Télé. L’HISTOIRE : Dans une petite ville de province où il pleut souvent, une jeune fille vit avec sa mère, laquelle tient un magasin de parapluies. Elle élève seule sa fille, a beaucoup de dettes. Cette dernière est très jolie et aime un jeune homme, apprenti mécanicien. La mère rêve d’un beau mariage. Le garçon est appelé à servir en Algérie où la guerre s’intensifie depuis plusieurs années. Elle est enceinte. En 1959, c’est très mal vu. NOTRE AVIS (***)« Les Parapluies de Cherbourg » de Jacques Demy : un film chanté merveilleusement romantique avec Catherine Deneuve, marqué par l’inoubliable partition musicale de Michel Legrand. A voir mardi 16 mai 2023 sur France 4 -21:15.
« Les Parapluies de Cherbourg » : Le meilleur film chanté de Jacques Demy est un condensé de la lutte des classes
L’HISTOIRE
Tout au bout d’une presqu’île, dans une petite ville de la province française, Geneviève, fille d’une femme qui tient un magasin de parapluies, aime un jeune garagiste, Guy. Ils se promettent un amour éternel. Mais la Guerre d’Algérie appelle le garçon. Ils se quittent sur le quai d’une gare. L’absence de celui qu’elle aime fait souffrir la jeune fille. Etant dans une zone dangereuse, Guy écrit rarement.
Geneviève est enceinte, désemparée. Elle rencontre un négociant en pierres précieuses, Roland. Il désire l’épouser et même, reconnaître l’enfant à venir. Ils se marient et vont vivre à Paris. Guy est blessé, rentre à Cherbourg mais la boutique a été transformée en laverie automatique, Geneviève et sa mère ne sont plus là. Il épouse l’infirmière de sa tante, Madeleine. Plus tard, Geneviève s’arrête à la station-service tenue par Guy. Leur amour ne renaîtra pas et elle part tandis que Guy rentre chez lui et retrouve sa femme et leur fils…
NOTRE AVIS (***)
Le meilleur film chanté de Jacques Demy est un condensé de la lutte des classes. Une histoire romantique, souvent triste, qui décrit la vie de personnages provinciaux dans les détails. Ils vivent en appartements repeints en couleurs primaires, connaissant déjà les problèmes d’argent, la maladie et cette guerre de l’autre côté de la Méditerranée qui commence à gangrener leur réalité.
Jacques Demy a réalisé un film original jusque dans sa façon d’aborder la guerre d’Algérie encore jamais abordée, en y mêlant le romantisme façon Roméo et Juliette. Mais on peut se demander lequel des deux personnages a réussi sa vie ? Guy, le mécano, qui n’a pas renié sa classe sociale mais est devenu son propre patron. Ce qui était son but. Il aime profondément Madeleine, ayant oublié sa passion pour Geneviève.
Et puis, la guerre l’a changé. Geneviève elle, a tout rejeté de ses envies, de ses désirs anciens : elle s’est mariée avec un homme riche, a une vie de grande bourgeoise et l’ennui transparaît chez elle. « Super ou ordinaire ? demande Guy à Geneniève. Une question qui est un raccourci de ce qu’ils sont devenus. « Peu importe » répond-t-elle et il sert du super.
Le film est en trois parties, marquant chaque moment important de la vie des personnages. Il innove par ses dialogues chantés intégralement. Ce qui aurait dû être déroutant accentue l’intrigue, assez banale. « Les Parapluies de Cherbourg » est un récit de roman-photo, alors en vogue dans ces années-là, rehausse par le chant qui permet de gommer le drame. La musique de Michel Legrand joue un rôle essentiel dans l’histoire, inscrite dans nos mémoires. Un film à fredonner qui a reçu la Palme d’Or à Cannes en 1964.
Jane Hoffmann
A voir : « Les Parapluies de Cherbourg » (1963) de Jacques Demy avec Catherine Deneuve, Nino Castelnuovo, Anne Vernon, Guy Michel, mardi 16 mai 2023 sur France 4 – 21:15.
Hadj Mohammed Al Anka - Lehmam (La colombe) Concert à Alger, 1969.
Hadj Mohammed Al Anka : Mandole, chant Piano : Mustapha Skandrani Qanoun : Boudjemaâ Fergane Derbouka : Cheikh Ali Debbah Banjo : Abderahmane Zemirli dit Manou, Djamel Sebillot Violon : Abdelghani Belkaïd Kouitra : Mustapha Behar Tar : Rezki Major
Reinette l’Oranaise ne s’écoute pas comme n’importe quelle artiste. Sa voix mélodieuse se déguste sans modération et s’écoute avec recueillement. Son timbre de diva donnerait des frissons à un glaçon ! Avec Lili Boniche et Lyne Monty, elle fait partie de ces grands trésors du patrimoine judéo-arabe disparus de la mémoire collective.
Les tubes de Reinette transpirent une intemporalité avérée puisqu’elle y parle de sujets universels tels que l’amour et les incantations religieuses. À noter que le grand classique nhebek, wa n’mout a3lik (je t’aime à mourir), lequel totalise près d’un million de vues sur YouTube, a été repris par Naima Dziria avec la même puissance vocale que la version originale ! À signaler cependant que les paroles ont été quelque peu « hallalisées ». Par exemple, le vers original « lila t’seker m3aya » (cette nuit, tu te grisera avec moi) a été remplacé par « lila t’ebkaw m’3aya » (cette nuit, vous resterez avec moi).
Biographie (*)
Reinette l’Oranaise est une chanteuse, joueuse de oud et compositrice judéo-arabe, d’expression arabe et française, née le 25 avril 1915 à Tiaret. Elle est morte le 17 novembre 1998 à Eaubonne (Val-d’Oise, en île de France).
Elle fut pendant plus d’un demi-siècle une représentante de la tradition hawzi.
Enfance
Atteinte de cécité à l’âge de deux ans, à la suite d’une variole mal guérie, elle fréquente l’école des aveugles d’Alger où elle apprend le braille et le cannage des chaises.
Son père s’adresse alors à Saoud l’Oranais pour qu’il initie sa fille à la musique arabo-andalouse. Elle est accueillie chez lui et prend le surnom Reinette l’Oranaise.
Initiation
Reinette enregistre son premier 78 tours — dont elle dira plus tard peiner à l’écouter « à cause des fautes de diction » — en même temps qu’elle intègre l’orchestre de Saoud Médioni (qui émigrera à Paris pour y pour monter un café musical et sera, quelques années après, victime de la barbarie nazie, mort en déportation).
L’apprentissage instrumental passe de la darbouka et la mandole à l’oud qui accompagne désormais son chant. Elle s’inscrit ainsi dans la tradition de la musique oranaise, y puisant son inspiration pour écrire et composer.
À 26 ans, le succès est au rendez-vous. Elle joue deux fois par semaine à Radio-Alger, à l’antenne des artistes les plus connus du chaâbi algérois et du répertoire andalou.
Consécration
Elle est accompagnée de musiciens tels que le virtuose Mustapha Skandrani au piano, Alilou à la darbouka, Abdelghani Belkaïd au violon. Elle interprète, à l’instar des plus grandes voix de la chanson populaire et de la musique savante du Maghreb : Fadela Dziria, Meriem Fekkaï, Alice Fitoussi, Zohra al-Fassia, Abdelkrim Dali, Dahmane Ben Achour. Reinette l’Oranaise accompagne aussi le maître du chaâbi, Hadj El Anka.
Elle continue à exercer son art musical à l’occasion de fêtes juives et musulmanes, mariages, circoncisions, anniversaires. Comme juive séfarade, elle est même autorisée à chanter dans un orchestre d’hommes. Son nouveau maître de chant, le cheikh Abderrahmane Belhocine, lui donne des cours d’arabe classique et lui fait travailler la diction.
Oubli avant une reconnaissance tardive
Comme la plupart des Juifs d’Algérie (plus de cent mille), Reinette quitte l’Algérie en 1962. Commence alors pour elle une longue période de repli, quasiment d’oubli et de grande solitude. En 1985, Reinette, à l’approche de ses 70 ans, ne songe plus qu’à cultiver ses souvenirs. Il faudra toute la ténacité de Hoummous, alors journaliste musical à Libération, grand fan de Reinette, et l’appui d’une génération de mélomanes français pour la convaincre de remonter sur scène.
En 1987, elle tourne un court film musical : « Amours éternelles », avec le grand pianiste algérien Mustafa Skandrani (sélection au Festival de Cannes).
En 1991, Jacqueline Gozland lui consacre un long métrage documentaire : « Le port des amours » coproduit et édité par la chaîne de télévision ARTE. Une amitié se noue entre elles.
En 1995, Reinette l’Oranaise vit en banlieue parisienne, aux côtés de son époux, Georges Layani, un percussionniste. Elle est alors couronnée par l’Académie Charles-Cros et est reconnue par les Algériens de la tradition du style hawzi.
Devenue une légende de la chanson judéo-arabe, sa voix s’éteint à Paris, le 17 novembre 1998 à l’âge de 83 ans.
En 33 minutes, le podcast de Hassen Ferhani et Mehdi Ahoudig retrace l’histoire de cette chanson et de sa reprise par Rachid Taha. Ce dernier propulsera le morceau au rang de tube planétaire. À écouter sur Arte Radio à partir de ce vendredi 17 février.
Le chanteur Rachid Taha se produit le 17 février 2001 sur la scène de l'Olympia à Paris, lors des 16e Victoires de la Musique.JEAN-PIERRE MULLER/AFP
Au départ, il y a le malaise ressenti par Hassen Ferhani et Mehdi Ahoudig, deux journalistes franco-algériens, dès que résonnent des notes de Ya Rayah, cette musique popularisée par le chanteur Rachid Taha. « Viens, il faut que tu danses ! », leur demande-t-on immanquablement, sans qu’ils sachent pourquoi. Pour percer ce mystère, les deux documentaristes décident de décrypter ce que recouvre cette chanson, notamment ce qu’elle dit de l’intégration des Français d’origine algérienne.
Leur enquête de terrain se dévoile dans ce podcast de 33 minutes, alternant récit historique et témoignages recueillis dans les rues de Paris et Marseille. Les journalistes rencontrent d’abord des habitants qui préfèrent la première version de Ya Rayah, signée Dahmane El Harrachi, en 1971. La chanson porte toute la souffrance de cet Algérien vivant à Paris, nostalgique de sa terre natale.
« Les Arabes sont devenus plus accessibles avec cette chanson »
À partir de 1998, Ya Rayah se transforme subitement en morceau festif. La reprise de Rachid Taha, plus rock and roll que l’original, est un succès planétaire écouté dans toutes les strates de la société. Elle devient l’allégorie d’une France cosmopolite, acceptant la culture de ceux qui ont migré vers elle. « D’un coup, les Arabes sont devenus plus accessibles avec cette chanson », résume le chanteur Sofiane Saidi. Certains y voient une lueur d’espoir, là où d’autres jugent que Ya Rayah les enferme dans une catégorie.
Aux ressentis et anecdotes se mêlent différentes interprétations de Ya Rayah sous de lancinants airs de guitare. L’intensité de ces chants fait écho à la pluralité des sentiments, entraînant l’auditeur dans un univers sonore aussi riche qu’émouvant.
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ur Arte Radio, le tube « Ya Rayah » se donne à entendre dans toute sa diversité
A travers l’histoire de cette chanson, c’est l’histoire de la France et de ses relations avec l’Algérie et le Maghreb que ce documentaire de Mehdi Ahoudig et Hassen Ferhani fait résonner.
Par Emilie Grangeray
Publié hier à 14h00
Faudel, Rachid Taha et Khaled, réunis sous le nom de « 1, 2, 3 soleils », chantent, le 20 février 1999, à l’Olympia à Paris, lors de la cérémonie des 14es Victoires de la musique. PIERRE VERDY/AFP
ARTE RADIO – VENDREDI 17 FÉVRIER – DOCUMENTAIRE
C’est l’histoire de l’histoire d’une chanson (Ya Rayah) qui en raconte beaucoup d’autres. D’un tube international (celui de Rachid Taha) longtemps passé inaperçu et d’un malentendu quant à sa signification première. Et c’est remarquable. Et par ce que les documentaristes –Mehdi Ahoudig (prix Europa pour Qui a connu Lolita ? et Poudreuse dans la Meuse) et Hassen Ferhani (Dans ma tête un rond-point,143, rue du Désert) – nous donnent à entendre et à réfléchir ; et parce que c’est si bien mis en son par Samuel Hirsch.
Mais reprenons. Il était deux amis, Mehdi Ahoudig et Hassen Ferhani donc, qui, lors d’une soirée, sont invités à danser alors que Ya Rayah se fait entendre. Malaise. Car, comme nous le confie Medhi Ahoudig : « Hassen me dit qu’il n’aime pas cette chanson, et moi elle me met mal à l’aise parce que c’est partir du principe que cette musique nous résume et nous assigne à une communauté supposée homogène, alors même que nous sommes très différents : je suis d’origine marocaine, Hassen algérien, il parle arabe, pas moi, etc. »
Avec leurs micros, ils vont dans la rue pour voir ce que cette chanson représente, interviewent des musiciens (Sofiane Saidi, Hakim Hamadouche), et vont trouver l’historienne Naïma Huber-Yahi, qui rappelle d’abord que Ya Rayah n’est pas le tube de Rachid Taha que nous connaissons tous, mais une chanson de Dahmane El Harrachi. Que ce dernier, né en Algérie, l’a imaginée à Paris, en 1971. Que c’est, en ce sens, « le produit d’une vie artistique parisienne et d’une expérience de vie française » et que « c’est se tromper que de croire que c’est une chanson d’Algérie qui résonnerait en Algérie de la même manière pour les Algériens que pour les enfants d’immigrés ».
Malentendus et méprises
Plus encore, toutes celles et ceux qui ont enflammé les dance floors sur la voix magistralement rauque et rock de Rachid Taha sans comprendre l’arabe sont passés à côté du message profondément triste et fataliste de Dahmane El Harrachi : « Ô toi qui pars, où vas-tu ? Pars, tu finiras toujours par revenir. Combien ont regretté d’être partis ? »
Comme le rappelle l’historienne, cette mise en garde de l’une des figures du chaâbi algérois arrive à la fin des « trente glorieuses », alors même que les crimes racistes se multiplient et que les frontières entre les deux pays se referment. La situation politique n’est guère plus favorable quand Rachid Taha la reprend, au début des années 1990 : guerre du Golfe et émeutes urbaines.
Miracle : en 1998, Jamel Debbouze triomphe sur scène, et Zinédine Zidane marque deux des trois buts qui permettent à la France de remporter la Coupe du monde de football face au Brésil. Soudain, la France « black, blanc, beur » est célébrée. Et c’est dans ce contexte que Ya Rayah est interprétée, le 26 septembre 1998, lors du concert « 1, 2, 3 soleils », qui réunit à Bercy (aujourd’hui Accor Arena) Khaled, Faudel et Rachid Taha.
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Dès lors, la chanson sera jouée partout : de New York à New Delhi, en passant par Jérusalem. Ce qui, malgré les malentendus et les méprises, ne peut que réjouir Mehdi Ahoudig. Parce que, comme il l’avoue sans peine, Rachid Taha, en réinterprétant Douce France, de Charles Trenet, a été ce frère qui lui aura permis de se réconcilier avec sa double identité et l’aura soustrait à la sommation de choisir. Parce que, à l’heure où l’on parle tant de repli identitaire, il est temps que nous arrivions toutes et tous à trouver une place sur la photo de famille et que cette chanson, en nous aimantant sur les pistes de danse, et même si ce n’est pas ce qu’elle dit originellement, nous y aide.
Ya Rayah, de Mehdi Ahoudig et Hassen Ferhani (Fr., 2022, 35 min). A retrouver sur le site d’Arte Radio.
« Un rock festif revendiquant la douleur de l’exil »
"Viens danser, c’est ta chanson !" : c’est ce qu'entendent Hassen et Mehdi à chaque fois que résonne en soirée l'intro de "Ya Rayah", le tube de Rachid Taha.
C'est le point de départ d'une enquête documentaire et décontractée sur cette chanson qui fut deux fois un succès. Créée par le chanteur algérien Dahmane El Harrachi en 1971, “Ya Rayah” raconte la douleur de l’exil en France et le regret du pays natal. Sa reprise par Rachid Taha en 1998 triomphe sur les dancefloors du monde entier et unit la France lors du concert "1, 2, 3 Soleil" à Bercy.
Dans les deux cas, ce tube chanté en arabe est aussi une chanson française, car produite et enregistrée en France. Elle appartient désormais à notre patrimoine commun. C'est l'une des mille histoires racontées à deux grands documentaristes, Hassen Ferhani (143, rue du Désert) et Mehdi Ahoudig (Poudreuse dans la Meuse). On les suit dans les bars de Noailles (Marseille) et de Barbès (Paris) ; chez l'historienne et musicologue Naïma Huber-Yahi ; chez le musicien Hakim Hamadouche dont la mandole porte la version de Taha ; avec le musicien Sofiane Saïdi ; avec les coiffeurs et les vendeurs de Marlboro. À l'aide d'analyses brillantes et de punchlines, de témoignages et de confidences, ce documentaire questionne ce que la chanson "Ya Rayah" dit de l'histoire des Français d'origine maghrébine et de leurs exils intimes.
Avec Naïma Huber-Yahi (historienne et musicologue), Hakim Hamadouche (musicien et mandoliste de Rachid Taha), Slimane Dazi (comédien et ami de Rachid), Sofiane Saïdi (chanteur, musicien), Rafik (coiffeur à Barbès), Toufik Baalache (ami de Rachid), Farid Diaz (rappeur), MohamedKably (musicien), Tahar Kessi (cinéaste), Sofiane Allaoua (musicien), des voix diverses de Noailles et de Barbès.
Hassen Ferhani Réalisateur, chef-opérateur et photographe né en 1986 à Alger, Hassen Ferhani a nourri sa passion au ciné-club Chrysalide dont il est co-animateur de 2003 à 2008. Les Baies d’Alger (2006), court-métrage de fiction, est repéré dans plusieurs compétitions internationales. S’ensuivent Le vol du 140 (2008, Fémis d’été), Afric Hotel (2010, coréalisation) et Tarzan, Don Quichotte et nous (2013). Il forge ainsi sa démarche – un travail sur le réel imprégné de fiction – dont il donne la pleine mesure avec ses deux longs-métrages multi-primés. Dans ma tête un rond-point (2015) est, entre autres, lauréat du Grand Prix FID et du McMillan-Stewart Fellowship (Harvard) et devient le premier film à recevoir deux Tanit d’Or au Festival de Carthage. Parmi une vingtaine de distinctions (Alger, Nantes, Séoul, Toronto, Turin, Valdivia…), 143 rue du Désert (2019) lui vaut le Léopard du meilleur réalisateur émergent au Festival de Locarno.
Mehdi Ahoudig Mehdi Ahoudig est un réalisateur sonore et audiovisuel multi-primé, né à Pantin en 1967. Il réalise des bandes-son pour le spectacle vivant de 1995 à 2015. Depuis 2004, il réalise des podcasts documentaires pour ARTE Radio dont « Wilfried », « Poudreuse dans la Meuse » (Prix Europa 2015, Prix grandes ondes 2016), « Qui a connu Lolita ? » (Prix Europa 2010), ainsi que pour France Culture. Il réalise aussi des documentaires pour le web, dont « A l’abri de rien » (Prix Europa 2011). Il a réalisé plusieurs films documentaires dont « Une caravane en hiver » produit par Squawk (prix de la diffusion Raï au Primed en 2020). Le film « La parade » co-réalisé avec Samuel Bollendorff, reçoit une étoile de la SCAM en 2018. En 2022, tous deux ont proposé le film "Il était une fois dans l'Est" et une exposition multimédia, « Frontaliers, des vies en stéréo », pour la capitale européenne de la culture Esch-Sur-Alzette au Luxembourg.
Entretien avec la chanteuse algérienne Souad Massi, qui revient avec un nouvel album s’annonçant comme une véritable gageure artistique>.
Couverture du nouvel album de Souad Massi, El-Mutakallimun (Jean-Baptiste Millot)
Avec son nouvel album, intitulé El-Mutakallimun, Souad Massi est partie sur les traces des poètes de la mythique Andalousie arabo-musulmane. A travers dix textes joliment enluminés par des compositions originales, la chanteuse donne ainsi un nouveau souffle à ces poètes qui racontent une époque où la parole était frondeuse et plurielle.
MEE : Pourquoi avoir consacré cet album aux poètes de l’Espagne arabo-andalouse ?
Souad Massi : J’avais tout simplement envie d’inviter les gens à découvrir la beauté de la culture arabe. Nous ne sommes pas des barbares, des gens sans civilisation. Le monde arabo-musulman a produit des merveilles en sciences, philosophie, mathématiques, médecine, poésie, et tout cela semble oublié. Moi je suis d’origine berbère mais j’appartiens aussi à cet héritage. J’ai été éduquée dans une culture arabe que j’aime. J’ai grandis au sein d’une famille où on écoutait de la musique arabo-andalouse, du Chaabi, de la musique berbère. J’en ai parfois assez d’être amalgamée à des gens qui n’ont rien à voir avec cette culture arabe. Je vois que les jeunes élèves étudient les mathématiques, les algorithmes, et ne savent pas que les savants arabes ont développé ces sciences, que le Qanun [Canon] d’Ibn Sina [Avicenne], a révolutionné la médecine, que l’astronomie arabe a développé des instruments qui ont par la suite permis de cartographier le monde et de découvrir d’autres terres. Pourquoi ne parle-t-on pas de cela plus souvent ?
MEE : Comment l’expliquez-vous ?
Souad Massi : J’ai parfois l’impression que l’Europe ne veut pas mettre en avant cette richesse culturelle, ces scientifiques. C’est aussi à nous de faire en sorte que nos enfants, surtout quand nous n’habitons pas notre pays d’origine, apprennent leur histoire et celle de leur pays. Les jeunes Arabes sont confrontés parfois à des crises d’identité ; ainsi en France, où je vis, ils n’ont parfois le choix qu’entre une négation de leur culture ou au contraire une religion fantasmée. J’ai eu aussi envie de leur dire : « regarde tes ancêtres, connais-tu Ibn Firnas qui fut le premier homme à voler et qui venait de l’Andalousie musulmane ? Lis Ibn Rochd [Averroès], sans qui l’Europe n’aurait pas redécouvert Aristote et les philosophes grecs et n’aurait pas ainsi connu la Renaissance ».
MEE : Le titre, El-Mutakallimun, fait référence « aux maîtres de la parole ». Croyez-vous au pouvoir de la poésie ?
Souad Massi : Oui absolument, je crois au pouvoir des mots. Les grands hommes politiques, ceux qui ont vraiment fait changer les choses, étaient avant tout de grands orateurs. Par exemple, je m’intéresse beaucoup à Malcom X et Martin Luther King, et j’ai été estomaquée par leur capacité à soulever les foules. Les Mutakallimun [ndlr : les kalamistes, de l’arabe kalam : le livre) y croyaient aussi, à mon sens. Ils donnaient dans l’Andalousie arabo-musulmane de véritables leçons publiques où ils tentaient de réconcilier la raison avec la foi. Surtout, ils célébraient la liberté humaine. El-Mutakallimun signifie littéralement « les savants qui maîtrisent la parole ». Les rois s’entouraient de ces poètes savants parce que le peuple les aimait. Encore aujourd’hui, les hommes de pouvoir aiment à s’entourer d’artistes pour recevoir un peu de leur éclat. J’aime bien les mots d’Ahmad Matar, un poète irakien contemporain, qui disait : « La poésie n'est pas un régime arabe qui sombre avec la mort du chef. Et ce n'est pas une alternative à l'action. C'est une forme d'art dont la mission est de perturber, d'exposer, et de témoigner de la réalité, qui aspire au-delà du présent. La poésie vient avant l'action... Alors la poésie se rattrape. La poésie éclaire le chemin, et guide nos actions ».
MEE : Des textes comme « Houria » célèbre la liberté, la résistance au pouvoir, la libre pensée. Avez-vous pensé au Printemps arabe en sélectionnant les textes ?
Souad Massi : Quand on observe l’histoire des pays arabes, elle est faite de pouvoirs autoritaires mais aussi de résistances. Et cela est toujours d’actualité. Que des textes, dès le IXe siècle, dénoncent la tyrannie et décrivent comment par le verbe les poètes résistaient à cette tyrannie me semblait important à montrer. Les vers du poète tunisien Abou el-Kacem Chebbi, qui écrivit le poème « Aux tyrans du monde » (« Ela Toghat al-Alaam ») furent repris par les manifestants en Tunisie et en Egypte. Ils scandaient tous : « Prends garde ! Que ni le printemps ne te trompe. Ni la clarté du ciel, ni la lumière du jour ». Le monde arabe est pluriel et il existait avant l’ère de L’islam. Dans ces poèmes, on y parlait ouvertement d’alcool, de sexualité, d’homosexualité ; les poètes célébraient l’amour, mourraient même d’amour comme dans le poème de Qays Ibn Moullawah, « Ô Layla ». Ce poème est l’équivalent, pour tout l’orient musulman et jusqu’en Inde, de Tristan et Iseult ou Roméo et Juliette. J’aime me réfugier dans ces poèmes parce que mon époque me désole. Le monde arabe semble être livré au chaos et à la guerre, et l’Europe au racisme.
MEE : Comment expliquez-vous que votre pays, l’Algérie, soit un espèce d’angle mort dans ces mouvements du monde arabe ?
Souad Massi : Au début de ces mouvements, je dois avouer que j’étais vraiment contente. Je me suis dit : « enfin un souffle de liberté ! ». Les peuples se manifestent et vont changer les choses et dégager tous ces dinosaures. Mais avec le recul, j’ai été plus dubitative. J’ai eu l’impression que certains mouvements n’étaient pas si spontanés que cela ou alors ont été récupérés par la suite, et cela me désole. Pour moi l’Europe a une part de responsabilité dans ce qui se passe dans le monde arabe. Quand la France vend par exemple des avions Rafale à l’Egypte de Sissi, il y a me semble-t-il un problème. Par rapport à l’Algérie, nous avons connu notre propre révolution dans les années 80 avec le printemps berbère de 1988, puis la guerre civile qui a suivi dans les années 90. Les Algériens se disent qu’au final cela ne leur a rien apporté. Le traumatisme est encore prégnant dans la société algérienne. Mais selon moi, il faudrait agir autrement, pacifiquement, idéalement. Car même si je suis triste pour ceux qui sont morts pour leur liberté, je constate que la répression a été très dure, en Egypte surtout.
MEE : Vous avez tournez dans un film de la réalisatrice palestinienne Najwa Najjar, Eyes of a Thief. Comment s’est passée cette expérience inédite pour vous ?
Souad Massi : Najwa Najjar est une amie, mais c’est une vraie combattante avant tout. Nous avons tourné à Naplouse en pleine occupation dans des conditions très difficiles. C’était très pénible aussi à observer, ces couvre-feux, ces gens malades qui ne peuvent passer les check-points, ces gens parqués. Je sais que ce mot peut choquer mais c’est la réalité que j’ai observée. Pendant un mois, j’ai donc vécu à Naplouse au milieu des hélicoptères, des tirs quotidiens et pourtant les gens continuaient à travailler et surtout à vivre. Faire ce film a été pour moi une façon de supporter ce peuple, ce n’était pas pour faire l’actrice, car voilà dix ans qu’on me propose de jouer dans des films et que je refuse. Ce fut une belle expérience mais difficile parce qu’il fallait jouer un rôle et moi sur scène je ne joue pas, je suis moi. Mais humainement, les Palestiniens m’ont montré leur force, leur générosité. Les jeunes filles de Naplouse sont libres dans leur tête, elles étudient, sont belles, elles m’invitaient à sortir le soir alors que même à Alger je ne sors plus à partir d’une certaine heure. Tout acte de la vie quotidienne est pour eux une forme de résistance. Je me rappelle de cette vieille femme, toute de blanc vêtue, marchant dans la rue avec le portrait de son fils mort. Elle m’a invitée à boire le thé et m’a parlé de sa vie, de son fils.
MEE : Vous avez déclaré avoir refusé de jouer en Israël ? Pourquoi ?
Souad Massi : Si je faisais une tournée au Moyen-Orient et qu’on me demandait de jouer en Israël, je ne pourrais tout simplement pas. Je sais pourtant que j’ai des fans en Israël qui m’envoient de beaux messages me demandant de jouer dans leur pays, mais vraiment je ne peux pas. En tant qu’artiste, nous devons aussi jouer ce rôle d’unir les gens mais aussi de réveiller les consciences. Mais cela ne veut pas dire que je déteste le peuple israélien, cela veut simplement dire que je ne suis pas d’accord avec la politique de leur gouvernement et que, pour le moment, ne pas jouer en Israël est le seul moyen que j’ai trouvé pour le montrer. Même si je peux me sentir proche de la culture juive, je la différencie de la politique israélienne.
Par
Hassina Mechaï
Published date: Mardi 24 mars 2015 - 21:32 | Last update:2 years 12 months ago
AFP Archives / Xavier LEOTYLe chanteur Patrick Bruel à La Rochelle le 11 juillet 2018
C'est la toute première fois que le chanteur se rend dans le pays qu'il a quitté quand il avait trois ans
Patrick Bruel est en pèlerinage en Algérie, sur les traces de son enfance. Il n'y était jamais retourné. Le chanteur est arrivé mercredi à Tlemcen, la ville qui l'a vu naître en 1959 et où il a grandi jusqu'à l'âge de trois ans, avant de rejoindre la France au moment de l'indépendance. Il a ensuite prévu de se rendre à à Alger, la capitale.
L'artiste aux millions de disques vendus se trouve dans le pays avec sa mère, à l'invitation des autorités algériennes. Les étranges clins d'œil du destin ont voulu que cette proposition lui soit faite en novembre dernier, alors qu'il était justement en train d'écrire une chanson intitulée "Je reviens" qui évoque justement un voyage vers ses racines.
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"Pendant que j'écrivais cette chanson, j'ai reçu un coup de téléphone m'informant que les autorités algériennes souhaitaient que je revienne en Algérie, qui plus est avec ma maman. Je l'ai pris comme un signe. Nous sommes donc en train de préparer ce voyage que j'ai rêvé, que j'ai fantasmé. Français, juifs, berbères, c'est beau", avait-il raconté sur RTL.
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