“Ô France ! le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse. Le verdict, notre révolution le rendra. Car nous avons décidé que l’Algérie vivra. Soyez-en témoin !”

 

Ces paroles, prononcées sous un air enjoué, sont extraites du troisième couplet de l’hymne de l’Algérie. Depuis notre rive de la Méditerranée, elles paraissent forcément quelque peu agressives, et c’est peut-être pourquoi, explique le média Tout sur l’Algérie (TSA)“dans les années 1980, sous la présidence de Chadli Bendjedid, les autorités algériennes ont tenté de supprimer ce couplet de la version officielle fixée par la loi. Le motif invoqué était que l’hymne algérien était le seul au monde à citer nommément un autre pays.”

 

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Ainsi, deux versions de l’hymne se côtoyaient, une courte, bien plus répandue, et une longue, en cinq couplets, qui selon un décret de 1986 “était prévue uniquement lors des congrès du parti (FLN) et l’investiture du président de la République”, détaille le média algérien. Voilà quelles étaient les règles jusqu’à un nouveau décret datant du 21 mai 2023, qui propose désormais de joueur la version longue dans toutes les commémorations et cérémonies officielles en présence du président de la République.

 

Toutes ? Pas vraiment rappelle le média marocain Le360, puisque “lors de la visite de chefs d’État étrangers en Algérie ou de personnalités militaires au ministère de la Défense, l’hymne algérien sera chanté dans sa version dite ‘abrégée’, c’est-à-dire sans le couplet défiant la France”.

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Une exception qui provoque l’ironie du média de Casablanca, qui écrit :

“En somme, quand les Algériens sont entre eux, Tebboune les exhorte à chanter à tue-tête le couplet haineux de la France. Et, quand ils sont en présence d’un hôte étranger, on joue la variante expurgée, qui fait l’ellipse de la France.”

L’attaque au voisin maghrébin – avec qui Rabat entretien de nombreux contentieux – se poursuit ensuite avec une analyse géopolitique (qui semble quelque peu partielle) des rapports qu’entretiennent Alger et Paris.

“Donc, au moment où Macron ne parle que d’apaisement avec l’Algérie et où une commission mixte d’historiens français et algériens a été nommée, en janvier 2023, pour plancher sur un dialogue mémoriel, basé sur les archives de la colonisation et la guerre d’indépendance, voilà que Tebboune fait un grand pas en arrière et ressuscite un couplet qui avait disparu de l’hymne national algérien depuis 1986”, attaque le média marocain.

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Toutefois, à en croire TSA, les choses ne seraient pas si simples. Car si, effectivement, la version longue était prévue, selon le décret de 1986, uniquement lors des congrès du FLN et l’investiture du président de la République, l’article 7 dudit décret statuait cependant qu’“il peut être procédé à l’exécution de l’hymne national dans des circonstances ou situations spécifiques, dans sa version intégrale ou réduite, selon le cérémonial fixé par […] : instruction du secrétaire général de la présidence de la République à l’occasion de certaines visites des hôtes de l’Algérie, arrêté conjoint entre les ministères de la Défense nationale, l’Intérieur et la Culture à l’occasion des cérémonies et commémorations nationales avec présence des autorités locales ; et arrêté commun entre le MDN, le ministère de la Culture et les ministères concernés dans tous les autres cas […].”

Un décret pour “lever l’ambiguïté”

Ainsi, si on examine le texte dans le détail, pour le média algérien “ce décret ne fixait pas clairement quand l’hymne national peut être exécuté dans sa version intégrale ou réduite”, c’est pourquoi “ce nouveau décret est en somme une manière de lever l’ambiguïté et de formaliser les choses”.

D’autant plus que, conclut TSA, “dans la pratique, l’exécution du couplet citant la France a été rétablie depuis quelques années. Il a été notamment exécuté lors de la cérémonie d’investiture du président Abdelmadjid Tebboune le 19 décembre 2019.”