Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a révélé que 20 milliards de dollars de l’argent détourné dans des affaires de corruption ont été récupérés par l’État.
« Nous avons récupéré environ 20 milliards de dollars et il existe des mécanismes pour récupérer l’argent stocké (fonds détournés, ndlr) ici et là », a-t-il expliqué.
Concernant les affaires internationales, Tebboune a démenti toute médiation de quelque partie que ce soit entre l’Algérie et le Maroc. « S’il y a une médiation, le peuple a le droit de le savoir », a-t-il dit
Ali Haddad, les frères Kouninef, Mahiedine Tahkout… ont amassé des fortunes colossales avec la complicité, le concours et l’assentiment de l’ancien pouvoir. Leurs procès révèlent les principaux ressorts de la corruption sous le règne du président déchu.
Les procès instruits contre d’anciens Premiers ministres, ex-ministres, hauts gradés de l’armée et hommes d’affaires ont révélé l’ampleur de la corruption et de la prédation sous le régime de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Ces procès sans précédent dans l’histoire de l’Algérie ont mis en lumière les montants faramineux obtenus par ces oligarques dans le cadre de leurs diverses activités, ainsi que des avantages et des biens acquis durant cette période. Mais pas seulement.
Ces procès, bien que tenus en suspicion par une partie de l’opinion, ont été autant d’occasions de mieux connaître et cerner les schémas corrupteurs qui ont permis à des hommes d’affaires d’amasser des fortunes colossales avec la complicité, le concours et l’assentiment de hauts responsables de l’État. Les Algériens savaient que la corruption était endémique. Ils connaissent aujourd’hui un peu mieux ses ressorts et ses mécanismes.
Président bis
Dénominateur commun de presque tous les procès qui ont vu d’anciens membres du gouvernement et des oligarques lourdement condamnés : Saïd Bouteflika, frère cadet de l’ex-chef de l’État et puissant conseiller de l’ombre qui agissait comme un président bis.
PUISSANT CONSEILLER DE L’OMBRE, SAÏD BOUTEFLIKA SE COMPORTAIT COMME LE CHEF DU CLAN PRÉSIDENTIEL
Durant les quatre mandats d’Abdelaziz Bouteflika, notamment à partir du troisième, qui a commencé en 2009, Saïd s’est comporté comme le chef du clan présidentiel, dont le noyau était constitué par une poignée de businessmen et de ministres, dont Ali Haddad, PDG du groupe ETRHB et président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), les frères Kouninef (Réda, Karim et Tarek) et Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie et des Mines, en fuite à l’étranger. Pendant des années, les membres de ce petit groupe se réunissaient régulièrement dans une villa sur les hauteurs d’Alger, propriété des Kouninef.
C’est dans ce lieu cossu et discret que les affaires de l’État se réglaient, que les marchés se concluaient, que les projets et des prêts bancaires s’octroyaient, que les ministres, walis (préfets) et hauts responsables de l’administration étaient promus ou frappés de disgrâce. Si le cœur du pouvoir se trouvait à la résidence de Zéralda, le bunker dans lequel Bouteflika s’était installé depuis son AVC de 2013, la villa de Kouninef en était l’annexe.
Mélange des genres
Un mélange des genres complet, donc, entre les oligarques et le pouvoir incarné par les frères Bouteflika. Le deal était simple : les chefs d’entreprise, ainsi que les grosses fortunes finançaient à coups de millions de dollars les campagnes électorales de l’ex-chef de l’État (2004, 2009, 2014 et 2019).
LES HOMMES D’AFFAIRES QUI REFUSAIENT DE METTRE LA MAIN À LA POCHE POUR SOUTENIR LA CANDIDATURE DE BOUTEFLIKA ÉTAIENT BLACKLISTÉS
En échange, ils obtenaient marchés publics, terrains, prêts bancaires et de multiples avantages fiscaux et facilités administratives. Les hommes d’affaires qui refusaient de mettre la main à la poche pour soutenir la candidature de Bouteflika étaient blacklistés.
Le cas d’Issad Rebrab, patron du groupe privé Cevital, est édifiant. Pour avoir refusé de verser son obole au clan présidentiel, Rebrab a vu plusieurs de ses projets retardés, bloqués, voire compromis. Il souhaite investir dans un port ? Son projet est confié à un concurrent. Il veut monter une usine de trituration de graines oléagineuses ? Initiative bloquée pour permettre aux Kouninef de monter le même projet pour un investissement de 250 millions de dollars, dont une grande partie provenait d’un prêt bancaire. Le groupe Rebrab possède la concession de voiture de la marque Hyundai depuis des années ? Elle lui est retirée pour être accordée à l’homme d’affaires Mahiedine Tahkout, lequel purge aujourd’hui une peine de dix-huit ans de prison dans un pénitencier de Khenchela.
Prédation
Amis et proches parmi les proches de Saïd Bouteflika, les frères Kouninef, à la tête du conglomérat dénommé KouGC, sont la parfaite illustration de ce système de corruption et de prédation mis en place grâce à la manne pétrolière qui s’est déversée sur le pays au cours des deux dernières décennies. Leur procès, qui s’est déroulé du 9 au 12 septembre, aura été l’occasion d’évoquer leurs méthodes, même si leurs avocats rejettent en bloc les accusations et estiment que leurs clients ont été condamnés avant d’être jugés.
Fondé dans les années 1970 par Ahmed Kouninef, KouGC a obtenu au cours des dernières années 1,5 milliard de dollars de crédits bancaires, ainsi que 600 millions de dollars d’avantages fiscaux. Selon la justice, le groupe ne présentait pas de garanties suffisantes pour être éligibles à ces prêts. Il n’empêche que les banques, ainsi que le Fonds national d’investissement (FNI) ont continué à soutenir le groupe de frères Kouninef.
QUI POUVAIT DIRE NON AUX KOUNINEF, DONT LES RELATIONS TRÈS ÉTROITES AVEC LES BOUTEFLIKA ÉTAIENT CONNUES DE TOUS ?
Ces derniers sont en outre accusés d’avoir illégalement transféré vers l’étranger l’équivalent de 125 millions de dollars. Qui pouvait dire non aux Kouninef, dont les relations très étroites avec les Bouteflika étaient connues de tous ?
Autre dossier qui illustre le système en vigueur sous Bouteflika : en avril 2014, quelques jours après la réélection de Bouteflika pour un quatrième mandat, les Kouninef, qui avaient financé la campagne du président à hauteur de 310 000 euros, obtiennent deux marchés sans passer par un bureau d’études et accordés par l’Agence nationale d’intermédiation et de régulation foncière (Aniref) pour un montant de 61 millions de dollars.
Pour ces deux projets, le groupe Kouninef a mobilisé le même matériel et les mêmes travailleurs pour les mêmes délais de réalisation. Or, durant le procès, l’on a appris que non seulement ces deux projets n’ont pas été réalisés, mais que les responsables chargés de rappeler à l’ordre les Kouninef sur les retards dans les chantiers étaient priés de garder le silence.
Au tribunal, la directrice régionale de l’Aniref avoue avoir obtenu plusieurs promotions pour avoir fermé les yeux sur ces retards et autres anomalies. Pis, alors même que ces deux projets n’avaient pas été achevés, KouGC obtenait, en février 2017, un nouveau marché d’un montant de 81 millions de dollars.
Soutien indéfectible
Sans être aussi intime avec Saïd que ne l’étaient les frères Kouninef, Ali Haddad, qui purge lui aussi une peine de dix-huit ans de prison à Tazoult, est l’autre symbole de l’intrusion de l’argent privé dans la politique. Soutien indéfectible de la présidence à vie de Bouteflika, Haddad se targuait de faire et de défaire des ministres, de promouvoir des préfets et même de recevoir des ambassadeurs à Alger.
Au cours des quinze dernières années, le groupe ETRHB des frères Haddad a obtenu 214 marchés publics dans plusieurs secteurs pour un total de plus de 6 milliards de dollars. En 2012, Haddad a acquis un hôtel de luxe à Barcelone pour 68 millions d’euros.
DEVANT HADDAD, SELLAL ET OUYAHIA NE POUVAIENT PAS RESPIRER
Lorsque les services de renseignements algériens ont souhaité l’entendre sur cette acquisition qui pouvait laisser penser à du blanchiment d’argent, Saïd Bouteflika a fait pression pour bloquer une éventuelle audition de son ami. Non seulement ce dernier pouvait s’appuyer sur sa proximité avec le frère de l’ex-président, mais il avait également le soutien de Sellal, de Ouyahia et de Bouchouareb.
« Devant Haddad, Sellal et Ouyahia ne pouvaient pas respirer, confie un connaisseur du sérail. Personne n’osait dire non à Saïd et donc à Haddad. » En mai 2015, Ali Haddad est même parvenu à faire nommer son ami Mustapha Karim Rahiel ministre directeur du cabinet du Premier ministre Sellal. Avant d’occuper cette fonction, Rahiel travaillait au sein du groupe ETRHB. Autant dire qu’avec lui à un tel poste Haddad était dans le saint des saints du pouvoir. Placé en détention préventive en juin 2020, Rahiel est la « boîte noire » des liens opaques entre le pouvoir et le groupe des Haddad.
Des oligarques au bras long
Leur puissance et leur influence, Haddad et les oligarques aujourd’hui en prison en ont fait la démonstration à l’été 2017. À l’époque, Abdelmadjid Tebboune, alors Premier ministre, avait décidé de s’attaquer à l’argent sale en ciblant notamment le groupe de Haddad. La riposte est foudroyante : avec le concours décisif de Saïd Bouteflika, Tebboune est remercié, quatre-vingts jours seulement après sa nomination à la tête du gouvernement.
Le prochain procès d’un autre membre éminent du clan présidentiel, Tayeb Louh, pourrait éclairer davantage les pratiques en vigueur sous l’ancien régime. Entre 2013 et 2019, Tayeb Louh était ministre de la Justice. Il était en contact direct avec Saïd Bouteflika, qui lui transmettait ses instructions oralement ou par SMS, lesquels ont été versés au dossier en cours d’instruction.
En tant que garde des Sceaux, Tayeb Louh faisait pression sur les procureurs et les juges pour influer sur le cours de dossiers en instruction ou encore sur des décisions de justice. L’audition de magistrats et des responsables de ce ministère offre un aperçu de ses méthodes.
LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE ET AHMED OUYAHIA S’IMMISÇAIENT DANS LE TRAITEMENT DE LA JUSTICE
Interrogé par un juge de la Cour suprême, l’ex-secrétaire général du ministère de la Justice affirme que la présidence de la République et Ahmed Ouyahia s’immisçaient dans le traitement de la justice. « Ils appelaient les procureurs pour intervenir en faveur de Tahkout et de Haddad », confie-t-il, selon le quotidien Le Soir d’Algérie.
Le cas de Chakib Khelil, ex-ministre de l’Énergie, aujourd’hui en fuite aux États-Unis, est une autre illustration de l’instrumentalisation de la justice au service des puissants. En août 2013, Khelil et sa famille sont inculpés par la justice algérienne dans le cadre d’une affaire de corruption à la Sonatrach.
Des mandats d’arrêt sont lancés contre eux. Aussitôt nommé ministre de la Justice, Louh commence à faire pression sur les magistrats pour enterrer le dossier. Trois ans après sa fuite, Chakib Khelil fait un retour triomphal en Algérie. Il est blanchi de toutes les accusations sans même mettre le pied chez un juge d’instruction.
Interrogé sur le cas Khelil à la prison militaire de Blida, où il purge une peine de quinze ans, Saïd Bouteflika a indiqué que l’ordre d’annuler le mandat d’arrêt contre Khelil a été donné par le président à Tayeb Louh. C’est Saïd qui a joué les messagers.
Le Tribunal de Sidi M’hamed a rendu son verdict dans l’affaire Kouninef, et 10 anciens ministres ont écopé de lourdes condamnations. Dzair daily vous en dit plus dans la suite de cette édition du 1er décembre 2022.
En effet, un verdict a été prononcé dans l’affaire Kouninef en Algérie. Le tribunal de Sidi M’Hamed a ainsi condamné 10 anciens ministres. Ahmed Ouyahia a ainsi été condamné à une peine de 12 ans de prison, assortie d’une amende d’un million de dinars. Il s’agit de ce que rapporte le site d’information arabophone El Khabar, dans son édition d’aujourd’hui.
Par ailleurs, l’ancien wali de Constantine, puis Premier ministre Bedoui Noureddine a également été condamné dans la même affaire. Il devra passer les 10 prochaines années en prison. Et payer une amende d’un million de dinars. Il sera donc incarcéré suite à cette condamnation.
Aussi, l’ancien ministre des Ressources en eau, Berraki Arezki, aussi directeur de l’Agence nationale des barrages et transferts, a été condamné à 8 ans de prison et à un million de dinars d’amende. Un autre ancien ministre des Ressources en eau a été condamné. Il s’agit de Hocine Necib. Celui-ci a écopé d’une peine de 8 ans de prison et d’un million de dinars d’amende.
Affaire Kouninef : de lourdes peines à l’encontre des accusés
Par ailleurs, l’ancien ministre des Transports Amar Ghoul a été condamné à 4 ans de prison et à un million de dinars d’amende. De son côté, l’ancien ministre de la Promotion des investissements a été condamné à 20 ans de prison assortis d’une amende d’un million. Un mandat d’arrêt a été lancé contre lui.
La liste des condamnés est encore longue, et l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie en fait partie. Mohamed Loukal a ainsi été condamné à 8 ans de prison et à un million de dinars d’amende. Il en est de même pour Abdeslam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie. Il a été condamné à 20 ans de prison et un million de dinars d’amende. Avec un mandat d’arrêt international à son encontre.
Pour finir, l’ancienne ministre des Postes, Houda Feraoun a été condamnée à 4 ans de prison et un million de dinars d’amende. Tandis que l’ancien ministre des Transports Amar Tou a été acquitté. Ces condamnations font suite aux poursuites des mis en cause dans une ancienne affaire de corruption.
-Son épouse et son fils écopent, quant à eux, de 3 ans de prison. La justice a décidé également de saisir les avoirs et les biens de la famille.
Le juge près le pôle pénal économique et financier du Tribunal de Sidi M'hamed d'Alger a condamné, ce mardi, l'ancien ministre des Travaux publics, Abdelkader Kadi à une peine de 12 ans de prison ferme. L'ancien membre du gouvernement sous Bouteflika est jugé, avec sa femme et son fils, dans une affaire de "corruption", de "blanchiment d'argent" "d'enrichissement illicite", de "fausse déclaration", de "dissimulation de revenus issus d'actes de corruption" et "d'infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements des capitaux de et vers l'étranger".
La même juridiction a infligé à son épouse à et son fils 3 ans de prison ferme, avec confiscation de tous les avoirs et les biens saisis dans le cadre de cette affaire. Lors du procès qui s'est tenu durant la semaine dernière, le procureur de la République près le même tribunal a requis une peine de seize (16) ans de prison ferme assortie d’une amende de trois (3) millions de dinars contre l’ancien ministre des Travaux publics, Abdelkader Kadi.
Le représentant du parquet a demandé également sept (7) ans de prison ferme et des amendes de trois (3) millions de dinars contre les membres de la famille de l’ancien ministre. Lors du même procès, la justice a révélé les résultats de l'enquête menée concernant la famille d'Abdelkader Kadi qui possède de "luxueuses propriétés immobilières en France, et ce, sans déclarer leur source" . En plus des "biens immobiliers mal acquis", l’ancien ministre "avait reçu d’importantes sommes sur son compte bancaire au nom de sociétés étrangères, française et émiratie, sans aucune justification".
Selon le procureur, les accusés possédaient "trois appartements à Paris, mais aussi, des biens immobiliers luxueux à Alger et à Oran ainsi que des fermes à Ain Defla". L'enquête a mis la lumière aussi sur des "transferts en France vers les comptes privés de Kadi et de son épouse, dont la valeur totale s’élève à plus de 120 milles euros". Au cours de la même enquête, avait le procureur, les mis en cause étaient "dans l’incapacité de justifier ces sommes", comme "ils avaient refusé de les déclarer".
Abdelkader Kadi avait occupé plusieurs postes de responsabilité, notamment celui de wali (préfet) d’Ain Defla entre 2004 et 2010, wali de Relizane entre 2010 et 2014, ministre des Travaux publics entre 2014 et 2015 et ministre de l’Agriculture en 2015 avant de prendre ses fonctions à la tête de la wilaya (Préfecture) de Tipaza, à 50 km à l'ouest d'Alger, entre 2015 et 2016.
Pour rappel, trois premiers ministres sous le régime du président Bouteflika et une dizaine de ministres ont été poursuivis et condamnés dans plusieurs affaires dites de corruption. Ils ont tous été lourdement condamnés et leurs biens saisis.
Les harkis du système ont fait avorter le changement radical qui se profilait avec le Hirak/Tanekra.
Les harkis du système ont fait avorter le changement radical qui se profilait avec le Hirak/Tanekra. D’une économie pastorale à une économie rentière, le pas est vite franchi. Hier, avec les moutons et les abeilles ; aujourd’hui avec le pétrole et le gaz, l’argent vient en dormant. « Regda out manger ».
C’est la nature des ressources qui détermine le régime politique d’un pays. Dans le cas de l’Algérie contemporaine, ce sont les hydrocarbures. Ce n’est pas un hasard si la nationalisation des hydrocarbures a coïnc idé avec la commémoration de l’anniversaire de la création de l’UGTA un certain 24 février 1971.
La longévité politique exceptionnelle des régimes arabes est une réalité incontestable. Clanisme et monarchie concourent au même résultat : stabilité politique et stagnation économique. Pour le gouvernement, après le pétrole, c’est toujours du pétrole. Sa survie dépend de l’étranger, du blé de la France et des armes de la Russie.
Le pétrole et le gaz sont à l’économie mondiale ce que l’eau et l’oxygène sont au corps humain. Ils sont les fondements de la civilisation moderne. L’argent du pétrole a détaché la société du travail, de l’effort et de l’investissement.
Le sort de l’Algérie est indexé au cours du baril de pétrole sur le marché. En période de vaches maigres, les élections conduisent à une guerre civile avec ses milliers de morts et de disparus et en période de vaches grasses à une présidence à vie au prix de mille milliards de pétrodollars.
L’Algérie se distingue par l’importance des ressources soumises à une distribution publique (marchés, subventions, licences d’importation, fonds de commerce, logements etc…) Un autre gisement s’offre aux élus et fonctionnaires c’est l’emploi public représentant un poids non négligeable dans l’électorat (La république à travers la fonction publique et parapublique est le premier employeur avec une armée de fonctionnaires dociles et redevables).
De l’indépendance à nos jours, c’est la ruée vers le politique. Cela se traduit par une mainmise de l’Etat et donc d’une caste d’élus et de fonctionnaires sur la quasi-totalité des ressources du pays. Les fonctions électives sont un ascenseur social, un tremplin à l’enrichissement personnel. Les distributions d’emplois publics façonnent les clientèles autant qu’elles les révèlent.
Toutes les fortunes privées sont constituées à partir du politique. L’exercice des fonctions étatiques permet de se ménager une place dans l’échelle de redistribution des biens et des services. La rémunération des clientèles cède parfois le pas à l’enrichissement personnel. L’appétit des patrons et des clients allant en s’aiguisant.
L’enjeu des élections en Algérie est évidemment l’accès à la rente que confère l’autorité. En effet, l’élite au pouvoir, bien que vivant de l’Etat n’a pas le sens de l’Etat mais seulement de ses propres intérêts.
Une fois, au pouvoir et à proximité de la rente, les élus se transforment en « harkis du système » ; hors du pouvoir et loin de la rente, ils sont ses plus farouches opposants ?
Dans ce contexte, toute distribution des ressources par l’Etat et son administration peut difficilement viser l’intérêt général. L’intérêt général est intériorisé dans les démocraties occidentales et ignoré dans les dictatures du sud de la Méditerranée. Il se confond avec l’intérêt de la caste au pouvoir.
A chaque fois que l’on fait de l’Etat ou d’une petite élite, le principal acteur du développement, on suscite l’apathie générale du corps social et les citoyens se détournent des structures sociales et politiques organisées. On se trouve devant une société éclatée, une classe dominante qui vivant de l’Etat n’a pas le sens de l’Etat mais de celui de ses intérêts.
Cette classe a le goût de l’autorité et du prestige, elle ignore celui de l’austérité et de l’humilité. Contrairement à ce qui s’est passé à partir du moyen âge, la naissance de l’Etat post colonial est beaucoup moins la résultante des changements sociaux qui ont accompagné l’émergence des structures autonomes (division du travail, bureaucratie professionnelle, surplus agricole dégagé etc…) que le produit d’un bricolage institutionnel visant à introduire dans l’espace politique des formes d’organisation parfaitement étrangères aux codes culturels et aux ressources de l’Etat. Il est le résultat de contradictions externe que de changements internes.
L’Algérie indépendance n’est pas née par voie naturelle mais à la suite d’une césarienne. Cela laisse des cicatrices. L’Algérie a arraché son indépendance par l’emploi de la ruse et la force, elle a raté son développement par manque d’intelligence. Elle n’a pas su coudre la peau du renard avec celle du lion. Elle n’avait pas de fil ni aiguille.
Soixante ans après le recouvrement de son indépendance, elle souffre de l’absence d’une bourgeoisie entrepreneuriale et d’une classe ouvrière laborieuse. Pourtant, ce ne sont pas les pétrodollars qui ont fait défaut. « L’intelligence peut créer des richesses, jamais l’inverse » nous avertit Alex Martial. 98 % des ressources en devises proviennent de l’exportation du pétrole et du gaz.
Le budget de l’Etat est alimenté directement ou indirectement à plus de 70 % par la fiscalité pétrolière et gazière. Destinée initialement au financement du programme d’équipements de l’Etat, elle s’est étendue à la consommation finale prenant en charge l’Algérien du berceau à la tombe en passant par les hôpitaux parisiens avant d’être rapatrié en Algérie pour être enterré selon le rite musulman en usage.
Pour être convaincu de la justesse de ses propos, il suffit d’observer l’évolution de la monnaie nationale, le dinar.
A sa naissance le dinar algérien s’échangeait contre deux francs français (sans pétrole et sans gaz); à soixante ans l’âge officiel de la retraite, il ne vaut pratiquement rien en Algérie et encore moins à l’étranger hyperdopé au pétrole et au gaz.
Les prévenus étaient également poursuivis pour le blanchiment spécifique du produit issu d'un trafic de stupéfiants. beatrice prève / stock.adobe.com
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Des peines allant jusqu'à neuf ans de prison ferme ont été prononcées mardi 12 juillet par le tribunal correctionnel de Marseille contre les organisateurs d'un réseau international de blanchiment d'importantes sommes d'argent entre la France, l'Italie, l'Algérie et Dubaï. Les prévenus étaient également poursuivis pour le blanchiment spécifique du produit issu d'un trafic de stupéfiants. Mais ils ont été relaxés sur cet aspect de l'affaire, le dossier manquant de preuves sur l'origine des fonds.
Un seul prévenu relaxé
23 prévenus au total étaient jugés depuis le 4 juillet pour leur participation à ce réseau mêlant tout à la fois l'hawala -un système de compensation financière occulte datant du Moyen-Age- et le blanchiment plus classique, via la conversion en Italie des sommes en liquide en or, ensuite acheminé en Algérie ou à Dubaï. Les enquêteurs avaient retrouvé la trace de transports d'argent partant de Marseille vers l'Italie pour des montants avoisinant 600.000 à 900.000 euros. Parmi les 23 prévenus, seul un a été relaxé de toutes charges.
Le tribunal a condamné deux Italiens à sept ans de prison et 400.000 euros d'amende. L'accusation les désignait comme ceux qui récupéraient l'argent convoyé depuis la France dans les caches aménagées dans des véhicules, pour ensuite le transformer en or à raison de 30.000 à 40.000 euros le kilo de métal précieux. Placés par l'accusation à la tête de cette «vaste organisation internationale», deux Algériens, en fuite, ont été condamnés à neuf ans de prison et 500.000 euros d'amende. Un mandat d'arrêt a été décerné contre eux.
Onze «sarafs»
Vivant à cheval entre l'Algérie et Marseille, où ils occupaient la chambre d'un foyer pour travailleurs dans le centre-ville, trois frères algériens, dépeints comme les organisateurs des opérations de collecte, de transport et de conversion, ont écopé respectivement de sept ans, six ans et 42 mois de prison, avec des amendes allant de 50.000 à 300.000 euros. Le tribunal n'a par contre pas suivi le parquet de Marseille qui estimait que des liens existaient entre ces «collecteurs» et les réseaux de revente de drogues des cités marseillaises. L'accusation mettait pourtant en avant l'analyse de billets saisis, établissant une contamination très élevée par le cannabis et la cocaïne.
Onze «sarafs», des agents de change informels pratiquant la compensation entre la France et l'Algérie, ont eux écopé de peines allant de 18 mois à six ans de prison et d'amendes de 5000 à 100.000 euros. Les prévenus soutenaient qu'ils opéraient des transferts d'argent sur le mode de l'hawala, au profit de commerçants, de retraités et d'investisseurs. L'hawala faisant échapper ces flux à toute régulation bancaire, tous ont aussi été condamnés pour exercice illégal de la profession de banquier.
Le 28 juin, l’ancien ministre de l’Énergie a été définitivement condamné à 20 ans de prison, alors qu’il se trouve aux États-Unis. Retour sur une affaire hors norme aux ramifications internationales.
Il ne pourra plus rentrer en Algérie sans se retrouver en prison. Le sort de l’ami d’enfance et protégé de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika, en exil aux États-Unis depuis 2013, est désormais en suspens. La justice a en effet confirmé, en appel fin juin, le verdict de 20 ans de prison ferme ainsi que le mandat d’arrêt international et les 12 500 d’euros d’amende prononcés à son encontre par contumace en février en première instance.
À l’aune de cette sentence, une extradition de l’ancien ministre de l’Énergie (de 1999 à 2010) est-elle possible ? « L’Algérie et les États-Unis ne sont pas liés par un accord d’extradition. Donc cette option semble impensable pour l’instant », explique un juriste joint par Jeune Afrique.
Reste que, dès l’émission du premier mandat d’arrêt par l’Algérie en 2013, la justice américaine avait enquêté sur les biens de l’ex-ministre de l’Énergie sur le sol américain. Une collaboration freinée par le manque d’intérêt de la partie algérienne, jusqu’à 2020. Cette enquête de la SEC (Securities and Exchange Commission, le gendarme de la bourse américaine) visait sept contrats de huit milliards d’euros obtenus par Saipem (filiale d’ENI) auprès du groupe algérien Sonatrach entre 2007 et 2010, période durant laquelle Chakib Khelil dirigeait encore le ministère de l’Énergie.
Sociétés écrans
Pour faciliter l’obtention de ces marchés, il avait alors imposé aux Italiens comme intermédiaire Farid Bedjaoui, un homme d’affaires qu’il présentait, selon le document de la SEC, comme son « assistant personnel » ou encore comme « son propre fils ». En échange de ces services, Saipem a ainsi versé 198 millions d’euros de commissions à Farid Bedjaoui via la société écran de celui-ci, Pearl Partners, domiciliée à Hong-Kong.
Certes, Chakib Khelil n’a pas été nommément cité par le gendarme de la bourse américaine, mais les termes par lesquels il est désigné ne laissent aucun doute sur son intérêt à imposer Farid Bedjaoui comme facilitateur entre Saipem et Sonatrach.
« L’intermédiaire a redirigé au moins une partie de cet argent, par le biais de sociétés écrans à des fonctionnaires algériens ou à leurs délégués, y compris le ministre de l’Énergie de l’époque », écrit le mémorandum de la SEC.
« Une partie de l’argent a été versée aux hauts fonctionnaires algériens ou leurs intermédiaires, via des sociétés écrans, y compris Khelil, confirme un avocat qui suit de près cette affaire. Il est donc toujours soumis à une surveillance étroite de la part des Américains. Tout dépend de la conclusion d’un accord bilatéral d’extradition entre les deux pays. »
Lors du verdict en appel du 28 juin, une peine de 5 ans de prison a été confirmée contre Mohamed Meziane, ancien président directeur général de Sonatrach au moment des faits. Son adjoint et vice-président du groupe pétrolier algérien, Abdelhafid Feghouli, a lui écopé de 6 ans de prison pour conclusion de marché de gré à gré douteux entre 2004 et 2009, pour une valeur de 11 milliards de dinars (74 millions d’euros) et qui portait sur l’équipement en matériel de télésurveillance des sites de Sonatrach.
Ils étaient poursuivis pour l’octroi du marché du gazoduc d’Arzew à la société Saipem, au détriment de l’entreprise émiratie Pétrofac, sur instruction de Chakib Khelil. Même si elle disposait d’une base logistique à Hassi Messaoud, dans le sud de l’Algérie, Saipem n’a créé sa filiale dans le pays qu’en 2005. Ce qui ne l’a pas empêchée de remporter de nombreux appels d’offres, y compris face aux géants Halliburton, Anardarco et Schlumberger, dont l’ancrage en Algérie était pourtant plus ancien.
Enquête
Lancée en janvier 2010 par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), l’affaire Sonatrach 1 concerne entre autres le marché d’équipements de tous les complexes gaziers du pays remporté par le groupe algéro-allemand Contel Funkwerk et la rénovation du siège de Sonatrach d’Alger. Des soupçons de corruption pèsent sur le contrat, mais le nom de Chakib Khelil, déjà en poste depuis 10 ans à la tête du ministère de l’Énergie, n’est pas une seule fois cité. Il s’en tire avec son départ du gouvernement, en mai 2010, à la suite des accusations de malversations contre les hauts cadres de l’entreprise nationale de pétrole.
Et ce en dépit d’une enquête en amont diligentée par le département du renseignement et de la sécurité, qui l’implique directement dans le réseau de corruption autour du mastodonte pétrolier national. Alors qu’aucune poursuite n’était encore engagée contre Chakib Khelil, Mohamed Meziane soutient que rien ne pouvait être entrepris sans l’aval écrit ou verbal de Chakib Khelil. Mais à l’époque, déférer un ministre devant un juge était impensable.
Concernant l’attribution du projet gazoduc d’Arzew à Saipem, l’ancien PDG de Sonatrach Mohamed Meziane reconnaît à la barre : « au début, il y avait plusieurs offres mais à la fin, il n’en restait que deux et celle de Saipem était 60 % plus cher ». « Il y avait une différence de 6 milliards de dinars, poursuit-il. Fallait-il revoir l’appel d’offres ou continuer ? J’ai demandé un abattement d’au moins 25 %. Le ministre n’était pas d’accord. Il a proposé par écrit 12,5 %. Tullio Orsi, le patron de Saipem, a soutenu qu’il ne pouvait pas aller au delà de 12 %. Il a menacé en cas de refus de se retirer. Il était sûr de lui. » Le projet revêtant un caractère d’urgence, la partie algérienne a cédé.
Première fuite
En février 2013, la justice italienne ouvre une enquête judiciaire sur les 198 millions d’euros de commissions liés aux 7 contrats de 8 milliards d’euros obtenus par Saipem en Algérie. Acculé, le président Bouteflika ordonne à la justice algérienne de mener à son tour des investigations sur la gestion de Sonatrach. Alerté de l’imminence de son arrestation, Chakib Khelil prend la fuite. Direction Paris, puis à Washington.
En août 2013, le procureur général d’Alger, Belkacem Zeghmati, annonce l’ouverture d’une information judiciaire lors d’une conférence de presse et l’émission de mandats d’arrêts internationaux contre Chakib Khelil, son épouse et ses fils dans le cadre de ce qui est désormais connu sous le nom de « affaire Sonatrach 2 ». Ulcéré par les poursuites dont fait l’objet son ami d’enfance, Abdelaziz Bouteflika, qui vient de rentrer d’une longue hospitalisation à Paris, charge son frère Saïd d’obtenir le blanchissement de Chakib Khelil.
En septembre, le ministre de la Justice, Mohamed Charfi est limogé et remplacé par Tayeb Louh, un magistrat proche du cercle présidentiel. Le nouveau garde des sceaux est chargé de liquider le dossier avec les instructions de Saïd Bouteflika. La cellule du DRS chargée d’enquêter sur les affaires de corruption est démantelée. Le mandat d’arrêt international sera annulé en 2015 pour vice de procédure.
Assuré de son impunité, l’ex-ministre de l’Énergie rentre en Algérie en mars 2016, accueilli à l’aéroport d’Oran par le wali de la ville dans le salon d’honneur, entre les fauteuils en cuir et les bouquets de roses.
Le Hirak de février 2019 met à bas le régime Bouteflika. Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée et véritable homme fort du pays après le départ de Bouteflika, relance l’opération « mains propres », dont les nombreux dossiers qui concernent Sonatrach. De nouveau alerté, Chakib Khelil repart aux États-Unis.
Le mandat d’arrêt international contre l’ex-ministre est ainsi réactivé. Son premier procès s’est tenu en son absence en février 2022. Un deuxième, en appel, s’est tenu en juin de la même année.
Devant le même prétoire en mai 2022, Saïd Bouteflika et Tayeb Louh étaient jugés pour interférence dans le travail de la justice. Le premier est acquitté et le second écope de 5 ans d’incarcération. Saïd Bouteflika a reconnu à la barre qu’il était resté constamment en contact avec Chakib Khelil depuis son exil américain via SMS, parce qu’il est « un ami de la famille Bouteflika », précisant que son frère lui avait demandé de « suivre l’affaire et non de donner des ordres » pour liquider les accusations qui pesaient sur l’ex-ministre de l’Énergie.
Abdelaziz Bouteflika, décédé en septembre 2021, n’a jamais été convoqué par la justice pour livrer sa version des faits. Pas plus que l’ancien ministre de la Justice et procureur général d’Alger Belkacem Zeghmati, actuellement ambassadeur en République tchèque.
Dans l'effervescence de la manifestation, Libération s'est entretenu vendredi au téléphone avec des Algériens impliqués dans le mouvement contre un cinquième mandat Bouteflika. Ils racontent pourquoi ils se mobilisent, l'humiliation ressentie face à la décision du président absent de se représenter, et pourquoi – alors qu'ils ont en mémoire de la décennie noire et des transitions avortées des printemps arabes – le mouvement se veut absolument pacifiste.
Sidali Kouidri Filali, 40 ans : «Les Algériens ont conscience que ça peut déraper»
Pressé de rejoindre la manifestation, ce membre fondateur du Barakat («ça suffit») – un mouvement déjà actif contre un quatrième mandat de Bouteflika en 2014 – raconte l'espoir qu'il place dans les manifestations actuelles, auxquelles il participe en «simple citoyen». Pour lui c'est le «ras-le-bol» de la population face à une «dictature qui a réussi à faire des Algériens un peuple de désespérés» qui pousse ses concitoyens dans la rue : «Il y a des millions d'Algériens qui ont quitté l'Algérie avec le règne de Bouteflika. On n'avait jamais vu ça, même durant la décennie noire et les années de sang [la guerre civile algérienne qui, durant les années 90 opposa le gouvernement algérien à divers groupes islamistes et fut à l'origine de dizaines de milliers de morts, ndlr]. Aujourd'hui, des Algériens se jettent dans la mer, sont des harragas[terme utilisé pour désigner les migrants algériens qui "brûlent leurs papiers" avant de tenter de rejoindre l'Europe par la mer ndlr] parce qu'ils ne se reconnaissent pas dans ce pays, qu'il n'y a plus d'espoir. Parce que la seule chose que Bouteflika a réussi à démocratiser c'est la corruption et le népotisme.»
Le mouvement, qu'il décrit comme populaire et spontané, a d'ailleurs pour mot d'ordre le «départ de Bouteflika, et de tout le système qu'il représente». Il explique, inquiet, que «c'est une dictature forte, qui a les médias et l'opinion en main et qui a l'habitude de manipuler les mouvements», mais se dit confiant dans l'expérience des Algériens. Contrairement aux pays des printemps arabes, les Algériens ont déjà connu le terrorisme et l'islamisme politique, et «ont conscience que ça peut déraper». Ils seront donc sur leurs gardes pour ne pas répondre aux provocations du pouvoir. Le mot d'ordre d'aujourd'hui, d'ailleurs, est «pacifisme».
Habib Brahmia, 33 ans : «Les jeunes sont complètement désespérés»
Cadre dirigeant du parti Jil Jadid (Nouvelle Génération) qui fait partie du mouvement de gauche Mouwatana («citoyenneté»), l’homme répond d’une voix posée. Il milite depuis plusieurs années contre le système Bouteflika et s’était lui aussi opposé au quatrième mandat en 2014. Sans grand succès à l’époque mais aujourd’hui, les choses sont différentes :
«Depuis l’annonce par le Président de sa participation à la présidentielle, il y a eu un déclic populaire et les gens se sont mobilisés sur les réseaux sociaux pour engager une contestation sur la rue… Les Algériens ont pris cette affaire comme une question de dignité : ils considèrent que ce n’est pas normal que quelqu’un qui n’est pas capable de diriger le pays soit imposé comme ça par la force.»
Il analyse : «L'impotence est un problème politique : il y a des gens qui ne sont pas élus, pas identifiés, qui gèrent les affaires du pays. Quelqu'un qui n'est même pas capable de parler, qui n'a pas fait de discours à la nation depuis le 8 mai 2012 – soit depuis sept ans – ne peut pas prendre les rênes d'un pays.»
A cela s'ajoutent des conditions économiques de plus en plus dures qui poussent les jeunes à migrer. Et aujourd'hui à sortir dans la rue. «Depuis longtemps, la situation était difficile. Au début, il y avait beaucoup d'argent, donc le système l'a utilisé pour louer la paix sociale, en redistribuant la rente. Depuis qu'il n'y en a plus, l'émigration a redoublé : des harragas sur des bateaux de fortunes, mais aussi la fuite des cerveaux avec des médecins qui vont en France ou au Canada. Tout le monde a envie de partir : les jeunes sont complètement désespérés et ne voient aucun avenir pour eux.»
Il exalte un mouvement «populaire» et «pacifique» : «Les gens ont une conscience collective tournée vers la démocratie, les libertés et le pacifisme. Les Algériens ont montré beaucoup d'intelligence politique et leurs revendications sont claires : ils veulent un Etat de droit, et c'est dans celui-ci qu'on pourra choisir des représentants selon leurs idéologies et leurs projets de société.»
Nazim Baya, 35 ans : «Ces gens ne se rendent même pas compte à quel point ils sont ridicules»
Pharmacien de profession, l'homme est surtout connu pour être le fondateur d'El Manchar, un site satirique, sorte de Gorafi algérien, qui ne perd pas une occasion d'égratigner le pouvoir et son chef invisible. Il raconte que son journal n'a pas joué un rôle moteur et a juste «accompagné le mouvement pendant les dernières années». Dans ses colonnes, la satire a permis à la fois d'éviter la censure et d'insister sur l'absurdité du pouvoir d'Alger… Depuis une semaine, l'image du cadre vide – celui du portrait de Bouteflika – régulièrement brandie par les manifestants et reprise sur internet est du même registre : «Le cadre, c'est un pied de nez au pouvoir. Ce sont les autorités qui l'ont utilisé comme portrait de Bouteflika pour le mettre dans des meetings et des célébrations officielles. Les jeunes ont repris ça à leur compte pour se moquer de ces gens qui ne se rendent même pas compte à quel point ils sont ridicules.»
L'homme rappelle aussi que 70% de la population algérienne a moins de 30 ans. Les jeunes qui n'ont connu que Bouteflika au pouvoir, «veulent s'impliquer dans le jeu politique, affirmer qu'ils sont là, qu'ils veulent un Etat de droit et une démocratie». Lui aussi l'affirme : l'expérience de la décennie noire et du conflit syrien permettra au peuple algérien de rester pacifique et d'éviter les pièges de l'affrontement.
Un tribunal algérois a confirmé mardi 28 juin en appel la condamnation à 20 ans de prison ferme de l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khelil, en poste pendant 10 ans sous Bouteflika et à deux millions de dinars (13.000 euros) d’amende, selon l’agence de presse officielle APS citée par Ecofin.
La peine de cinq ans de prison ferme de l’ancien patron du géant public des hydrocarbures Sonatrach, Mohamed Meziane, jugé lors du même procès a été également confirmée en appel. Son adjoint, Abdelhafidh Feghouli, vice-président de Sonatrach à l’époque des faits, a écopé de la même peine de six ans de prison ferme prononcée en première instance.
Les responsables de Sonatrach sont notamment accusés d’avoir privilégié le groupe italien Saipem lors de la conclusion du marché pour la réalisation du complexe gazier d’Arzew (Oran, Ouest), au détriment d’une société émiratie et ce, sur instruction de l’ancien ministre de l’Energie et du Pétrole. Deux représentants du groupe italien Saipem jugés par contumace ont également été condamnés à cinq ans de prison ferme.
Mandat d’arrêt
En 2013, la justice algérienne avait émis un mandat d’arrêt international contre l’ex-ministre Chakib Khelil dans le cadre d’une enquête sur le versement de commissions par une filiale du géant italien ENI pour l’obtention de contrats en Algérie, scandale qui a fait l’objet de plusieurs procès en Italie et en Algérie.
Réfugié aux Etats-Unis, il était rentré en 2016 en Algérie après l’abandon des poursuites contre lui avant de repartir à l’étranger lorsque la procédure a été relancée.
Après la chute de Bouteflika en 2019 sous la pression des manifestations du mouvement Hirak et de l’armée, la justice a lancé une série d’enquêtes sur les affaires auxquelles étaient mêlés les hommes de son entourage. La junte algérienne continue de régler ses comptes avec les dignitaires du régime Bouteflika.
Tu les as terrorisés, tu as mis un pays à genoux, tu as profité de la puissance de ton frère sans en avoir eu la légitimation par l’élection et la compétence. Lui-même ne l’ayant obtenu que par la force brutale et corruptrice.
Des dizaines de milliers d’Algériens ont été martyrisés, mis au pas par ton règne, surtout lorsque ton frère fut une momie, dans ses capacités physiques et intellectuelles (le mot est peut-être mal choisi).
Des souffrances innommables, des meurtres d’Etat, des procès au mépris des libertés, des expropriations et de la corruption à grande échèle, c’est le bilan de ton triste parcours, hors de l’humanité.
Dans le régime militaire pour lequel tu as voué l’objectif ultime de ta vie, comme à tes intérêts de gloire et financiers, tes actes ne sont en principe pas passibles de 8 ans de prison. C’est presque la condamnation d’un voleur de poules. Dans la législation derrière se cachait ta dictature, c’est la peine de mort, encore inscrite dans un code pénal entièrement soumis à tes caprices.
La seule réserve de mes propos est que je suis viscéralement opposé à la peine de mort. Cette barbarie est de ton monde, pas du mien. La conception que j’ai de la justice est que dans un Etat de droit, tes crimes sont passibles de la condamnation à perpétuité.
Mais comme tous les petits dictateurs façonnés par la puissance des militaires, tu as oublié qu’ils t’ont laissé jouer ce jeu tant que ton pouvoir les arrangerait, les assurait de fortunes colossales et ne les menaçait pas. Tu as été la marionnette d’un régime militaire et une marionnette, ça finit par se briser entre les mains du manipulateur.
Comme tous les autres, tu es entré dans une paranoïa irréversible. Cette folie de finir par croire que les applaudissements et les youyous de la foule qui hurle sa dévotion à ton passage avec ton frère était réelle.
Une partie d’entre elle était effectivement sous l’emprise d’une dictature qui l’a formée, domptée et hypnotisée. Les deux autres parties applaudissaient car le régime les nourrissait grassement pour les uns ou les terrorisait, pour les autres.
Depuis ton enfance, tu avais pris l’habitude de voir dans les yeux de l’humanité qui t’entoure, admiration ou soumission. Tu n’as jamais affronté le regard de l’hostilité ou celui qui se détourne.
Tu as dû être terrifié par l’hostilité des regards et les vociférations de haine à ton passage, dans les moments de la fin de règne.
Les regards se sont détournés, les courbettes ont laissé place au redressement hautain de la poitrine et la crainte s’est envolée. Comme tous les dictateurs, tu as oublié que dans les régimes militaires, la colonne vertébrale du système est la lâcheté et les intérêts, encore plus que la terreur.
Ce procureur qui t’a poursuivi, ces juges qui t’ont condamné sont dénués de courage car ils étaient parfaitement au fait des crimes, des actions de dénégation des libertés individuelles et autres méfaits condamnables par la morale et le droit. Ils n’ont pourtant eu aucun scrupule à condamner lourdement les autres citoyens, ceux qui étaient sans protection des militaires, y compris les innocents
Hier encore, certains magistrats faisaient la queue pour avoir tes faveurs. Ils s’approchaient de toi ou de ton entourage, le sourire plein d’espoir d’une promotion ou d’une affaire juteuse.
Aujourd’hui, c’est eux qui te condamnent avec cette justice qui ne juge que ceux qui sont désarmés.
Te voilà dans ton monde, celui des voyous. Tu as pris 8 ans, nous avons pris 60 ans d’emprisonnement par le régime militaire et ce n’est pas terminé car si les dictateurs se suivent, les lâches restent et se reproduisent.
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