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Sur le chemin menant de Marengo à El-Affroun, la création d’un nouveau centre avait été décidée, par arrêté du 23 février 1848.
Son territoire s’étendra sur 1500 ha (50 à 60 feux), dont 520 en terres à défricher et 650 pouvant être cultivés immédiatement. Il fut assez difficile à rassembler et l’administration dut exproprier des terres contre indemnités ou échanges. Le génie fut chargé de la construction des maisons et de l’adduction d’eau. 51 maisons étaient terminées en mai 1850, mais le centre resta inoccupé.
Fin janvier 1851, huit familles suisses du Bas-Valais, nanties par leur canton d’origine d’un pécule de 375 francs vinrent s’y installer. Ils défrichèrent leurs jardins et écrivirent à des compatriotes de venir les rejoindre.
En mars, 16 nouvelles familles arrivaient, puis une quarantaine d’autres. La colonie comptait alors 283 personnes, placées sous l’administration du Capitaine Blanc, d’El-Affroun. Rapidement, l’administration demande à ce dernier d’engager les célibataires à quitter le centre et à les expulser au besoin, s’ils ne donnent pas satisfaction.
Avec les chaleurs de l’été, le pa1udisme fit son apparition, La colonie est décimée par les fièvres et la chaleur. "Il n’y a plus de gaîté ni d’entrain, écrit la Directeur, mais de la tristesse et de l’abattement dans les maisons encombrées de malades où tout le monde s’enferme, de peur du siroco et du soleil.« Il demande des secours, et qu’on procède le plus rapidement possible au lotissement des terres. "La misère est grande dans les ménages ; les moyens d’existence accordés sont insuffisants, surtout pour les malades. On ne peut acheter que du pain et fort peu avec 0,25 f. Il serait urgent de leur allouer une demi-livre de viande jusqu’au mois d’octobre »
Un rapport du Docteur Vincent, médecin de la colonie, explique que les, émigrants suisses sont une proie toute désignée pour la maladie. Leur état se traduit par des goitres chez les femmes, par une anémie et un développement difficile chez les jeunes filles, par des tares physiques et mentales chez les hommes. Le climat et la misère ne peuvent qu’empirer cet état. Il leur fît distribuer 50 manuel d’hygiène. Devant leur dénuement, le Gouvernement général leur alloua une indemnité supplémentaire de 0,50 f, leur fît distribuer cent paillasses. Une quatrième religieuse vint les assister.
A un regain du paludisme en octobre, beaucoup quittèrent le village qui ne comptera plus en fin d’année que 144 habitants contre 283 fin juillet. 57 personnes sont mortes au cours de l’année, un cinquième ! 82 sont parties.
En 1852 aménagements sont réalisés pour l’assainissement et 1’adduction d’eau. Au début de l’année, sept familles d’Alsaciens, puis onze familles de Francs-comtois arrivent de Bourkika qui sera peuplé de déportés politiques. La colonie compte 222 personnes.
Fin mars, le directeur se déclare satisfait. Malgré la maigre indemnité qui leur est allouée, chaque colon abandonne 5 centimes par jour pour constituer un fonds de secours. Il se félicite du bon exemple apporté dans la colonie par les Alsaciens et les Francs-Comtois. Hélas ! ces derniers vont payer un lourd tribut au paludisme et, en octobre, il n’en reste plus que 5 familles frappées par la mort. Les autres sont parties, éprouvées elles aussi.
Le rapport de septembre du directeur est moins optimiste que celui du 31 mars. Il se plaint de "l’apathie des familles suisses, qui composent encore la majorité de la colonie et dont le canton du Valais un paraît avoir favorisé l’émigration parce qu’elles étaient à charge'.Elles enferment des crétins et des goitreux qui ne sont pas démoralisés parce qu’ils n’ont pas l’intelligence de penser au lendemain. Quoique ayant des habitudes de religion, elles sont affligées du vice de l’ivrognerie dans les deux sexes et d’une grande immoralité chez les femmes '' . Jugement bien dur !
A ce moment là, la population ne compte plus que 169 personnes, dont 31 enfants de moins de 7 ans, contre 211 en juin. Il y a bien eu 2 naissances, mais 28 départs et 18 décès. Et le nombre de décès ne fait que croître au cours du dernier trimestre : 35, ce qui porte leur nombre à 53 au cours de 1852 (238 pour mille).
Et le lotissement demandé à grands cris ne se fera qu’en novembre 1853 !
Les archives d’outre-mer possèdent la liste des concessionnaires au 2 août 1854 : 23 familles françaises, 17 suisses, 2 prussiennes, 1 belge et 2 italiennes. Ce même état porte une appréciation du directeur de 1a colonie sur chaque chef de famille : 19 concessionnaires sont jugés bons ou assez bons (l’un deux est noté comme sachant écrire), 15 autres, la plupart buveurs, médiocres ou mauvais, 6 habitent ailleurs et 5 lots sont abandonnés.
Nous ne retracerons pas la vie d’Ameur-el-Aïn, qui déborde ce cadre. Disons simplement que la colonie se développa lentement. Les vides créés par les décès ou les départs furent comblés, le plus souvent par des agriculteurs soit immigrants, soit du pays.
Grâce aux travaux d’assainissement, notamment dans la région du lac, les décès passèrent, entre 1852 et 1859, de 238 pour mille à 25 pour mille. Toutefois, la population ne retrouvera pas, en1859 (235) son chiffre de juillet 1851 (282).
L’élément européen n’y sera jamais très élevé. Il atteindra 605 habitants, dont 21 étrangers, en 1954. Par contre, l’élément indigène, lui, sera à cette date plus de 8 fois supérieur. Ce fait tient en partie à ce que plus de la moitié des propriétaires dépassent 40 hectares, un cinquième dépassent 100 ha, employant surtout de la main d’œuvre indigène. Ameur-el-Aïn a le plus fort pourcentage de propriétés dépassant 40 ha des 28 communes de la plaine , 50,98% ; devant Attatba 48,93, Bourkika 40% loin devant Marengo 11,26%.
La presque totalité des terres cultivées (78%) sera constituée par des vignes à rendement élevé (70 hl/ha), ce qui fera d’Ameur-el-Aïn une des plus fortes productrice de vin de la Mitidja.
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CHATTERBACH.-
A 2,5 km à l’est d’Ameur-el-Aïn fut créé en 1853 le hameau de Chatterbach qui eut une destinée malheureuse. Lors du séisme de janvier 1867, les 20 maisons qui le constituaient furent entièrement détruites, ainsi que le lavoir, l’abreuvoir et la fontaine. Plusieurs propriétaires vendirent leurs terre ; le hameau fut presque entièrement dépeuplé.
En avril 1878, les sept propriétaires restants demandaient encore la réparation de la fontaine. Un seul y résidait encore. Deux autres maisons avaient été restaurées par les indigènes. L’alimentation en eau était assurée par un petit barrage dans un ravin.
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