Plusieurs projets pilotes ont été développés dans le cadre du projet “Tipaza Smart City” (Cité intelligente) lancé depuis 2017, selon le Dr Mustapha Hatti, membre de la commission de pilotage de ce projet et chercheur auprès du Centre de développement des énergies renouvelables (CDER).
Présenté lors d’une conférence débat organisée en marge de la 2ème édition du salon de l’électricité et des énergies renouvelables (SEER), tenue du 10 au 13 février à Alger, le projet “Tipaza Smart City” a connu l’implication des autorités locales, des investisseurs de la wilaya de Tipaza, ainsi que des experts internationaux, selon M. Hatti.
Ceci a permis la création de plusieurs projets pilotes, dont “la mise en circulation de cinq bus dotés de Wifi, connectés à une application internet, développée par un jeune chercheur, pour informer les riverains sur les horaires de passage de ces bus et leur localisation”, a indiqué M. Hatti.
Un autre projet a vu le jour aussi dans le cadre de cette même initiative, dans le domaine de la récolte des déchets ménagers. Il s’agit, selon le conférencier, d’une programmation d’horaires pour le passage des camions de ramassage, permettant une meilleure propreté de la ville, en impliquant les citoyens et leur sens du civisme.
D’autres projets ont été initiés dans la Smart City, notamment des applications mobiles pour la circulation routière, des quartiers pilotes pour l’efficacité énergétique, la création d’une carte géographique de la ville avec un ensemble de donnés utiles à la population, ainsi que l’élaboration d’une base de données offrant tous les détails de la ville de Tipaza, impliquant les donnés administratifs, ceux en rapport avec le secteur de la santé, ainsi que le tourisme.
M. Hatti a expliqué à ce propos qu’en vue de définir les grandes lignes du projet et afin d’enrichir ses perceptions, deux conférences internationales sur la ville intelligente ont été organisées en 2017 et 2018. Ces deux conférences, explique l’intervenant, ont abouti à “la création d’une commission de pilotage du projet “Tipaza Smart City” composée d’universitaires, de représentants de l’administration locale, de représentants des investisseurs, ainsi que des élus locaux”.
Un jumelage avec une ville intelligente italienne est en cours d’élaboration, a ajouté M. Hatti, pour un échange d’expertises et d’expériences. Il affirme à ce sujet que plusieurs organisations internationales ont été sollicitées, dans ce sens, afin qu’elles apportent une contribution technologique ou financière aux actions menées dans le cadre de ce projet d’avenir.
"Le Boucher de Guelma", un des premiers romans retraçant les massacres du 8 mai 1945
L'un des premiers écrivains à avoir retracé le comment et le pourquoi de cette répression dans un roman historique, en appuyant sa fiction sur un travail d'investigation, est le romancier et journaliste Francis Zamponi.
DR
Le 8 mai 1945 marque le début d'un des plus sanglants épisodes de notre histoire contemporaine, durant lequel pendant un peu plus d'un mois à Guelma, Sétif et Kherrata, d'innommables massacres ont été perpétrés par les colons de cette période, et leurs autorités, contre les habitants de cette région. Une violence inqualifiable, et qui demeure non-qualifiée à ce jour par le gouvernement français qui s'abstient de nommer et de reconnaître officiellement la dimension génocidaire de ces massacres alors que de hauts fonctionnaires et dignitaires, diplomates et ministres, ainsi que historiens et chercheurs l'ont reconnue et en ont avérés les faits.
L'un des premiers écrivains à avoir retracé le comment et le pourquoi de cette répression dans un roman historique, en appuyant sa fiction sur un travail d'investigation, est le romancier et journaliste Francis Zamponi.
Zamponi est né à Constantine en 1947. Il quittera l'Algérie à l'âge de onze ans. Devenu journaliste, il se spécialise en histoire. A partir de 1978, il va s'appliquer à retracer et à raconter dans ses romans les abus des autorités françaises durant la colonisation et leurs conséquences sur le présent. Deux de ses romans, Mon Colonel (1999) dont l'histoire se situe à El Eulma, et Le Boucher de Guelma situé entre 1945 et le milieu des années 90 à Guelma et Sétif (ouvrages parus respectivement en 1999 et 2007) revisitent les tabous de l'histoire officielle des deux rives. Des œuvres de fiction certes, mais dans lesquelles sont aussi conservées tout un vécu et une mémoire.
C'est en procédant à une archéologie du passé, que Zamponi nous raconte l'histoire du Boucher de Guelma.
Le Boucher de Guelma
Le roman s'ouvre sur le personnage de Maurice Fabre, un vieux monsieur acariâtre et hautain, qui se retrouve bien malgré lui arrêté et placé en garde à vue dans un hôpital pénitentiaire de Sétif. C'est en rageant intérieurement contre la juge en face de lui, et ce qu'il considère comme un pseudo-système judiciaire, qu'il se rappelle l'excès de colère qui l'a mené jusqu'ici. Parti le plus tranquillement du monde depuis la France vers la Tunisie en avion pour des vacances, Fabre et les autres passagers se retrouvent à faire une escale imprévue en Algérie. L'avion a besoin de se réapprovisionner en carburant. Il est demandé aux passagers de patienter, caractéristique qui ne correspond pas trop à Fabre.
Hors de lui, il le dit, par le manque de respect eut égard à son « étoile d'ancien préfet honoraire », à sa « médaille de la Résistance », à sa « croix du Combattant avec palmes », et à sa « médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre », Fabre force l'équipage à le laisser sortir de l'avion pour se plaindre à la police et réclamer de l'eau.
Amusés par le personnage, mais consciencieux, les gendarmes algériens vérifient l'identité de cet ancien combattant. Abasourdis, ils réalisent que l'homme en face d'eux est le boucher de Guelma, le préfet qui avait ordonné et orchestré les viols et assassinats systématiques des algériennes et algériens de Guelma, Sétif et Kherrata en mai 1945.
Fabre est immédiatement arrêté et mis sous surveillance dans un hôpital le temps de préparer une prison. Son dossier est envoyé devant le barreau de Sétif pour que commence un procès pour crime contre l'humanité et génocide, un procès qu'aucun des deux pays concernés, la France et l'Algérie, ne veulent vraiment ouvrir.
D'abord récalcitrant à parler de cette période et de son rôle, Fabre comprend rapidement qu'au pire il sera fait bouc émissaire et qu'au mieux il sera présenté comme totalement gâteux s'il se tait. Comme aucune des deux options ne l'inspire, il décide de révéler ce qui a véritablement motivé les répressions et massacres de mai 1945 sans rien cacher. Pour s'expliquer, il nommera tous ceux qui les avaient minutieusement orchestrées.
Réussira-t-il à parler ou sera-t-il passer sous silence par les émissaires des autorités des deux rives ?
Dans ce petit roman de 300 pages narré à la première personne, Zamponi fait parler ce tortionnaire pour nous dévoiler, non seulement les pensées et secrets que cet homme cache depuis plus de 50 ans, mais aussi pour nous montrer comment un père, mari et amant par ailleurs tout à fait humain, peut si on lui en donne l'autorité, se transformer en un boucher qui ne voit l'autre que comme un amas de chair.
Le romancier-historien et sa fiction-investigation
Ce très bon roman, qui se doit d'être lu ou à défaut connu, a saisi à l'écrit la mémoire immatérielle d'un épisode de notre histoire. En tant que tel, c'est un ouvrage important. Mais un roman, c'est avant tout une fiction, le produit d'une imagination stimulante, une écriture travaillée et enrichissante, qui nous fait voir le monde autrement.
Le roman historique est un genre qui se prolonge autant dans l'imaginaire que dans le réel de faits vérifiés. La toile sur laquelle ces romans racontent une histoire dans une Histoire, montre bien toute l'importance de l'écrivain comme capteur de mémoire.
Cependant, un écrivain n'est pas un historien, ni un journaliste. Les journalistes et historiens sont tenus de respecter une éthique, et de suivre une structure d'exposition et de récit.
La seule obligation de l'écrivain est de suivre le génie de ses langues, et le souffle de l'irréel, pour nous inspirer.
Bien que nous nous soyons efforcés dans ces pages de nous placer avant tout d’un point de vue psychologique et moral, dépeindre l’action de Hassan II sans parler de sa politique étrangère serait l’amputer de ce qu’elle offre de plus intéressant.
Décidé à pratiquer une politique de « non-engagement », Hassan II a effectué de nombreux voyages à l’étranger, soit pour y régler des contentieux consécutifs à la décolonisation, soit pour y obtenir une aide économique susceptible d’accélérer le développement du pays, soit encore pour expliquer aux gouvernements étrangers les raisons pour lesquelles le Maroc ne tenait pas à s’associer à une « politique de blocs » : voyage à Washington, voyage à Bruxelles où il a été l’hôte du roi Baudouin et de la reine Fabiola; voyage à Moscou où il a établi des contacts fructueux avec MM. Podgorny, Brejnev et Kossyguine ; voyage à Madrid; enfin voyage à Paris.
Mais c’est surtout dans le domaine de la politique africaine que son action s’est manifestée avec le plus de bonheur.
Mohammed V, comme nous l’avons vu, était mort sans avoir pu régler le problème des frontières méridionales du royaume. Il avait refusé, à plusieurs reprises l, de discuter cette question avec les autorités françaises (Pour plus de détail voir l’annexe à la fin de cet article) en déclarant qu’à ses yeux elle relevait exclusivement de l’Algérie et qu’il attendrait que celle-ci ait accédé à l’indépendance pour fixer par des conversations directes les limites définitives entre les deux pays. La mort prématurée de Mohamrned V et le prolongement de la guerre d’Algérie n’avaient pas permis de pousser les choses plus loin. Le 6 juillet 1961, c’est-à-dire quatre mois après son accession au trône, Hassan II avait conclu un accord avec Ferhat Abbas, alors président du gouvernement provisoire de la République algérienne. Par une lettre ; adressée au roi du Maroc, le représentant de l’Algérie reconnaissait « le caractère arbitraire de la délimitation imposée par la France aux deux pays » et spécifiait que « les accords qui pourraient intervenir à la suite de négociations franco-algériennes ne sauraient être opposables au Maroc, quant aux délimitations territoriales algéro-marocaines ». L’accord stipulait en outre que la question serait résolue par voie de négociations et qu’une commission paritaire serait constituée à cet effet, dès que l’Algérie aurait accédé à l’indépendance.
En juillet 1962, au lendemain de la signature des accords d’Évian qui faisaient de l’Algérie un État indépendant, Ferhat Abbas avait été évincé du pouvoir et tous les engagements pris antérieurement par lui considérés comme nuls et non avenus. Lorsque le gouvernement marocain s’était tourné vers Alger pour demander la constitution de la commission chargée de régler le problème des frontières, il s’était vu opposer une fin de non-recevoir catégorique. Ben Bella, qui avait succédé à Ferhat Abbas, et les chefs du nouveau gouvernement algérien affirmaient:
1) Qu’au vu des traités internationaux conclus avant l’instauration du protectorat et dont le plus ancien remontait à 1767, jamais aucun souverain chérifien n’avait prétendu exercer sa souveraineté au-delà de ; »!’Oued Noun, situé bien au nord de la ligne frontalière «actuelle».
2) Que l’Algérie aurait pu mettre fin beaucoup plus tôt aux combats qui l’avaient ensanglantée pendant six ans si elle s’était contentée de la partie septentrionale du territoire et avait renoncé au Sahara.
3) Que c’était seulement lorsque la France avait consenti à inclure le Sahara dans son territoire national que l’Algérie avait déposé les armes et qu’en conséquence de nombreux Algériens étaient morts pour atteindre cet objectif.
4) Que la République algérienne étant « une et indivisible » il n’était pas question de céder un seul pouce de son territoire et que, au surplus, le chef de l’État algérien ayant juré sur le Coran – c’est-à-dire sur ce que les Arabes avaient de plus sacré – de maintenir envers et contre tout l’intégrité du patrimoine national, il était impossible de violer cet engagement sans commettre un parjure.
Comme on le voit, les successeurs de Ferhat Abbas faisaient montre d’une intransigeance inentamable et fermaient résolument la porte à tout règlement négocié. « Quand a-t-on jamais vu un État faire don d’une partie de son territoire à un autre État? demandaient-ils. Le Maroc veut s’annexer une portion de l’Algérie ? Eh bien, qu’il vienne la prendre ! Il verra comment il y sera reçu… »
Ulcéré par cette attitude si peu conforme aux scrupules qui avaient empêché son père de régler le problème avec le gouvernement français, Hassan II crut pouvoir trancher la question par lui-même. Dans la dernière quinzaine d’octobre 1963, il fit occuper par de petits détachements symboliques des Forces armées royales certains points de garde situés dans la zone désertique qui s’étendait entre la Hamada du Draa et Colomb-Béchar. Comme cette région avait été de tout temps dans la mouvance de l’Empire chérifien, il n’avait nullement l’impression de pénétrer dans un pays étranger. L’opération s’effectua sans difficulté, car les postes étaient vides et il n’y avait aucune unité algérienne dans les parages.
Lorsque le gouvernement algérien apprit cette nouvelle, sa réaction fut immédiate. Il ameuta son opinion publique en annonçant à la radio que l’armée maro*caine avait franchi la frontière et occupait indûment une portion du territoire national. Quarante-huit heures plus tard, des formations de l’ALN3 débou*chaient dans la région. Au lieu de rester l’arme au pied en face des postes marocains, en attendant un arbi*trage, elles les attaquèrent nuitamment et massa*crèrent leurs chefs. Les soldats répliquèrent par un feu nourri. Le sang commença à couler de part et d’autre. De nouvelles formations de l’ALN accoururent à la res*cousse.
Durant toute la journée suivante et le surlende*main, les Algériens renouvelèrent leurs attaques, mais sans pouvoir entamer la ligne de défense des Maro*cains, qui avaient reçu eux aussi des renforts. Finale*ment, ils s’essoufflèrent. L’ALN était constituée de groupes de volontaires habitués à la guérilla. Elle était insuffisamment rompue à la guerre classique pour pouvoir tenir tête à l’armée marocaine, bien encadrée et dotée d’un armement supérieur. Lorsque les Forces armées royales passèrent à la contre-attaque, elles culbutèrent les formations algériennes, qui se disper*sèrent dans toutes les directions. « II n’y avait plus rien devant nous, devait déclarer plus tard un officier maro*cain. La voie était libre. Si Sa Majesté nous avait donné l’ordre d’aller de l’avant, nous aurions pu marcher sur Alger sans rencontrer d’obstacle. »
Mais cet ordre, le roi ne le donna pas. Il n’avait jamais été dans ses intentions de déclencher une guerre algéro-marocaine. Il avait simplement voulu occuper une position favorable pour amener les Algé*riens à accepter la négociation. Il savait que la partie était loin d’être gagnée. Les meilleures unités algé*riennes étaient retenues en Kabylie, où l’opposition à Ben Bella avait voulu profiter de la situation pour fomenter une révolte. Lorsque ce soulèvement aurait été maté – ce qui ne tarderait guère -, ces unités se retourneraient vers l’ouest pour affronter les Marcains. Comme leurs effectifs étaient très supérieurs à ceux des Forces armées royales, celles-ci risquaient d’être écrasées sous le nombre.
De plus, cet affrontement armé entre deux pays frères avait soulevé une émotion intense dans toutes les capitales arabes. La situation était si tendue que la Mauritanie se sentit en danger et se tourna vers Alger pour lui demander son assistance. En quelques jours, Hassan II se trouva isolé. C’est pourquoi il trouva préférable de ne pas exploiter à fond l’avantage initial qu’il avait remporté sur le terrain. Toute nouvelle avance de ses troupes aurait débouché sur le chaos.
Convoquée d’urgence par l’empereur d’Ethiopie, agissant en tant que président de l’Organisation de l’unité africaine, une conférence quadripartite se réunit à Bamako (29-30 octobre 1963). Elle comprenait, outre Haïlé Sélassié, le roi du Maroc, le président Ben Bella et M. Modibo Keita, président de la République du Mali. A l’issue des entretiens qui prirent par moments un caractère orageux, les quatre chefs d’État africains décidèrent :
1) L’arrêt effectif des hostilités et l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu, à compter du 2 novembre, à zéro heure.
2) La constitution d’une commission composée d’officiers marocains, algériens, éthiopiens et maliens, qui déterminerait une zone au-delà de laquelle les troupes engagées seraient retirées.
3) La constitution d’un corps d’observateurs maliens et éthiopiens chargés de veiller à la sécurité et à la neutralité de la zone démilitarisée.
4) La réunion, dans les plus brefs délais, des ministres des Affaires étrangères des États-membres de l’Organisation de l’unité africaine, afin de constituer une commission spéciale qui aurait pour mission : a) de situer les responsabilités dans le déclenchement des hostilités4;b) d’étudier le problème des frontières et de soumettre aux deux parties des propositions concrètes pour le règlement définitif de cette affaire.
Les quatre chefs d’État décidèrent en outre :
1) La cessation par l’Algérie et par le Maroc de toute attaque publique, par voie de presse ou de radio, à compter du 1er novembre 1963, à zéro heure.
2) L’observation stricte du principe de non-ingérence dans les affaires des autres États;
3) Le règlement par voie de négociation de tout différend susceptible de survenir entre États africains.
Pour bien marquer qu’il n’y avait ni vainqueurs ni vaincus, le protocole final tint à souligner que les conversations s’étaient déroulées « dans une atmosphère amicale ».
Mais lorsque la commission spéciale prévue à Bamako voulut se réunir pour apporter un règlement définitif au problème frontalier, elle n’aboutit à rien. Les avis se partagèrent et le litige demeura entier. L’opération militaire avait failli déboucher sur le chaos; l’action diplomatique débouchait sur le vide.
Alors Hassan II se dit que, pour sortir de cette impasse, il fallait repenser le problème de fond en comble et le transposer sur un autre plan. On ne peut qu’admirer la largeur de vues avec laquelle il procéda à cette révision. Il paria que l’intelligence et la raison finiraient par l’emporter sur l’esprit de revendication territoriale et que les nécessités de la coopération économique remplaceraient « les vieux rêves de grandeur et de sable ». C’était un pari risqué et d’autant plus méritoire que le jugement que l’Histoire porterait sur son règne dépendrait, en fin de compte, de son échec ou de sa réussite. Pourtant, il n’hésita pas. Il avait pris conscience des dimensions du problème. De par sa nature et sa complexité, il n’était pas un de ceux que l’on pouvait résoudre à coups de canon. En revanche, lui apporter une solution durable assurerait à l’Algérie et au Maroc un avenir lumineux.
Réduit à l’essentiel, il pouvait se formuler comme suit : nul ne pouvait contester que le territoire revendiqué à la fois par le Maroc et l’Algérie n’ait entretenu depuis le XIe siècle des liens beaucoup plus étroits avec l’Empire chérifien qu’avec l’Algérie, ne serait-ce que parce qu’à cette époque l’Algérie ne formait pas encore un État organisé. Mais il était non moins indéniable que le partage des territoires pratiqué par la puissance colonisatrice – et qui se trouvait concrétisé par les accords d’Évian – avait placé cette région à l’intérieur des frontières algériennes. Modifier cet état de choses par la force était impensable. Chaque fois qu’on le tenterait, les instances internationales interviendraient pour imposer un cessez-le-feu aux belligérants. Qu’en recueillerait-on pour finir? Rien que des ressentiments supplémentaires et des morts inutiles…
À côté de ces ombres, les éléments positifs : le bassin de Tindouf contenait dans son sous-sol d’énormes richesses minières. On y trouvait du fer d’excellente qualité, notamment le gisement de Gara-Djebilet, un des plus riches du monde, puisque les experts évaluent ses réserves à deux milliards de tonnes et que la teneur en fer du minerai est de 65 pour cent (contre 35 pour cent pour le minerai de Lorraine). Ce gisement était suffisant, à lui seul, pour assurer la prospérité de l’Algérie et du Maroc, à condition d’être exploité d’une façon rationnelle. Les techniciens voyaient déjà surgir, aux lisières du Sahara, une « Ruhr nord-africaine » susceptible de fournir du travail à plusieurs générations.
Ces projets ne relevaient pas de la fantasmagorie. On pouvait en chiffrer les résultats sur le papier. Comme le volume de ces minerais était beaucoup trop élevé pour pouvoir être consommé sur place, il fallait en prévoir l’exportation. Ceci posait le problème d’un débouché sur la mer. Or les ports algériens les plus proches, Arzew et Ghazaouet ‘, étaient à 1 300 kilomètres, Port-Étienne 2, en Mauritanie 3, à 1 400 kilomètres, alors que les ports marocains de La Gazelle et de Tarfaya4 se trouvaient respectivement à 400 et 515 kilomètres. (Une voie rejoignant directement la côte en traversant le territoire d’Ifni serait encore plus courte, mais elle posait le problème de l’enclave espagnole 5.) Or le coût du transport de la tonne de minerai de fer avait une incidence directe sur son prix de revient. En comparant ces diverses données, on obtenait le tableau suivant :_____________COÛT DE PRODUCTION PAR TONNE, SUR LA BASE DE 15 MILLIONS DE TONNES/AN
Variante de tracéDistance en kmCoût Coût d’extraction du transport en dollars en dollarsCoût total en dollars
Arzew13001,10 4,407,05
(Algérie)
Ghazaouet13003,305,60
(Algérie)
La Gazelle4002,004,40
(Maroc)
Tarfaya (Maroc)5151,754,05
Port-Étienne (Mauritanie)1400NOP5,15
D’où il résulterait que le coût du transport représente*rait :
– 4 fois le coût de l’extraction, en passant par Arzew;
– 3,3 fois le coût de l’extraction, en passant par Gha*zaouet;
– 2 fois le coût de l’extraction, en passant par La Gazelle ;
– 1, 75 fois le coût de l’extraction, en passant par Tar*faya.En le faisant transiter par les ports algériens, le minerai de Tindouf n’était plus compétitif, alors qu’il le demeurait largement en transitant par les ports marocains. Pour tenter d’échapper à cette obligation, la Sonarem, ou « Société nationale de recherches et d’exploitations minières », dépendant du ministère algérien de l’Industrie et de l’Énergie, avait étudié quatre-vingt-quatre variantes du tracé, portant sur toutes les possibilités d’évacuation. Or toutes avaient abouti à la même conclusion; l’exploitation des richesses de Tindouf n’était rentable qu’à condition d’emprunter le territoire marocain. L’avenir n’était-il pas clairement inscrit dans ces chiffres?
Puisqu’il en est ainsi, s’était dit Hassan II, pourquoi continuer à nous disputer des richesses qu’aucun de nous n’est capable d’exploiter à lui seul ? Pourquoi ne pas nous mettre d’accord pour constituer un orga*nisme équivalant à ce qu’est pour l’Europe la Commu*nauté du charbon et de l’acier? Au lieu de nous épuiser dans des luttes stériles, pourquoi ne pas faire de ces territoires une sorte de condominium économique algéro-marocain, auquel on pourrait associer par la suite la Mauritanie6 et le Rio de Oro 7, le jour où il aurait été évacué par les Espagnols ? Ainsi se constitue*rait au nord-ouest de l’Afrique une vaste zone de coprospérité trois fois grande comme la France, au regard de laquelle les problèmes posés par le tracé des frontières perdrait, sinon toute signification, du moins beaucoup de leur acuité.
Reléguer à l’arrière-plan les litiges territoriaux, les laisser se dissoudre au fil des années ; donner, pendant une période à déterminer, la primauté à la coopération économique ; imprimer à cette coopération une impul*sion assez forte pour qu’elle puisse porter des fruits avant l’achèvement de la période prévue, telles furent les grandes lignes du plan que se traça Hassan II ; et à la mise en œuvre duquel il décida de consacrer tous ses efforts. Mais pour pouvoir se concrétiser, ces prin*cipes directeurs avaient besoin de l’accord de tous. D’où une question préalable : les autres chefs d’État seraient-ils assez clairvoyants pour comprendre à quel point ces conceptions répondaient aux exigences de notre époque, à son besoin de faire peau neuve, à son refus de se laisser enfermer dans les cadres trop étroits légués par le passé? Rien n’était moins certain, car les relations entre Rabat et Alger étaient restées tendues.
L’affrontement d’octobre 1963 avait laissé de part et d’autre des séquelles douloureuses. Il y avait une pente difficile à remonter. Mais, là encore, les événements favorisèrent le jeune roi et montrèrent à quel point la chance était de son côté. Avec Ben Bella, un rapprochement eut été impos*sible. Celui-ci n’avait pas digéré les circonstances dans lesquelles son avion avait été détourné, ni la facilité avec laquelle Mohammed V s’était accommodé de sa longue détention 8. Durant la durée de son incarcéra*tion à l’île d’Aix et à Aulnoye, Khider, qui était son compagnon de cellule, n’avait cessé d’attiser sa méfiance envers Mohammed V et la dynastie alaouite.
Or, le 19 juin 1965, un coup d’État militaire avait évincé Ben Bella du pouvoir. Un homme nouveau l’avait remplacé à la tête du gouvernement algérien : le colonel Houari Boumédienne. Tempérament éner*gique et réalisateur, dont le laconisme tranchait sur le verbalisme démagogique de son prédécesseur, l’ancien commandant de la Wilaya V était bien trop perspicace pour ne pas voir tous les avantages qu’apporteraient à son pays un désamorçage du différend algéro-marocain et son remplacement par une formule de coopération économique. Ayant étudié le problème sous tous ses aspects, il était parvenu à des conclusions qui rejoignaient celles de
Hassan II. Dès lors, il ne res*tait plus qu’à les mettre en pratique.
Aussitôt, les ambassadeurs se mirent au travail pour créer une atmosphère favorable à la détente. Ces efforts convergents reçurent une première consécra*tion le 15 janvier 1969, quand fut signé à Ifrane, dans la résidence d’hiver du roi, un traité de fraternité, de bon voisinage et de coopération entre le royaume du Maroc et la République algérienne. Date capitale dans l’his*toire du Maghreb! Un esprit amical, annonciateur du renouveau, semblait avoir balayé jusqu’au souvenir de la discorde. Pour apprécier l’importance de ce rap*prochement, il faut se référer au texte même du traité :
Art. I : Une paix permanente, une amitié solide et un voisinage fructueux, découlant naturellement de la fraternité séculaire liant les deux peuples frères, régne*ront entre la République algérienne démocratique et populaire et le royaume du Maroc, et viseront à l’édifi*cation d’un avenir commun et prospère.
Art. II : Les Parties contractantes s’engagent à renfor*cer leurs relations communes dans tous les domaines et notamment dans les domaines économique et cultu*rel, afin de contribuer à l’élargissement du champ de la compréhension mutuelle entre les peuples frères d’Algérie et du Maroc et au renforcement de l’amitié et du bon voisinage entre eux.
Art. III : Considérant que la coopération économique constitue une base solide pour leurs relations paci*fiques et amicales et vise à la promotion de leurs pays, les Parties contractantes apporteront leur participation réciproque au développement de cette coopération dans tous les domaines.
Art. IV : En cas de litige ou de différend, sous quel*que forme que ce soit, les Parties contractantes s’inter*disent de recourir à l’emploi de la violence entre elles et s’emploieront à régler leur différend par des moyens pacifiques […], en application des principes et des résolutions de l’Organisation des Nations Unies, de la Ligue des États arabes et de l’Organisation de l’Unité africaine.
Art. VIII : Le présent traité restera en vigueur pen*dant une durée de vingt ans à compter de la date de sa mise en exécution9. Il est renouvelable, par tacite reconduction, pour une période de vingt ans, tant qu’il n’est pas dénoncé par l’une des Parties contractantes, par écrit, un an avant son expiration.
Pour le Royaume du Maroc
Le Ministre des Affaires étrangères
Ahmed laraki
Pour la République algérienne
Le Ministre des Affaires étrangères
Abdelaziz bouteflika
Je voudrais souligner deux points qui donnent à ce traité une signification particulière, devait dire Hassan II peu de temps après sa signature. D’abord, il a été contracté pour vingt ans – ce qui est un délai inhabi*tuel pour une convention de ce genre ; ensuite, il asso*cie étroitement la coopération culturelle à la coopéra*tion économique. Pourquoi? Parce qu’il est vain de vouloir faire avancer les choses si l’on ne s’occupe pas, en même temps, de faire progresser les esprits. J’ai souhaité que les écoles marocaines, algériennes – et pourquoi pas tunisiennes ? – dispensent à nos enfants un enseignement qui les rende plus conscients de leurs liens de parenté et leur apprenne à voir les choses sous un angle plus large que cela n’a été le cas jusqu’ici. Dans vingt ans, une nouvelle génération aura grandi, pour laquelle les problèmes de frontières n’existeront plus, ou, du moins, s’ils se posent, ce sera dans des termes très différents d’aujourd’hui. Entre-temps, le traité d’Ifrane aura fait ses preuves et sa reconduction ne soulèvera aucun problème, car chacun aura compris que le Maghreb tout entier est le plus petit espace géographique dans lequel nous puissions vivre. Songez qu’en l’an 2000 le Maroc, l’Algérie et la Tunisie auront, à eux trois, quatre-vingts millions d’habitants. Ces conceptions sont caractéristiques de la manière de penser de Hassan II. Ce n’est pas à lui qu’il faut apprendre que ce qui paralyse la vie, ce ne sont pas les contraintes, c’est le manque de hardiesse.
Fin
Annexe:
Durant les négociations de Paris, les autorités françaises ont proposé au roi Mohamed V de fixer le tracé des frontières dans les confins sahariens, afin d’éviter toute contestation ultérieur. Elles se sont même déclarées prêtes à inclure la région de Tindouf et la Hamada du Draa dans le territoire marocain. Mais Mohamed V leur a opposé un refus catégorique. A ses yeux, la question des frontières méridionales du royaume relève exclusivement du Maroc et de l’Algérie : elle doit être réglée d’un commun accord entre les deux pays. Or l’Algérie, dans l’état actuel, n’a pas voix au chapitre. Elle est engagée dans des combats dont dépend son avenir. Le roi répugne à profiter de cette situation pour lui porter un coup bas.« Aucun avantage moral ou matériel, déclare-t-il, ne saurait justifier un acte de félonie. Nous réglerons cette affaire plus tard, entre voisins. Je n’ai pas voulu accabler la France lorsqu’elle était à terre ce n’est pas pour frapper un pays frère lorsqu’il se trouve en difficulté.»
Chacun rend hommage à son élévation morale. Mais comme ses interlocuteurs français lui font observer que la France n’a nullement l’intention de quitter l’Algérie et que cette situation risque de se prolonger longtemps, il répond, imperturbable :« Eh bien!nous attendrons!»
Immense figure des réseaux de soutien à la cause algérienne en Belgique, Me Serge Moureaux nous a quittés jeudi dernier à l’âge de 85 ans. Avec sa disparition, c’est un pan entier de la mémoire du combat pour l’indépendance de notre pays dans sa dimension internationale, plus particulièrement celle du «Front du Nord», qui s’en va.
Avocat engagé, Serge Moureaux était, rappelle-t-on, responsable du Collectif des avocats belges du FLN. Né à Bruxelles, précisément à Etterbeek, le 1er janvier 1934, Me Moureaux a fait des études de droit à l’université Libre de Bruxelles (ULB).
Il s’inscrit au barreau de Bruxelles en 1956. Serge Moureaux a joué un rôle crucial dans la défense des militants indépendantistes et a sauvé, au même titre que les membres du collectif des avocats du FLN en France et en Belgique, plusieurs Algériens de la guillotine.
Le combat de Serge Moureaux en dit long sur ce que la Révolution algérienne doit à nos amis belges. Un épisode malheureusement fort peu connu, tant ici qu’au pays d’Henri Michaux.
C’est ce qui ressortait, d’ailleurs, d’un colloque organisé à l’initiative de l’ambassade de Belgique le 29 octobre 2017 à la Bibliothèque nationale, et qui était justement dédié au «Front belge». «C’est un point de l’histoire assez peu connu, pour ne pas dire totalement ignoré», regrettait Me Ali Haroun lors de cette rencontre.
«L’Algérie était au cœur de notre vie de couple»
Serge Moureaux aurait tellement voulu être du voyage pour revoir ses anciens camarades à l’occasion de ce colloque, mais la maladie l’en a empêché. Il avait néanmoins envoyé une lettre extrêmement émouvante à ses frères de lutte en Algérie, et que sa femme Henriette s’est chargée de lire.
Henriette dira non sans émotion combien l’Algérie et la cause algérienne étaient chères à leurs cœurs. «Pendant cinq ans, elle était au centre de notre vie de jeune couple», sourit-elle, avant d’ajouter : «C’est notre trésor de guerre.» (lire notre article : «Le second souffle des Porteurs de valises» in El Watan du 1er novembre 2017).
Une relation forte liait ainsi les Moureaux aux dirigeants de la Fédération de France, tout spécialement Omar Boudaoud et Ali Haroun. C’est chez eux, à Bruxelles, que le 26 août 1960, une réunion importante du Comité fédéral s’est tenue.
Intervenant lors de cette même journée, l’historien Paul-Emmanuel Babin indiquait que le soutien belge au combat anticolonial s’est joué sur trois fronts : le Comité pour la paix en Algérie, le collectif des avocats du FLN et les réseaux de soutien logistique.
Le Comité pour la paix comptait «500 membres lors de sa création en avril 1958» et 600 l’année suivante, d’après l’historien. Pour ce qui est des réseaux, une «filiale du Réseau Jeanson en Belgique» fut créée par Luc «Alex» Somerhausen.
Ce réseau «se spécialise dans le passage de frontières» dit Babin. Un autre réseau est monté «dans le prolongement du Réseau Curiel». Il va se spécialiser dans le transport de fonds, d’armes et l’achat de véhicules pour le FLN.
Un troisième groupe est constitué de militants communistes qui vont assurer le transport de documents. «En tout, près de 150 personnes travaillent de près ou de loin pour les réseaux», affirme l’historien (lire : «Aux frères belges, la nation reconnaissante» in El Watan du 31 octobre 2017).
Concernant l’action du collectif des avocats belges du FLN, il s’agit d’un véritable «front judiciaire», selon le mot de Paul-Emmanuel Babin. Il comprenait : Serge Moureaux, Marc de Kock, Cécile Draps et André Merchie. «Ce collectif se charge en Belgique et au nord de la France de toutes les affaires concernant les militants du FLN, avec l’avocat parisien Michel Zavrian, avant de prendre la responsabilité exclusive de la défense dans cette zone en 1960», précise l’historien.
Il convient de relever que Me Moureaux était proche d’Akli Aissiou, cet étudiant en médecine et membre de l’Ugema, assassiné par la Main rouge (qui relevait du SDECE) le 9 mars 1960 à Ixelles, près de Bruxelles.
Cet assassinat politique l’avait beaucoup marqué. Dans le film Le Front du Nord. Des Belges dans la guerre d’Algérie (1954-1962), réalisé par Hugues Le Paige, Serge Moureaux soulignait qu’aux funérailles d’Akli Aissiou, à Bruxelles, c’est la première fois que le drapeau algérien, qui recouvrait son cercueil, était déployé au grand jour dans toute l’Europe. «L’assassinat d’Akli Aissiou est fondamental dans l’intensité et l’engagement des avocats», insiste l’historien.
Paul-Emmanuel Babin nous apprenait par ailleurs, dans un entretien qu’il nous avait accordé en marge de ce colloque, que le chahid Akli Aissiou «avait été impliqué dans la fameuse affaire des footballeurs de l’équipe du FLN et le transfert à Bruxelles de Zouba et Soukane. La voiture de l’un des deux sera un certain temps dans le garage de Serge Moureaux».
Une lettre émouvante de Serge Moureaux
Nous terminerons par la lettre écrite de la main de Me Serge Moureaux et lue par sa femme Henriette. Elle reflète admirablement l’engagement de son auteur, son tempérament d’insurgé, sa passion pour la liberté et aussi sa profonde humilité et l’énorme affection qu’il avait pour nous. La voici in extenso : «Je vous dis tout mon regret de n’être pas parmi vous aujourd’hui.
Handicapé par les effets de l’âge, j’ai cependant la chance de voir mon pays reconnaître ceux qui, parmi les citoyens belges, ont pris conscience de l’injustice inouïe faite au peuple algérien.
Bloquée comme moi à Bruxelles, Cécile Draps, parmi les membres de notre collectif, a aussi la chance d’encore pouvoir témoigner.
Mais Marc de Kock et André Merchie, autres compagnons de la défense de rupture que nous exercions, nous ont quittés trop tôt. C’est à eux notamment que je pense quand on vient me demander de parler de ce collectif d’avocats belges, dont j’ai eu l’honneur d’assumer la responsabilité.
En Algérie, pour Cécile, à Paris, à Lille, à Douai, à Avesnes, à Valenciennes, à Dunkerque, à Bruxelles, à Rome ou à Dinant, Liège, Charleroi, nous avons tenté de donner à notre métier d’avocat la signification la plus large possible.
Et ce, toujours en harmonie avec la Fédération de France du FLN, dont le Comité fédéral nous manifestait sa confiance en dispensant avec tact et amitié ses directives.
Merci à Omar Boudaoud, à Amar Ladlani, à Ali Haroun, à Abdelmadjid Titouche, pour leur fraternité vigilante dans ce travail collectif au service d’une grande cause. Merci au Président Ferhat Abbas et M. Ahmed Francis, ministre du GPRA, de m’avoir accueilli aussi gentiment à Tunis.»
«Ce fut un véritable combat, très dur, pour la liberté»
L’auteur de Léopold III, la tentation autoritaire poursuit : «Mais il faut être clair. Le collectif, les réseaux de soutien, les Luc Somerhausen, Jacques Nagels, Maggy Rayet, Irénée Jacmain, Pierre Legrève, Jean Donneux, Jean Van Lierde, Lucien Pary ou mon épouse ont beaucoup donné de leur temps et de leur enthousiasme, mais ce n’est ni eux, ni moi, ni les réseaux belges et français qui ont assumé la victoire finale. Ce sont les Algériens eux-mêmes, le peuple algérien, son sens de l’organisation, qui ont reconquis une dignité confisquée.
C’est pourquoi, au moment de vous adresser ce message, c’est à des militants algériens que je pense, aux condamnés à mort de Douai sauvés de la guillotine, qui montraient l’exemple lors des grèves de la faim, planifiées par la Fédération et orchestrées par le collectif lors de réunions à Bruxelles ou à Lustin, à Me Popie, assassiné à Alger, Me Ould Aoudia à Paris, le professeur Laperches à Liège, mon ami Akli Aissiou, militant à l’Ugema, tué à Bruxelles par les services spéciaux français sur ordre du gouvernement du général de Gaulle. Car la guerre d’Algérie, ce fut un véritable combat, très dur, pour la liberté. Face aux tortures, aux exécutions sommaires, aux traitements inhumains et dégradants.
C’est à tous les jeunes militants de cette cause juste et impérieuse qu’il faut dédier nos pensées et ne pas transformer nos commémorations en auto-congratulations d’anciens combattants.»
Et de conclure : «Merci surtout de ma part à ces Algériens qui m’ont inculqué avec intelligence le sens de leur combat démocratique pour la liberté : Rahmoune Dekkar, Abdelkader Maachou, Mohamed Arbaoui, Akli Aissiou, et surtout cet incomparable maître de l’algérianité, Kateb Yacine, le poète inspiré qui alliait le sens de la beauté à celui de la culture.
Les islamistes ont profané sa tombe. Symbole puissant. Repose en paix mon frère. C’est ton Algérie qui brûle dans notre cœur.»
Les funérailles de Serge Moureaux auront lieu demain, mardi 30 avril, au crématorium de Ciney, dans la province de Namur. Repose en paix, Serge. Ton souvenir restera gravé à jamais dans notre cœur collectif.
59 ans après les essais nucléaires menés par la France en Algérie, dans la zone de Hamoudia, à Reggane, un ex-militaire français irradié est retourné sur le lieu des essais nucléaires pour éclairer l’opinion publique sur les effets de la radioactivité, conséquence pèsent toujours sur la santé humaine et l’environnement.
Doit-on craindre la guerre des généraux ? Les menaces récentes du général chef d’état-major contre l’ancien général chef du DRS (Département ou Direction du Renseignement et de la Sécurité) font froid dans le dos. D’autres généraux, anciens chefs des régions 1 et 2 si importantes pour la sécurité du pays sont déjà incarcérés ou en voie de l’être. Cette guerre doit cesser car elle risque d’entraîner un enchaînement aux conséquences incalculables sur l’unité et la stabilité de notre pays.
Plus grave encore, le chef d’état-major actuel déclarait ceci le Mardi 23 Avril 2019 : « J’ai appelé l’appareil de la justice, dans mes interventions précédentes, à accélérer la cadence des poursuites judiciaires concernant les affaires de corruption et de dilapidation des deniers publics et de juger tous ceux qui ont pillé l’argent du peuple ».
Si haut soit-il, si puissant qu’il peut être, le chef d’état-major n’est pas dans son rôle. Car rien ne l’autorise, ni lui ni toute l’ANP, à s’arroger des pouvoirs que la Constitution qui est brandie à tout propos, souvent à tort, ne lui donne pas. Il s’agit ni plus ni moins que d’une usurpation de pouvoirs que les lois du pays, que nul ne doit ignorer, encore moins piétiner, punissent sévèrement.
A quel titre le chef d’état-major se donnerait le pouvoir ou le beau rôle démagogique d’instruire la justice puisque les articles 165 et 166 de la Constitution disposent ceci :
Pour le premier : « Le juge n’obéit qu’à la loi ».
Pour le second : « Le juge est protégé contre toute forme de pression, intervention ou manœuvre de nature à nuire à l’accomplissement de sa mission ou au respect de son libre arbitre…. ».
Instaurer une justice politique est le dernier coup de grâce donné ces jours-ci aux institutions malmenées et chancelantes du pays. Car que veux-t-on au juste en envoyant en prison, en moins de vingt-quatre heures, dans des conditions dégradantes et humiliantes un Issad Rebrab mondialement connu et respecté pour les créations de richesses qu’il a été l’un des rares algériens à réaliser en Algérie comme ailleurs ?
Faut-il qu’un général ordonne ce qu’il faut faire à une justice supposée indépendante ?
Pourquoi n’a-t-on pas respecté toutes les étapes judiciaires ?
Pourquoi tant de précipitations et d’usurpations de pouvoirs ?
Veux-t-on provoquer une cassure, voire même des affrontements au sein du mouvement citoyen admirable et indomptable à ce jour ?
Veux-t-on des soulèvements en Kabylie ?
Il est grave de jouer avec l’unité et le destin de la nation.
Nous le disons avec respect et gravité : l’ANP (Il s’agit surtout de sa haute hiérarchie) doit se faire pardonner d’avoir fait et défait tous les présidents et chefs d’Etat algériens, de Benbella à Bensalah.
Se faire pardonner, c’est redonner le pouvoir au peuple souverain de choisir en toute liberté, en toute sérénité et en toute lucidité les hommes et les femmes qui doivent rapidement composer la Haute Autorité de Transition (HAT).Deux critères doivent prévaloir dans ce choix :
1- Ne pas avoir été « mêlé », ni de loin ni de près, à la gestion des affaires politiques depuis l’indépendance du pays en 1962
2- Avoir une haute autorité morale et être au-dessus de tout soupçon
Appliqués à la lettre, ces deux critères conduisent à proposer les noms suivants :
1-Mr Youcef Khatib dit colonel Hassan, ancien chef de la Wilaya IV et seul survivant de ce grade de la glorieuse ALN.
2-Mme Djamila Bouhired, ancienne condamnée à mort pour participation héroïque à la ‘’Bataille d’Alger’’.
3-Mme Djamila Boupacha, héroïne de la guerre d’indépendance.
4-Un représentant de l’ANP.
5-Un représentant du mouvement du 22 Février.
6-Un représentant du monde des travailleurs.
7-Un représentant du monde économique.
Cette autorité de transition aurait les pleins pouvoirs pour une période ne dépassant pas les six mois. Dès le jour de son installation au Palais d’El Mouradia ; elle prendrait par voie d’ordonnances les mesures suivantes :
1-Nomination d’un gouvernement de 15 à 20 membres.
2-Nomination d’une commission d’audit de 10 experts financiers et économiques pour examiner les comptes de la Nation.
3-Dissolution des trois institutions (APN, Conseil de la Nation et Conseil Constitutionnel) qui se sont compromises dans leur soumission au régime ancien.
4-Désignation d’une commission pour élaborer une nouvelle constitution. Y seraient désignés comme membres :
– Tous les doyens des Facultés de droit du pays
– Tous les secrétaires ou présidents des unions professionnelles du pays : Avocats, médecins, architectes, journalistes, sociologues, historiens, écrivains etc…
Ainsi toutes les régions et sensibilités du pays y seraient présentes de préférence à une assemblée constituante qui serait dans l’impossibilité d’adopter en peu de mois les trois premiers articles de nos constitutions qui portent, je le rappelle, sur l’identité, les langues et la religion du pays.
5-Enfin mesure immédiate, dès après dissolution des trois institutions défaillantes, procéder à l’augmentation (mai 2019) des bas salaires dans les corporations suivantes :
Education nationale, personnel hospitalier, fonctions publiques nationale et territoriale et enfin bourses des étudiants. D’autres corporations pourraient en bénéficier après étude.
Les crédits alloués mensuellement aux ‘’bas salaires’’ proviendraient, au dinar prés, des indemnités des parlementaires déjà budgétées dès lors que la dissolution des 3 institutions indiquées ci-haut dégagerait des montants qui peuvent se chiffrer à plusieurs centaines de milliards de dinars en centimes.
Le temps presse et la situation du pays risque d’échapper à tout contrôle, y compris celui de l’ANP. Celle-ci doit être mise, par un dernier appel solennel du peuple dès vendredi, face à ses responsabilités historiques : ou elle accepte d’installer sous quinzaine la Haute autorité proposée ci-haut dont les noms peuvent changer au jugement du seul peuple ou bien des grèves nationales et générales qui paralyseraient tout le pays viendraient relayer les manifestations qui ne peuvent pas durer indéfiniment.
L’honneur de l’ANP est de prouver concrètement, clairement et « immédiatement » qu’elle est aux côtés du peuple puisqu’elle dit qu’elle en est issue.
*Khalfa Mameri est auteur, ancien Maître de conférences
Les commentaires récents