En arrivant à Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, une odeur âcre de pneus brûlés envahit les narines. Les volutes de fumée noire dégagées par le caoutchouc en flammes et les pierres jonchant le sol obligent le chauffeur du taxi collectif à ralentir. Plusieurs dizaines de Palestiniens, en majorité des chebab (« jeunes »), se sont rassemblés pour protester contre le meurtre, deux jours auparavant, d’Alaa Awad, un commerçant de 30 ans. Ce père de deux enfants a été abattu par des soldats israéliens alors qu’il passait à pied devant le poste militaire de Zaatara — un des fortins installés par Israël aux abords de Naplouse pour « protéger » les colonies juives qui entourent la ville (1) —, près duquel il devait aller récupérer une livraison de téléphones portables. « Ils disent qu’il leur a tiré dessus et qu’ils ont riposté, mais c’est faux. Ils racontent ce qui les arrange. C’est toujours comme ça », peste le chauffeur, approuvé par nos compagnons de route.
Stationnés à quelques centaines de mètres et à l’abri des jets de pierre dans leurs imposantes Jeep blindées, les soldats israéliens observent les manifestants d’un œil goguenard tout en restant sur leurs gardes. L’attroupement sera dispersé après plusieurs tirs de grenades lacrymogènes.
Constamment harcelés par l’armée et par les colons
Parmi les chebab descendus dans la rue pour exprimer leur colère, certains sont issus du camp de réfugiés de Balata. Nous y retrouvons M. Fayez Arafat, l’un de ses responsables. Ce cinquantenaire, père de neuf enfants, dirige le centre culturel Yafa, qui « fournit un soutien social, éducatif et psychologique aux jeunes du camp et tâche de les sensibiliser à la question du droit au retour des réfugiés palestiniens ». Construit en 1950 pour accueillir des villageois expulsés de la région de Jaffa, près de Tel-Aviv, Balata se trouve en zone A, l’aire administrative délimitant les secteurs de la Cisjordanie « gouvernés » par l’Autorité palestinienne mais où l’armée israélienne opère à sa guise, en dépit des accords d’Oslo (lire « Autonomie limitée »).
Le camp offre un condensé des problèmes qui affectent les réfugiés palestiniens. Ici, la pauvreté (55 % des habitants), le chômage (53 %, dont 65 % sont de jeunes diplômés), la promiscuité et l’insalubrité touchent presque tous les foyers. Près de vingt-huit mille habitants, dont 60 % ont moins de 25 ans, s’entassent sur un kilomètre carré — un record en Cisjordanie, en termes de densité de population. Ils vivotent dans des logements de béton pour la plupart exigus, bâtis les uns sur les autres le long de ruelles poussiéreuses dont certaines sont si étroites — seulement quelques dizaines de centimètres de large, parfois — que la lumière du jour peine à s’y faufiler.
Connu pour son engagement contre l’occupation dès 1976, qualifié par les Israéliens de « bastion terroriste » et très surveillé, le camp a payé un lourd tribut ces dernières années : « Environ quatre cents morts depuis le déclenchement de la deuxième Intifada [2000-2005], et des milliers de blessés. Près de trois cents résidents du camp sont actuellement incarcérés en Israël », nous indique M. Arafat, qui a lui-même été emprisonné à plusieurs reprises. L’armée israélienne envahit régulièrement Balata pour « arrêter ceux qui ont participé à des manifestations ou sont recherchés pour leur activisme politique, ou bien encore pour “sécuriser” le quartier, du fait de la proximité du tombeau de Youssouf » — un mausolée vénéré par les juifs comme par les musulmans.
Harcelés par l’armée d’occupation et par les colons, les habitants sont « à bout », lâche M. Arafat. « Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Quand les Israéliens surgissent pour faire des perquisitions ou pour capturer des militants politiques, nous tentons de nous interposer, mais nous sommes impuissants. Il y a encore des armes ici, mais les gens ne les utilisent plus. La police palestinienne devrait nous protéger des colons — très nombreux autour de Naplouse, et parmi les plus agressifs —, mais elle ne fait rien. »
En vertu des accords sécuritaires israélo-palestiniens, élaborés en 1993, la police de l’Autorité palestinienne n’a pas le droit d’utiliser la force contre les colons en cas d’attaque, mais doit s’en remettre aux autorités israéliennes. Elle est aussi tenue de coopérer pour cibler et interpeller les militants palestiniens constituant un « danger potentiel » vis-à-vis d’Israël — essentiellement des membres du Hamas, la formation islamiste, du Jihad islamique et du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP, extrême gauche), mais aussi des dissidents du Fatah, le parti du président de l’Autorité, M. Mahmoud Abbas.
« L’armée d’occupation, les colons, mais aussi les forces de sécurité palestiniennes maintiennent une pression constante. Il est donc aisé de comprendre pourquoi les gens sont en colère, poursuit M. Arafat. Nous sommes comme un volcan prêt à entrer en éruption. Les responsables de la “Sulta” [“Autorité”, en arabe], qui n’ont plus aucun crédit à nos yeux, pourraient aussi en faire les frais. »
Même constat et mêmes griefs dans le camp de réfugiés d’Aïda, à Bethléem, une enclave de quatre kilomètres carrés (2) adossée au mur de séparation construit par Israël, qui enserre une grande partie de la ville et atteint par endroits huit mètres de haut. Environ six mille personnes y résident, parmi lesquelles plus de la moitié ont moins de 25 ans. « Cent cinquante de nos jeunes — dont un gamin de 13 ans — sont actuellement détenus dans les geôles israéliennes, sans compter les prisonniers qui y croupissent depuis plusieurs décennies. Nombre de cadres politiques et de combattants de la résistance ont également été arrêtés pendant la deuxième Intifada », indique M. Nidal Al-Azraq, coordinateur des activités du centre des réfugiés, à Aïda, et frère cadet d’un militant libéré en 2013, après vingt-trois ans d’incarcération.
L’armée israélienne, dont l’un des miradors surplombant le camp a été incendié l’année dernière par les chebab, y « mène des opérations nocturnes presque quotidiennement », ajoute M. Al-Azraq. Il y a quelques mois, au mépris des accords d’Oslo, « les autorités d’occupation ont décidé de placer Aïda non plus en zone A mais en zone C, c’est-à-dire sous leur contrôle exclusif, puis ont décrété son périmètre “zone militaire fermée” », nous apprend M. Salah Ajarma, le directeur du centre. La police palestinienne n’a plus le droit d’y entrer, ni de patrouiller alentour. Le pourrait-elle, d’ailleurs, qu’elle se heurterait aussitôt à l’hostilité des réfugiés, avec lesquels les rapports se sont détériorés en raison des nombreuses arrestations d’opposants effectuées ces dernières années — « parfois directement sur ordre des Israéliens », selon M. Ajarma, qui a connu la prison dès l’âge de 14 ans. « Comment peut-on lui faire confiance alors qu’elle est soumise au bon vouloir de l’occupant et constitue même une menace pour nous ? » Début 2013, les habitants ont détruit le poste de police présent dans le camp et chassé les policiers. « Nous avons l’impression, au fond, que seul le drapeau [palestinien] sous lequel ils servent les différencie des soldats israéliens », assène-t-il.
Ces critiques trouvent un écho auprès de larges franges de la société palestinienne et des principaux partis politiques, y compris au sein du Fatah. Pour autant, la suspension de la coopération sécuritaire entre la police de l’Autorité et l’armée israélienne n’est pas à l’ordre du jour, comme l’a rappelé M. Abbas, le 28 mai dernier, devant un parterre de journalistes, de militants pacifistes et d’hommes d’affaires israéliens réunis à Ramallah : « La coordination sécuritaire est sacrée, sacrée. Et elle continuera, que nous soyons en désaccord ou non avec les Israéliens (3) » — des propos qui ont embarrassé une partie des responsables du Fatah.
Des forces de l’ordre qui comptent environ trente mille hommes
Inscrite dans les accords d’Oslo de 1993, cette coopération bilatérale a été mise en œuvre après l’accord signé au Caire en mai 1994 (Oslo I). Celui-ci stipule que les forces de l’ordre palestiniennes doivent « agir systématiquement contre toute incitation au terrorisme et à la violence » vis-à-vis d’Israël, « empêcher tout acte d’hostilité » contre les colonies et « coordonner [leurs] activités » avec l’armée israélienne, notamment à travers l’échange d’informations et d’opérations conjointes (4). Suspendue pendant la deuxième Intifada, puis réactivée par M. Abbas après son élection à la tête de l’Autorité, le 9 janvier 2005, cette politique a pris un nouvel élan avec la réforme des services de sécurité engagée par l’ancien premier ministre Salam Fayyad (2007-2013) (5).
Pléthoriques, les diverses forces de police et de gendarmerie regroupent environ trente mille hommes — soit un agent pour quatre-vingts habitants en Cisjordanie, l’un des ratios les plus élevés du monde (un pour trois cent cinquante-six en France). Elles ont été profondément remaniées sous la supervision des Américains, qui ont formé des unités spéciales et les ont dotées de véhicules modernes, de matériels de pointe et d’armes sophistiquées. Les services de sécurité, financés en partie par Washington et les Européens (6), absorbent plus de 30 % du budget annuel de l’Autorité — établi à 3,2 milliards d’euros en 2014 —, une enveloppe qui dépasse la part cumulée des dépenses affectées à l’éducation, à la santé et à l’agriculture (7). « Ils sont la cheville ouvrière de l’Autorité palestinienne, explique le sociologue palestinien Sbeih Sbeih. Les accords d’Oslo ont transformé celle-ci en sous-traitante de l’occupant israélien. » N’était-ce pas d’ailleurs l’un des objectifs ? En 1993, le premier ministre israélien Itzak Rabin déclarait que le transfert de certaines tâches sécuritaires aux Palestiniens devait permettre de « dispenser — et c’est le plus important — l’armée israélienne de devoir les accomplir elle-même (8) ».
Accaparement des richesses par les grandes familles
Aux commandes du dispositif de coopération sécuritaire de 2009 à 2014, l’ancien ministre de l’intérieur palestinien Said Abou Ali a une vision toute différente. Il nous reçoit entouré de deux de ses conseillers dans son vaste bureau du palais ministériel, à Ramallah. « La politique de coordination est un succès pour les deux parties », affirme, débonnaire, M. Abou Ali. « Les efforts que nous avons déployés pour rétablir l’ordre, ces dernières années, nous ont permis de garantir une certaine stabilité en Cisjordanie et de juguler le terrorisme et l’extrémisme. Certains condamnent la coopération de nos services avec Israël ou nous accusent de “collaboration”, mais ça n’a absolument rien à voir. Notre objectif est de construire un Etat, et la sécurité en est un des piliers fondamentaux. »
Une « stabilité » et une « sécurité » relatives : en 2013, plus de quatre mille six cents civils palestiniens ont été arrêtés en Cisjordanie par l’armée israélienne, au cours de quelque quatre mille interventions. Et une trentaine ont été tués. Cette même année, les violences commises par les colons (trois cent quatre-vingt-dix-neuf incidents) ont augmenté de 8 % par rapport à 2012, faisant une centaine de blessés, principalement des paysans palestiniens (9) ; la police de l’Autorité, quant à elle, est régulièrement accusée d’exactions et maintient en détention arbitraire des opposants politiques (tout comme son homologue dirigée par le Hamas à Gaza).
Par ailleurs, Israël mène chaque année plusieurs centaines d’opérations en coordination avec les services palestiniens (10). « Cette politique sécuritaire, que nos dirigeants justifient au nom de l’Etat à venir, sert en réalité à donner des gages à la “communauté internationale”, dont l’Autorité dépend financièrement, et à empêcher tout embrasement dans les territoires, estime Abaher El-Sakka, professeur de sociologie à l’université de Bir Zeit (Ramallah). Mais elle a pour effet de susciter le ressentiment d’un nombre croissant de Palestiniens. »
La situation sociale du pays ne contribue pas à l’apaisement. La population s’est fortement mobilisée en 2011 et 2012, notamment pour dénoncer la politique économique du gouvernement. Les réformes libérales introduites par M. Fayyad à partir de 2007, soutenues par le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et les pays donateurs, ont placé des pans entiers de l’économie du petit territoire sous la coupe du secteur privé. Au nom de la croissance, et pour attirer les investisseurs, l’ancien premier ministre a mis en place une « thérapie de choc » : suppression de quarante mille postes de fonctionnaire (estimés à cent cinquante mille aujourd’hui), réduction des budgets sociaux, compression des salaires, réaménagement de la protection sociale, réforme du secteur bancaire, etc. Ces mesures ont contribué à l’aggravation des inégalités, détruit des emplois et provoqué une hausse brutale du coût de la vie.
L’envolée de la fin des années 2000 (7 % de croissance en 2008, contre 1,5 % en 2013) — due uniquement à l’aide étrangère, qui couvre la moitié du budget de l’Autorité — n’a été qu’un phénomène en trompe-l’œil. Le « boom économique » du « Tigre palestinien » célébré par les experts occidentaux a débouché sur une crise financière sans précédent dès que se sont taries les contributions des bailleurs de fonds, en 2010. Le taux de chômage est extrêmement élevé (entre 20 et 30 % en Cisjordanie, selon les sources, et plus de 40 % à Gaza), la pauvreté frappe près d’un quart de la population (20 % des Palestiniens de Cisjordanie vivent avec moins de 1,50 euro par jour), tandis que les revenus des plus riches ont crû de 10 % entre 2007 et 2010 (11).
« La majeure partie de l’économie du pays se concentre entre les mains de grandes familles et de nouveaux riches, liés pour la plupart au pouvoir et profitant de ses réseaux, explique le professeur El-Sakka. Ils se trouvent à la tête d’entreprises qui contrôlent les secteurs de la téléphonie, de la construction, de l’énergie, de l’alimentation, etc. Certains d’entre eux investissent sur le marché israélien et dans les colonies industrielles. En retour, ils bénéficient de privilèges octroyés par Israël, comme la possibilité de passer prioritairement aux barrages militaires, au même titre que les officiels de l’Autorité (12). » A Ramallah, en particulier, ces « VIP » que l’on peut voir parader en centre-ville au volant de leurs voitures rutilantes habitent dans des quartiers huppés qui sont à mille lieues de l’univers des camps de réfugiés.
Par-dessus tout, le développement économique de la Cisjordanie reste entravé par l’occupation, le mur de séparation et le système des barrages qui quadrillent le territoire. Dans le cadre du protocole de Paris (1994), versant économique et financier des accords d’Oslo, les Israéliens exercent aussi leur mainmise sur les activités commerciales des Palestiniens — lesquels importent 70 % de leurs produits d’Israël et y exportent plus de 85 % de leurs marchandises. Les autorités de Tel-Aviv collectent également les taxes douanières revenant à l’Autorité. Elles peuvent les confisquer à loisir, par chantage ou en guise de représailles. « Nous sommes soumis à une double occupation, militaire et économique, déplore Sbeih. La politique sécuritaire et l’oppression économique constituent les deux aspects d’une même logique, à l’œuvre depuis Oslo. »
M. Naba Alassi vit dans le camp de réfugiés de Dheisheh (Bethléem). Ce trentenaire qui a vu l’un de ses amis mourir dans ses bras, tué par des soldats israéliens au cours d’une manifestation, s’emporte contre « l’Autorité et ses protégés » : « Les élites et les capitalistes de Ramallah, qui paradent dans leurs grosses Mercedes et leurs 4 x 4, ne nous représentent pas ! Ils nous traitent de “terroristes” et d’“extrémistes” alors que nous ne faisons que résister à l’occupation ! Nous devons démanteler l’Autorité. Elle ne sert à rien, sinon à mener de vaines négociations, qui sont au fond sa seule raison d’être, son business ! »
Depuis vingt ans, sommets, conférences, tables rondes et tournées diplomatiques ont vu fleurir les déclarations de principe, les résolutions internationales et les promesses solennelles. Mais toutes sont restées lettre morte. « A quoi cela rime-t-il de poursuivre le dialogue avec nos ennemis, de poser tout sourire à leurs côtés sur les photos destinées à la “communauté internationale”, et de leur serrer la main pendant qu’ils maintiennent leur emprise sur notre territoire ? A qui profitent ces négociations stériles, sinon aux Israéliens ? », demande M. Ajarma. « Nous devons à chaque fois nous contenter des miettes qu’on nous jette sur la table et dire merci. La question d’un Etat indépendant ne figurait même pas au menu des dernières discussions, comme si l’occupation était un fait allant de soi », ajoute M. Abdelfattah Abusrour, directeur du centre socio-culturel Al-Rowwad, à Aïda.
Les derniers pourparlers (juillet 2013 — avril 2014) entre Israël et l’Autorité palestinienne, placés sous la médiation du secrétaire d’Etat américain John Kerry, n’ont pas dérogé à la règle (13). Mais n’étaient-ils pas voués à l’échec, Israël ayant refusé de geler la colonisation dans les territoires occupés et Washington ayant renoncé à faire pression sur Tel-Aviv ? « Les Etats-Unis n’ont réussi à mettre en œuvre aucun accord depuis Oslo. Du côté israélien, on ne peut rien attendre d’un gouvernement totalement acquis à la cause des colons », analyse M. Nabil Chaath, un haut responsable du Fatah et ancien négociateur en chef, qui fut l’un des artisans des accords de paix et notamment de leur volet sécuritaire. « Avant même que les discussions ne reprennent, j’avais fait part de mon scepticisme à Mahmoud Abbas et lui avais demandé pourquoi il acceptait de retourner, dans ces conditions, à la table des négociations. “Je n’ai pas le choix”, m’avait-il répondu. » « Pour notre part, nous étions totalement opposés à la reprise des pourparlers. Israël les utilise pour nous manipuler et créer des faits accomplis sur le terrain », nous dit M. Hassan Youssef, l’un des principaux dirigeants du Hamas en Cisjordanie, rencontré à Ramallah quelques jours avant son arrestation par les Israéliens, le 16 juin 2014.
« Nous resterons sur cette terre qui nous a vus naître »
La poursuite de la colonisation, le maintien du régime d’occupation militaire, l’échec des négociations et le discrédit frappant l’Autorité alimentent les spéculations sur une troisième Intifada. Celle-ci « est peu probable à court terme », considère néanmoins le Pr El-Sakka. Pour trois raisons : les forces de sécurité palestiniennes, qui, quoique laissant se dérouler des manifestations ponctuelles et circonscrites, font tout pour empêcher un soulèvement général ; les divisions internes, persistantes malgré la formation d’un gouvernement d’entente, en juin 2014, issu de la « réconciliation » entre le Fatah et le Hamas ; l’absence de projet et de stratégie politiques capables de mobiliser la société palestinienne. « Nos seuls espoirs, pour le moment, résident dans la campagne mondiale de boycott contre Israël (14) et dans l’éventuelle possibilité de saisir les instances juridiques, comme la Cour pénale internationale, pour pouvoir faire juger ses responsables militaires et politiques, estime le sociologue. Mais il suffirait d’une étincelle, d’un événement catalyseur, pour qu’éclate une nouvelle Intifada. »
« Nous sommes voués à l’Intifada », confirme M. Ayman Abu Zulof, ancien militant du FPLP, emprisonné six fois entre 1989 et 1993, aujourd’hui guide et interprète. Sa maison, située à Beit Sahour, une bourgade chrétienne jouxtant Bethléem, fait face à la colonie israélienne de Har Homa, établie sur les terres de sa commune. Cette forteresse de béton se dresse au sommet de la colline autrefois recouverte d’une forêt où il aimait jouer dans son enfance. Les Israéliens l’ont rasée en 1997, après avoir annexé les lieux.
Bethléem, la ville qui a vu Jésus venir au monde, selon la tradition, est encerclée par une vingtaine de colonies dont l’expansion va bon train. « Ils construisent, mais nous construisons aussi et nous continuerons à construire, dit M. Abu Zulof en contemplant la vallée parsemée d’oliviers. Nous resterons ici, sur cette terre qui nous a vus naître et a vu naître nos ancêtres. Nous nous y accrocherons, envers et contre tout. C’est notre façon de lutter au quotidien. »
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