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Quand le Fort turc devient «place Pepsi»
Cherchell, l’antique Iol-Caesarea, l’ex-ville royale numide qui fut la
capitale d’un immense territoire de l’Afrique du Nord vit, à présent,
dans un état de déliquescence très avancé.
Cet état de fait engendre une situation qui s’explique par la passivité
de ses habitants, d’une part, et d’autre part, l’insouciance de ses
gestionnaires. Rayonnante dans le passé, écœurante à présent. Inutile de
citer la longue liste des actes de vandalisme perpétrés dans ce petit
bout du bassin méditerranéen qui avait fait rêver moult personnalités de
notoriété internationale. Destruction des monuments historiques,
disparition des us et coutumes de la ville, transformation des quartiers
devenus méconnaissables, des repères anéantis, plongeant la jeunesse
dans un univers de démobilisation et de déprime.
Depuis des décennies, l’affairisme et l’égoïsme ont caractérisé sa
gestion. Elle est livrée à des «OTNI» (Objets terrestres non identifiés,
ndlr) qui ne se soucient guère de son avenir, ni de celui des enfants
qui vivent dans cette cité. Pourtant, durant la guerre de Libération
nationale, les jeunes femmes et hommes, de cette localité au passé
riche, s’étaient mobilisés pour sacrifier leur vie à la libération de
leur pays, à l’instar des autres jeunes patriotes de tous les coins d’
Algérie.
La besogne continue malheureusement en toute impunité. Les citoyens
sont immunisés contre le bon sens. Le Fort turc de la ville, un monument
historique surplombant le port de Cherchell, son archéologie et ses
canons, usés par l’érosion marine et après avoir été rasé entièrement
durant les années 1990, voit son appellation changer aujourd’hui.
Désormais, elle porte le nom de «place Pepsi». Un exemple stupide qui
surgit en ce début de la saison estivale. Par ailleurs, la ville est
devenue trop exiguë, en raison du déficit flagrant en axes routiers. La
prolifération des constructions illicites a explosé dans les forêts et
sur le littoral. L’insalubrité s’est installée partout, en dépit des
efforts de deux associations locales de jeunes, désarmés face à
l’ampleur du problème.
Les autorités locales de cette ville ne veulent pas trouver de terrains
pour la construction d’infrastructures pour favoriser un développement
physique et intellectuel des jeunes. L’oisiveté a accentué l’ascension
de la courbe des maux sociaux. Les bonnes paroles et les beaux gestes
ont disparu. Bien qu’il traîne des casseroles depuis son installation
(transactions douteuses), l’un des imams, venu d’ailleurs, est devenu
très influent auprès des incultes, par la force de ses discours. Se
prenant pour un messie, il ne se gêne pas pour affirmer qu’il a remis la
ville de Cherchell sur de bons rails, au point qu’il a pesé de tout son
poids pour mener une campagne électorale au profit de l’actuelle équipe
dirigeante de l’APC. Orpheline, la ville de Cherchell, qui a connu
plusieurs civilisations, assiste impuissante à la disparition de ses
repères.
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M'hamed Houaoura
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