Rédigé le 20/04/2024 à 21:13 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
La solidarité avec la Palestine est devenue un délit. Vouloir l’exprimer par la parole, l’écrit ou la manifestation, est passible de convocation policière, de condamnation pénale ou d’interdiction préalable. Tous les démocrates devraient s’en inquiéter.
DesDes préfets aux parquets en passant par les policiers, le gouvernement a donc fait passer la consigne : afficher sa solidarité avec la Palestine est un délit potentiel.
Tandis que ne sont aucunement inquiétés les excès des ultras de la cause israélienne, dont le député LR Meyer Habib se fait le bruyant porte-parole, le moindre soupçon d’ambiguïté vis-à-vis des actions du Hamas ou de la légitimité d’Israël sert de prétexte pour faire taire, intimider ou stigmatiser les voix militantes de la cause palestinienne, promptement accusées de terrorisme ou d’antisémitisme.
À Toulouse, le 25 octobre 2023. © Patrick Batard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Qu’on en juge. Un syndicaliste CGT a été condamné à un an de prison avec sursis pour un simple tract diffusé après les massacres du 7 octobre 2023. Dans une formulation malvenue, qu’il reconnaîtra volontiers à la barre du tribunal, il entendait dénoncer cet engrenage fatal dans lequel la violence coloniale entraîne la violence terroriste.
Avant le procès, de nombreuses personnalités syndicales et associatives s’étaient inquiétées de cette volonté « d’assimiler toute contestation politique ou sociale à du terrorisme », tandis que la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, alertait sur un « contexte de répression […] inédit depuis l’après-guerre ». En vain, le tribunal de Lille ayant suivi à la lettre les réquisitions de la procureure de la République.
Pour avoir pareillement, sur les réseaux sociaux, inscrit l’attaque terroriste du Hamas dans la longue durée du conflit israélo-palestinien, plusieurs activistes, dont la militante antiraciste Sihame Assbague, sont convoqué·es par la police pour des auditions au motif d’une « apologie du terrorisme ». Parmi eux, la juriste franco-palestinienne Rima Hassan qui fait campagne aux élections européennes, en septième position sur la liste de La France insoumise.
Sa convocation lui a été notifiée au lendemain de la double interdiction, par le président d’université puis par le préfet de région, du meeting pour la Palestine qu’elle devait tenir à Lille, en compagnie de Jean-Luc Mélenchon. Dénonçant « un climat général tendant à faire taire les voix qui s’élèvent pour appeler à la protection des droits des Palestiniens et condamner les exactions commises par Israël dans la bande de Gaza », son avocat, Me Vincent Brengarth, s’alarme d’un dévoiement de l’infraction d’apologie du terrorisme « au profit d’une criminalisation évidente de la pensée ».
Le même jour, le tribunal administratif, statuant en référé, s’alarmait d’une « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation » en annulant la décision du préfet de police de Paris d’interdire la marche du 21 avril « contre le racisme, l’islamophobie et pour la protection de tous les enfants », au prétexte qu’elle pouvait « porter en son sein des slogans antisémites ». Dans son jugement, le tribunal souligne, au contraire, que les organisateurs avaient prévu « de contrôler les prises de parole au micro afin de faire obstacle à tout discours antisémite ».
Ce ne sont là que les manifestations les plus visibles d’une suspicion générale qu’amplifient les médias de masse, radio et télévision, aux mains de propagandistes d’extrême droite grâce à l’impunité audiovisuelle dont bénéficie le groupe Bolloré dans le camp présidentiel. Mais elle déborde bien au-delà jusqu’à être relayée par des figures politiques se réclamant de l’opposition de gauche socialiste, dont certaines n’hésitent d’ailleurs pas à l’exprimer sur ces mêmes chaînes dévolues à la haine du musulman, de l’Arabe et de l’immigré.
La Palestine sert ici d’énième prétexte pour banaliser ces thématiques discriminantes en assumant l’importation en France d’un conflit de civilisation, où Israël serait une bastille occidentale face au péril islamiste. Loin du bruit médiatique, il faut imaginer les conséquences muettes et silencieuses pour les concerné·es, pas forcément militants, encore moins radicaux, que tous ces mots et tous ces actes blessent au plus profond de leur être.
Au point qu’ils se sentent désormais exclu·es de leur propre pays ; tellement grande est leur solitude en l’absence d’indignation massive et de solidarité étatique face aux stigmatisations qu’ils vivent. Bientôt en librairie sous l’intitulé La France, tu l’aimes mais tu la quittes (Seuil), une vaste enquête sociologique sur la diaspora française musulmane montre que des milliers de Français et Françaises ont déjà quitté leur pays, depuis la terrible année des attentats de 2015 (lire cette récente enquête du Monde).
Polémiques récurrentes sur les tenues des élèves musulmanes, sanctions administratives contre des lycées privés musulmans, intolérance vis-à-vis du jeûne du ramadan dans le football : en s’en tenant aux seuls derniers mois, c’est peu dire que cette persécution est devenue banale, acceptée par la plupart des courants politiques. La diabolisation des engagements en faveur de la cause palestinienne s’y ajoute, moyen polémique de jeter, s’il en était encore besoin, un peu plus d’huile sur le feu. Un feu qui se répand depuis si longtemps déjà, dans une sinistre indifférence.
Car les interdits qui, aujourd’hui, frappent l’expression de la solidarité avec la Palestine s’inscrivent dans la continuité de la décennie écoulée. Déjà, à l’été 2014, le pouvoir socialiste incarné par François Hollande et Manuel Valls s’était saisi de la précédente guerre d’Israël contre Gaza pour porter atteinte aux libertés fondamentales par des interdictions préalables de manifestations. Mais aussi pour installer l’assimilation à une renaissance de l’antisémitisme de toute critique du sionisme, en tant que mouvement national juif ayant dénié ses droits au mouvement national palestinien (lire mon parti pris à l’époque).
Depuis, il y eut les rengaines sur l’islamo-gauchisme, la chasse au wokisme universitaire, la théorisation d’un « djihadisme d’atmosphère ». En 2020, la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France marquait un saut dans la répression de l’auto-organisation des populations ciblées par ces campagnes. En 2021, un cran supplémentaire fut franchi avec le vote de la loi contre le séparatisme dont on a rapidement compris, avec l’invention de l’« écoterrorisme » contre les activistes écologistes, qu’elle viserait toute dissidence.
Aucun désaccord politique à propos du conflit israélo-palestinien ne saurait s’accommoder de cette dérive qui, en définitive, ruine non seulement la démocratie, en violant ses libertés fondamentales, mais surtout abîme la France, en humiliant la diversité de son peuple. La référence historique qui convient est le maccarthysme états-unien du début des années 1950 – par ailleurs homophobe et antisémite. Il instaura une ignominieuse « chasse aux sorcières » visant tout ce qui pouvait être suspecté de compromission avec le communisme. Oui, tout : idées, engagements, créations, œuvres, écrits, biographies, professions, relations, amitiés, fréquentations, etc.
En France, mais aussi en Allemagne comme en témoigne la scandaleuse censure à Berlin de Yánis Varoufákis, un nouveau maccarthysme s’installe, prenant en otage le drame vécu par Palestiniens et Israéliens pour faire taire toute interrogation dérangeante sur le cours périlleux du monde, sur le respect universel de l’égalité des droits, sur la violence de toute colonisation, sur les exigences d’un droit international, sur le surgissement de barbaries au cœur des civilisations, sur les indifférences et les aveuglements qui mènent aux catastrophes, etc.
Le maccarthysme fut surnommé « peur rouge » (« Red Scare »), et c’est bien de peur qu’il s’agit. « Politique de la peur » : cette expression fut forgée dans le débat américain pour décrire la réaction des États-Unis après les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Elle résume une réaction politique insufflée par une panique existentielle qui, loin de mettre fin à la menace et au péril qu’elle entendait juguler, ne fit qu’accroître les désordres qui les alimentent. Deux décennies plus tard, le terrorisme islamiste s’est démultiplié, la puissance iranienne s’est renforcée et le ressentiment anti-occidental s’est enraciné.
Entre-temps, que de principes reniés et que d’humanités brisées ! Du « Patriot Act », loi d’exception, à Guantánamo, bagne illégal, en passant par le feu vert à la torture durant les interrogatoires et, surtout, par l’invasion guerrière de l’Irak sur la foi d’un mensonge médiatique, cet aveuglement nord-américain a violenté toutes les valeurs démocratiques au nom desquelles cette riposte se faisait. Le monde entier en paye aujourd’hui le tribut, gagné par une brutalisation sans frein, dans les relations internationales comme en politiques intérieures, qu’illustrent aussi bien Vladimir Poutine que Donald Trump.
Les voix minoritaires, dont la notable exception française portée par Dominique de Villepin, qui ont alerté sur cette course au désastre, en appelant au secours le droit international et en défendant la Charte des Nations unies, avaient donc raison, même si elles furent impuissantes à l’enrayer. Tout comme, de nos jours, ont raison les voix, au premier rang desquelles celle du secrétaire général de l’ONU, qui condamnent la fuite en avant guerrière, et potentiellement génocidaire selon la Cour internationale de justice, d’Israël dans sa riposte aux massacres terroristes du 7 octobre 2023.
Vivant l’attaque du Hamas à l’instar du 11-Septembre comme une menace existentielle, l’appareil politico-militaire israélien réédite cette « politique de la peur » en infligeant au peuple palestinien une terrible punition collective qui, loin de garantir la sécurité future de l’État d’Israël, accroît sa fragilité géopolitique et son discrédit diplomatique. Que seul un veto solitaire des États-Unis ait empêché, cette semaine, la reconnaissance de l’État de Palestine comme membre de plein droit des Nations unies, résume cet engrenage fatal où la force aveugle se révèle l’aveu d’une faiblesse.
Car c’est évidemment la non-résolution de la question palestinienne qui est à l’origine de cette situation éminemment périlleuse où se joue la paix du monde. Tant qu’il ne sera pas mis fin à l’injustice durable, ancienne, réitérée et répétée, faite au peuple palestinien, tant que ne sera pas reconnu par les dirigeants israéliens son droit à vivre dans un État souverain après qu’il eut subi en partie l’expulsion de 1948, puis la colonisation depuis 1967, aucun des deux peuples ne pourra vivre en sécurité pour lui-même, encore moins en sérénité avec l’autre.
L’histoire ne s’est pas arrêtée au 7 octobre 2023, pas plus qu’elle ne s’est immobilisée le 11 septembre 2001. La « politique de la peur » voudrait nous enfermer dans un présent éternel, figé sur la date d’un massacre qui serait sans cause, sans histoire, sans contexte. Interdisant l’explication, la complexité et la sensibilité, elle est une sommation à ne plus penser librement et différemment, ce que résume l’exigence d’inconditionnalité qui signifie le renoncement à toute critique.
Dès lors, dans sa diversité, la solidarité avec la Palestine, qui elle-même ne saurait être inconditionnelle, est légitime, ne serait-ce que pour sauver ce principe démocratique de liberté de pensée et du droit à la critique. Ce n’est pas seulement affaire d’humanité, face au martyre incommensurable de Gaza, mais une question de politique, face au péril autoritaire ici même en France. Par-delà leurs différences et leurs divergences, toutes les forces qui se revendiquent d’une démocratie vivante et pluraliste devraient donc, d’une même voix, unie et ferme, exiger que cette solidarité puisse s’exprimer librement.
Edwy Plenel
Rédigé le 20/04/2024 à 20:46 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
es personnes inspectant les dégâts parmi les décombres de bâtiments détruits lors d’un bombardement israélien à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 16 avril 2024, alors que les combats se poursuivent entre Israël et le groupe militant palestinien Hamas. Photo d’illustration AFP
Il est difficile d’imaginer que quiconque au Levant et même dans tout le Moyen-Orient soit parvenu à dormir dans la nuit de samedi à dimanche dernier, alors que l’Iran lançait sur des sites stratégiques en Israël et sur les colonies israéliennes de Cisjordanie occupée des centaines de drones et de missiles balistiques.
Drones et missiles ont presque tous été interceptés avant d’atteindre leur cible, suite aux efforts coordonnés des États-Unis, d’Israël, de la Jordanie et du Royaume-Uni. L’attaque de samedi répondait au bombardement par Israël, le 1er avril, du consulat iranien de Damas, qui a fait 13 morts, dont plusieurs hauts gradés du Corps des gardiens de la révolution. Cette action, qui viole clairement la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, imposait à l’Iran de réagir.
L’Iran a choisi de frapper Israël directement, une décision probablement motivée par le désir de défendre son honneur national après l’attaque du consulat qui, aux termes de la Convention de Vienne, appartient au territoire souverain de la République islamique d’Iran.
Fragile équilibre de la terreur
Paradoxalement, cette escalade dangereuse offre l’occasion unique d’un cessez-le-feu régional – qui pourrait mettre un terme à la guerre entre Israël et le Hamas, prévenir une confrontation militaire directe entre Israël et l’Iran et stopper les attaques des houthis yéménites contre les navires de commerce en mer Rouge. Les deux camps ayant prouvé leurs capacités militaires, et dans l’hypothèse où Benjamin Netanyahu écoutera la voix du président des États-Unis Joe Biden lui enjoignant de ne pas riposter, la région pourrait revenir à un fragile équilibre. Comme l’a montré la guerre froide, l’équilibre de la terreur peut constituer un puissant facteur de dissuasion et entretenir la paix et la stabilité. Mais pour tirer profit de cette étroite fenêtre d’opportunité, le Conseil de sécurité des Nations unies doit voter une résolution ferme et contraignante appelant à un cessez-le-feu dans la région. Outre à Israël et à l’Iran, cette résolution devrait s’appliquer à tous les pays de la région et aux combattants tiers.
En outre, cette résolution contraignante devrait s’attaquer à la question centrale ayant conduit à la flambée actuelle d’instabilité régionale, la guerre à Gaza. Dans la continuité de la précédente résolution du 25 mars, pour laquelle les États-Unis se sont abstenus, le Conseil de sécurité doit exiger l’arrêt immédiat du bombardement en cours de Gaza par l’armée israélienne, ainsi que la libération des otages israéliens et des détenus. En requérant des parties qu’elles « respectent les obligations que leur impose le droit international à l’égard de toutes les personnes qu’elles détiennent », la résolution pourrait aussi contribuer à la libération des prisonniers palestiniens détenus par Israël.
Contrairement à ce qu’ont prétendu certains élus de la Chambre des représentants à Washington, la résolution votée le 25 mars est bel et bien contraignante. Mais étant donné le risque d’une guerre ouverte, le Conseil de sécurité doit sans attendre rédiger et voter une nouvelle résolution couvrant toute la région en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies. Cette nouvelle résolution devrait avoir pour objectif de contribuer à une solution permanente et juste du conflit
israélo-palestinien en proposant une feuille de route détaillée afin de fonder un État palestinien indépendant sur la base des frontières de 1967. Comme l’a rappelé l’Arabie saoudite, une solution politique crédible est indispensable à la normalisation de ses relations avec Israël.
Au cours des six derniers mois, l’administration Biden a soutenu inébranlablement Israël, au risque de perdre l’appui politique de l’électorat arabo-américain progressiste. Aujourd’hui, les responsables politiques américains doivent faire comprendre au gouvernement israélien qu’ils ne toléreront pas davantage les atermoiements ou les manœuvres dilatoires quand il s’agit de rechercher la paix.
Certes, la reconstruction de Gaza prendra des années et exigera un important effort international. Mais un cessez-le-feu régional effectif et qu’il sera possible de faire respecter constitue un premier pas indispensable. Faute de quoi l’on risque de perpétuer un cycle sans fin de guerre et de souffrances, qui ne profite à personne, aux Israéliens et aux Palestiniens, las d’un conflit qui dure depuis des dizaines d’années, moins qu’à quiconque.
Le bombardement du consulat iranien et la riposte iranienne sur Israël présagent de ce que coûterait une guerre régionale. Renoncer à saisir cette chance peut-être unique de désescalade pourrait ramener toute la région des décennies en arrière. L’obtention immédiate d’un cessez-le-feu dans toute la région doit être la priorité absolue pour la communauté internationale.
Copyright : Project Syndicate, 2024.Traduit de l’anglais par François Boisivon.
Journaliste palestinien maintes fois récompensé, a été professeur de journalisme à l’Université de Princeton. Il est le fondateur de l’Institut des médias contemporains – Institute of Modern Media – de l’université ouverte al-Qods à Ramallah, qu’il a lui-même dirigé.
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Rédigé le 20/04/2024 à 19:48 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
On les voit partout, ces viandes disposées en tranches fines sur une broche tournante, et grillées verticalement. Plat globalisé et fascinant, le chawarma se présente comme un élément d’échange, mais aussi de discorde. Au Caire, il est devenu le symbole d’un combat identitaire livré contre les immigrés, notamment syriens.
L’énorme broche de chawarma est là, esseulée. Elle tourne lentement, laissant s’écouler la graisse et griller la viande à feu doux. À deux heures de la rupture du jeûne, les travailleurs d’une célèbre enseigne de restauration rapide levantine préparent les repas qui seront bientôt servis. Ils parlent entre eux dans un mélange de dialectes et d’accents différents. Certains viennent du Caire, d’autres du Delta du Nil, sans compter ceux originaires de Syrie, parfois même de Palestine. Leur employeur est quant à lui jordanien. Avec son partenaire local, ils ont ouvert plusieurs branches de leur chaîne de restaurants Al-Agha. À côté des autres spécialités maison offertes sur le menu, le chawarma reste le plat qui séduit quasiment tout le monde.
Pourtant, ce mets est depuis quelques temps dans le collimateur de certains habitants qui regardent les vendeurs de chawarma d’un œil suspicieux, telle l’avant-garde d’envahisseurs étrangers. Leurs réactions en disent long sur les crises du Proche-Orient et leurs retombées au Caire, mais aussi sur la géopolitique de la région, l’histoire partagée, les trajectoires migratoires, le problème des réfugiés, la crise économique qui sévit dans le pays et le fort nationalisme qui remonte par conséquent à la surface.
Ces derniers mois, les hashtags appelant au boycott des snacks syriens se sont répandus sur la toile, notamment sur la plateforme X (ex-Twitter). Mais ce n’est pas la première fois. Depuis une dizaine d’années, ces vagues de dénonciations des immigrés reviennent selon l’air du temps et surtout, en fonction des directives de l’État. Récemment, plusieurs déclarations officielles ont souligné que l’Égypte accueillait déjà 9 millions de réfugiés et d’immigrés, dont 4 millions de Soudanais, 1,5 million de Syriens, 1 million de Libyens et autant de Yéménites1.
Dans l’attente de monnayer le rôle de l’Égypte comme rempart contre l’immigration en Méditerranée et de recevoir une aide conséquente de la communauté internationale, les autorités traitent les immigrés de « fardeau ». Elles demandent aux réfugiés de régulariser leur statut de résidence. Cela implique sans doute une rentrée d’argent en devises pour un pays qui en manque cruellement. Sans faire la distinction entre les réfugiés, les immigrés et les demandeurs d’asile, ces chiffres visent à faire monter la facture en dollars exigée par Le Caire. Ils se traduisent sur les plans populaire et médiatique par une campagne de boycott à l’encontre des Syriens, très actifs dans le secteur de la restauration rapide. Leurs étals dédiés à manger sur le pouce et leurs commerces ouverts sur la rue accroissent leur visibilité en ville. Le chawarma est ainsi devenu le symbole de la xénophobie et du nationalisme rampant.
Pourtant, les différentes études sur l’insertion des Syriens dans le marché du travail montrent qu’ils ont réussi à fonder plusieurs grandes et moyennes entreprises, que leurs salariés sont en majorité Égyptiens et que leurs investissements tournent autour de 800 millions de dollars (750 millions d’euros), concentrés dans les secteurs de l’alimentation, des textiles et du mobilier. Ils sont certainement mieux organisés que les autres communautés, dès lors qu’ils ont créé une association d’hommes d’affaires en 2014, un conseil pour les investisseurs, des pages Facebook et des plateformes facilitant l’intégration et le recrutement. Sur ces dernières, des petites annonces apparaissent souvent signalant : « Recherche un chef chawarma avec expérience »2.
Nohad Abou Ammar a vu les choses évoluer depuis son installation au Caire en 2005, bien avant l’arrivée en masse de ses compatriotes. Son grand-père avait ouvert une enseigne de restauration rapide syrienne en 1999. À l’époque, la concurrence était limitée : seul le chawarma syrien d’Abou Mazen qui avait commencé son activité en 1994 était présent. Abou Ammar senior avait jugé qu’il pouvait se faire une place sur le marché. Le défi était d’introduire les recettes syriennes dans les habitudes culinaires égyptiennes, et de faire accepter ses déclinaisons en sandwich. Car la recette du chawarma varie d’un pays à l’autre, mais aussi d’une région à l’autre, voire d’un restaurant à l’autre. Seuls les patrons connaissent le secret des ingrédients et du mélange d’épices. Et ils ne le révèlent à personne, même pas à leurs collaborateurs les plus anciens. Ils laissent ces derniers préparer la viande, retirer la graisse, ajouter du vinaigre, ciseler le bœuf en fines lamelles, le faire mariner au moins 10 heures, puis restituer les tranches de viande sous forme de cône sur la broche verticale, auréolée de quelques morceaux de lard de mouton. Ils gardent cependant pour eux le dosage magique des arômes et des épices.
« Nous sommes originaires de la ville de Zabadani, dans le gouvernorat de Rif Dimachq, à proximité de la frontière libanaise », souligne Nohad Abou Ammar. Devant son grand snack dans le quartier d’Héliopolis, où il emploie essentiellement des Égyptiens dont certains sont là depuis vingt ans, il raconte :
J’ai fait des études d’ingénierie aéronautique, mais je suis venu rejoindre mes oncles et mon grand-père qui ont élu domicile au Caire et fondé leur business. Nous aurons bientôt quatre branches dans la capitale, toutes gérées par la famille après la mort de notre aïeul en 2018. L’Égypte nous a toujours été proche. Un de mes oncles était officier dans l’armée de la République arabe qui a uni l’Égypte et la Syrie entre 1958 et 1961, au temps du panarabisme nassérien. Il a trouvé la mort pendant la guerre d’octobre 1973 contre Israël.
Pour le mois du ramadan, Nohad Abou Ammar a prévu des repas à emporter à distribuer aux pauvres qui viennent timidement demander leur part. Le directeur de la chaine qui a perdu une partie de son accent au fil du temps continue à faire la cartographie des magasins de chawarma et à épingler ceux qui prétendent être syriens pour tirer profit de la réputation et du savoir-faire de ces derniers.
Les goûts ont changé aujourd’hui avec la présence d’un grand nombre de restaurateurs de chez nous. À quelques pas d’ici se trouve Abou Haïdar, installé dans le coin depuis 1968. Ses héritiers gèrent actuellement le commerce, mais leur chawarma est plus proche de la version égyptienne. La direction d’Abou Mazen a été reprise par un Égyptien après le départ de l’ancien propriétaire. La chaîne Karam Al-Cham, présente un peu partout, notamment au centre-ville, a été fondée par un vétérinaire égyptien d’Alexandrie, qui s’est lancé sur le marché de la nourriture levantine et a également ouvert une chaîne de pâtisseries orientales. Plusieurs restaurants se dotent de noms donnant l’impression que les propriétaires sont originaires de Damas ou d’Alep, alors que pas mal d’entre eux sont Égyptiens. Certains ont même travaillé pour nous, avant de se mettre à leur compte.
Sur les sites Internet, des groupes tel que Les Fils de Kemet se réclament d’un nationalisme égyptien. Kemet renvoie à la « terre noire fertile » de la vallée du Nil, par opposition à la « terre rougeâtre » du désert qui l’entoure. Par extension, le nom renvoie ici à l’Égypte en opposition aux pays étrangers. Ces groupes disent chercher à défendre l’identité et la culture du pays, à un moment où celui-ci serait envahi de partout et fragilisé économiquement. Dans ce contexte, le chawarma est l’un de leurs champs de bataille. Ils affirment que la marinade égyptienne est meilleure que toutes les autres, et que la recette syro-libanaise est plutôt fade. Plus encore, l’information non confirmée historiquement qui prétend que l’origine de cette rôtisserie orientale remonte à l’Égypte ancienne est reprise en chœur. Selon cette légende, des inscriptions sur le temple du pharaon Ramsès II à Béni Soueif, dans le sud, démontrent que des femmes ont créé, il y a environ 6 000 ans, un repas rapide à partir de minces lamelles de viande parfumées d’épices et de jus d’oignon, après les avoir exposées au feu, pour que leurs époux et leurs enfants puissent casser la croûte en travaillant dans les champs.
Il n’est pas facile de retracer l’histoire du chawarma tant ceux qui en revendiquent l’invention sont nombreux. D’aucuns disent que cette recette de viande a été mentionnée pour la première fois dans un écrit datant du XIVe siècle et qu’elle était connue des nomades en Asie. D’autres affirment que c’était un mets de luxe à la cour royale indienne du XIIIe siècle. Selon la version la plus répandue, ce serait une invention turque arrivée d’Anatolie à la moitié du XIXe siècle, grâce à Iskandar Effendi, restaurateur dans la ville de Bursa. Chawarma serait ainsi la déformation du mot turc çevirme qui signifie « tourner » ou « pivoter ». Le plat se serait ensuite propagé en Syrie, pendant les voyages du hajj, le pèlerinage à la Mecque, ou à travers un certain Seddiq Al-Khabbaz qui, après avoir quitté son emploi chez Iskandar Effendi à Bursa, aurait ouvert son propre restaurant à Damas. Il aurait alors ajouté à sa marinade des graines de cardamone qui caractérisent le goût du chawarma syrien jusqu’à aujourd’hui. Les Syro-Libanais (chawâm) qui sont arrivés en Égypte à travers deux grands flux migratoires au XVIIIe et XIXe siècles, jouant le rôle d’intermédiaire entre les diverses communautés existantes, ont par la suite aidé à populariser le sandwich sur le plan local et à le démocratiser.
Ahmed Abou Ali, l’un des chefs chawarma qui travaille depuis quatre ans pour Al-Agha a appris les mille et une ficelles du métier dans les années 1980 en Irak. Là-bas, la broche est beaucoup plus longue, et le chawarma est surnommé « al-gass » ou les « cisailles », parfois cuit avec des légumes. Son parcours fait de lui un véritable connaisseur de toutes les variétés du plat puisqu’il a passé plusieurs années en Jordanie avant de revenir au Caire. Abou Ali surveille la broche de viande en train de rôtir, précisant que le chawarma au poulet est une invention syrienne, et que son secret réside dans le mahaleb, épice aromatique tirée du noyau de la cerise noire. Il a vu le prix du sandwich passer de 35 livres égyptiennes à 105 (soit de 70 centimes à 2 euros) en l’intervalle de 4 ans. À cause de la crise économique et de la cherté de la vie, les prix de certaines denrées alimentaires ont quadruplé, tandis que d’autres ont été multipliés par dix. « Les petits commerces n’ont pas survécu à la crise du Covid-19, seuls les grands ont pu tenir le coup », explique-t-il.
Son assistant de 18 ans, Ghayth, Syro-Palestinien, acquiesce d’un signe de tête. Arrivé au Caire il y a deux ans pour rejoindre son frère aîné, un grand chef de cuisine vivant là depuis une dizaine d’années, il a promis à son père, resté à Damas, de ne rentrer qu’après être devenu un grand chef chawarma. Ce séjour lui permettra sans doute de découvrir les différentes manières de se réapproprier un plat. La sociologue et universitaire Malak Rouchdy souligne dans son étude « The Food Question in the Middle East »3 :
Tout ingrédient, tout plat, originaire d’un endroit précis, voyage et connaît plusieurs vies. En Égypte, très pauvre en herbes jusqu’au XIXe siècle, la nourriture a toujours été liée au commerce. De tous temps, les épices et les herbes aromatiques ont été ramenées d’Afrique ou du Levant. Et dès lors qu’il s’agit de faire du commerce, les plats ont été adaptés pour satisfaire les goûts. Avec les échanges et la globalisation, commencés avec la Route de la soie, des transferts ont eu lieu. Les Syriens, qui sont futés, vont ainsi modifier l’alimentation égyptienne, et façonner les saveurs comme ils l’ont déjà fait. C’est normal : nous n’avons pas en Égypte une cuisine complexe. Aujourd’hui, des gens très simples utilisent la mélasse de grenade pour revisiter les recettes traditionnelles, ce qui n’était pas du tout fréquent avant.
Et les peurs que cela provoque ? Pour elle : « Les voix qui s’élèvent pour sauver l’identité nationale reflètent un désir de se survaloriser, de se démarquer, de dire : après tout vous êtes chez nous ! Mais entre l’assimilation et la démarcation, il existe aussi de nombreuses nuances, des zones grises. »
DALIA CHAMS
https://orientxxi.info/magazine/egypte-la-querelle-du-chawarma,7231
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Rédigé le 20/04/2024 à 14:02 dans Egypte | Lien permanent | Commentaires (0)
Admettons le présupposé en vertu duquel tous les maghrébins sont des voleurs même s’il est inadmissible. Et examinons à la loupe ces immigrés prétendument ou indument incorrigibles. D’autant plus qu’ils servent de fusibles à ce qu’il y a en nous de plus horrible : le nationalisme. L’abîme avec un double précipice : amour de soi et haine de l’autre. Au voleur ! Au voleur ! Il nous a laissé la pendule et embarqué l’heure… ou laissé l’heure et embarqué la pendule… la tête de mule ! il n’est pas question de le laisser faire, il faut l’embarquer et le traduire en Justice pour qu’il doit jugé et condamné d’une manière exemplaire non pour le corriger, mais l’ériger en contre exemple parfait !
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Rédigé le 20/04/2024 à 13:28 dans Lejournal Depersonne, Maghreb | Lien permanent | Commentaires (0)
RÉSUMÉ
Durant le Mandat britannique, le sionisme a généré la matrice de son avenir. Pire encore, la partition entre Arabes et Juifs a engendré un fossé inscrit dans la géographie. Le 15 mai 1948, Israël possédait déjà les institutions constitutives d'un pouvoir régalien, prêt à prendre la place des Britanniques : les infrastructures politiques, économiques et militaires d'un État colonial. La Palestine mandataire était duelle. Elle l'est restée mais dans un système d'Apartheid de plus en plus brutal. Durant trente ans, la Palestine avait été victime de la violence coloniale. La dérive de quelques colons racistes, malades de la colonisation, ressuscite aujourd'hui les pogroms dont leurs ancêtres avaient été victimes et que subissent les réfugiés des villages et des camps. Les Palestiniens, eux, ont reçu en héritage la Nakba, la Catastrophe qui, il y a trois quarts de siècle, a jeté la société palestinienne dans la détresse et le malheur. Les Expulsions et le Remplacement, aujourd'hui comme hier, continuent. La Nakba et la Résistance aussi.
(1) Jacques Pous, De Gandhi à Fanon. Un religieux face à la guerre d’Algérie, éd. Golias, 2012, pp. 257-260.
Patrick Rotman et Bernard Tavernier, La guerre sans nom, pp. 130-131 et Patrick Rotman, L’ennemi intime, p. 111.
La carte du combattant et les avantages qui s’y rattachent a été accordée à quelques combattants en Afrique du Nord par la loi du 1er décembre 1974 et à tous ceux qui avaient été présents en A.F.N. entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 par celle du 30 décembre 2003.
(5) Patrick Rotman et Bernard Tavernier, La guerre sans nom, p. 221.
(6) Jean Faure, op. cit., p. 52.
http://www.micheldandelot1.com/ces-appeles-qui-ont-dit-non-a129929346
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Rédigé le 20/04/2024 à 07:29 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
A l’époque de la guerre d’Algérie, les jeunes gens qui refusaient de porter les armes, les réfractaires, insoumis ou déserteurs, étaient mis au ban de la société française. Leur choix était le plus souvent incompris. Aucune institution, parti, syndicat ou église ne les soutenait. L’opprobre pesait sur leurs familles comme sur celles de malfaiteurs. Elles étaient convoquées à la mairie, subissaient des interrogatoires et des perquisitions de la part des policiers. Leur entourage les critiquait, les rejetait. Pour les réfractaires et les déserteurs, la seule alternative à la prison était l’exil. Le temps a passé, mais aujourd’hui le choix des réfractaires et des déserteurs n’est guère mieux compris. Même ceux qui critiquent sévèrement la guerre, admettent difficilement leurs choix. Pourtant, les réfractaires comme Etienne Boulanger, les déserteurs comme Noël Favrelière nous enseignent qu’il est toujours possible de dire NON !
Ci-dessous le témoignage de Jacques Pous, l’un de ceux qui ont dit NON (1)
Pourquoi si peu de refusà faire la guerre ?
Il ne faut pas oublier que la plupart des appelés sortaient de l’enfance (c’était le cas de la plupart de ceux que j’ai rencontrés au 24e RIMa) et ce n’est pas la lecture de Bled et de la grande presse, les discours lénifiants ou menteurs des politiques, des Églises et de la plus grande partie de ce que l’on appelle les élites qui allaient leur ouvrir les yeux. L’important, dans l’immédiat, c’était la bouffe et les "perms" (lorsque l’on a passé plusieurs jours dans une caserne, l’on est prêt à tout pour ne pas se faire punir et "se la faire" …) et, dans un avenir beaucoup plus lointain, compter à combien "au jus" l’on en était et "la quille, bordel", horizon ultime de la présence à l’armée, cri lancé avec dérision, par des centaines de milliers de jeunes, pour éviter de pleurer face à l’absurde. Le grand public et surtout les responsables de la politique de la France en Algérie n’avaient pas voulu, durant huit ans, entendre des gosses qui hurlaient leur souffrance, leur sentiment d’abandon et parfois même leur dégoût (Des rappelés témoignent) et maintenant ils étaient une nouvelle fois victimes d’une entreprise de récupération qui allait alimenter le silence dans lequel certains d’entre eux allaient s’emmurer.
Tous, par contre, ont eu le sentiment de ne pas être compris et même parfois d’être jugés et condamnés lors de leur retour dans une société civile qui ne s’était intéressée à l’Algérie que lorsqu’un proche était concerné. Ils savaient que parmi eux ils avaient été nombreux à ne pas participer aux exactions, qu’il s’en était trouvé quelques-uns qui, comme des appelés le racontent à Patrick Rotman et Bertrand Tavernier, avaient bien traité des prisonniers, soigné des adversaires blessés, refusé de participer à la torture ou qui, comme le brigadier Monjardet, avaient été héroïques en refusant de tirer, malgré les ordres, sur des fellahs désarmés. (2)
Tous ceux-là ne pourront que refuser les généralisations dont ils étaient victimes et qui étaient la conséquence de l’amnistie accordée aux véritables coupables.
Comment d’ailleurs pourrait-on juger des gosses auxquels l’on avait inculqué la soumission à l’autorité alors que l’on ne sait pas ce que, à leur place, l’on aurait fait. Pour ma part, en tous cas, je me refuse de me mettre dans la position du si : qu’aurais-je fait ou pas fait si … Ce qui compte, c’est ce que j’ai fait ou pas fait. C’est pourquoi il m’est difficile de juger les autres, en particulier ceux de ma génération, car je connais trop la part d’animalité et la part d’humanité qui hantent l’homme ; si j’avais été dans la même situation qu’eux, j’aurais, peut-être, agi comme eux. Cette problématique du « si » n’a, par ailleurs, aucun intérêt car il est à tout jamais impossible de savoir ce que l’on aurait fait si … Ceux qui prétendent le savoir s’illusionnent. Des enquêtes d’opinion ont d’ailleurs montré que, dans la génération de la paix, ils sont nombreux à proclamer que s’ils avaient été confrontés aux situations auxquelles ont été confrontés les appelés de la génération du feu, ils auraient refusé d’y participer ; à les entendre, si la même alternative leur était proposée, (11,5 % des élèves de terminale interrogés en 1977 par Jean-Pierre Vittori auraient opté pour la désertion), le chiffre fantaisiste des trois mille réfractaires serait donc aujourd’hui largement dépassé.
Reste enfin une forte minorité qui a été victime de ce que l’on appelle le stress du combattant ou de la culpabilité de s’en être sorti ou encore du dégoût pour ce qu’ils avaient fait. Ce sont les véritables victimes d’une guerre que, dès 1955, Guy Mollet considérait comme "imbécile et sans issue" ; sans oublier ce qu’ont subi ceux d’en face qui, lors d’un conflit asymétrique sont dix fois plus exposés aux séquelles de la guerre. De nombreux travaux concernent les traumatismes des GI’s retour du Vietnam, d’Irak ou d’Afghanistan ; qu’en est-il des Vietnamiens, des Irakiens ou des Afghans qu’ils ont massacrés ? Qu’en est-il des Algériens, des réfugiés croisés en Tunisie, des Moudjahidins traumatisés par huit ans de guerre, des millions de personnes regroupées dans ce qui trop souvent ressemblait à des camps de concentration ? Peut-être qu’un jour les historiens se demanderont quelles ont pu être les séquelles lointaines de la guerre sur la population algérienne et sur un avenir de violences qui, là aussi, s’enracinent dans un passé qui ne veut pas passer.
Quant à moi, j’avais choisi la trahison comme règle de vie : comment en effet ne pas trahir ses idéaux si l’on ne se résout pas, un jour, à trahir son pays. Toutefois, je n’ai pas eu immédiatement conscience qu’avoir pu dire NON, qu’avoir pu trahir en réalité et non en rêve, est une chance qui n’est pas donnée à tous ; l’obsession de trahir et la frustration de ne pouvoir le faire seront au cœur de mes engagements futurs. Combien de fois, par la suite, n’ai-je pas regretté de ne pouvoir refuser d’aller au Vietnam, de ne pouvoir refuser d’aller se battre en Irak ou en Afghanistan, de ne pouvoir désobéir à l’ordre d’aller bombarder la Serbie ou Gaza. De nombreux témoignages d’appelés du contingent mentionnent d’ailleurs le sentiment d’impuissance qui les étreignait lorsqu’ils étaient témoins de crimes contre lesquels ils avaient l’impression de ne pouvoir rien faire. Je ne voudrais pas, comme cela a été le cas pour eux, qu’un jour l’on vienne me dire que je suis responsable ou que je dois me repentir de crimes décidés et perpétrés par d’autres alors que l’on ne m’aurait jamais donné la parole et la possibilité de m’y opposer.
Les associations d’anciens combattants, la FNACA ou l’UNC-AFN, au lieu de faire répéter par la dernière génération du feu les rites dérisoires du passé, auraient dû l’amener à demander des comptes à tous ceux qui, durant quarante ans, allaient continuer à diriger la France : eux, les décideurs politiques, ils savaient ce qu’ils faisaient. Ce n’est pas un hasard si ce sont d’abord les rappelés, ensuite les sursitaires et enfin les étudiants qui se sont le plus opposés au discours officiel. La grande erreur des tenants de l’Algérie française est d’avoir accordé des sursis ! Toutefois, plusieurs appelés, regroupés dans l’Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre qui, eux, ont servi, durant de nombreux mois, "Au pays de la soif et de la peur" (3) ne seront pas dupes et refuseront les décorations en chocolat (Carte (4), Croix et Retraite du combattant), telles ces médailles du travail que le système accorde aux prolétaires pour qu’ils se souviennent et se félicitent jusqu’à la mort d’avoir été exploités.
Le communiste Étienne Boulanger, "insoumis sous l’uniforme", qui s’était résigné à servir après deux années passées en prison, refusera le certificat de bonne conduite et la médaille commémorative des opérations de maintien de l’ordre en Algérie que l’armée avait finalement décidé de lui attribuer. "Je ne me sentais pas une âme de médaillé, proclame-t-il. Le chien du régiment était à côté de moi. Je trouvais que ce chien, qui avait été dressé à mordre les Arabes sur commande, – le dressage n’avait pas marché pour moi – était plus méritant que moi. Je lui ai donc passé la médaille autour du cou" (5). Quant à Jean Faure, il note dans ses carnets : « A Tizi Ouzou, dans la rigidité militaire, beaucoup à dire aussi sur les obsèques de ce copain. “Nous vous conférons la médaille militaire … la croix de la valeur militaire avec palmes …”, etc. Conférez tout ce que vous voudrez, ça ne vous coûte pas cher. Mais jamais vous ne rendrez la vie à Philibert, ni Philibert à sa famille » (6).
Jacques Pous
Par micheldandelot1 dans Accueil le 19 Avril 2024 à 06:26
http://www.micheldandelot1.com/ces-appeles-qui-ont-dit-non-a129929346
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Rédigé le 20/04/2024 à 07:16 dans France, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Leïla Bekhti est née au sein d'une famille algérienne, originaire de Sidi Bel Abbès dans l'Ouest de l'Algérie, qui s'installe dans la région parisienne. Née à Issy-les-Moulineaux, Leïla Bekhti grandit à Bagneux.
Parmi ses rôles interprétés dans de très nombreux films, en 2005 elle interprète, sous la direction d'Alain Tasma, le rôle de Leïla dans le téléfilm Harkis, avec Smaïn dans le rôle de son père. Elle en profite pour se plonger dans cette période trouble de l'histoire algérienne, renouant avec les origines de sa famille, dont plusieurs membres, notamment son grand-père, ont combattu dans les rangs du FLN.
Guerre à Gaza : « Il faut que ça s’arrête »la comédienne Leïla Bekhti s’engage auprès de l’Unicefpour les enfants
« Plusieurs milliers d’entre eux sont séparés, non accompagnés ou orphelins. Le nombre de bébés et d’enfants blessés, tués, amputés ou malades est alarmant », alerte l'actrice.
L’actrice Leïla Bekhti s’est engagée auprès des équipes de l’Unicef pour alerter le monde sur le sort des enfants dans la bande de Gaza, « devenue l’un des endroits au monde les plus dangereux pour les enfants ». Depuis le 7 octobre, la guerre lancée par Israël a causé la mort de plus de 12 300 d’entre eux.
« Je suis Leïla Bekhti et je m’engage aujourd’hui pour l’Unicef. » En plan serré, dans une vidéo d’une minute et demie sous-titrée en anglais publiée le 17 avril, la comédienne Leïla Bekhti explique, le ton grave et en quelques mots simples, les raisons qui l’ont poussée à rejoindre l’Unicef « pour les enfants de Gaza » et à médiatiser cet engagement.
« La situation là-bas est tragique. Les enfants en sont les premières victimes », déclare l’actrice, qui a obtenu en 2011 le César du meilleur espoir féminin pour son rôle dans le long-métrage Tout ce qui brille.
Bombardements incessants, famine, destruction des hôpitaux, des maternités, des écoles, de tous les lieux de refuge, peur permanente… Leïla Bekhti pose les mots sur la tragédie en cours depuis le 7 octobre et la réplique israélienne contre l’enclave palestinienne, après l’attaque du Hamas. Pour l’actrice, « il faut que ça s’arrête ».
« Gaza est devenu l’un des endroits au monde les plus dangereux pour les enfants »
« Plusieurs milliers d’entre eux sont séparés, non accompagnés ou orphelins. Le nombre de bébés et d’enfants blessés, tués, amputés ou malades est alarmant » ajoute-t-elle, alertant sur ce constat déjà formulé par l’ONU : « Gaza est devenu l’un des endroits au monde les plus dangereux pour les enfants. »
Face à cette situation humanitaire catastrophique, l’aide des ONG reste entravée par l’armée israélienne malgré la pression internationale insistante. Elle est pourtant « essentielle » et ses « restrictions » ont des conséquences « meurtrières », alors que « les enfants et les populations civiles ont désespérément besoin d’avoir accès à la nourriture, à l’eau potable et à du matériel médical », pointe l’actrice, qui invoque la nécessité pour les équipes de l’Unicef de « continuer à agir pour pouvoir protéger chaque enfant à court et à long terme ».
Dans un rapport publié le 3 mars, l’Unicef avait déjà sonné l’alarme sur leur sort, appelant à un sursaut international pour éviter une famine généralisée, dont les enfants sont d’ores et déjà les premiers à payer le prix.
Plus de 12 300 enfants sont morts depuis le début de la guerre à Gaza, qui a tué plus d’enfants en quatre mois qu’en quatre ans de conflits à travers le monde entier, selon l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).
SOURCE : Guerre à Gaza : « Il faut que ça s’arrête », la comédienne Leïla Bekhti s’engage auprès de l’Unicef pour les enfants - L'Humanité (humanite.fr)
Par micheldandelot1 dans Accueil le 20 Avril 2024 à 09:12
http://www.micheldandelot1.com/aujourd-hui-je-vous-presente-la-femme-du-jour-leila-bekhti-a215707057
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Rédigé le 20/04/2024 à 06:59 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
Un américain, un français et un algérien se retrouvent en enfer et avec le temps ils ont fini par s’y faire. Seule ombre au tableau : ils n’ont plus aucune nouvelle des leurs et ça ne leur fait pas chaud au cœur. Ils ont fait appel à Lucifer pour les remettre en contact avec la terre. Lucifer acquiesce. Il leur précise que ça va leur coûter fort cher. Et il leur fournit aussitôt un portable.
Rédigé le 19/04/2024 à 19:30 dans Lejournal Depersonne | Lien permanent | Commentaires (0)
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
Mercredi 17 avril 2024.
C’est officiel : pour la première fois, il n’y aura pas d’examen du baccalauréat à Gaza cette année, a annoncé le ministère de l’éducation à Ramallah. Il faut savoir que même après la prise du pouvoir par le Hamas dans la bande de Gaza en 2007, les examens sont restés unifiés dans tous les territoires palestiniens, en Cisjordanie et à Gaza. C’est important pour la Palestine et pour les Palestiniens que malgré, la division entre Gaza et la Cisjordanie, et entre le Fatah et le Hamas, nous ayons la même éducation. Mais aujourd’hui, on ne voit pas comment on pourrait tenir des examens dans la bande de Gaza, avec le nord presque entièrement rasé et la moitié des Gazaouis déplacés au sud sous des tentes de fortune.
De toute façon, la plupart des écoles et des universités ont été entièrement ou partiellement détruites. On avait sept universités à Gaza, sans compter les instituts d’enseignement professionnel postbac. L’université de Palestine vient de publier un communiqué interne avertissant les professeurs et les employés qu’elle ne pouvait plus payer leurs salaires, et qu’ils étaient libres de chercher du travail ailleurs. Une façon de déclarer que l’Université est en faillite. Il s’agit d’une université privée, la plus récente de la bande de Gaza. Fondée en 2007, elle accueillait des milliers d’étudiants et proposait de nombreux cursus : ingénierie, architecture, médecine, etc.
Le but de ces destructions sans valeur militaire est clair : les Israéliens veulent tuer toute possibilité d’éducation à Gaza. Comme tous les pouvoirs coloniaux, ils ne veulent pas d’une société éduquée, juste des indigènes qu’on nourrit et qu’on fait travailler. Leur objectif c’est de transformer une société éduquée en société illettrée. Chez nous, l’éducation est une valeur primordiale, et nous sommes une société jeune. Plus de 75 % des jeunes font des études universitaires. Nous sommes la population la plus instruite du Proche-Orient, d’après les statistiques de l’ONU. Même sous le blocus imposé depuis 2007, même dans une prison à ciel ouvert, les parents tentent tous d’assurer un diplôme à leurs enfants, souvent en s’endettant. Les études de médecine qu’on peut suivre à l’université de Palestine, à l’université d’Al-Azhar et à l’université islamique attirent beaucoup de jeunes. Elles sont pourtant très chères, à peu près l’équivalent de 5 000 dollars par semestre.
Finir les sept ans de médecine peut coûter jusqu’à 90 000 dollars tout compris. C’est une somme énorme pour Gaza. Malgré cela, les parents poussent leurs enfants à étudier, et ces derniers sont également très motivés. Nous les Palestiniens, nous savons que la meilleure arme contre l’occupation, c’est l’éducation.
Même dans les prisons israéliennes, des détenus palestiniens ont continué leurs études. Beaucoup d’entre eux ont obtenu un diplôme en prison. Même des condamnés à perpétuité, qui savaient qu’ils n’allaient jamais sortir de prison, ont quand même eu des masters et des doctorats.
À Gaza, il n’y a qu’une université publique, l’université Al-Aqsa. Les autres sont privées. L’Université islamique est soutenue par le Hamas, et Al-Azhar par le Fatah. Les autres ont été fondées par des groupes de professeurs.
Ces établissements se trouvaient déjà dans une situation difficile avant le 7 octobre. Elles faisaient crédit à de nombreux étudiants incapables de payer leurs frais d’inscription. À un moment, l’Université islamique était au bord de la faillite. Beaucoup d’établissements avaient réduit les salaires de leurs professeurs et employés de 50 voire 70 %, depuis un moment. Aujourd’hui, le système d’éducation est détruit. Des milliers d’étudiants n’ont plus qu’une solution : essayer de continuer leurs études ailleurs. Une façon de vider la bande de Gaza de sa jeunesse et de son avenir.
Je ne sais pas comment ces jeunes vont faire. J’ai reçu des appels téléphoniques d’amis qui veulent savoir si leurs enfants peuvent partir au Caire pour poursuivre leurs cursus. Malheureusement, l’Égypte ne propose pas de carte de séjour pour les étudiants. Pour le moment, seuls ceux qui paient les 5 000 dollars pour sortir d’ici peuvent passer en Égypte. Mais pour s’inscrire dans une université, il y a une procédure très longue qui n’est pas encore au point. On dit que Mohamed Dahlan, l’ancien chef de la Sécurité préventive de Gaza, sous l’administration de l’Autorité palestinienne, et aujourd’hui conseiller des Émirats arabes unis, est en train de négocier avec les Égyptiens pour faire accueillir les étudiants. Mais cela signifierait l’émigration de la jeunesse.
L’information de la fermeture d l’université de Palestine a commencé à circuler. Je viens de recevoir l’appel téléphonique d’un ami médecin, Moumen Shawa. Il a trois enfants qui sont étudiants en médecine. Ils sont à l’université Al-Azhar, mais il a peur qu’elle se déclare également en faillite :
J’ai un enfant qui devait finir sa médecine dentaire dans deux ans, et les deux doivent finir leur médecine générale. J’ai dépensé toutes mes économies pour eux.
Il avait d’abord espéré que la guerre leur ferait seulement perdre un an d’études, mais maintenant il croit que l’enseignement à Gaza, « c’est fini pour la vie ». Il me dit que même s’il arrivait à les faire passer en Égypte, il n’aurait pas les moyens de payer les frais d’inscription pour une école de médecine là-bas, plus les frais de séjour et la location d’un appartement. Il voulait savoir si moi qui ai « des connexions » je peux l’aider à inscrire ses enfants en fac de médecine en France pour l’année prochaine : « J’ai entendu dire que la France donne des bourses. La langue, ce n’est pas un problème, ils peuvent l’apprendre. » Le pauvre, il pose les questions et il donne les réponses, des réponses que moi je n’ai pas. Il veut absolument que ses enfants puissent continuer leurs études ailleurs. C’est le rêve de sa vie de voir ses enfants devenir médecins.
C’est un exemple parmi d’autres de gens qui ont tout fait, tout dépensé pour que leurs enfants aient une éducation, qu’ils deviennent médecins ou architectes. La fille d’un autre ami est en deuxième année de médecine à l’université Al-Azhar. Être médecin, c’est son rêve à elle aussi. Son père me dite qu’elle espère reprendre ses études l’année prochaine. Pour le rassurer, je lui réponds qu’une année ce n’est pas trop grave, qu’elle peut continuer à suivre des cours en ligne, et qu’elle pourrait considérer ça comme une année sabbatique… Mais entre nous, il me dit : « Rami, j’ai peur qu’il n’y ait plus d’université, et que le rêve de ma fille va s’évanouisse. »
Les Israéliens veulent nous empêcher d’étudier parce qu’ils veulent faire de nous des ignorants, mais les jeunes palestiniens ont des ambitions. Ils veulent vivre, comme n’importe quelle autre jeunesse dans le reste du monde. Ils rêvent de pouvoir faire des études comme en France, où on n’a pas besoin d’avoir beaucoup d’argent pour s’inscrire à l’université.
Nous ne sommes pas une société ignorante, nous sommes une société qui sait très bien ce qui se passe. Victor Hugo a dit : « Chaque enfant qu’on enseigne, c’est un homme qu’on gagne. » Et nous, nous avons beaucoup d’hommes.
Mercredi 17 avril 2024.
https://orientxxi.info/dossiers-et-series/comme-tous-les-pouvoirs-coloniaux-israel-ne-veut-pas-d-une-societe-eduquee,7261
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Rédigé le 19/04/2024 à 16:04 dans Gaza, Israël, Palestine, Paléstine | Lien permanent | Commentaires (0)
OLJ / Par Daoud Kuttab, le 20 avril 2024 à 00h00.https://www.lorientlejour.com/article/1411048/le-face-a-face-teheran-tel-aviv-souligne-lurgence-dun-cessez-le-feu-a-gaza.html