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Colline Ouest - du côtè d'Alger
LE PROMONTOIRE DE SAINTE-SALSA
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. carte
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'Entik.'. .. TIPAZA...ANTIQUE
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" Il n'est pas de ruines qui s'offrent dans un cadre plus séduisant que celles de Tipasa. On devient ici archéologue, même quand on n'a pas la vocation, ne serait-ce que pour se donner un prétexte à de charmantes promenades dans un des sites les plus pittoresques de l'Algérie. "
Stéphane GSELL.
"Promenades Archéologiques".
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Extrait de 'Noces' de Camus:
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"Que d'heures passées à écraser les absinthes, caresser les
ruines, à tenter d'accorder ma respiration aux soupirs tumultueux du
monde! Enfoncé parmi les odeurs sauvages et les concerts d'insectes
somnolents, j'ouvre les yeux et mon coeur à la grandeur insoutenable de
ce ciel gorgé de chaleur. Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on
est, de retrouver sa mesure profonde. Mais à regarder l'échine solide
du Chenoua, mon coeur se calmait d'une étrange certitude. J'apprenais à
respirer, je m'intégrais et je m'accomplissais. Je gravissais l'un
après l'autre des coteaux dont chacun me réservait une récompense,
comme ce temple dont les colonnes mesurent la course du soleil et d'où
l'on voit le village entier, ses murs blancs et roses et ses vérandas
vertes. Comme aussi cette basilique sur la colline Est (...). La
basilique Sainte-Salsa
est chrétienne mais chaque fois qu'on regarde par une ouverture, c'est
la mélodie du monde qui parvient jusqu'à nous: coteaux plantés de pins
et de cyprès, ou bien la mer qui roule ses chiens blancs à une
vingtaine de mètres."
basilique de sainte-Salsa
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Il est absolument indispensable de consacrer au moins deux heure au moins à la visite de ce site grandiose, tout pétri de souvenirs historiques, de foi et de pieuses légendes.
ci comme pour le promontoire de l'Ouest, on est à l'extrême limite de la ville antique, et l'on aura une idée exacte des dimensions de l'enceinte de Tipaza en regardant le cap sur lequel se dresse le phare : la ville s'étendait au delà sur une longueur aussi grande que celle située en deçà.
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PORTE DE L'EST - AREA FUNERAIRE BASILIQUE ORIENTALE
ET NECROPOLE
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---Nous sommes ici sur la voie littorale d'Icosium (Alger).
Dès l'entrée, nous remarquerons les témoins bien modestes décelés par photographie aérienne alors qu'ils étaient encore recouverts de terre, les traces d'usure des roues dans le rocher et les restes d'une huillerie ; en suivant les traces de la voie, nous arriverons à la porte ouverte dans l'enceinte orientale.
---Les sondages effectués sur une propriété privée n'avaient permis qu'une série d'approximations sur cette zone, aujourd'hui acquise par l'Etat et dont la fouille méthodique a pu être entreprise depuis la fin de 1949.
---La porte étroite, au seuil usé par les charrois, vient de livrer (1951) le premier élément d'inscription permettant de dater avec précision un monument de Tipaza : nous savons rnaintenant que cette porte - et par conséquent la muraille d'enceinte à travers laquelle elle s'ouvrait - était construite quelques années avant le milieu du IIe siècle (exactement entre le 10 décembre 146 et le 9 décembre 147).
---On remarquera immédiatement ici comment l'enceinte (longue de 2.300 mètres) et surtout comment ses tours - au nombre de 31 - ont été détruites sous la domination vandale, vers le milieu du Ve siècle, avec une science comparable à celle des constructeurs : les murs ont été entaillés en biseau, et des troncs d'arbres ont sans doute été utilisés comme leviers pour basculer les masses énormes des tours hautes de 8 à 9 mètres, qui ont roulé un peu plus loin. L'une d'elles a bouché le passage de la porte et obligé les habitants à en démolir le montant Nord construit en pierre de taille, moins homogène par conséquent que le béton compact dans lequel sont noyés des lits horizontaux de pierres.
---Immédiatement au Nord-Est de la porte, s'étend un ensemble absolument remarquable de souvenirs chrétiens.
---D'abord, un petit enclos, très simple, aux murs en pierres liées à la boue, auquel on accédait depuis la voie par quelques marches : c'est une area funéraire contenant des sarcophages particulièrement vénérés. Elle est accolée au mur Sud d'une basilique avec laquelle elle ne communique pas.
---On pénètrera dans cette basilique après avoir suivi la partie interne de l'enceinte (côté du village) et remarqué le départ de l'escalier qui, supporté par deux arcs - dont il ne reste que les culées, - atteignait le haut (9 mètres) de l'orgueilleuse tour commandant la porte, basculée elle aussi depuis quinze siècles.
---La basilique présente quelques détails intéressants : son abside, située en arrière de l'autel, à laquelle on accédait par deux escaliers de trois marches et ses deux sacristies latérales. L'une donnait de plain-pied sur l'abside, et l'autre sur la travée droite. C'est par celle-ci que le clergé sortait processionnellement avant d'arriver, par l'extrémité opposée à l'autel, dans la travée centrale ; cette dernière était séparée des deux autres par des grilles dont on voit encore les encastrements.
---Les restes d'une inscription en marbre trouvée au cours des fouilles nous prouvent la dévotion des fidèles pour des reliques ayant appartenu " aux bienheureux martyrs Pierre et Paul ".
---Aussi comprenons-nous pourquoi tant de sarcophages sont venus se serrer autour de ce lieu vénéré, utilisant le moindre recoin disponible et s'entassant même à l'intérieur d'une petite carrière d'où l'extraction des pierres tombales avait été abandonnée. Située immédiatement à l'extérieur du rempart, la basilique orientale eut certainement à souffrir des hommes à diverses reprises : à cet acharnement de destruction, les Tipaziens répondirent par leur obstination à la réédifier en l'agrandissant jusqu'à la muraille d'en-ceinte, après que celle-ci eut été démantelée.
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DE LA BASILIQUE ORIENTALE A CELLE DE SAINTE-SALSA
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---On longera les restes du mur d'enceinte et de deux de v ses tours carrées à escaliers extérieurs, jusqu'à l'assiette de la tour cylindrique d'où la vue s'étendait sur la totalité des remparts de Tipaza ; ici, l'escalier était intérieur, comme pour la tour symétrique qui, du côté Ouest, la jonction des murailles avec la falaise.
---On se dirigera ensuite vers le sommet de la colline en empruntant un des deux sentiers : soit celui du bord de mer (dangereux quand le sol est glissant) qui serpente le long des falaises de couleur ocre, soit celui qui contourne les centaines de sarcophages de l'immense nécropole chrétienne, parmi les asphodèles et les cyclamens.
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BASILIQUE DE SAINTE-SALSA
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---Ici, comme à la basilique orientale ou à celle de l'évêque Alexandre, on constate tout de suite un pôle d'attraction pour les sarcophages qui se serrent de plus en plus au fur et à mesure que l'on approche des pans de mur couleur de pain grillé, restes du sanctuaire dédié à un enfant de la petite cité maurétanienne : Salsa.
---Salsa, nous dit l'hagiographie, avait quatorze ans quand, dans son indignation de voir adorer une idole de bronze, elle la jeta à terre, la brisa et en lança la tête à la mer. Revenant au temple pour y chercher d'autres fragments, elle se heurta à la populace déchaînée qui la lapida et, à son tour, la précipita dans les flots. L'histoire de Sainte-Salsa, écrite au Ve siècle par un Tipazien, est venue jusqu'à nous, toute brodée de légendes édifiantes et fleurant délicieusement l'âme populaire de ces débuts du christianisme. Elle nous raconte que la mer se déchaîna dès qu'elle reçut le corps de l'enfant et qu'un voyageur venant de Gaule, dont le bateau était en perdition à l'entrée du port, retrouva miraculeusement la petite morte. Dès lors, la mer s'apaise et le vent tombe. Et le corps de la jeune martyre fut porté dans une humble chapelle, au-dessus même du port. C'est à peu près certainement par la porte orientale que ce cortège funèbre, comme tant d'autres, traversa l'enceinte de la ville pour pénétrer dans la cité des morts.
---La chapelle primitive s'est transformée et agrandie au cours des siècles. Au Ve et au VIe, la vaste basilique à trois nefs et tribunes latérales, ne laisse déjà plus imaginer que difficilement le petit édifice qui reçut son précieux dépôt.
---Un sarcophage en marbre de très belle qualité, mais entièrement brisé, a été retrouvé, devant la place qu'occupait l'autel, avec le caisson funéraire de Fabia Salsa, sans doute aïeule de la petite martyre.
---Découverte par Stéphane Gsell et l'abbé Grandidier, la basilique de Sainte-Salsa était ornée de mosaïques dont il ne reste à peu près plus rien aujourd'hui. Seul, un panneau a pu être sauvé et transporté au musée d'Alger : c'est l'inscription qui authentifie, " au lieu où brille le saint autel ", l'endroit où " repose la martyre Salsa, toujours plus douce que le nectar, qui a mérité d'habiter toujours au Ciel, en pleine béatitude ".
Tout autour de la basilique se pressent des centaines de tombes. Certains sarcophages ont une ornementation très fruste ; beaucoup étaient ornés de mosaïques à sujets et à inscriptions ; quelques-unes nous prouvent que l'on venait ici de fort loin, du Sud de la Numidie, d'Italie et même d'Asie Mineure.
----Il ne faut pas quitter ce haut lieu, - où tant de Foi se cristallisa pendant des siècles, qui vit passer les hordes barbares du révolté Firmus comme celles victorieuses des Vandales, et qui dresse toujours devant nos yeux la piété des Tipaziens envers une de ses plus jeunes martyres, -- sans remarquer deux areae émouvantes.
---Celle du Nord montre, encore intacts, ses murs et ses fenêtres en pierre ajourée entourant le sarcophage inviolé sur lequel avait été construite une mensa ou table d'agapes dont le symbolisme est touchant : c'est là que, couchés sur le côté gauche, à proximité de la cavité centrale où étaient déposés des aliments, les proches pouvaient se réunir et communier par la pensée avec celui qui reposait sous la lourde dalle.
---A quelques mètres au sud de la basilique, autre ares ; des tombes sont venues tardivement l'envahir, probablement pour se rapprocher du massif de maçonnerie primitif recouvrant un sarcophage vénéré. Il s'agit là d'un martyrium, comme celui de la basilique de l'évêque Alexandre et témoin, comme lui, de ce que fut le culte des martyrs à Tipaza dès qu'il put se manifester.
Le couloir, - décoré de colonnes engagées et de pilastres que coiffent des chapiteaux corinthiens, permettait aux fidèles de passer sans entrer et de se recueillir devant ce martyrium si parfaitement conservé.
---Le visiteur disposant d'un peu de temps ne regrettera pas de suivre le sentier (vert) conduisant à une carrière antique creusée dans la falaise septentrionale de la colline de Sainte-Salsa : il pourra emprunter les marches antiques taillées dans le roc pour l'exploitation, et suivre, dans un site admirable, les différentes étapes d'extraction des sarcophages.
----En revenant au point de départ, on cheminera parmi les tombes. Comment sont-elles qroupées ? Pourquoi cette petite agglomération de sarcophages d'enfants ? Pendant combien de siècles fut utilisée cette nécropole qui, à certains endroits, montre trois étages de tombes superposées ?
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---Ici, reposent anonymement des familles d'agriculteurs et d'artisans d'une petite bourgade africaine, avec ceux qui ont navigué sur la mer romaine et les soldats venus de tous les horizons d'un immense empire. Ils ont travaillé avec ardeur. Ils ont défendu avec acharnement leurs croyances et leur cité. Ils ont lutté sans se laisser abattre. Bien souvent, leur oeuvre est pour nous une leçon et un exemple.
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Jean Baradès, archéologue. Directeur des Fouilles de Tipaza
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Église et nécropole de, Sainte Salsa
Sur la colline dé l'Est a été' découverte, en 1891, l'église construite sur le tombeau de Sainte Salsa. D'abord, petite chapelle au IV" siècle, elle est devenue, au Ve et au VI siècle, un vaste édifice religieux à trois nefs, avec des tribunes latérales. Un sarcophage païen en marbre "renfermait, dans le chœur, 'le corps de, la sainte et, au-dessous, on a retrouvé l'épitaphe païenne, encore en place, de Fabia Salsa, aïeule, sans doute, de la fillette martyrisée. Des mosaïques, malheureusement détruites, entouraient le pieux monument. En 1932,furent dégagées, à leur tour, les -centaines de tombes qui, au cours des siècles, avaient étroitement encerclé l'église -, ces sarcophages en pierre, primitivement ornés de mosaïques à sujets et à inscriptions, sont, dans leur rudesse dépouillée, d'une austérité et d'une grandeur impressionnantes. Quelques épitaphes nous apprennent que les défunts qui dorment là leur dernier sommeil étaient venus parfois de très loin d'Afrique, d'Italie et même d'Asie Mineure. Au milieu d'eux, une chambre d'agapes conserve intacts ses murs percés de fenêtres, sa table en maçonnerie érigée sur un sarcophage inviolé, sa porte surmontée d'une inscription grecque symbolique : " Ichtris ". Des-tombes de types divers dévalent jusqu'à la falaise qui surplombe la mer, d'autres chapelles funéraires se dressent à peu de distance. Ce cimetière, d'ailleurs, n'est pas, entièrement dégagé.
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Louis LESCHI, Correspondant de l'Institut, Directeur des Antiquités de l'Algérie
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S A L S A
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Murmure d'une plaine noyée
Dans les débris du silence des temples
C'est l'âme de l'infante martyre
Qui revient bercer le crépuscule
Elle revient frémissante plus douce que jamais
Ceuillir des cyclamens de son printemps envolé
Ô toi Salsa vierge des mers
De leur Dieu de bronze que tu précipitas dans les eaux
Tes bourreaux par leur geste infâmes t'infligeant le même sort
Tu fus receuillie par les eaux telle une reine
Ton ombre dans l'onde effleure tes pierres
Et sur la colline aimée
Se corbent les oliviers
Tu erres candide sur l'etendue des ruines
Et tu reviens à chaque lune èblouir les Dieux
Chante oh! toi la brise du ''Mont Chenoua''
Soufle dans les tamaris la passion de Salsa
L'encens des absinthes enivre le vent
On murmure tous-bas dans les pins
Dans ses voiles, pâle et sereine
Portant son âme en offrande
La Sainte Salsa rendant grâce à Dieu.
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