Laurent Beccaria, directeur des éditions Les Arènes, a publié une biographie de son grand-oncle, ancien participant au putsch des généraux de 1961. Il dit avoir « appris une histoire en noir et blanc ».
« En 1985, j’avais 22 ans. Je suis tombé sur des coupures de presse sur un oncle de ma mère. L’enchaînement de son destin m’a frappé : la Résistance, Buchenwald, l’Indochine, l’Algérie et le putsch. J’avais grandi dans une famille de chrétiens de gauche, opposés à la guerre d’Algérie et à la torture. J’ai récupéré le numéro de téléphone d’Hélie de Saint Marc. Je l’ai appelé. “Pourquoi s’intéresser à mon cas ?” “Parce que vous êtes une couche géologique de l’histoire de France.” Il a ri. C’est comme cela que tout a commencé.
A l’époque, beaucoup de témoins étaient encore vivants. J’avais appris une histoire en noir et blanc, et je voyais les méandres des vies individuelles, les reconstructions a posteriori. J’ai découvert aussi la part de tragédie de la guerre d’Algérie : tout le monde avait des raisons d’avoir raison. Le miracle d’un destin kaléidoscopique comme celui d’Hélie de Saint Marc, c’est que chacun y trouve un reflet de son histoire. J’en ai fait un livre. J’ai eu beaucoup de témoignages de personnes qui avaient renoué avec leur père après l’avoir lu.
Pourquoi la mémoire de l’histoire franco-algérienne est-elle douloureuse ? Parce qu’en Algérie, la République a créé une exception à l’universalisme français. Dans les trois départements algériens, des millions de citoyens n’avaient pas les mêmes droits que les autres, parce qu’ils étaient “musulmans” et régis par le “code de l’indigénat”. Alors que les pieds-noirs et les juifs (dès 1870 avec le décret Crémieux), eux, étaient considérés comme des citoyens à part entière, à l’égal des habitants de la Creuse.
Les notions de “français de souche européenne” ou de “français musulmans” étaient utilisées par l’administration en Algérie entre 1945 et 1958. Pour Slimane Zéghidour, cette exception à l’universalisme est “le secret de famille de la République”. On n’a pas encore réglé cela : la vision de la nation française d’Eric Zemmour est un décalque de celle des Français d’Algérie à l’époque coloniale. »
Laurent Beccaria est né à Boulogne-Billancourt en 1963. Fondateur et directeur des éditions Les Arènes, il a publié en 1989 une biographie de son grand-oncle Hélie de Saint Marc, ancien participant au putsch des généraux de 1961.
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