Les Chenouis du berbère « Ichenwiyen » population berbère d'Algérie d'environ 30 000 personnes habitent le Mont Chenoua qui surplombe la ville de Tipaza à 70 km d'Alger. Le Mont Chénoua, point culminant du Sahel algérois, est la limite orientale d'une région berbérophone qui s'étale de Bou Ismaïl (40 km à l'ouest d'Alger) jusqu'à Ténès (200 km à l'ouest d'Alger).
On me dit fou de retourner là-bas Là-bas dans ma montagne bien aimée Ne comprendront-ils donc pas Que demeurer sourd me torture ?
Et pourtant je suis retourné Là-bas dans ma montagne bien aimée Immortelle dans sa force profonde Tranquille adorant les cieux Acceuillant des vents farouches Quii soufflent sur son front l'écho de quelques âmes volées
On me dit fou de retourner là-bas Là-bas dans ma montagne bien aimée Ne sauront-ils donc jamais Que dans son sein Je couve mon nid ?
Le soleil frappait fort, l'orsque qu'enfin l'échine grisâtre du Mont Chenoua apparut la pleine bleue était là, majestueuse berçant ses vagues qui se retiraient en signe de révérences saluant le bienvenu. J'eu l'impression de renaître par cette bouffée d'air marin que venait me présenter la reine des mers... Ma montagne tout lâ-haut m'attendait. Dans mon silence je vivais mon Chenoua brisé... Murmures dans la plainte noyée dans les débris du silence des temples C'est l'âme de l'infant martyre qui revient bercer le crépuscule Il revient frémissant, plus doux que jamais de son printemps envolé... Une grande obscursité couvrit la montagne.
Revenez oh ! souvenirs
Revenez à moi
Comme lorsque nous étions enfants
Comme lorsque pieds nus sur les galets
Nous cherchions les petits coquillages enfouis dans l'eau
Quand nous essayions de nos petites mains
d'attraper les petits poissons
Revenez oh ! souvenirs
Revenez à mloi
Réveiller ce bonheur de la nuit tombante
Quand nous chantions le soir
Les étoiles éparpillées sur nos têtes
Tels des papillons en fête...
Sur ma prairie bleue je reviendrai tu sais Je reviendrai un jour l'orsque mon âge aura blanchi mes cheveux Je reviendrai marcher tout le long de tes rives Comme au temps ou mes jambes me faisaient voler.
''Ô brise vois-tu qui monte vers nous ?
C'est l'ami qui reviens près de nous
Et sur sa colline aimée se courbent les oliviers
Il erre candide sur l'étendue des ruines
Il revient à chaque lune éblouir les Dieux''
La terre a bougé, basculant les entrailles des mers
La mer a grondé une nuit crachant sa solitude
La mer a pleuré sur le Mont chenoua
L'oubli de ceux qui ne sont pas revenus.
S'abreuver de ses coquilles et de son eau salée...
A l'occasion de la saison culturelle "Djazaïr, une Année de l'Algérie en France", Olivier BARROT présente le livre de l'écrivain et romancière algérienne Assia DJEBAR "La Femme sans sépulture". Ce roman est un hommage à Zoulikha, une héroïne de la guerre d'Algérie. Couverture du livre "La femme sans sépulture" avec photo couleur d'un tableau non identifiée.
Récit HISTOIRES D’EXILS. Mai 1944. Sous le prétexte d’une collaboration d’une partie des Tatars de Crimée avec les nazis pendant l’occupation allemande de la Crimée, Joseph Staline décide de déporter la totalité de la population. Les Tatars appellent cette période : « Sürgünlik », l’exil. Parmi eux, Halide, 6 ans. Soixante plus tard, Vladimir Poutine annexe la Crimée, et c’est au tour de sa petite-fille Elnara de partir.
Par Marie Vaton
Publié le
Trois petites filles tatares, dans les années 1910. Au milieu, Menli Adjer Gazi, l’une des grand-tantes du côté paternel de Lia Gazi.
Le 8 février dernier, Elnara Gazi, 45 ans, et sa fille Lia, 22 ans, allument leur télévision pour regarder sur la chaîne du Kremlin l’interview de Vladimir Poutine par le journaliste américain Tucker Carlson – un proche de Donald Trump. Médusées, elles entendent le président russe dérouler son exposé du grand roman historique de la nation, des invasions de Gengis Khan aux conquêtes de Catherine la Grande, sa vision de l’Ukraine comme Etat artificiel et de la Crimée comme terre historique russe. Pas un mot pour son peuple, les Tatars de Crimée, déportés par Staline une première fois, envahis par Poutine soixante plus tard.Un bis repetita qui n’a pas ému grand monde, hormis les concernés.« Notre existence, nos souffrances sont à nouveau niées, comme si nous n’avions jamais existé », dit Lia, 22 ans, étudiante en histoire et qui milite pour la reconnaissance des droits des Tatars criméens.
Quelles traces les guerres laissent-elles ? Quels sillons creusent-elles, pour toujours, dans les mémoires ? Que reste-t-il aujourd’hui de la culture tatare dans la Crimée annexée par Poutine en 2014 ? Des espoirs avortés et du cœur brisé d’Halide, la grand-mère d’Elnara, déportée avec toute sa famille en 1944 alors qu’elle n’avait que 6 ans.Celle qui avait réussi à retourner dans son pays natal, à 51 ans, n’a pas vécu l’angoisse de l’annexion de la Crimée en 2014. Elle est morte de maladie en 2007, à 71 ans, heureuse d’avoir autour d’elle ses enfants et petits-enfants. C’est à eux qu’elle a confié tous ses souvenirs. Peu de dates, mais des images, du bruit, des sensations qu’elle avait enfoui dans son corps de petite fille de 6 ans.
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La peur, d’abord, lorsque de grands coups sont frappés à la porte de sa maison, ce matin du 18 mai 1944. Les vêtements qu’on enfile à la hâte, la sidération dans les yeux de ses parents, le départ dans la précipitation. Puis le « voyage de la mort » dans des wagons à bestiaux, sans rien à manger ni à boire. Un train aux fenêtres condamnées qui ne s’arrête jamais, sauf pour se débarrasser des cadavres en décomposition que des gardes laissent sur les voies. Les cris de sa mère, Zaide, qui accouche de jumeaux, dont un seul survivra. Et tout au bout, cette forêt immense, déserte, où le train finit par jeter ses passagers, après trois semaines d’enfer. Loin, très loin du port de Kertch sur la mer d’Azov où vivait la famille d’Halide. C’est là, dans la péninsule deCrimée reliée à l’Ukraine par une mince bande de terre, qu’étaient installés depuis le XVIIIe siècle les Tatars criméens, une minorité turcophone musulmane de confessionsunnite, avant d’en être bannis par ordre de Staline.
Le destin d’Halide épouse celui de leur exil forcé. Staline tente d’étendre son influence en Asie mineure, en Crimée, maisles prétentions nationalistes et territoriales des « comités musulmans », qui organisent la communauté tatare, l’inquiètent et lui font craindre un rattachement de la péninsule à la Turquie. Au mois d’avril 1944, lorsque l’Armée rouge reprend aux Allemands le territoire qu’ils ont occupé pendant trois ans, Staline donne l’ordre de « nettoyer » la région de tous ses éléments « hostiles » : espions, traîtres ou complotistes antisoviétiques. Les soldats tatars sont d’abord accusés de désertion. Puis de trahison. Bientôt, c’est toute la population tatare qui est visée. Le 11 mai, leur bannissement vers l’Asie centrale est ratifié par une ordonnance signée de la main de Staline, qui entérine les accusations de collaboration. Dans la nuit du 18 mai 1944, des milliers de soldats se déploient dans la presqu’île à la recherche des familles tatares qui, une fois regroupées, sont acheminées par camions dans les principales gares de Crimée. En trois jours à peine, 238 500 personnes sont déportées dans les kolkhozes du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan en Asie centrale. Mal préparée par l’administration russe, cette expulsion massive se solde par un lourd bilan : la moitié d’entre eux périssentde faim et de maladie.
Halide et sa famille survivent. Ils sont acheminés vers une région montagneuse de l’Oural et réquisitionnés pour travailler dans une usine de construction. Dans le camp de travail, qui dépend du Goulag, le père, Seifulla, débite du bois à la chaîne, comme les autres internés. La mère, Zaide, récupère les épluchures de pommes de terre dans la cantine et en fait de la soupe pour nourrir la famille. Halide est de corvée de linge, elle doit le laver dans la rivière, où elle a peur de se noyer. L’année suivante, la République socialiste soviétique autonome de Crimée fondée en 1921 est transformée en un simple oblast (unité administrative) de Crimée au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR). Les statues tatares sont déboulonnées, les mosquées détruites, le nom des rues et des localités « russifiés » : l’URSS veut imposer un nouveau narratif où leur statut de peuple indigène de la péninsule est remis en cause et son influence dans la région gommée ou marginalisée. Les propriétés des Tatars sont occupées par des colons slaves, que l’administration russe encourage à venir s’installer en masse.
Pour les déportés, il n’y a plus d’espoir de retour. La vie dans les « colonies de peuplement » s’organise, dans la faim et les épidémies. La moitié d’entre eux périssent dans les cinq premières années de leur exil forcé. En 1956, Halide a 18 ans et vit toujours dans le camp avec ses parents lorsque, après la publication du rapport secret de Nikita Khrouchtchev, dénonçant les crimes du stalinisme, un décret annule la restriction des droits liée au régime de « peuplement spécial » des minorités déportées. Les Tatars recouvrent leurs droits individuels, mais leur statut de victime n’est pas reconnu et leur retour en Crimée est toujours prohibé. Les parents d’Halide décident alors de quitter le camp et de rejoindre Samarcande, en Ouzbékistan, où leurs frères et sœurs ont été déportés.
Une nouvelle vie commence, un peu plus légère. Halide se marie avec Seidinan, un Tatar déporté comme elle. Elle devient couturière, puis coiffeuse. Son fils Rustem (pour des raisons de sécurité liées à la situation en Crimée, les prénoms ont été changés) naît en Ouzbékistan et fréquente l’école russe. Mais le soir, on ne parle que le tatar à la maison. La langue, le chant, les vêtements sont de maigres remparts contre l’entreprise de russification que Staline a imposée à toutes les minorités de l’Union soviétique. Quand Rustem grandit, sa mère Halide lui répète : « Il faut que tu te maries dans notre communauté. » Sans quoi, il ne restera plus rien de la culture tatare et «Staline aura gagné ».
Alors Rustemobéit. Et transmet à son tour à sa fille Elnara la mémoire tatare, les persécutions de Staline, et l’ordre revendiqué par ce dernier d’une « Crimée sans Tatars ». Elnara a une dizaine d’années lorsque Mikhaïl Gorbatchev, en pleine « perestroïka » (période de réformes économiques et sociales à la fin des années 1980)reconnaît « les actions criminelles du régime stalinien » et autorise enfin les Tatars de Crimée à rentrer chez eux. Pour tous, l’espoir de retour se concrétise enfin. En 1989, Halide décide de rentrer, seule, dans sa région natale. Comme elle, environ 200 000 Tatars exilés prennent la route du retour.
La maison de famille est toujours là, mais elle a été transformée par le régime soviétique en « kommounalka » (appartement communautaire) que se partagent quatre familles soviétiques. Halide part s’installer à Krasnoperekopsk (Yani Qapi, en tatar) sur les bords du lac Stare, où les tensions avec les russophones opposés au retour des Tatars sont moins vives. Avec ses économies, elle achète une maison et un petit terrain où son fils Rustem, qui l’a rejointe, cultive des roses qu’il vend sur les marchés.
Elnara a 13 ans quand elle quitte l’Ouzbékistan avec sa mère, pour rejoindre son père en Crimée. Vingt quand elle tombe amoureuse d’Eduard, un Ukrainien avec qui elle aura deux enfants. Sa fille Lia apprend à parler le tatar à l’école. Pas longtemps. En 2014, la révolution de Maïdan sonne le glas de l’autonomie de la Crimée. Les jours suivant la fuite du président ukrainien prorusse Viktor Ianoukovytch, des véhicules blindés russes sont déployésprès des frontières ukrainiennes. Le 26 février, à Simferopol, capitale de la Crimée, une manifestation de soutien à l’Ukraine sur la place centrale est attaquée par des centaines d’activistes prorusses. Bilan : un mort et des dizaines de blessés. Le lendemain, le siège du Parlement est pris d’assaut, le drapeau russe hissé et un nouveau premier ministre prorusse élu, contre l’avis de la majorité des députés.
« J’ai compris qu’il n’y avait plus d’issue et qu’il fallait trouver un moyen pour fuir vers l’Ukraine », raconte Elnara. En quelques jours, tous les ponts et les accès à la frontière ukrainienne sont bloqués par des blocs de béton et des soldats russes. Les protestations, pourtant, continuent de plus belle : « Pendant trois mois, les Tatars de Crimée ont manifesté contre le référendum, avec de grands drapeaux ukrainiens, devant toutes les administrations russes », se souvient Elnara. Mais la répression est féroce. « Certains des activistes anti-russes les plus virulents ont été arrêtés ou enlevés. On retrouvait leur cadavre dans les champs, avec des traces de torture », poursuit Elnara. Et puis, les tanks russes sont arrivés dans leur petite ville. « Les Russes ont installé leur administration dans le centre agricole et, en quelques jours, tous les drapeaux ukrainiens ont été remplacés par des drapeaux russes. »
Elnara et son mari refusent de prendre la nationalité russe et s’enfuient à Kherson, en Ukraine, comme environ 50 000 Tatars, selon certaines estimations. Les parents d’Elnara restent, et sont forcés de prendre la nationalité russe, comme tous les Tatars de Crimée.A la rentrée 2014, Lia est entrée au collège en Ukraine. Eduard a retrouvé du travail comme exploitant agricole. Une paix, relative, s’est installée. Avant que le bruit des tanks ne se rapproche à nouveau dans le Donbass. « En 2018, on a compris que Poutine ne se contenterait pas de la Crimée et du Donbass. Qu’il irait plus loin et viserait cette fois Kherson, ou même Kyiv. »
« Histoires d’exil »
Avec cette série, nous avons donné la parole à ceux qui ont hérité, parfois malgré eux, de l’identité d’exilé. Ils nous racontent la petite histoire dans la grande. Les ombres de leur mémoire, leur géographie ordinaire, leur langue :
Eduard et Elnara rêvaient d’un endroit ensoleillé, au bord de la mer, qui ressemblerait au paradis perdu de la Crimée. C’est en Espagne qu’ils ont obtenuen 2021 un statut de réfugiés avec une protection internationale, en tant que Tatars de Crimée. Une identité sur papier, mais une identité retrouvée, enfin.
La prestigieuse université new-yorkaise est l’épicentre des crispations agitant les campus américains dans le sillage de la guerre à Gaza. Des arrestations ont déclenché des mouvements de solidarité dans tout le pays, où les tiraillements sont vifs entre les manifestants propalestiniens et leurs adversaires, qui pointent des dérives antisémites.
Quelques mois après l’apparition des premières tensions sur les campus dans le sillage de la guerre à Gaza, les universités sont à nouveau gagnées par des crispations aux États-Unis. L’épicentre des divisions se trouve ces jours-ci à New York, sur le campus de Columbia, théâtre de manifestations propalestiniennes quotidiennes. À tel point que la direction a annoncé lundi 22 avril que les cours se feraient à distance, le temps que le calme revienne.
Crispations à Columbia, et effet tache d’huile
L’arrestation, jeudi, de plus d’une centaine de manifestants protestant contre la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza n’a pas contribué à apaiser les esprits. Pour les uns, ces arrestations constituent une atteinte à la liberté d’expression, bienvenue sur les campus ; pour les autres, il s’agit de lutter contre l’essor de l’antisémitisme, des étudiants juifs dénonçant des actes d’intimidation. La mobilisation n’a toutefois pas faibli, des manifestants installant des dizaines de tentes sur l’esplanade centrale de Columbia. Parmi leurs revendications figure le boycott de toute activité de l’université en lien avec Israël, à commencer par un programme d’échanges avec Tel-Aviv.
Ces arrestations ont par ailleurs déclenché des mouvements de solidarité dans le pays. Lundi, plus de 130 personnes ont été interpellées à l’université Yale, au nord de New York, et à la New York University, à Manhattan. Le parc du campus de Harvard, dans les environs de Boston, est fermé au public toute la semaine. Un groupe propalestinien a annoncé sa suspension par l’université.
Des auditions au Congrès sur l’antisémitisme sur les campus
Depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas, les universités américaines sont le théâtre de tensions et des voix s’élèvent pour dénoncer une montée de l’antisémitisme. Les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, se sont emparés du sujet, sous la houlette de l’élue trumpiste de l’État de New York, Elise Stefanik. Après une audition houleuse, la présidente de l’université de Pennsylvanie Elizabeth Magill, puis son homologue de Harvard Claudine Gay avaient fini par démissionner, en décembre et en janvier.
Auditionnée à son tour par le Congrès le 17 avril, la présidente de Columbia a été plus ferme que ces dernières. Nemat Shafik a assuré que l’« antisémitisme (n’avait) rien à faire sur notre campus». Ce qui n’a pas empêché les appels à sa démission d’élus républicains, qui dénoncent l’« anarchie » sur le campus new-yorkais.
La controverse est telle que, lundi, le locataire de la Maison-Blanche est intervenu dans le débat. Joe Biden a condamné les « manifestations antisémites » tout en dénonçant « ceux qui ne comprennent pas ce que vivent les Palestiniens ». Pour le président américain, la tâche est délicate : il s’agit d’être ferme contre toute flambée d’intolérance, sans écarter les militants propalestiniens, qui gagnent du terrain au sein de la gauche américaine et de la jeunesse.
Les événements publics de Joe Biden, en campagne pour sa réélection, sont régulièrement perturbés par des militants opposés au soutien américain à Israël. Et les médias évoquent déjà le spectre de l’élection présidentielle de 1968, perturbée, notamment lors de la convention démocrate de Chicago, par les militants opposés à la guerre au Vietnam
Je m’en vais changer de pays A la recherche de lumière Je m’en vais fuir la mort En quête de temps nouveaux J’irai plus loin que les nues Où les femmes ont droit de rire
Je m’en vais vous laisser mon pays Où désormais aimer est péché Je m’en vais laisser le printemps Où les fleurs sont atrophiées Je m’en vais laisser le coutelas Qui dans l’obscurité nous égorge
Je m’en vais vous laisser le pays Qu’agite un vent de folie Je m’en vais vous laisser l’oubli Qui assoupit l’opinion Je m’en vais laisser le domino Le domino que dissimule le joueur
Je m’en vais vous laisser le pays Qui exile ses propres enfants Je m’en vais vous laisser la plaine Qui dans mon coeur attise le feu Je m’en vais vous laisser l’outre Qui en nous amplifie les bruits
Je m’en vais vous laisser le pays Qui écarte les savants Je m’en vais vous laisser «Tipaza» Voici que lui poussent des cornes Je m’en vais laisser la porte Qui se claque au nez des gens
Je m’en vais vous laisser le pays Qui ne moissonne ni ne trie le grain Je m’en vais vous laisser le plat Qui ne trouve pas de farine dans sa jarre Je m’en vais vous laisser le vieux burnous Sur l’épaule du pauvre hère
Je m’en vais vous laisser le pays Le pays qui élève des crabes Je m’en vais vous laisser le tourbillon Qui rassemble les rancuniers Je m’en vais vous laisser cette boule Coincée derrière les gencives
Je m’en vais vous laisser le pays Hanté par les moribonds Je m’en vais vous laisser la galette Dont ils se disputent l’héritage Je m’en vais vous laisser la cruche Qui lave les matières des panses
Je m’en vais vous laisser le pays Qui du plat a fait une côte raide Je m’en vais vous laisser le pays Où les bouches sont décousues Je vous ai laissé le pays Où les frères sont des ennemis
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Tolérance Amar Azzouz - 1934
Toi mon frère toi ma soeur Ne condamnez pas facilement Celui qui porte le malheur Pour lui soyez cléments Nul ne connaît vraiment De son péché les raisons
Ne condamnez pas pour rien Vous qui n’avez point connu L’affreuse douleur de la faim La pureté terrifiée fuit Mais l’horreur la poursuit La souille pour un morceau de pain
Ne condamnez pas facilement vous qui n’avez point senti Le glaive sur votre gorge nue Consciemment ou peut-être non Il s’acharne mû par Satan Sur l’Ange fait de vertu
Ne condamnez pas facilement Vous qui n’êtes pas conscient De ce que l’on peut faire par ignorance Faible face aux tentations On entre dans les desseins de Satan Sans se soucier des conséquences
Ne condamnez pas facilement Nous sommes cause solidaire du mal Car l’homme naît naturellement bon La violence l’ignorance la faim L’oppression en général Dans ce monde mettons-y fin
. Rêves de ma jeunesse Abou el kacem Chebbi
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N’ont-ils pas, de naissance, Une santé chétive et faible Les rêves des jeunes hommes Brisés comme des branches Par les malheurs incessants Qui tombent ainsi que la grêle ? J’ai demandé aux ténèbres Où avaient disparu Les rêves de ma jeunesse Elles m’ont répondu : Les vents obliques les ont chassés Les dispersant en tous sens. Et lorsque j’ai demandé aux vents où donc ils les Avaient emportés, ils répliquèrent : Le torrent du destin les ont engloutis A tout jamais Dans les flots noirs du malheur. Ils sont devenus poussière, fumée, néant Tel le grain broyé dessous la meule, Envolés sur le srivages de fièvre, Proie des flots noirs Où la vague affreuse, crie.
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L'Homme du Mont Chenoua
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Il semblait géant pour moi, cet inconnu coiffé d'un large chapeau de paille vêtu d'une longue blanche djellaba à rayures bleus de ciel ses longs blonds cheveux couvrant ses épaules sa soyeuse barbe l'enveloppant comme une écharpe
Il marchait seul, en sandales, de ville en ville de bourgs en quartiers, sans ambage ni bagage moi, enfant de sept ans, ne voyant son visage qu'une fois par année parfois, à Tipaza
Ma mère disait qu'il ne savait qu'un dialecte berbère des monts du Chenoua en Algérie et peu d'ici à Alger ne le comprenait Visages s'oublient parfois, mais pas ce regard gris-bleu-vert d'où émanait tant de bonté et d'amour
Lui, posant sa paume sur mes cheveux un instant me parlait pour me donner courage d'une langue morte qui ressuscitait mon âme et la faisait bondir au firmament des cieux
Au revoir Moussa, dis-je, il me sourit et partit Au-delà de la longue avenue,des Musulmans s'approchèrent de lui avec respect, s'agenouillèrent, baisant sa main le suivèrent, le protégeant des soldats.
"Tes papiers, étranger !" Entendis-je au soudain, au loin des mots se mêlèrent tout haut, des disputes tirs de mitraillettes, les deux hommes qui
protégeaient Moussa, soudain s'affalèrent sans vie
Le président turc Recep Tayyip Erdoğan l’a reconnu : les élections municipales du 31 mars marquent un sérieux revers pour sa formation politique, le Parti de la justice et du développement (AKP). Devenu à la faveur de ce scrutin le premier parti du pays, son rival kémaliste, le Parti républicain du peuple (CHP), savoure une victoire historique. Quant au mouvement kurde, conforté de résultats probants, il entame un bras de fer décisif afin de conserver ses acquis.
Ce dimanche, à 16 heures, le chanteur Enrico Macias assurera un concert salle Ravel au Touquet. L’inusable artiste de 85 ans devrait chanter ses plus grands tubes. Rencontre avec celui qui aime les gens du Nord.
Enrico Macias sera en concert au Touquet ce dimanche. Photo repro «La Voix».
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Temps de lecture:3 minPartage :
Enrico Macias, depuis 60 ans vous accompagnez nos vies avec vos chansons. Après tant de voyages, tant de succès, que reste-t-il du petit Gaston que vous étiez en Algérie ?
« Je suis toujours le petit garçon de Constantine. J’ai eu une enfance extraordinaire, avec beaucoup de rires et de joie. Ma jeunesse a été beaucoup plus difficile et nous avons subi de plein fouet la violence de la guerre d’Algérie. J’ai vécu l’histoire de ce moment douloureux, ma vie comme beaucoup a connu des joies et de grandes peines. »
Deux ou trois dates de votre vie, celles dont vous voudriez qu’on se souvienne ?
« La première, 1961. C’est la date où j’ai quitté mon pays. C’était une tragédie, un moment de tristesse extrême. C’est le propos de mon premier succès : “J’ai quitté mon pays, j’ai quitté ma maison, ma vie, ma triste vie se traîne sans raison.” La seconde 1964. J’ai fait la première partie des compagnons de la chanson à l’Olympia. C’est le début d’une carrière qui ne s’est jamais interrompue depuis. La dernière, 1979. J’ai rencontré Anouar el Sadate après les accords israélo-égyptiens, la victoire de la paix sur la guerre. En octobre 1981, la violence a repris le pouvoir en assassinant ce berger de la paix. »
Une chanson dont vous êtes fier au vu de son message ?
« J’ai redécouvert un titre écrit en 1977, «La Folle espérance». C’est vraiment un titre prémonitoire : “ C’est la folle espérance, il faut faire tout ce que l’on peut, un jour dans ce désert, nous pourrons être heureux, chaque main tendue est un pas de plus vers tout ce que l’on croyait perdu. ” La musique est pour moi un autre langage. Elle est indispensable à ma vie depuis mes débuts sur scène, à 15 ans, avec mon futur beau-père. »
La scène reste-t-elle toujours importante pour vous ?
« Quand je suis sur scène, je ne suis plus fatigué. C’est mon oxygène, ma raison de vivre. Je donne beaucoup mais je reçois tellement en retour. »
Pensez-vous toujours que les gens du nord ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors ?
« Bien sûr ! Tout ce que j’ai chanté dans cette chanson reste véridique. Je m’y sens chez moi. J’y ai toujours un accueil extraordinaire. J’y suis en confiance, en totale sécurité. Je sens l’amour des gens. Je me fais un plaisir de venir au Touquet, à la rencontre d’un public que je sais fidèle. »
Quelle trace voudriez-vous laisser ?
« Avec de petites choses, on peut faire des choses extraordinaires. Je suis un ami du public, un ami de la famille. Je continue pour ceux qui s
"Le Jeu de la reine", "Marin des montagnes" et maintenant "Motel Destino", en lice pour la Palme d'or de la 77e édition du Festival de Cannes : Karim Aïnouz est incontournable sur les écrans français ces dernières semaines. Entretien.
Le réalisateur brésilien Karim Aïnouz, à Paris, le 17 avril 2024. (FG/FRANCEINFO)
Marin des montagnes, en salle depuis le 17 avril, lettre à sa mère disparue, est un documentaire sur son autre pays, l'Algérie, découverte pour la première fois en 2019. Le film est en salles et sa dernière fiction, Motel Destino, sera en compétition au prochain festival de Cannes. Franceinfo Culture a rencontré le cinéaste brésilien Karim Aïnouz, entre deux projections du Marin des montages.
Franceinfo Culture : Si votre mère n'était pas partie, auriez-vous fait ce voyage en Algérie, le pays natal de votre père ? Karim Aïnouz : Non, pour plusieurs raisons. D'abord, c'est un voyage qu'elle a toujours rêvé de faire et mon père ne l'a jamais invitée. C'était cher au départ et après, il y avait le visa, des considérations politiques… La chronologie a été la suivante : décennie de la guerre civile en Algérie, impossible d'y aller jusqu'en 2005. Par la suite, ce n'était pas simple pour elle de voyager : elle avait pris de l'âge et elle s'occupait de sa mère.
Dans tous les cas, c'est un voyage qu'elle voulait faire avec moi. Si je l'avais fait tout seul, cela aurait été une trahison et elle ne me l'aurait jamais pardonné parce que la séparation d'avec mon père a été vraiment traumatique. Surtout pour une femme seule, vivant à Fortaleza dans les années 1960, l'un des espaces le plus conservateurs du Brésil. Par contre, si je m'étais rendu en Algérie avec elle avant, je n'aurai pas réalisé ce film. Cela aurait été un voyage, tout simplement. Mais là, c'était une espèce de réparation. C'est pour cela qu'il y avait de la matière pour que cela devienne un film.
Votre documentaire est en fait une lettre à Iracema, votre mère. Ce style épistolaire fait penser à "La Vie invisible d'Eurídice Gusmão" (prix Un Certain Regard en 2019). Comment expliquez-vous ce choix formel ?
L'absence de mon père est contenue dans les lettres envoyées à ma mère que je n'ai d'ailleurs jamais lues. Il y a également toutes celles écrites par ma mère à la sienne, des États-Unis [où elle se rend pour poursuivre ses études au début des années 1960]. Le cinéma est pour moi une espèce de journal intime, avec des images. Au début, c'était plutôt la photo. Comme le cinéma, c'est une façon d'écrire avec une caméra. Les lettres viennent aussi de News From Home (1977) de Chantal Akerman, que j'ai vu. Il est extraordinaire. La réalisatrice belge séjourne à New York, elle filme la ville et elle lit des lettres envoyées par sa mère.
Beaucoup de teintes, notamment le rouge, envahissent l'écran dans Marin des montagnes. Une couleur que l'on retrouve un peu dans"La Vie invisible d'Eurídice Gusmão". Le rouge vous obsède-t-il ?
J'adore les couleurs. C'est comme du sang pour moi : la couleur traduit une pulsation de vie. En outre, j'ai un problème de cornée, qui est héréditaire. Aujourd'hui, il est réglé mais, à 22 ans, quand j'ai été diagnostiqué et que j'ai commencé à perdre la vue, photographier et filmer, c'était une façon de garder des archives, de graver littéralement la mémoire sur le celluloïd [matière qui servait à fabriquer les pellicules]. À l'époque, j'utilisais le Kodachrome (photo) et le Super 8 (cinéma). Leurs rouges sont très forts. Cette obsession pour la couleur remonte également, et c'est très clair dans Marin des montagnes, aux diapos que j'ai de mes parents. Les seules photos d'eux, ensemble, datent d'avant ma naissance et ce sont ces diapos. Comme vous l'avez vu dans le film, elles ont des couleurs vives.
Le métissage est en moi, dans le film et dans sa forme. C'est un documentaire que j'ai fait à 54 ans. J'avais fait beaucoup de choses avant et je voulais m'amuser. J'étais très libre. J'étais également libéré de la narration. Il y a une cohérence dans la narration qui m'angoisse parfois et me rend absolument fou. C'est pour cela que j'ai fait un documentaire, plutôt un essai pour moi... À part la lettre, qui est une espèce de fil rouge narratif, tout est libre.
Ce que j'ai appris en tant que cinéaste, metteur en scène avec ce film, c'est la façon d'amener l'inconscient. Je n'avais jamais réalisé de scène de rêve, de fantaisie comme je le fais dans Marin des montagnes.
Ce film m'a libéré à plusieurs niveaux. Quand vous verrez "Motel Destino", qui va être projeté à Cannes, vous constaterez qu'il y a beaucoup de choses qui viennent, formellement, de "Marin des montagnes".
Karim Aïnouz
Franceinfo Culture
Paradoxalement, ce retour aux sources est une découverte de l'Algérie, qui vous a donné envie de fuir. Pourquoi ?
C'est un film où j'essaie d'apprendre l'Algérie, la révolution. Je fais un détour pour répondre à votre question. Ce documentaire a été tourné en 2019 et, en 2018, un monstre [Jaïr Bolsonaro], un fasciste a été élu président du Brésil. C'est vrai que le départ de ma mère m'a libéré pour faire Marin des montagnes, mais l'année où je suis allée en Algérie, il y a eu le Hirak [mouvement historique de protestation]. La grande raison d'être de film était d'en apprendre plus sur la révolution, ce mouvement d'indépendance algérien. J'avais soif d'en savoir davantage sur la grande histoire et il fallait pour cela que je rentre dans ma propre histoire, celle de l'implication de ma famille dans cette révolution. Je suis un fils de la révolution d'une certaine façon. En allant dans le village de mon père, Tagmut Azuz, je suis allée à la source de cette "histoire". J'y ai retrouvé quelque chose de très familier, de très fort sur le plan physique. Pas au niveau psychologique parce que ce village m'est plus étranger que la France par exemple. Je me suis alors dit qu'il ne fallait pas que j'insiste pour que cet endroit devienne ma matrie parce que c'est comme si j'insistais pour que mon père devienne mon père. Mon père n'est pas mon père dans le sens où je n'ai pas partagé mon enfance avec lui. C'est la même chose avec l'Algérie. Il y avait quelque chose de très fort mais j'estimais que c'était hypocrite de dire que je m'y suis sentie comme à la maison. C'est une sensation troublante, dynamique, complexe et contradictoire, et je réponds à la question comme cela. J'ai tout simplement appris avec ce film que je peux être aussi Algérien.
"Marin des montagnes" me permet désormais de parler de l'Algérie. Je peux parler de mes racines, de la famille de mon père et de l'histoire de la révolution algérienne. J'ai une image en face de moi. Avant je n'avais rien.
Karim Aïnouz
Franceinfo Culture
Le film vous a-t-il aussi donné envie de travailler en Algérie ?
Beaucoup. En Algérie et en Afrique, un continent qui est toujours poussé dans l'invisibilité. Nous vivons une guerre dont l'une des raisons est le fait que nous n'avons pas d'images historiques, une espèce d'absence de ce qu'était la Palestine. C'est comme si elle n'existait pas, un point aveugle. L'une de mes missions dans la vie maintenant est de rendre visible certaines histoires. Cela a vraiment commencé avec Madame Satã [son premier film présenté à Cannes]. L'invisibilité [de ce transformiste] qui était un géant, m'avait déjà interpellé. Faire du cinéma, c'est la possibilité d'une réparation historique, la fin de l'invisibilisation.
Pour en revenir à l'Algérie, je suis en train de développer un projet de science-fiction sur les essais nucléaires français dans ce pays. C'est incroyable et on n'en parle pas. J'aimerais également faire une fiction sur le festival panafricain en 1969. Mai 68, c'était bien mais ce festival...C'était la joie, la solidarité, l'avenir... Je pense également à des sujets, qui sont déjà dans Marin des montagnes, autour de la mythologie kabyle.
On l'a encore vu dans Le Jeu de la reine, qui est sorti en mars et dont l'héroïne Catherine Parr est malmenée par son époux Henri VIII. Vous revenez toujours aux femmes, à leur place dans la société. Pourquoi ?
J'ai beaucoup plus d'intimité avec les personnages féminins parce que j'ai grandi avec des femmes. Ce ne sont évidemment pas des anges, mais il y avait une espèce d'horizontalité, de solidarité à la maison.
Avec Le Jeu de la reine, le film que vous allez voir et le prochain que je vais réaliser cette année, cela m'intéresse de faire une espèced'anatomie des hommes parce que, pour bien comprendre les personnages féminins, il est important de mieux appréhender leurs alter ego masculins. Le Jeu de la reine m'a réveillé avec ce personnage d'Henri VIII. Cela m'interpelle parce qu'on souffre beaucoup, maintenant, à cause de ce type de personnages très toxiques, nucléaires même. Cela m'intéresse de comprendre qui sont ces gens : Trump, Poutine... En tant qu'artiste et cinéaste, j'aimerais beaucoup me plonger dans ces personnages masculins.
Vous serez de nouveau en compétition à Cannes en mai avec "Motel Destino". Nous savons déjà par Thierry Frémaux, le délégué général du festival, qu'il y sera question de sexe. Mais encore...
Beaucoup (rires). Le sexe, c'est la vie. Motel Destino est très sensuel et très sexuel, un film très vital donc. Je vais répondre à votre question en commençant par le début. J'ai monté une école de scénario chez moi à Fortaleza, il y a 12 ans, avec l'aide du gouvernement local et deux autres cinéastes. Je sentais que le cinéma brésilien manquait de formation sur la narration. Il n'y avait pas d'école de scénario. Avec des étudiants, grâce à l'aide d'un fonds de soutien, nous avons développé cinq longs-métrages sur la thématique du crime, dont Motel Destino.
Ce film est une histoire d'amour entre un homme afro-indien et une femme un peu plus âgée : il a 22 ans et elle, la trentaine. Le personnage masculin a un frère et ils vont faire quelque chose de pas très bien. Le premier va alors prendre la fuite et se cacher dans un motel. Au Brésil, c'est un endroit où l'on vient pour avoir des rapports sexuels. Et là, il tombe amoureux de la femme du propriétaire du motel, qui a une relation très toxique avec les hommes. La rencontre entre les deux personnages est d'abord physique mais elle va évoluer vers une relation de solidarité – ils vont se sauver – et d'amour. Le scénario de Motel Destino a été écrit par l'un de mes élèves. Ce film est une production dans laquelle beaucoup d'étudiants de l'école ont travaillé. C'est très bien de leur apprendre à écrire mais c'est tout aussi important de leur donner une expérience concrète. J'ai atteint un âge où il faut partager.
Motel Destino est à la fois une sorte de cousin du cinéma noir américain, qui s'inspire beaucoup d'une tradition du cinéma brésilien restée cachée, la comédie pornographique. Ce genre, très populaire dans les années 1970, était réalisé par les grands cinéastes brésiliens, à l'époque des militaires, parce qu'on ne pouvait pas parler politique. On y retrouvait donc plein de métaphores. En somme, Motel Destino m'a offert la possibilité de travailler avec une nouvelle génération tout en conversant avec une tradition du cinéma brésilien, encore une fois rendue invisible parce que les gens ont honte de ces comédies pornographiques que je trouve sublimes. Ils ont d'ailleurs fait un remake d'Emmanuelle, avec deux filles, l'une est marxiste, l'autre capitaliste... C'est juste génial.
Vous êtes en compétition deux années de suite au Festival de Cannes, un rendez-vous qui s'est avéré toujours marquant. Qu'est-ce que le festival représente pour vous ?
La chaîne de production du cinéma commence avec un scénario et finit avec une sortie. La presse est très importante. Pour les films qui ne sont pas américains, qui n'ont donc pas de gros budgets de promotion, les festivals sont un espace stratégique. En ce qui me concerne, Cannes est un festival qui me suit depuis mon premier film [Madame Sãta]. Tous mes films ne sont pas passés à Cannes mais il y a une sorte de suivi. C'est essentiel parce que c'est très rare de trouver un endroit où l'on continue à parler, à travailler dans un contexte mondial. Un festival où l'on présente un film brésilien avec des comédiens que personne ne connaît aux côtés d'œuvres de Cronenberg ou de Coppola, c'est très rare. Le Festival de Cannes nous donne ainsi de l'espoir dans une industrie qui est vraiment "anglo-franco-européenne".
Il y a une célébration du cinéma, une solennité, qui est très importante. La magie que le festival apporte au cinéma l'est tout autant.
Karim Aïnouz
Franceinfo Culture
À Cannes, le monde prend de mes nouvelles. Mais le plus important, ce sont les rencontres. Je me souviens que c'est là, même quand je n'avais pas de film, que j'ai croisé toute une génération de réalisateurs d'Amérique latine. C'est moins cher de se retrouver au Festival de Cannes que de se rendre dans différents pays sud-américains pour se rencontrer. C'est un festival où l'on peut vraiment partager des expériences, celles que l'on a en commun avec des Latino-américains, mais aussi des cinéastes originaires de Chine, de Taïwan ou encore du Japon. Cannes est éminemment un lieu d'échanges.
Comment se portent le cinéma brésilien et celui d'Amérique latine ?
Instable, à l'image de l'instabilité politique qui règne sur le continent. Au Brésil, Motel Destino a été financé avant l'arrivée au pouvoir du monstre [l'ancien président Jaïr Bolsonaro]. Mais il n'a honoré aucun contrat. Nous avons reçu le financement, obtenu du fonds national pour la production, après son départ. Pendant quatre ans, nous n'avons fait que du "servicing" pour les plateformes. La diversité du cinéma brésilien a été réduite au silence. Aujourd'hui, nous assistons à un renouveau comme le montrent d'ailleurs les films présents sur la Croisette [Motel Destino, A queda do céu (La Chute du ciel) de Eryk Rocha et Gabriela Carneiro da Cunha ainsi que Baby de Marcelo Caetano à la Semaine de la critique)]. C'est rare que l'on ait un film dans toutes les sections. Après le coup d'arrêt que nous avons connu, il y aura une espèce d'explosion du cinéma brésilien, à l'instar de celle d'un pays qui a vécu ce que nous avons vécu pendant quatre ans.
Le chef du renseignement militaire israélien, Aharon Haliva, a annoncé lundi 22 avril qu’il quittait ses fonctions, en reconnaissant son incapacité à prévenir et empêcher l’incursion sanglante du Hamas du 7 octobre 2023. Une démission qui accentue la pression sur d’autres responsables militaires et politiques, à commencer par Benyamin Netanyahou.
Est-ce le premier d’une longue série de dominos à tomber ? Beaucoup en Israël l’espèrent ardemment, deux cents jours après les attaques meurtrières perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023. Le directeur du renseignement militaire (Aman), le général Aharon Haliva, a annoncé lundi 22 avril qu’il quittait son poste, après trente-huit années de service dans l’armée, en reconnaissant sa « responsabilité » dans l’assaut sanglant. Il était devenu le visage d’un establishment sécuritaire incapable d’anticiper la menace du mouvement armé palestinien et de prévenir le carnage.
Dans une lettre adressée au général Herzi Halevi, chef d’état-major de l’armée, Aharon Haliva assume ses défaillances dans ce qui est devenu la journée la plus meurtrière de l’histoire d’Israël. « Le 7 octobre 2023, (…) le service du renseignement placé sous mon commandement n’a pas rempli la mission qui lui avait été confiée », écrit le responsable, qui était en vacances à Eilat le jour de l’assaut survenu en pleine fête de Sim’hat Torah. « Je porte avec moi ce jour noir depuis. Jour après jour, nuit après nuit. Je porterai pour toujours cette terrible douleur », ajoute-t-il, dans ce texte publié au premier jour de Pessah, la Pâque juive assombrie par l’absence des otages retenus à Gaza depuis plus de six mois (lire les repères en bas de l’article).
L’appel à une commission d’enquête
Le général de 56 ans, qui quittera l’armée une fois son successeur nommé, avait laissé entendre au lendemain des attaques qu’il prendrait ses responsabilités à l’issue de la guerre. « Son annonce, six mois plus tard, s’explique par le fait que la phase intensive, sous la forme de grandes manœuvres interarmées, est quasi terminée », note David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à la Fondation Jean-Jaurès. « Et le fait qu’elle soit acceptée par le chef d’état-major en pleine guerre montre que l’armée estime qu’il est temps de revenir en arrière et de faire un examen de conscience. »
Aharon Haliva, qui devient ainsi le premier membre de l’establishment sécuritaire à endosser la responsabilité de cette débâcle, réclame également la création d’un comité d’enquête étatique. Un appel qui fait écho à la commission Agranat sur les défaillances de l’armée sur la guerre du Kippour en 1973, ou plus récemment à celle de Winograd en 2006 après le conflit avec le Liban.
« Le fait qu’un des personnages les plus respectés du pays réclame une enquête n’est pas anodin. Sa déclaration donne le coup d’envoi d’une grande autocritique collective qui va se mettre en place pour examiner la responsabilité du personnel militaire et politique dans les prochains mois », ajoute le spécialiste du Proche-Orient. Une demande à laquelle les familles des otages et les manifestants anti-Benyamin Netanyahou devraient rapidement s’associer.
Un nouveau souffle pour les manifestations anti-Netanyahou
Cette annonce accentue de facto la pression sur d’autres hauts responsables et sur le premier ministre qui, contrairement à Herzi Halevi et à Ronen Bar, le chef du renseignement intérieur Shin Bet, n’a jamais reconnu son rôle dans l’échec du 7 octobre. Le chef de l’opposition, Yaïr Lapid, l’a d’ailleurs aussitôt exhorté à emboîter le pas de Aharon Haliva. « L’autorité s’accompagne de lourdes responsabilités », a-t-il écrit sur le réseau social X.
« Cette démission est le geste inaugural d’une nouvelle crise qui sera longue. Elle va enclencher un processus en interne qui aboutira tôt ou tard à la démission du général HerziHalevi, de responsables du commandement sud, de brigadiers… Mais la pression va s’accroître sur le personnel politique et donner un nouveau souffle aux manifestations anti-Netanyahou, ajoute David Khalfa. La droite pro-Netanyahou fera tout pour échapper à une enquête, en diabolisant l’état-major pour s’exonérer. Mais le soutien de la population à l’armée reste très important, contrairement à celui pour le premier ministre. Je ne vois pas comment il pourra tenir sur le long cours. »
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1 170 morts et encore 129 otages dans la bande de Gaza
Le 7 octobre 2023, l’incursion sanglante du Hamas a causé la mort de 1 170 personnes, essentiellement des civils, d’après un décompte de l’Agence France-Presse fondé sur des chiffres officiels israéliens.
Les commandos du mouvement islamiste palestinien ont aussi enlevé 250 personnes, dont une centaine ont été libérées au cours de la trêve de la fin novembre.
Parmi les otages toujours captifs, 34 seraient morts, selon Israël.
Lundi 22 avril, premier jour de Pessah, les juifs israéliens ont laissé une chaise vide lors de leur repas de fête, symbole de l’espoir de voir revenir les 129 otages toujours détenus dans l’enclave palestinienne.
Sur les plages de Tel-Aviv, en ce radieux samedi de mars, tribus urbaines et familles profitent du soleil. Pique-niques, musiques et bières. Gaza est à 70 kilomètres. Les armes de réservistes visibles à droite et à gauche en témoignent. Un peu à l’écart, en équilibre sur une digue de pierres, un homme buriné fume une cigarette. Moki vient de Leningrad, a émigré en Israël en 1997 et fait la guerre au Liban en 2006. À 54 ans, il travaille dans un pressing. L’interrogeant sur la situation en Israël, il me jauge et répond : « Pays de merde ». La veille, dans un restaurant branché de Tel-Aviv, je croise Hanna, 27 ans. Cette jeune russe est née à Saint-Pétersbourg et plus Leningrad, affaire de génération. Elle est arrivée il y deux ans pour fuir la Russie de Poutine et son infecte guerre en Ukraine. L’ironie tragique de son parcours fait sourire. Hanna dit la même chose que Moki, elle compte reprendre sa route.
Elle ne sera pas la seule : un diplomate européen de haut rang explique en off que les demandes de passeports sont en forte hausse dans les consulats occidentaux, cinq fois plus que l’année dernière à la même époque. Cinq millions d’Israéliens auraient déjà un second passeport, soit la moitié de la population.
« Pays de merde », dit aussi Gabriella, croisée dans le village de tentes de Jérusalem le 1er avril, installé sur un boulevard entre la Knesset, le Parlement et la Cour suprême. Les bénévoles distribuent matelas de camping et oreillers pour rendre moins rude le séjour militant à même le bitume. Gabriella a manifesté une partie de l’année 2023 pour défendre cette fichue Cour suprême, vigie myope d’une démocratie s’accommodant de nombreuses discriminations contre les Palestiniens. Sa colère est grande contre ce « gouvernement de losers », incapable de libérer les otages et de gagner « cette horrible guerre » qu’il a déclenché. « Qu’ils foutent le camp », hurle Mariana. « Ce sont des minables ! Cette guerre ne nous mène nulle part. Ce sont des planqués », soupire un autre manifestant près de la Knesset le 4 avril, alors que le général Yaïr Golan achève son discours enflammé. « Gouvernement de merde, ce sont des incapables enfermés dans leur messianisme », ajoute Nitzan Horowitz, ancien dirigeant du Meretz, le parti de la gauche sioniste pour l’heure en perdition, et ex-ministre de la santé. « Le gouvernement a tellement failli qu’il ne peut s’en sortir qu’en surjouant sa propre rage », constate un diplomate européen, qui déplore les « terribles erreurs de méthode » de Benyamin Nétanyahou et de son cabinet.
« QU’IL PARTE ! QU’ILS PARTENT TOUS ! »
Après plus de six mois de guerre, le niveau de haine à l’égard de Nétanyahou atteint un niveau jamais vu en Israël. Les Israéliens s’indignent d’apprendre que son fils Yaïr s’est mis à l’abri à Miami, protégé par deux hommes du Mossad, tandis que Sara, la femme du premier ministre, a fait installer un salon de coiffure à la résidence officielle pour ne plus avoir à affronter la foule en rogne autour de son adresse favorite de Tel-Aviv. « Nétanyahou n’a plus d’autres idées que de sauver sa femme, son fils et ses proches, déplore Nitzan Horowitz. Les gens disent “allez on oublie les poursuites, mais qu’il parte, qu’ils partent tous !” ».
« Pays de merde », dit encore un habitant palestinien de Haïfa, qui craint comme bien d’autres de manifester sa solidarité avec les gens de Gaza de peur de voir sa vie brisée par la répression. Les Israéliens peuvent manifester leur rage, cependant les Palestiniens citoyens d’Israël sont assignés au silence. Un boulevard pour les uns, des matraques pour les autres.
« Pays de merde », la trivialité de l’expression amuse Ruchama Marton mais ne la surprend pas. À 86 ans, cette figure de la gauche israélienne, haute comme trois pommes et regard malicieux, a été la fondatrice de Physicians for Human Rights, qui a publié début avril en Une du Haaretz la liste des 470 professionnels de santé tués à Gaza depuis le début de l’offensive israélienne. Elle a compris la nature d’Israël dès 1956. À 20 ans, Ruchama Marton servait dans le Sinaï. Elle a vu les soldats de la brigade Givati abattre d’une balle dans la tête et sans sommations des prisonniers égyptiens.
Tout cela vient de loin.
Samson, le héros national religieux, raconte Yoav Rinon, professeur à l’université hébraïque de Jérusalem, était un « égoïste forcené » qui avait « besoin d’humilier ». La figure emblématique des messianistes qui co-gouvernent Israël croyait que sa force le rendrait invincible. Ce mythe rabâché pour manuels scolaires propagandistes est en train de prendre fin. Sage érudit, Yoav Rinon pense qu’il est temps de
passer d’une idée fondée sur le meurtre et le suicide à une pulsion de vie. L’idée de partage doit se fonder sur un renoncement au droit exclusif sur cette terre. Il faut en faire un espace de vie et non un espace de mort judéo-palestinien1.
Beau vœu pieux car pour l’instant, « les Israéliens ont anéanti Gaza par rage et non par nécessité », résume un diplomate et « tout encore peut arriver ».« Nétanyahou continue de promettre aux Israéliens une "victoire totale", mais la vérité est que nous sommes à deux pas d’une défaite totale », observe ainsi l’historien libéral Yuval Noal Harari2. Pour lui, le premier ministre a fait preuve « d’orgueil, d’aveuglement, de vengeance » tout comme Samson.
Pourtant, l’évocation de « ce héros vaniteux » selon Harari illustre une évidence : le modèle actuel du pays, basé sur la violence et la domination a vécu. La défaite menace l’avenir d’Israël. Tout le monde en parle, en privé, en famille, avec l’ami de passage. La gauche israélienne fracturée par la question coloniale, et cela bien avant le 7 octobre, doit aussi se réinventer, alors que le gouvernement mène une guerre totale contre les Palestiniens à Gaza, les harcèlent dans les territoires, et menacent leurs libertés – et par rebond celle de tous les citoyens — dans les frontières d’Israël de 1948.
Dans un surprenant effet miroir, « tu crois que c’est la fin d’Israël ? » est la question que pose à haute voix la plupart des Israéliennes et Israéliens, juifs, chrétiens ou musulmans, croyants ou non, autant pour eux que pour le journaliste de passage. Autant de personnes qui ont voulu la paix, imaginé un avenir commun. « On a déjà connu des jours sombres, des attentats, des périodes où on se retrouvait à 50 pour des manifestations. Mais là... c’est très difficile de parler », dit un architecte de Tel-Aviv. « Tout le monde va mal, tout le monde se porte mal, même les gens qui prétendent aller bien », confirme une amie de Jérusalem. Beaucoup ont peur aussi, ce qui jette un voile gris sur le pays. On parle peu de cette peur, certains disent même avoir « retrouvé la fierté d’être Israéliens », cependant ils partagent cette angoisse du clap de fin.
Sortir de l’impasse mortifère est au cœur de l’action d’Orly Noy. Née en Iran, journaliste, traductrice, elle vient à 54 ans de prendre la présidence de B’Tselem, la plus puissante des ONG sur les droits humains en Israël, qui a profondément évolué depuis dix ans sur la caractérisation de l’apartheid israélien. Le regard affûté de cette militante de longue date a contribué au succès du magazine en ligne +972, à l’origine de révélations terrifiantes sur l’utilisation par l’armée israélienne à Gauche.
ceux se disant de gauche nombreux à soutenir la guerre. Comme ces chanteurs et ces comédiens qui ont multiplié les messages énamourés aux soldats et les tournées sur le front. Orly Noy ironise sur « leurs égarements gauchistes » passés, tandis que d’autres dénonçaient sa complaisance supposée à l’égard du Hamas4.
« LES GÉNÉRAUX C’EST LA PLAIE D’ISRAËL »
De son côté, le général Yaïr Golan vise la relance d’une gauche plus classique puisqu’il ambitionne de prendre la tête du parti travailliste Haavoda pour l’heure exsangue avec seulement quatre députés. Cet ancien vice chef d’état-major « est comme tous les généraux. Quand ils arrêtent le service ils se mettent à parler de la paix, car ils savent qu’il est impossible de gagner la guerre », résume une intellectuelle. Député et ministre du Meretz entre 2020 et 2022, il a été un héros national le 7 octobre en se rendant seul, à trois reprises, sur le lieu de la rave pour sauver des participants menacés. Pour le général, « nous devons changer de direction de façon radicale, car il est impossible de détruire le Hamas. Israël n’a pas de vision sur la façon de continuer cette guerre tout en avançant politiquement : c’est une honte ».
La candidature du général Golan à la tête d’une future coalition de gauche, si elle séduit les militants des manifestations de Tel-Aviv et Jérusalem, rencontre beaucoup de résistances. « Les généraux, c’est la plaie d’Israël », dit une ex-militante du Meretz. De plus, « la gauche sioniste n’aime peut-être pas Nétanyahou, cependant elle apprécie sa politique. Elle a soutenu la Nakba en 1948, puis l’apartheid de fait, la colonisation et maintenant le génocide », ajoute Jamal Zahalka, un ancien député de Balad5, qui connait bien cette « gauche-là » pour l’avoir longtemps côtoyée à la Knesset.
Yael Berda n’entend pas ménager la chèvre et le chou comme la gauche sioniste. Cette anthropologue et universitaire est bien ancrée dans ses convictions, fait rare à Tel-Aviv. « Je suis une pro-palestinienne de gauche, je suis contre l’occupation et l’État colonial. Mais je ne peux pas comprendre ceux qui n’arrivent pas à dire que le 7 octobre est une horreur. Je ne peux pas l’accepter. » Pour Yael Berda, la guerre est aujourd’hui la pire des solutions : « Il faut se donner le temps de parler, alors que l’on passe notre temps à demander aux Palestiniens de se justifier puis de se défendre. » L’universitaire pense que l’arbitraire qui domine depuis trop longtemps doit stopper et qu’un nouveau modèle de pays est à inventer. « Il ne peut y avoir de pays avec des millions de gens sans droits. Il faut donc donner des droits aux Palestiniens ».
Remettre la Palestine au centre du jeu est pour Berda un enjeu central de la gauche israélienne, même si rien ne laisse penser que le pays change de cap dans les prochains mois. Malgré des manifestations qui ont retrouvé de la vigueur depuis mi-mars, la gauche israélienne n’a pas de programme clair, notamment sur la paix, la grande oubliée du moment dans un pays tout entier dans la guerre. Le premier ministre est solidement installé avec une majorité de 64 sièges. En dépit de tiraillements avec l’extrême droite sur la portée de l’offensive à Gaza et avec les partis religieux sur l’extension du service militaire aux ultra-orthodoxes, Nétanyahou tient sa majorité. Certes, début avril, avant l’offensive aérienne iranienne, sa popularité était tombée à 30 %. Cela dit, avec l’opposition officielle d’un Benny Gantz participant au cabinet de guerre et d’un Yaïr Lapid soutenant la guerre, Nétanyahou n’a pas de souci à se faire. « Gantz et Nétanyahou, franchement, c’est du pareil au même », note un diplomate.
La gauche a aussi délaissé un autre front, plus insidieux encore, ouvert par le gouvernement : les atteintes aux libertés, notamment pour les Palestiniens de l’intérieur. « La mauvaise herbe », disent-ils, est souvent traitée comme une cinquième colonne. Arrestations préventives, mises en cause publiques, inculpations injustifiées... Tout un arsenal liberticide s’est mis en place.
Il y a d’abord les médias. « La presse israélienne est comme un orchestre où les musiciens joueraient tous le même instrument, explique Ari Remez, responsable de communication de l’ONG de défense des droits des Palestiniens Adalah. Il n’y a jamais ou presque de Palestiniens sur les télés. Les médias mainstream et même libéraux soutiennent la guerre et les crimes du gouvernement ». Chez beaucoup de gens, Palestiniens comme Israéliens, l’écoute d’Al-Jazira est indispensable pour une information diversifiée. Cependant, le gouvernement a voté une loi visant à interdire de diffusion la chaîne qatarie. « La brutalité est choquante, mais ce qui est encore plus choquant c’est la manière dont les médias israéliens soutiennent cette brutalité et nous vendent des héros israéliens, poursuit Jamal Zahalka. La plupart des gens ne savent pas ce qu’il se passe pour la liberté d’expression, ou ils s’en fichent ».
Les médias ont par exemple participé à la mise en cause publique de gens innocents, comme si cela contribuait à défendre un Israël humilié depuis le 7 octobre. Haro sur la liberté d’expression des Palestiniens et de leurs rares soutiens, c’est pour le régime et les médias aux ordres une sorte de revanche. « Comme s’il s’agissait d’abord de punir les Palestiniens parce qu’ils sont Palestiniens », commente un avocat.
Punir et humilier sont les bases de la « déshumanisation » des Palestiniens. Comme si, au-delà du macabre bilan des victimes de Gaza, que beaucoup de Palestiniens d’Israël pleurent en raison de liens de parenté maintenus malgré l’exil et la colonisation, des millions de personnes n’avaient plus de pensées autonomes, de droit d’être autre chose qu’une menace. Ni protestations contre l’offensive israélienne, ni larmes pour les morts de Gaza. Le ministre de la défense Yoav Gallant, a parlé « d’animaux » à leur propos. Pour empêcher toutes protestations, la répression s’est brutalement abattue sur les universités et les collèges. Adi Mansour, conseiller juridique de l’ONG Adalah basé à Haïfa s’en inquiète.
Les libertés des Palestiniens d’Israël sont menacées, toute critique est perçue comme une démonstration de traitrise et la criminalisation des médias sociaux et des expressions publiques est en marche. C’est sans précédent cette criminalisation des paroles libres.
Il suffit d’exprimer de la sympathie envers les Gazaouis pour que cela devienne de la sympathie à l’égard du terrorisme. « Plus de 95 étudiants de 25 collèges et universités ont été inculpés, près de la moitié ont été relaxés, mais ce n’est pas pour autant un succès pour nous », poursuit Adi. Selon lui, les procédures criminelles sont utilisées pour punir des délits d’opinion supposés dans le cadre de la guerre. Des personnes sont sanctionnées en raison de ce qu’elles pensent. Certaines mises en cause tiennent de la farce. Une étudiante qui avait posté, quelques jours après le 7 octobre, une image de champagne et de ballons pour un événement personnel a été accusée de soutenir le Hamas et le terrorisme.
Le harcèlement des étudiants Palestiniens en Israël
Depuis le début de la guerre, 124 étudiants de 36 universités et collèges israéliens ont contacté Adalah pour obtenir une aide juridique concernant les plaintes déposées contre eux pour leur activité sur les réseaux sociaux. 95 d’entre eux ont effectivement été assisté par l’ONG, qui a fourni ces données actualisées au 12 avril 2024 en exclusivité pour Orient XXI. Trois observations : ce sont majoritairement des étudiantes qui sont mises en cause, les suspensions sont très nombreuses et pénalisent gravement la poursuite des études pour ces personnes.
L’avocat ajoute que « ce qui est en jeu, c’est la mise en cause des libertés académiques et du droit des étudiants. Qui peut décider ce que l’on a le droit de dire dans le champ académique ? ». Le gouvernement met la pression sur les professeurs d’universités et de collèges pour s’assurer de la « loyauté » des étudiants. Le ministre de l’intérieur est à la manœuvre pour imposer des normes sur les réseaux sociaux. Les procédures judiciaires sont au service de la propagande politique. Ce professeur israélien à l’université Ben-Gourion du Néguev fait part de « ses inquiétudes pour les libertés publiques et académiques, car le climat général n’est pas à la discussion ». Il juge prudent de demander à ses étudiants de se taire, au moins sur les réseaux sociaux, même si leurs opinions sur la situation à Gaza n’ont rien à voir avec leur cursus universitaire. Une de ses collègues de l’université hébraïque de Jérusalem, Nadera Chalhoub-Kevorkian, vient d’ailleurs d’être placée en garde à vue 24h après avoir été renvoyée de l’université, en raison de ses critiques sur la guerre à Gaza.
Censure, arrestations, menaces, « les autorités deviennent dingues à propos de la solidarité avec Gaza. On ne fait que des petites manifestations, car les gens ont peur de se faire tirer dessus », témoigne Majd Kayyal, un écrivain de Haïfa qui anime le site Gaza Passages dédié à des textes d’autrices et d’auteurs de Gaza et publié dans une douzaine de langues.
« LE PROBLÈME, C’EST NOTRE PAYS »
Pour Adi Mansour, il s’agit d’abord d’empêcher les gens de verbaliser ce qu’ils sont, c’est-à-dire Palestiniens : « Tout cela sert d’abord à museler la société palestinienne. Chaque arabe devrait se sentir libre et en sécurité en Israël ». C’est de moins en moins le cas, et c’est un autre défi pour la gauche israélienne de ne pas laisser les libertés filer.
Face au bilan monstrueux d’une guerre dont nul ne voit l’issue, plus de 35 000 morts, au moins 50 milliards de dollars de destructions à Gaza, face à la poursuite d’une offensive génocidaire, l’horizon paraît sombre. Pour une militante de Tel-Aviv,
ce que nous avons connu, ce que nous avons accepté depuis tant d’années, même si nous n’étions pas d’accord, a finalement infusé dans la population. Le racisme, l’idée générale de “faire partir les Arabes” nous entraine vers une possible disparition.
« On peut se demander si la fin d’Israël est une question de temps ou une question de soutien », s’interroge un intellectuel de Naplouse. La fin d’Israël ? « C’est la fin d’un modèle, sans aucun doute, mais pas la fin d’un pays », tempère un diplomate.
« Que va-t-il se passer le jour d’après ? », s’interrogeaient début avril les manifestants de Tel-Aviv et de Jérusalem. « Le problème, ce n’est pas la gauche ni la droite, c’est notre pays », me disait Gabriella à Jérusalem, en réclamant une force internationale à Gaza et la fin de l’occupation en Cisjordanie. « Cela ne peut plus durer ! Qu’on leur donne un pays ! », ajoutait-elle. « Il va nous falloir du courage et de la lucidité », soupire le général Golan, ajoutant que le gouvernement ne possède ni l’un ni l’autre.
1er avril 2024. Au village des tentes à Jérusalem, où les manifestants israéliens organisent un sit-in de quatre jours près du Parlement appelant à la dissolution du gouvernement et au retour des Israéliens retenus en otages à Gaza depuis le 7 octobre.
En attendant, pour un intellectuel palestinien de Haïfa,
tout semble parfois normal à deux heures de Gaza. C’est dingue pour moi qu’Israël ait réussi à créer des réalités différentes ici, à Gaza, à Jérusalem et dans les territoires. Je suis tout près de Gaza, j’y pense tout le temps, et cela me rend fou, ce génocide en cours contre lequel personne ne fait rien.
Ultime soirée sur une terrasse semi déserte de Dizengoff, au centre de Tel-Aviv. Sept gaillards picolent et braillent. Au moins deux sont armés, revolver niché entre la ceinture et le bas de leur dos. Une douce odeur de jasmin monte des jardins, c’est le printemps au Proche-Orient. La ville est très calme. L’un des hommes attablés me demande, sur un ton légèrement agressif, d’où je viens. Et inévitablement ce que je pense de la guerre. Semblant lire dans mes pensées, sans me laisser le temps de répondre, il dit : « on doit nous faire confiance, sinon c’est la fin du pays ».
On le voit, le sujet est sur la table.
JAMAL ZAHALKA : « TOUS OU PRESQUE VONT DANS LE MÊME SENS. TUEZ-LES ! DÉTRUISEZ-LES ! »
Ancien dirigeant du Balad, ancien député de la Liste arabe unie, Jamal Zahalka est une figure centrale de la gauche arabe en Israël. À 69 ans, il livre quelques observations à Orient XXI.
Ici nous sommes directement confrontés aux civils israéliens, aux politiques israéliens, aux journalistes israéliens, aux intellectuels israéliens. Tous ou presque vont dans le même sens : « Tuez-les ! Détruisez-les ! » C’est la brutalité même du sionisme qui est en cause. Prenez un pilote israélien. Il va monter dans son avion de chasse, pousser sur un bouton, tuer 100 personnes et rentrer chez lui écouter une symphonie de Beethoven en lisant du Kafka. La distance entre la victime et le tireur rend à leurs yeux la guerre plus propre.
Les Palestiniens de l’intérieur ont du mal à parler d’abord parce qu’ils voient ce qu’il se passe à Gaza tous les jours. Mais leurs sentiments sont mitigés car Israël n’a pas obtenu une victoire à Gaza. Même si les Palestiniens ont eu le sentiment d’être abandonnés, les manifestions de solidarité un peu partout dans le monde leur ont fait chaud au cœur. Les gens comprennent que la discrimination, l’apartheid, la colonisation, c’est du même tonneau. Ils ont pour la plupart saisi ce qu’était la face sombre d’Israël.
Personne sur la scène politique israélienne n’est prêt à un compromis. Les Américains ne sont pas prêts à bouger, les Européens en sont incapables, les Russes et les Chinois sont en observation. La situation est très volatile. Le Hamas ne veut lâcher Gaza, et l’Autorité palestinienne ne peut travailler à Gaza sans l’accord du Hamas. Il faudrait un gouvernement de technocrates et discuter car la clé, c’est l’unité des Palestiniens. La véritable contre-attaque doit venir de l’unité des Palestiniens.
UNE ÉCONOMIE QUI TIENT LE COUP
Pour l’instant dans un contexte politique, militaire et moral chaotique, l’économie tient le coup. Un emprunt d’État de huit milliards de dollars a été souscrit 4 fois, toutefois la guerre pourrait coûter 14 points de PIB à Israël, ce qui est considérable. Le secteur du bâtiment est loin d’être au ralenti à Tel-Aviv comme dans les colonies. L’industrie de l’armement tourne à plein régime. Israël a également reçu des dizaines de milliards d’aides américaines, en munitions, en armes. Et en crédits, plus de 14 milliards de dollars tout récemment.
Freinée par l’importante mobilisation cet hiver, la high tech qui représente 10 % de l’activité mais 20 % des réservistes, est tellement connectée mondialement que les soubresauts d’Israël l’atteignent moins. Ce secteur très sensible est à la pointe de la contestation contre le régime. Plusieurs entreprises de high tech financent d’ailleurs le général Golan. Quant au tourisme, il est très menacé, notamment à cause d’un trafic aérien réduit au minimum. Ce secteur représentait environ trois milliards de recettes pour Israël en 2023. Nul ne sait encore, par exemple, si la Gay Pride aura lieu le 7 juin prochain à Tel-Aviv. Pour l’heure les rassemblements de plus de 1 000 personnes sont interdits en Israël.
Officier ! Quand on a quelque lien de parenté avec Crésus, on peut bénéficier de quelques milliards de plus. Le mauvais sang rend d’office les uns et les autres, complices. Complices des mêmes méfaits et des mêmes forfaits. Je ne vous apprends rien, le grand banditisme est un fait et non un conte de fées.13 milliards de dollars octroyés généreusement à l’armée Israélienne pour qu’elle parachève la raison Palestinienne.
En visite pendant deux jours à Mayotte, la cheffe de file du RN s’est surpassée sur ses thèmes de prédilection, l’immigration et l’insécurité, dans l’espoir de se démarquer du pouvoir macroniste, qui a récupéré une bonne partie de son programme dans ce département de l’océan Indien.
MamoudzouMamoudzou (Mayotte).– Samedi 20 avril, dans le quartier de Cavani, la rue du Stade est fidèle à ce qu’elle est depuis plusieurs semaines : des cabas sont accrochés aux grilles, le linge y sèche, des marmites et des matelas sont disposés contre les murs. Au sol, sur les trottoirs brûlants, les propriétaires de ces maigres biens, demandeurs d’asile ou réfugiés. Ils viennent majoritairement d’Afrique des Grands Lacs et de Somalie et vivent ici depuis que la préfecture, sur ordre du gouvernement, a vidé le stade attenant de ses occupants.
Les familles y avaient jusqu’ici trouvé refuge et installé des cabanes de bois et de bâches afin de se protéger des intempéries et des agressions régulières, suscitant l’ire d’une partie de la population locale. C’est de cette occupation et des rues de ce quartier qu’est né le mouvement des barrages qui a paralysé l’île pendant un mois et demi en début d’année.
« C’est encore pire maintenant », indique à Marine Le Pen l’ancien président du conseil départemental, Daniel Zaïdani, qui vient d’être jugé pour détournement de fonds publics. La cheffe de file du Rassemblement national (RN) a débarqué un peu plus tôt dans un 4x4 flanqué de drapeaux tricolores. Elle a été accueillie par les chants des collectifs anti-immigration, les bises et les selfies, sous les regards médusés ou inquiets des familles de migrants. Tous observent en silence la caravane se diriger vers un terrain multisport qui accueillera le meeting du jour et d’où résonneront dans tout le quartier des mots qui se veulent des cris de détresse, mais transpirent la haine.
Une sono à plein régime relaie ainsi le plaidoyer d’une membre du collectif local. « Nous sommes asphyxiés, la population ne vit plus », dit-elle, fustigeant « des migrants qui ont aujourd’hui pris d’assaut les rues du quartier », avant de les imaginer propagateurs du choléra puis de « refuser d’être exposée à une immigration violente dans tous les sens du terme ». Marine Le Pen, bardée de colliers de fleurs de jasmin, est aussi conquise que le terrain l’est à sa cause. « Ces migrants font caca dehors, devant nos enfants », hurle une autre femme qui dénonce la « complicité de certaines associations pseudo humanistes ».
L’ancienne candidate à la présidentielle ne se saisira pas du thème associatif : elle a été condamnée pour diffamation après avoir accusé La Cimade de se rendre complice des passeurs lors de son dernier déplacement à Mayotte en décembre 2021. Elle avait alors rejoint les collectifs qui faisaient le siège devant les locaux de l’association à Mamoudzou. Mais la voilà rassurée quand la militante dénonce « les effets d’annonce du gouvernement » au micro.
Duel en terre mahoraise
Car depuis sa dernière visite, le gouvernement, et plus spécifiquement Gérald Darmanin, a fait sien les discours de la députée d’extrême droite concernant Mayotte, en mêlant toujours davantage immigration et insécurité. Le ministre de l’intérieur a su compter sur le fervent soutien des collectifs à l’heure de l’opération Wuambushu, dont « l’échec » ne lui est d’ailleurs pas imputé.
Pour faire lever les barrages, Gérald Darmanin a même coupé l’herbe sous le pied des collectifs, qui n’en demandaient pas tant, en proposant l’abrogation du droit du sol à Mayotte. Surtout, il a permis à ces collectifs de s’institutionnaliser en les assurant notamment de leur participation à l’élaboration de la future loi Mayotte.
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