d’établir une équivalence entre les femmes et les terres et de justifier qu’Alphonse VI n’ait pas remporté de terres contre al-Mutamid, il avait remporté la fille », développe l’universitaire.
La relation de Zaida avec le roi Alphonse VI reste obscure et on ne sait pas si elle était sa maîtresse ou sa femme.
Grieve précise que si Zaida est bel et bien la personnalité qui s’est convertie au christianisme et a adopté le nom d’Isabelle, cela la relierait aux familles royales de l’Europe au-delà de l’Espagne.
« Zaida est un personnage mystérieux puisque nous disposons surtout de spéculations et de légendes et de moins de faits historiques que ce que nous souhaiterions », regrette-t-elle.
« Rien ne peut me surprendre en matière de liens de parenté, même distants dans le temps et très ténus, entre des personnes, y compris la reine Elizabeth II et le prophète Mohammed », conclut-elle.
Middle East Eye n’a pas retrouvé de trace de l’organisation Musulmans au palais de Buckingham. MEE a contacté le journal marocain, Al-Ousboue, pour confirmer ses conclusions, mais n’avait reçu aucune réponse au moment de la publication.
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