La communauté algérienne est présente en force au Canada[1]. Ces Algériens se sont installés et ont fondé des foyers dans différentes villes et provinces. Le Québec et Montréal restent cependant les villes qui accueillent le plus d'Algériens, et ce, pour des considérations linguistiques. La diaspora algérienne s'implique cependant très peu dans la vie politique du pays. Cette situation risque de changer à l'avenir. En effet, le jeune Yastene Adda, âgé de 19 ans et originaire de Kabylie, se présente dans la circonscription montréalaise d'Anjou-Louis-Riel aux élections provinciales du 3 octobre.
Ce jeune Algérien est le candidat du Parti québécois pour l'élection provinciale du 3 octobre. Il a mené sa compagne électorale à Montréal d'est en ouest sur une trentaine de kilomètres. Il est candidat dans une circonscription voisine de celle de Camille-Laurin, où se présente son chef Paul Saint-Pierre Plamondon. Yastene Adda est étudiant en sciences humaines au CÉGEP et est arrivé à l'âge de 6 ans à Montréal venant d’Algérie avec sa famille.
L'immigration et l'intégration priorités du jeune candidat
Ainsi, 13 années après son arrivée, Yastene Adda s'implique dans la vie politique locale. Candidat du parti indépendantiste fondé par René Lévesque en 1968, le jeune Kabyle cumule quelques années d’expérience en militantisme dans les syndicats étudiants et partisans. Très précoce, Yastene était déjà, à 17 ans, président de la section de la Pointe-de-l'île du Bloc québécois, un parti indépendantiste fédéral. Il a également été directeur jeune des communications pour le député Sylvain Gaudreault dans la course à la chefferie du PQ en 2020.
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Très impliqué dans la lutte quotidienne pour le changement au Canada, le candidat aux élections provinciales met en avant son parcours. « Je suis aussi quelqu’un qui est impliqué depuis longtemps dans plusieurs domaines. Tant dans les associations que les syndicats étudiants », a entre autres affirmé le jeune Yastene, qui s'intéresse également à l’environnement et à la lutte contre la violence faite aux femmes.
Pour son programme politique, cet Algérien explique que ses dossiers prioritaires sont l’immigration et l’intégration. « Ce sont mes principaux dossiers. C'est la raison pour laquelle je suis entré en politique. Des enjeux que j'ai toujours poursuivis depuis mes débuts en politique », a-t-il déclaré. Et d'ajouter : « c'est quelque chose qui est très important. Je crois que nous avons été souvent divisés entre Québécois et immigrants. Cette division est dépassée. Il faut qu’on passe à autre chose. Il faut qu’on crée une convergence culturelle. Et c’est mon objectif avec le Parti québécois. Que notre politique d’intégration soit respectueuse des origines de tout le monde ».
Toujours sur ce dossier, Yastene affirme que le Québec accueille des immigrants pour des raisons démographiques, pas uniquement économiques. « Il faut changer de perspective. Ce ne sont pas juste des travailleurs, ce sont des citoyens », explique-t-il pour une meilleure intégration des étrangers venus enrichir le Canada.
L’Algérie est très dépendante de la rente pétrolière et donc très sensible à la fluctuation des cours. La diversification de son économie est un enjeu important. Dans cette optique, depuis plusieurs mois, les autorités mettent l’accent sur le développement de l'entrepreneuriat et des startups.
Ouda Abbes - ingénieur de formation – a fondé à Oran la startup Ogarini en 2019 : « La traduction de Ogarini c’est ‘trouve-moi une place de stationnement’ », explique-t-il. Ouda Abbes gère alors un parking, mais peine à le remplir alors que le stationnement est compliqué. Lui vient alors l’idée d’une application pour optimiser la gestion des places et des demandes.
Ogarini, aujourd’hui, c’est une cinquantaine de parking et dix employés : « Au début, ça a été un petit peu difficile, raconte-t-il, parce que le terme de startup, en 2019, le gouvernement algérien, il ne le connaît pas. Moi, mon idée de stationnement, je n’aurais jamais pensé qu'un jour, je pourrais gérer. C’est une petite idée, petit à petit, j’ai commencé à élaborer, j’ai même commencé à gérer un parking malgré que tout le monde m’ait dit que ce n’était pas mon domaine, mais maintenant l’entreprise est rentable à 200%. »
Pour lui, il faut en finir avec l’image des jeunes qui cherchent une place dans les administrations : « Avant, on fait des petits boulots. Tous les jeunes Algériens maintenant cherchent à entreprendre. »
Une évolution dans les mentalités
Les autorités dénombrent la création de 750 startups créées depuis 2021, assurent les autorités. Une dynamique que constate également Hichem Mebarki. Il est le co-fondateur de Makers Lab, un incubateur et accélérateur de startup à Oran. « Il y a un engouement vers la création de richesses, observe Hichem Mebarki, et ce sont des jeunes qui préfèrent vraiment régler les problèmes du quotidien en créant des startups dans les services. »
Hichem Mebarki a créé sa première startup il y a une dizaine d’années, il note également une évolution politique :
L’écosystème est en train de se construire. On va dire qu'en maximum une semaine, on peut créer son entreprise alors qu’avant, ça prenait beaucoup plus de temps. Il y a aussi des avantages, administratifs ou même fiscaux. Donc, le cadre juridique légal a évolué, ça facilite la création de ces startups. Maintenant, quand on parle de startup, il y a des gens, il y a des évènements, il y a même un ministère dédié. Ça a vraiment beaucoup évolué, je peux en témoigner personnellement.
Pour comprendre la guerre d'Algérie, il faut remonter l'histoire, avant le 1er novembre 1954, son déclenchement officiel, et le 19 mars 1962, son terme tout aussi officiel. Il faut remonter à la conquête de 1830, à la première guerre d'Algérie" avec l'émir Abdelkader, et découvrir "l'Algérie française". Durant 130 ans, la France va tenter de faire de l'Algérie une "région française" en assimilant des territoires, en développant le pays ou en accueillant une population d'exilés venus de certaines régions françaises mais aussi de pays européens comme l'Italie ou l'Espagne, sans jamais assimiler les populations "indigènes". Nombreux seront les rendez-vous manqués et les promesses non tenues de la République, jusqu'à l'explosion du 8 mai 1945, l'émeute nationaliste de Sétif et sa terrible répression, qui annonce la guerre, dix ans plus tard.
C'était la guerre d'Algérie : les prochaines diffusions
Apres le Mali, les drapeaux russes sont apparus dans les rues de Ouagadougou, au Burkina Faso, samedi 1er octobre. Des slogans contre la présence française ont également été entendus. Sur les réseaux sociaux, les comptes pro-russes s'activent.
Un drapeau et un slogan à la gloire de Moscou (Russie), dans la soirée du samedi 1er octobre à Ouagadougou (Burkina Faso). L'image symbolise la bataille qui se joue en partie au Burkina Faso : une guerre d'influence entre la Russie, dont l'étendard tricolore a été aperçu dans les rues de la capitale, et la France, violemment attaquée par la foule. L'ambiance rappelle celle du Mali, lors du putsch d'un groupe militaire en 2020. Dans ce pays frontalier du Burkina Faso, les mêmes slogans contre la France. Deux ans plus tard, l'armée française a été poussée au retrait du pays, remplacée par les mercenaires russes du groupe Wagner.
Sortir le Burkina Faso du giron de la France
La France conserve de nombreuses bases stratégiques en Afrique de l'Ouest. La région est dans le viseur de la Russie, qui nous depuis plusieurs années des coopérations militaires, via Wagner, avec des pays africains. Pour les Russes, le Burkina Faso est un point d'appui supplémentaire dans l'ouest du continent. "Le Burkina Faso est un pays évidemment ciblé par la Russie depuis un moment, qui essaye de le sortir du giron de la France. D'ailleurs, ils se sont félicité quand Damiba a fait son coup d'État, en pensant pouvoir le récupérer. Ce n'était pas le cas, donc ils espèrent encore une fois qu'ils pourront récupérer ce mouvement", analyse Wassim Nasr, journaliste pour France 24.
Leur arme pour y parvenir ? Les réseaux sociaux. La France accuse régulièrement la Russie de mener des campagnes de désinformation pour la discréditer. Pour se défendre, l'armée s'est lancée dans une contre-offensive médiatique sur internet.
N.Bertrand, K.Le Bouquin, A.Coulibaly, L.-P.Ada - France 2 France Télévisions
Des fuites des camps du polisario à Tindouf ont révélé l’arrivée récemment d’importantes quantités d’armes sophistiquées russes pour moderniser l’arsenal du front séparatiste.
Il s’agit d’armes qui font partie des commandes massives effectuées début 2022 par l’armée algérienne à la Russie.
Des achats tellement importants qu’ils sont devenus une source d’inquiétude aux Etats-Unis, où des membres du Congrès ont exigé des sanctions contre le régime algérien, accusé de financer l’effort de guerre de Poutine en Ukraine.
Auparavant, la junte militaire du général Said Chengriha a équipé le polisario pour près de 850 millions de dollars juste entre 2021 et 2022 en armes légères, de pièces d’artillerie montées sur des véhicules, des munitions d’origine russe.
En effet, le pouvoir algérien continue de renforcer l’arsenal russe du polisario, le groupe terroriste de Brahim Ghali, établi à Tindouf, une localité située dans le sud ouest de l’Algérie.
Sous la présidence de Abdelmadjid Tebboune, le pouvoir algérien, encouragé par la crise du gaz en Europe et les revenus qu’il tire en dollars, outrepasse les sanctions américaines dans la loi Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act (CAATSA).
Des députés du Congrès américain, républicains et démocrates, conduits par Lisa McClain, ont exigé dans une lettre adressée jeudi dernier au Secrétaire d’Etat, Antony Blinken, des sanctions contre l’Algérie pour l’achat massif d’armes russes en violation de cette loi CAATSA.
Pour les USA, la Russie est le plus grand fournisseur d’armes militaires à l’Algérie, qui est une menace pour toutes les nations du monde, selon la députée Lisa McClain.
«Rien que l’année dernière, l’Algérie a finalisé un achat d’armes avec la Russie pour un total de plus de 7 milliards de dollars. Dans cet accord, l’Algérie a accepté d’acheter des avions de combat russes avancés, y compris Sukhoi 57 », sachant que «la Russie n’avait jusqu’à présent, accepté de vendre cet avion particulier à aucune autre nation».
«Ce transfert militaire a fait de l’Algérie le 3ème destinataire d’armes russes au monde », relèvent les cosignataires de la lettre publiée ce jeudi 29 septembre sur le site officiel de la Chambre des représentants des Etats-Unis.
Pour rappel, le polisario a tissé des liens stratégiques et tactiques avec des groupes terroristes jihadistes en Afrique ainsi que le Hezbollah chiite libanais et les iraniens, des mercenaires installés dans des bases en Algérie, aguerris à la guerre asymétrique.
Malgré les signaux adressés par les Etats Unis d’Amérique (USA) aux responsables algériens depuis des mois sur l’Ukraine, la Russie, le groupe Wagner, les dirigeants algériens civils, militaires et leurs familles, qui profitent des intérêts juteux de leurs positions despotiques, continuent de s’obstiner, mais ils se retrouvent dans la ligne de mire des sanctions pour tous ceux impliqués dans le financement de la machine de guerre russe.
« Partir en Algérie, partir d’Algérie 1954-1962 » 21 octobre – 31 décembre Musée de la Résistance Droits d’entrée du musée Cette exposition ouvre une page d’histoire à hauteur d’hommes et de femmes qui ont vécu cette guerre.
Musée de la Résistance 7 rue Neuve-Saint-Étienne Saint-Lazare Limoges 87000 Haute-Vienne Nouvelle-Aquitaine
« Partir en Algérie, partir d’Algérie 1954-1962 »
Cette exposition ouvre une page d’histoire à hauteur d’hommes et de femmes qui ont vécu cette guerre.
Le musée donne la parole aux acteurs de cette période, aux appelés et rappelés, aux pieds noirs, aux harkis. Un seul mot lie entre elles ces communautés de destin : l’Algérie. Cependant, Il n’y a pas une guerre d’Algérie mais des guerres d’Algérie. Chaque témoignage est un tableau unique avec ses joies et ses peines. Ils apercevaient non pas une Algérie, mais des « Algérie » avec sa richesse et sa grande pauvreté. Les soldats découvraient une autre culture, méprisée par certains, admirée par d’autres. Mais bien peu restèrent insensibles à ce nouvel univers. Une fois installées sur place, une dichotomie dans la vie quotidienne s’opérait entre les unités opérationnelles et les unités supports ; autant d’expériences différentes et de souvenirs particuliers. L’exposition retrace aussi le destin de cinq familles de pieds noirs, toutes installées avant le XXe siècle et rattrapées par les événements militaires et politiques ainsi que cinq parcours de harkis. Tous sont définitivement déracinés.
Dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997, la ville de Bentalha, au sud d’Alger, a connu un massacre qui a coûté la vie à des centaines de personnes. Aujourd’hui, malgré le chômage, la commune s’est métamorphosée en dynamique banlieue.
En cette journée chaude de septembre, le centre de soutien psychologique de Bentalha, à 15 kilomètres au sud d’Alger, déborde de vie. Comme dans une crèche, des éducatrices accompagnent les enfants à la cantine pendant que d’autres répondent aux sollicitations des parents.
En raison de la chaleur écrasante, les terrains de sport et les installations de loisirs à l’intérieur de ce petit domaine restent déserts en attendant que le temps se rafraîchisse en fin de journée. Les effluves des repas préparés dans les cuisines aiguisent les appétits des petits comme des grands.
Pendant que tout le monde s’affaire, Azedine Boutrik veille sur le bon fonctionnement de l’établissement que gère la Fondation nationale pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (FOREM).
Le jeune trentenaire, brun et longiligne, est coordinateur de cet espace jadis dédié à des enfants traumatisés par la guerre entre l’armée au pouvoir et des groupes islamistes armés au milieu des années 1990, la tristement célèbre décennie noire.
Il nous reçoit sans protocole, dans l’immense bibliothèque située à l’étage du bâtiment principal. Autour, des étagères remplies de livres et des tables entourées de chaises. Sur certains murs de la salle de lecture, autour de canapés posés pour recevoir des invités, sont collés des dessins qui rappellent le passé tragique de la ville.
« Ce sont des croquis d’enfants victimes de terrorisme. Nous avons gardé les dessins des premiers jours de leur arrivée dans le centre et ceux des semaines suivantes : l’évolution est nette », explique Azedine à Middle East Eye. Il nous montre deux dessins d’un même enfant ; dans le premier, il a dessiné des scènes d’horreurs, dans le second, la scène a changé : On voit une maison fleurie devant laquelle des enfants jouent tranquillement. Il nous renvoie 25 ans en arrière.
« Des scènes d’horreur »
Dans la nuit de 22 au 23 septembre 1997, des dizaines d’islamistes armés font irruption dans plusieurs quartiers de la petite localité de Bentalha.
Parmi les maisons plongées dans l’obscurité, seuls les cris des victimes et les sifflements des balles brisent le silence de cette nuit maudite. Au petit matin, une fois le calme revenu, les habitants, tout comme les journalistes alertés à l’aube, découvrent l’horreur : de 200 à 400 morts selon les bilans, des deux sexes, de tous âges.
« Nous avons fait le tour de toutes les maisons touchées. C’étaient des scènes d’horreur. Mais à ce jour, je ne sais toujours pas ce qu’il s’est passé cette nuit-là », témoigne à MEE Hocine Yacef, 80 ans.
Selon les médias et les repentis (combattants islamistes qui se sont rendus), les massacres comme celui de Bentalha répondaient à une logique de vengeance du Groupe islamique armé (GIA), qui reprochait aux Algériens – en particulier dans ce quartier où vivaient des membres du Front islamique du salut (FIS), formation politique concurrente – de ne pas avoir voulu rejoindre le camp qui cherchait à instaurer un État islamique.
« Certains ont réussi leur vie. C’est le cas d’un informaticien qui est bien installé et qui vient nous donner un coup de main de temps à autre »
- Azedine Boutrik, directeur du centre de soutien psychologique de Bentalha
Cet ancien professeur d’histoire à la retraite habite le quartier Hai-Djilali, qu’il avait rejoint six ans avant le drame. De la terrasse de son imposante maison encore inachevée, construite dans sa propriété située au coin d’une rue, avec sa famille, ils ont entendu les cris et les coups de feu.
Puis, une fois les funérailles terminées, la vie a repris son cours.
Pour faire face au traumatisme de dizaines d’enfants qui ont quasiment tout perdu, la FOREM a installé un centre d’aide psychologique juste après la tuerie. Des dizaines d’enfants orphelins y ont été accueillis. Aujourd’hui guéris, ils ont tous quitté le centre.
« Certains ont réussi leur vie. C’est le cas d’un informaticien qui est bien installé et qui vient nous donner un coup de main de temps à autre », confie fièrement Azedine Boutrik.
Vingt-cinq ans après les faits, le centre de la FOREM a changé de vocation. Il accueille désormais 220 orphelins de toute la région, pris en charge grâce à des donateurs qui font office de parrains en prenant en charge un ou plusieurs enfants.
À l’image du centre d’assistance psychologique, tout Bentalha – qui compte plus de 25 000 habitants – a changé. En dehors des impacts de balles qui demeurent encore visibles sur une maison ou des cicatrices physiques ou psychologiques, il ne reste plus rien de cette nuit d’horreur.
VIDÉO : Le jour où l’Algérie bloqua la prise de pouvoir des islamistes
Les routes et venelles du village construit sur les terres agricoles de la Mitidja (plaine autour d’Alger) sont toutes goudronnées. Des espaces verts donnent un aspect luxuriant à certains endroits malgré la sécheresse qui sévit en cette fin d’été.
À proximité du quartier de Boudoumi, l’un des plus touchés par le drame, est construite une cité constituée de 700 logements sociaux, édifiés notamment pour faire face à la pression démographique liée à l’arrivée de nouveaux habitants au début des années 2000. On y trouve une école, des administrations, un bureau de poste et des commerces de proximité.
À l’autre extrémité du village, au nord, les autorités ont construit un ensemble de terrains sportifs de proximité. À l’ouest, un énorme projet de complexe sportif comprenant un stade, une piscine et un hôtel est en construction. Il s’ajoute au Centre de préparation des équipes nationales de football bâti dans la commune voisine de Sidi Moussa.
« Le chômage, le plus grand problème »
Au milieu des immeubles carrés, sans relief, des jeunes se retrouvent en petits groupes. Comme dans de nombreux quartiers populaires, les jeunes de Bentalha, nés majoritairement après 1997, sont au chômage.
« Nous n’avons pas de travail. Ici, il n’y a rien. Les responsables nous rendent visite, repartent, et nous, nous restons ici à compter les heures »
- Un jeune de Bentalha
« Nous n’avons pas de travail. Ici, il n’y a rien. Les responsables nous rendent visite, repartent, et nous, nous restons ici à compter les heures », témoigne un jeune homme qui, par méfiance, refuse de donner son identité. Il retourne discuter avec ses amis.
« Ici, le plus grand problème est le chômage », abonde Hocine Yacef.
À l’image de nombreux résidents de Bentalha, Mohamed Ait-Youcef, qui a loué récemment une petite maison dans le quartier, est au chômage. Il espère que la construction du complexe sportif ou encore l’aménagement de l’oued el-Harrach, le fleuve situé en bordure de la commune, pourront offrir quelques débouchés. Sans plus.
Un responsable de la commune confie à MEE que le taux de chômage y dépasse les 35 %, notamment parmi les jeunes.
En attendant l’implantation de nouvelles entreprises pour absorber le chômage, les autorités tentent d’améliorer le cadre de vie des habitants. Elles ont organisé, en 2018, une campagne de reboisement. Des milliers d’arbres ont été plantés, donnant une vue pittoresque à cette localité dont les champs agricoles, jadis fertiles, sont désormais couverts de béton : des dizaines d’immeubles flambant neufs sont prêts à accueillir des milliers de nouveaux habitants. Une manière de donner un nouvel aspect à cette localité.
En diffusant des images violentes des années 1990, la télévision d'État scandalise les Algériens
Erreur de communication ou volonté politique de « terroriser » la population ? Médias, politiques et société civile s’interrogent sur les raisons qui ont poussé la télévision publique à diffuser des images particulièrement violentes de la décennie noire
Des Algériennes en larmes après un massacre perpétré le 6 janvier 1997 à Douaouda, l'ouest d'Alger, au cours duquel dix-huit personnes ont été tuées (AFP)
« Terrifiantes, insoutenables, traumatisantes ». Le quotidien francophone El Watan a utilisé ce dimanche des adjectifs très forts pour qualifier les images diffusées par la télévision officielle. Et il n’est pas le seul.
À l’occasion du douzième anniversaire de la Charte pour la réconciliation nationale, la télévision publique a diffusé un documentaire, intitulé « Pour ne pas oublier », montrant des images très dures « d’enfants déchiquetés, de cadavres brûlés et de têtes coupées », recense le quotidien en parlant de « propagande de l’horreur ».
Adoptée par référendum le 29 septembre 2005, cette Charte voulait – après dix ans de guerre civile pour laquelle les ONG ont dressé un bilan de 200 000 morts – couronner un processus de réconciliation à travers différentes mesures : l’élargissement des extinctions de poursuites judiciaires contre les islamistes armés et la prise en charge de leurs proches en échange de leur reddition ; l’indemnisation des familles de disparus ; et l’immunité judiciaire des agents de l’État impliqués dans la lutte antiterroriste et soupçonnés par les ONG de violations des droits de l’homme (torture, disparition forcée et exécution extrajudiciaire).
« Cela est d’autant plus choquant que la démarche est ‘’vendue’’ comme une opération de propagande au service d’un seul et unique homme : le chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika », s’indigne El Watan.
Alors que le quotidien arabophone Echorrouk regrette l’absence d’avertissement pour les plus jeunes, un autre journal, Liberté, s’interroge sur cette diffusion « dans la foulée de la sortie d’Ouyahia [le Premier ministre] devant les parlementaires où il a dépeint une situation chaotique du pays », et dénonce « un chantage à la terreur ».
Certains politiques de l’opposition y voient aussi une manœuvre politique. « Sans aucun avertissement, le régime, dans sa panique, veut terroriser par l’image, pour faire accepter ses mesures impopulaires et donner une virginité à un pouvoir qui a mené le pays à la faillite », peut-on lire sur la page Facebook d’Atmane Mazouz, député du Rassemblement pour la culture et démocratie (RCD, opposition).
Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamistes) contextualise ce « recours à l’exploitation des images de la tragédie nationale pour nous le [Abdelaziz Bouteflika] présenter comme le sauveur de la nation », en l’absence de « réalisations concrètes sur le plan économique, politique et social ».
Pour le site TSA, qui parle de « terrorisme audiovisuel », le documentaire, « tellement mal fait », non seulement ne sert pas le président, mais « met à nu la barbarie des terroristes qui ont été pardonnés, sans aucun procès, par le texte de réconciliation nationale, mis en branle de manière collective et sans débat à partir de 2005. »
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Par
MEE
Published date: Dimanche 1 octobre 2017 - 17:01 | Last update:5 years 1 day ago
Nadia Kaci : « Pour les Algériens, les années 1990, c'est dans les tripes »
Le 26 avril sort « À mon âge, je me cache encore pour fumer », premier film de Rayhana. Du tournage, des femmes, de l'Algérie : Nadia Kaci, une des comédiennes, s'est confiée à MEE
« À mon âge, je me cache pour fumer », le premier film de Rayhana, est un huis clos nerveux dans un hammam algérien pendant la décennie noire (Films du losange)
Dans l’humidité et l’intimité du hammam se dénudent les corps et les cœurs. On y prend soin de son corps pour oublier les bleus que portent l’âme, tatouages infamants.
Avec « À mon âge, je me cache encore pour fumer », qui sortira en salles en France le 26 avril, la caméra de Rayhana, metteur en scène et comédienne franco-algérienne, signe un premier long métrage percutant, sachant capter ces moments de mises à nu, des tensions que portent les premières victimes de la société patriarcale et machiste.
Rayhana s’est entourée presque exclusivement de femmes. La productrice, Michèle Ray-Gavras, qui pousse Rayhana à adapter sa pièce et à réaliser le film, est la femme de Costa, celui qui a filmé la Grèce, Salonique exactement, à Alger, pour « Z ! » en 1969.
On y retrouve aussi les comédiennes palestinienne Hiam Abbas, française Fadila Belkebla ou encore les Algériennes Biyouna et Nadia Kaci. Cette dernière raconte à Middle East Eye les secrets de tournage du film, tourné pour les extérieurs à Alger et pour les scènes du hammam, à Salonique en Grèce, dans un des plus vieux hammams turcs (transformé en musée d’ailleurs et datant de 1444).
Middle East Eye : Comment vous êtes-vous retrouvée à jouer dans ce film ? Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?
Nadia Kaci : Il y une quinzaine d’années, Rayhana m’avait proposé de jouer dans la pièce du même nom, mais, à mon grand regret, je ne pouvais pas car j’étais engagée sur d’autres projets. Mais j’avais adoré le texte. Lorsqu’elle est revenue vers moi avec son projet de film, j’étais ravie, pour plusieurs raisons. Je trouvais que la réécriture scénaristique était très réussie.
La décennie noire y est abordée pour la première fois au cinéma sous un angle exclusivement féminin. Le hammam, où les femmes viennent se laver, se livrer, yanahiw diqt el khater [retirer l’oppression de l’être], comme on dit en Algérie dans une expression que j'aime beaucoup. Et cela, dans un des rares espaces qui leur est dédié. Plus d’hommes pour les juger ! Du coup, la parole est libérée, vivante et drôle ! Avec beaucoup moins de tabous. Elles parlent d’elles, de leurs intimités, de leurs inquiétudes avec beaucoup d’humour et de dérision.
Par ailleurs, j'ai aimé le rôle de Keltoum, cette femme mariée depuis dix ans avec un homme dont elle reste très amoureuse. Et elle dit tout haut son désir pour cet homme, sans tabou, avec beaucoup de naturel, comme une sorte d’hymne à la vie.
Enfin, j’ai toujours été révoltée par la condition douloureusement inégalitaire des femmes en Algérie, par leur position de souffre-douleur et par les violences qu'elles subissent ! Même si beaucoup continuent à se battre, il y a une grande régression. J’avais appris aussi que toutes les comédiennes vivant en Algérie, à qui Rayhana avait proposé des rôles, avaient refusé, le plus souvent parce qu’elles avaient peur d’éventuelles représailles. M’inscrire dans ce projet me paraissait vraiment important.
MEE : Comment se passe un tournage avec une équipe presque exclusivement féminine ?
NC : Ce tournage m’aurait paru compliqué avec des techniciens hommes. Le hammam est un lieu où la nudité ou la semi-nudité est une chose qui va de soi dans notre société en l'absence d’hommes. Mais je pense que même les actrices et les figurantes grecques étaient plus à l’aise sans le regard d’hommes sur le plateau. On n’y pensait pas. C’était simple.
Le fait de participer à un film que nous portons ensemble, qui ne va pas seulement distraire mais aussi faire réfléchir, qui va faire du bien, a probablement créé une forte complicité. Et cela, au-delà des affinités qui peuvent se créer habituellement en fonction des personnalités des unes et des autres.
Aussi, nous parlions beaucoup de la situation politique avec l’équipe grecque, car nous avons tourné à l’époque du référendum [pour que les Grecs s'expriment en faveur ou contre les mesures d'austérité proposées par les instances financières internationales]. Et c’était passionnant.
MEE : Comment ce film a été reçu par le public ?
NC : Jusqu’ici, les avant-premières ont été très émouvantes. Le film a été vu pour la première fois à Tunis. Il a été ovationné. Au festival Premiers plans à Angers, le film a eu droit à une standing ovation d’une dizaine de minutes. On ne s’y attendait absolument pas. Je n’avais pas vécu cela depuis fort longtemps. Même chose au Festival de femmes de Créteil et à celui de Thessalonique, où il a obtenu le prix du public. Nous sommes toujours surprises et émues. Nous avons fait certains festivals toutes ensemble et c’était super de se retrouver ailleurs et autrement que pour le travail.
MEE : Est-ce que le cinéma algérien est « condamné » à toujours revenir sur les années 1990 ?
NC : Quand une société a été traumatisée comme l’a été la nôtre, on y revient de façon instinctive. C’est dans les tripes. On a besoin d’en parler, de revenir là-dessus. La politique de « réconciliation » mise en place par l'État a été très mal gérée et c’est une blessure supplémentaire qu’on inflige aux victimes. Les Algériens n’en sont pas sortis indemnes et ne sont pas guéris de leurs blessures.
Par
Adlène Meddi
Published date: Lundi 24 avril 2017 - 22:15 | Last update:3 years 3 months ago
Après le sénateur américain du parti républicain de Floride, Marco Rubio, des membres du Congrès américain ont adressé une lettre au Secrétaire d’État, Antony Blinken, à travers laquelle ils lui ont exprimé leur inquiétude quant aux relations entre l’Algérie et la Russie, notamment dans le domaine militaire.
Hier, 27 membres du Congrès américain ont adressé une lettre au Secrétaire d’État, Antony Blinken, pour lui faire part de leurs préoccupations concernant les relations, « toujours croissantes », qui lient l’Algérie et la Russie.
Dans leur lettre, les 27 signataires ont indiqué que « la Russie est le premier fournisseur d’armes pour l’Algérie ». Avec, d’après eux, « un contrat d’une valeur totale de plus de 7 milliards de dollars, signé l’an dernier ».
« L’Algérie, 3ᵉ importateur d’armes russes au monde »
En outre, les 27 membres du Congrès américain ont souligné le fait que « l’Algérie aurait accepté d’acquérir des avions de chasse russes très développés, tels que le Sukhoi 57, que la Russie aurait refusé de vendre à aucun autre pays jusqu’à présent ». Ainsi, poursuivent les contestataires, « ces échanges militaires font de l’Algérie le troisième plus grand importateur d’armes russes dans le monde ».
En s’adressant au Secrétaire d’État, les 27 députés ont rappelé le fait « qu’en 2017, le Congrès avait adopté la loi Countering America’s adversaries Through Sanctions Act (CAATSA) ». Notant que cette loi « permet au Président américain d’imposer des sanctions contre toute partie s’engageant sciemment dans une transaction importante avec des représentants des secteurs de la défense ou du renseignement du Gouvernement de la Fédération de Russie ».
Pour les 27 députés américains, « le récent achat d’armes entre l’Algérie et la Russie serait clairement considéré comme une transaction importante, en vertu de la CAATSA ». « Pourtant, aucune sanction à votre disposition n’a été élaborée par le Département d’État », ont-ils encore souligné.
Des députés américains appellent à sanctionner l’Algérie
Pour argumenter leur position contre l’Algérie, ces 27 membres du Congrès américain ont expliqué le fait que « la Russie aurait besoin de fonds pour continuer de financer la guerre en Ukraine ». Notamment « après avoir suspendu les livraisons de gaz naturel russe vers les pays européens, ce qui aurait eu un impact sur les revenus de l’État », ont-ils noté.
Ainsi, poursuit les 27 signataires, « il est crucial que le Président Biden et son administration se préparent pour sanctionner ceux qui tentent de financer le Gouvernement russe et sa machine de guerre, à travers l’achat d’équipements militaires ».
« Par conséquent, nous vous demandons de commencer à appliquer immédiatement des sanctions importantes contre les membres du Gouvernement algérien qui ont été impliqués dans l’achat d’armes russes.Les États-Unis doivent envoyer un message clair au monde que le soutien apporté à Vladimir Poutine et les efforts de guerre barbare de son régime ne seront pas tolérés », conclut la lettre des 27 députés américains.
Le sénateur Marco Rubio inquiet des relations entre l’Algérie et la Russie
Dans ce méme contexte, il convient de rappeler que le 15 septembre dernier, le sénateur américain du parti républicain de Floride, Marco Rubio, avait adressé une lettre au Secrétaire Blinken, à travers laquelle « il s’était dit inquiet des achats de matériel de défense en cours entre l’Algérie et la Russie ». Et ce, en saisissant l’occasion pour rappeler aussi la loi « Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act».
En effet, le sénateur du parti républicain avait noté le fait que « l’Algérie figurait parmi les principaux acheteurs mondiaux d’équipements militaires russes », avec « un contrat de plus de 7 milliards de dollars en 2021 ».
Le réalisateur franco-suisse Jean-Luc Godard s’est éteint le 13 septembre à 91 ans. Il laisse une œuvre colossale et fondamentale, où se distinguent notamment trois films par lesquels il évoque sous plusieurs aspects ses rapports étroits avec le monde arabe.
Révélé en tant que critique de films dans les années 1950 puis en tant que réalisateur-phare de la Nouvelle Vague dans les années 1960, Jean-Luc Godard n’a eu de cesse, jusqu’à son dernier souffle, d’apporter au 7e art ses théories et expérimentations, visant constamment à interroger voire à briser de nombreux codes narratifs et esthétiques et faisant également montre d’un grand engagement à gauche.
De ce point de vue, son cinéma se radicalise à la fin des années 1960 et évoque plus sèchement et frontalement ses opinions politiques, n’étant pas sans anticiper les événements imminents de mai 68. Parmi ces engagements se distingue notamment son soutien à la cause palestinienne.
Ici et ailleurs (1974)
En février 1970, Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin, principaux fondateurs deux années plus tôt du groupe Dziga Vertov, qui vise à faire « politiquement du cinéma politique », se rendent au Liban et en Jordanie afin d’y réaliser un film intitulé Jusqu’à la victoire.
L’équipe fréquente divers camps et partis palestiniens puis adopte les idées du Fatah. Ils filment des fedayin (combattants urbains) et les interrogent sur leurs méthodes de pensée et de travail.
En raison de conflits sur la nature des images à montrer ainsi que des massacres de Septembre noir, résultant des opérations militaires menées par la Jordanie contre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui compromettent la collaboration avec le Fatah, le film ne se fait finalement pas.
Le résultat, intitulé Ici et ailleurs, est un documentaire expérimental dont le titre est très évocateur. Il s’agit notamment, pour le couple de cinéastes, d’interroger la nature et l’impact des images palestiniennes au regard, d’une part, de leur propre position qui a évolué depuis 1970, d’autre part, de leur réception en Occident
En 1974, le groupe Dziga Vertov est dissous depuis un an. Godard récupère les rushes de Jusqu’à la victoire et entreprend, avec Anne-Marie Miéville, de leur donner une nouvelle dimension en les incorporant dans un montage plus complexe et distancié.
L’accent est notamment mis sur les doutes et difficultés qu’éprouvent les fedayinà mener leur révolution, ce que le militantisme aveugle du Godard de 1970 ne voulait guère entendre.
Le résultat, intitulé Ici et ailleurs, est un documentaire expérimental dont le titre est très évocateur. Il s’agit notamment, pour le couple de cinéastes, d’interroger la nature et l’impact des images palestiniennes au regard, d’une part, de leur propre position qui a évolué depuis 1970, d’autre part, de leur réception en Occident.
Plus concrètement, Godard et Miéville opposent à ces images le contre-champ les membres d’une famille française ordinaire qui, rivés devant leur télévision, regardent les images de ce conflit qui ne semble guère les concerner ni même les émouvoir.
Ici, cette famille française, ailleurs, la révolution palestinienne. Entre ici et ailleurs, entre l’image et le son, qui parle le plus fort ?
Godard cède volontiers à sa propre autocritique lorsque, vers la fin du film, il reconnaît, avec l’aide de Miéville, que la mise en scène des images palestiniennes de 1970 relève d’un certain dispositif théâtral, d’un jeu sur le spectacle et les apparences qui peuvent fausser les idées.
Ainsi, dans le premier extrait ci-dessous, une fillette du Fatah récite un poème de résistance devant un décor en ruine. Miéville compare cette mise en scène à celle d’un discours politique en France où tout est théâtralisé et calculé pour susciter l’empathie.
La correspondance est mâtinée de respect, de mystère, de grande érudition, de gravité mais aussi d’humour.
Mitra Farahani s’érige en gardienne de la parole de ces deux cinéastes géographiquement éloignés mais proches sur bien d’autres aspects.
De chez lui, en Suisse, et alors que la mort rode, Godard continue d’ouvrir sa fenêtre sur le monde.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Roland Carrée est docteur en Études cinématographiques de l’université Rennes 2 et enseignant-chercheur en cinéma à l’École supérieure des arts visuels de Marrakech (ESAV). Il est également intervenant pédagogique et conférencier en cinéma pour l’Institut français du Maroc, et directeur artistique de la Fête du cinéma de Marrakech. Il intervient régulièrement au Maroc et en France autour du cinéma (conférences, formations et festivals) et publie des études de films et des entretiens, notamment pour les revues Éclipses et Répliques. Ses travaux portent essentiellement sur le cinéma marocain, le cinéma d’animation et l’enfance à l’écran. Il rédige actuellement, avec Rabéa Ridaoui, son deuxième livre, consacré à la ville de Casablanca vue par le 7e art.
Ici et ailleurs (1974)
En février 1970, Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin, principaux fondateurs deux années plus tôt du groupe Dziga Vertov, qui vise à faire « politiquement du cinéma politique », se rendent au Liban et en Jordanie afin d’y réaliser un film intitulé Jusqu’à la victoire.
L’équipe fréquente divers camps et partis palestiniens puis adopte les idées du Fatah. Ils filment des fedayin (combattants urbains) et les interrogent sur leurs méthodes de pensée et de travail.
En raison de conflits sur la nature des images à montrer ainsi que des massacres de Septembre noir, résultant des opérations militaires menées par la Jordanie contre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui compromettent la collaboration avec le Fatah, le film ne se fait finalement pas.
Le résultat, intitulé Ici et ailleurs, est un documentaire expérimental dont le titre est très évocateur. Il s’agit notamment, pour le couple de cinéastes, d’interroger la nature et l’impact des images palestiniennes au regard, d’une part, de leur propre position qui a évolué depuis 1970, d’autre part, de leur réception en Occident
En 1974, le groupe Dziga Vertov est dissous depuis un an. Godard récupère les rushes de Jusqu’à la victoire et entreprend, avec Anne-Marie Miéville, de leur donner une nouvelle dimension en les incorporant dans un montage plus complexe et distancié.
L’accent est notamment mis sur les doutes et difficultés qu’éprouvent les fedayinà mener leur révolution, ce que le militantisme aveugle du Godard de 1970 ne voulait guère entendre.
Le résultat, intitulé Ici et ailleurs, est un documentaire expérimental dont le titre est très évocateur. Il s’agit notamment, pour le couple de cinéastes, d’interroger la nature et l’impact des images palestiniennes au regard, d’une part, de leur propre position qui a évolué depuis 1970, d’autre part, de leur réception en Occident.
Plus concrètement, Godard et Miéville opposent à ces images le contre-champ les membres d’une famille française ordinaire qui, rivés devant leur télévision, regardent les images de ce conflit qui ne semble guère les concerner ni même les émouvoir.
Ici, cette famille française, ailleurs, la révolution palestinienne. Entre ici et ailleurs, entre l’image et le son, qui parle le plus fort ?
Godard cède volontiers à sa propre autocritique lorsque, vers la fin du film, il reconnaît, avec l’aide de Miéville, que la mise en scène des images palestiniennes de 1970 relève d’un certain dispositif théâtral, d’un jeu sur le spectacle et les apparences qui peuvent fausser les idées.
Ainsi, dans le premier extrait ci-dessous, une fillette du Fatah récite un poème de résistance devant un décor en ruine. Miéville compare cette mise en scène à celle d’un discours politique en France où tout est théâtralisé et calculé pour susciter l’empathie.
Dans le second extrait ci-dessous, une femme enceinte évoque sa fierté d’offrir son fils à la révolution, mais Miéville rappelle à Godard qu’elle n’est en réalité pas enceinte, qu’il la fait répéter et qu’il l’a surtout choisie en raison de sa jeunesse et de sa beauté.
Accusé d’antisémitisme en raison de rapprochements et de certains jeux de montage opérés dans Ici et ailleurs entre le génocide juif et le conflit israélo-palestinien, Godard ne fait pourtant rien d’autre qu’évoquer son antisionisme, la différence s’avérant visiblement poreuse aux yeux de ses détracteurs.
Notre musique (2004)
Les années 2000 sont l’occasion pour Godard d’expérimenter les nouveaux outils numériques et de poursuivre ses réflexions sur le statut de l’image dans le monde contemporain.
En parallèle, le cinéaste vétéran continue de s’intéresser à ce qui se passe aux quatre coins du globe ainsi qu’aux nouvelles générations auxquelles il accorde confiance et bienveillance.
Avec Notre musique, réalisé en 2004, Godard interroge l’emprise des médias et des mots écrits sur la conscience collective, notamment dans le cadre de conflits armés, et suit les pas du personnage d’une jeune journaliste israélienne, Judith (Sarah Adler), qui déambule avec mélancolie dans Sarajevo, autre territoire dévasté, et qui cherche à y trouver l’image d’« un pays où la réconciliation semble possible ».
Les muezzins résonnent à nouveau dans la Sarajevo pacifiée du film, comme annonciateurs de cette possibilité de réconciliation.
Le film débute sur des images d’archive et de films montrant et mêlant des scènes de guerre et semblant faire écho aux attentats du 11 septembre ainsi qu’à la guerre en Irak qui ont eu lieu peu avant.
La guerre est propre à l’homme et fait partie de toutes les cultures et époques. Sur la base de ce montage brutal, Godard cherche davantage, cependant, à ouvrir son film à la possibilité d’un équilibre, notamment sur la question du conflit israélo-palestinien.
Chronique du cinéma palestinien : la renaissance d’un cinéma sans État
La partie centrale du film, dans laquelle des intellectuels du monde se retrouvent à Sarajevo à l’occasion d’un congrès littéraire, met notamment en scène Judith et le poète palestinien Mahmoud Darwish.
Ce dernier, par son art et sa position pacifiste, s’érige en trait d’union entre Israël et la Palestine, en nouveau « poète des Troyens », faisant référence au conflit légendaire entre la Grèce et Troie dans la mythologie grecque.
La victoire de la Grèce a été narrée par les Grecs, autrement dit par les vainqueurs. À l’inverse, Darwish, qui est du côté des vaincus, offre à la Palestine une voix pour continuer à se faire entendre et ne pas sombrer dans une défaite totale.
Godard suggère l’idée que les deux pays s’opposent tout autant qu’ils se complètent, que l’un ne peut vivre ou mourir que par l’autre, ainsi que le dit Darwish à Judith : « Vous nous avez apporté la défaite et le renom. »
En s’appuyant sur l’exemple du château de Hamlet, Godard déclare : « Elsinore le réel, Hamlet l’imaginaire. Champ et contre-champ. Imaginaire, certitude. Réel, incertitude. Le principe du cinéma : aller à la lumière et la diriger sur notre nuit. Notre musique. »
Reprenant sa théorie du champ/contre-champ, il montre à l’écran deux photographies d’individus pataugeant dans la mer.
Il s’agit d’une part de juifs entrant en Israël, marchant vers la fiction (comme l’ont fait les Européens en conquérant l’Amérique – les autochtones vus dans le film et que Godard semble comparer aux Palestiniens) ; d’autre part, de Palestiniens expulsés et condamnés à se noyer, entrant dans le documentaire (notamment le reportage télévisé).
Godard suggère l’idée qu’Israël et la Palestine s’opposent tout autant qu’ils se complètent, que l’un ne peut vivre ou mourir que par l’autre
La mission du cinéma, nous dit Godard, est d’éclairer cette distinction.
Un autre personnage, Olga (Nade Dieu), étudiante en cinéma à Tel Aviv, se suicide peu avant la fin du film en menaçant de faire exploser une bombe. On apprend qu’elle a été abattue par la police alors qu’elle s’apprêtait à sortir de son sac… des livres.
Après la première partie, intitulée « L’Enfer », et la deuxième, « Le Purgatoire », le film se conclut sur la troisième, « Le Paradis » ; le tout en référence évidente à Dante.
En dépit de la présence de soldats américains, harmonie et sérénité entre les êtres imprègnent cette dernière partie champêtre, contemplative. L’esprit d’Olga y rencontre un homme qui lui offre une pomme… Tout est encore possible, si l’on s’y prend autrement.
Le Livre d’image (2018)
L’ultime long métrage de Godard, Palme d’or spéciale à Cannes 2018, est un film-collage. Constitué de nombreux documents, archives et extraits de films issus de divers pays et époques, Le Livre d’image malaxe, sature, confronte ces images, y superpose citations et sons, pour leur donner des sens inédits au regard d’une réflexion mélancolique et crépusculaire, mais non sans espoir, sur le monde du XXe et du début du XXIesiècle.
Le film est divisé en cinq parties que le cinéaste conçoit comme les cinq doigts de la main. Des doigts qui manipulent, coupent, collent, etc.
Une sixième partie, « Heureuse Arabie » (en référence à certains auteurs français du XIXe siècle et à leurs « rêves d’Orient », également évoqués en 1989 dans l’épisode 1b de Histoire(s) du cinéma), constitue une sorte de fable située dans le monde arabe.
Elle peut être vue comme la somme des « doigts » qui précèdent, comme une « main » tendue vers le spectateur pour lui raconter une histoire, faire contrepoint au réel par la fiction et conclure le récit sur une note plus lumineuse. En cela, les images d’exécution de Daech vues au début du film, doigts qui tuent, se trouvent invalidées par cette partie finale, main qui recolle.
Godard met en série de nombreux extraits de films issus d’Occident ainsi que du monde arabe – majoritairement tunisiens – pour suggérer des symboliques et susciter des interprétations.
Il plonge en arrière pour explorer l’évolution des rapports entre Occident et Orient et mettre en lumière le fait que le monde arabe a toujours été l’objet de stéréotypes orientalistes et de convoitises carnassières de la part de l’Europe et de l’Amérique.
D’Aladdin au Voleur de Bagdad, comment les affiches de films ont créé un mythe orientaliste
Le monde arabe filmé par Hollywood, notamment, comportant tout ce que cela implique en danseuses du ventre et autres décors exotiques, est pointé du doigt par Godard qui, par le biais d’extraits judicieusement choisis, en souligne l’impudeur : « Les Arabes peuvent-ils parler ? », demande-t-il, paraphrasant Edward Saïd et renvoyant de fait à une image réductrice, voire désintéressée, souvent colportée par l’Occident.
Le son répond à ces images : « Les Arabes n’intéressent pas le monde. Les musulmans non plus. Si l’islam retient politiquement l’attention, le monde arabe est décor et paysage. Le monde arabe s’il existe en tant que monde n’est jamais regardé en tant que tel. Il est toujours examiné comme un ensemble. »
Godard se focalise également sur l’idée de ce à quoi ce monde arabe ressemblerait si l’Histoire s’était déroulée autrement, citant notamment de nombreux passages du roman d’Albert Cossery, Une ambition dans le désert (1984), qui évoque un petit État arabe fictif vivant dans le bonheur et la tranquillité du fait que son territoire est privé de pétrole et n’intéresse donc pas les puissances étrangères.
La violence et les explosions ne sont pas l’apanage du monde arabe et la paix et le bonheur n’existent pas qu’en Occident, nous dit Godard
En guise d’exemple, à l’extrait d’une scène de film orientaliste où se dandine une danseuse arabe, se substitue un extrait du film marocain Mille Mois (Faouzi Bensaïdi, 2003) où l’une des voix off, reprenant un passage du livre de Cossery, évoque la possibilité de « quelques rumeurs autres que les explosions ».
Cette scène du film de Bensaïdi montre en effet un moment de la vie ordinaire. On boit un verre, on discute, on saute de joie ou on s’offusque devant le match de foot retransmis à la télévision : une scène comme on peut en trouver aux quatre coins du monde. La violence et les explosions ne sont pas l’apanage du monde arabe et la paix et le bonheur n’existent pas qu’en Occident, nous dit Godard.
« Peut-être que dans mille et un jours Shéhérazade racontera cela autrement », indique l’un des cartons de Ici et ailleurs, en référence à la célèbre conteuse des Mille et Une Nuits. Voilà qui boucle la boucle, le mot « autrement » suggérant l’idée qu’il reste toujours possible de parler du monde arabe, éventuellement à travers son folklore, mais en prenant soin d’éviter tout folklorisme.
Ironie du sort : le lendemain du décès de Godard sort en salles françaises À vendredi, Robinson, un film documentaire réalisé par l’Iranienne Mitra Farahani et dans lequel le cinéaste franco-suisse converse à distance avec Ebrahim Golestan, figure de proue de la Nouvelle Vague iranienne.
La correspondance est mâtinée de respect, de mystère, de grande érudition, de gravité mais aussi d’humour.
Mitra Farahani s’érige en gardienne de la parole de ces deux cinéastes géographiquement éloignés mais proches sur bien d’autres aspects.
De chez lui, en Suisse, et alors que la mort rode, Godard continue d’ouvrir sa fenêtre sur le monde.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Roland Carrée
Roland Carrée est docteur en Études cinématographiques de l’université Rennes 2 et enseignant-chercheur en cinéma à l’École supérieure des arts visuels de Marrakech (ESAV). Il est également intervenant pédagogique et conférencier en cinéma pour l’Institut français du Maroc, et directeur artistique de la Fête du cinéma de Marrakech. Il intervient régulièrement au Maroc et en France autour du cinéma (conférences, formations et festivals) et publie des études de films et des entretiens, notamment pour les revues Éclipses et Répliques. Ses travaux portent essentiellement sur le cinéma marocain, le cinéma d’animation et l’enfance à l’écran. Il rédige actuellement, avec Rabéa Ridaoui, son deuxième livre, consacré à la ville de Casablanca vue par le 7e art.
Samedi 1 octobre 2022 - 08:14 | Last update:6 hours 15 mins ago
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